ARRÊT No 88
R. G. : 05 / 02741
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
19 mai 2005
X...
C /
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRÉNÉES
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2008
APPELANTE :
Madame Chantal X...
née le 19 Juin 1947 à VAUVERT (30600)
...
...
30240 LE GRAU DU ROI
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP DELMAS-RIGAUD-LEVY-BALZARINI, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRÉNÉES
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social situé :
26 bis avenue des Lilas
64022 PAU CEDEX 09
n'ayant pas constitué avoué,
assignée à personne habilitée,
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
10 boulevard Alexandre Oyon
72000 LE MANS
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP MONCEAUX FAVRE de THIERRENS BARNOUIN THEVENOT VRIGNAUD, avocats au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Novembre 2007, révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties, et à nouveau clôturée au jour de l'audience avant les débats.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président,
Mme Christiane BEROUJON, Conseillère,
Mme Isabelle THERY, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 11 Décembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Février 2008.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 05 Février 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
****
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 24 juin 2005, à l'encontre du jugement prononcé le 19 mai 2005 par le tribunal de grande instance de Nîmes.
Vu la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée, à la demande de tous les avoués de la cause, par mention au dossier à la date de l'audience du 11 décembre 2007 pour le motif grave pris de la nécessité de veiller au respect du principe du contradictoire, afin de permettre de recevoir les dernières écritures déposées par les mutuelles du Mans assurances IARD, ainsi que la nouvelle clôture prononcée par mention au dossier avant l'ouverture des débats.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 16 novembre 2007 par Madame Chantal X..., appelante, et le 19 novembre 2007 par les mutuelles du Mans assurances IARD, intimée,
auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
* * *
* *
Le 19 août 1995, le véhicule conduit par Madame Chantal X... a été violemment percuté par un autre véhicule circulant en sens inverse dont le conducteur, assuré auprès de la compagnie les Mutuelles du Mans est décédé des suites de ses blessures.
Par actes d'huissier des 11 et 15 avril 1996, Madame Chantal X... a saisi d'une part, le juge des référés qui a désigné le professeur Y... pour réaliser une expertise médicale et lui a alloué une provision de 100. 000 F en complément de celles de 20. 000 F déjà reçus, et d'autre part le tribunal de grande instance de Nîmes au fond afin de voir indemniser son préjudice corporel.
Par ordonnance du 27 juin 1997, le juge de la mise en état a alloué à Madame Chantal X... une nouvelle indemnité provisionnelle de 40. 000 F.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 17 août 1998.
Par jugement du 2 septembre 1999, le tribunal de grande instance de Nîmes a déclaré la compagnie d'assurances les mutuelles du Mans tenue d'indemniser intégralement Madame Chantal X... des conséquences dommageables de l'accident du 19 août 1995, l'a condamnée à verser une indemnité provisionnelle complémentaire de 150. 000 F, a sursis à statuer sur la liquidation du préjudice corporel et a ordonné un complément d'expertise confié au professeur Y... afin que celui-ci se prononce sur une éventuelle amélioration au niveau de l'épaule gauche après une intervention d'arthroplastie mais aussi de vérifier un état d'aggravation au niveau du genou et l'existence d'un préjudice sexuel.
Il a été également enjoint à Madame X... de produire le décompte des prestations versées par les organismes sociaux.
L'expert a déposé un rapport provisoire le 6 décembre 1999 puis un rapport définitif complété de l'avis du docteur Z..., sapiteur psychiatre, le 3 mai 2004.
Par jugement du 19 mai 2005, le tribunal de grande instance de Nîmes a :
fixé à 198. 848,34 € le préjudice corporel soumis à recours
(soit : – 87. 095,33 € au titre des prestations servies par l'organisme social,
– 1. 194,64 € au titre des frais restés à charge,
– 804,73 € au titre des frais divers,
– 24. 753,64 € au titre de l'incapacité temporaire totale du 19 août 1995 au 6 juillet 1998 et du 19 juillet 1999 au 8 mars 2000,
– 85. 000,00 € au titre de l'IPP (35 %),
fixé à 50. 067,35 € le préjudice corporel à caractère personnel,
(soit : – 26. 867,35 € au titre des souffrances endurées,
– 7. 200,00 € au titre du préjudice esthétique,
– 16. 000,00 € au titre du préjudice d'agrément),
condamné la compagnie d'assurances les mutuelles du Mans à payer à Madame X... la somme de 114. 561,16 € en réparation de son préjudice corporel après déduction de la créance de l'organisme social et de la provision allouée ainsi que la somme de 2. 200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le tribunal a par ailleurs déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule, ordonné l'exécution provisoire et dit que les intérêts au taux légal sur les sommes allouées seront dus à compter du jugement.
* * *
* *
Madame X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à titre principal une mesure d'expertise confiée à deux experts, neuropsychiatre et orthopédiste et la condamnation de la compagnie d'assurances à lui verser une nouvelle provision de 30. 000 €.
À titre subsidiaire, elle demande à la cour d'évaluer aux sommes suivantes :
son préjudice ayant fait l'objet d'une consolidation au 6 juillet 1998 :
– 21. 000 € au titre de la perte des satisfactions ordinaires de l'existence pendant 35 mois,
– 35. 000 € au titre de la perte de revenus pendant 35 mois,
– 52. 500 € au titre de la perte de 1. 500 € par mois,
– 110. 000 € au titre de l'IPP,
– 296. 400 € au titre du préjudice professionnel,
– 45. 000 € au titre du préjudice esthétique,
– 49. 000 € au titre du préjudice lié à la douleur,
– 30. 000 € au titre du préjudice d'agrément
son préjudice résultant de l'aggravation de son état :
– 30. 000 € au titre du préjudice sexuel,
– 30. 000 € au titre du préjudice lié à la douleur,
– 5. 000 € au titre du préjudice esthétique,
– 4. 200 € au titre du préjudice lié à la perte des satisfactions ordinaires de l'existence pendant l'ITT,
– 31. 500 € au titre de la perte de revenus pendant l'ITT,
– 30. 000 € au titre de l'IPP.
Outre l'application de la sanction du doublement des intérêts à compter du 25 février 2001 par application de l'article L. 211 – 9 du code des assurances avec le bénéfice de la capitalisation.
Elle réclame en toute hypothèse la somme de 8. 200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
* * *
* *
Les mutuelles du Mans assurances IARD concluent à l'irrecevabilité des demandes nouvelles concernant l'expertise, la perte des satisfactions ordinaires de l'existence pendant la période d'incapacité temporaire totale, le préjudice professionnel et le doublement du taux des intérêts et à titre subsidiaire, au rejet de ces demandes.
Elles forment un appel incident et demandent qu'il leur soit donné acte :
de ce qu'elles offrent :
– 21. 000 € au titre de l'ITT,
– 52. 500 € au titre de IPP,
– 3. 800 € au titre du préjudice lié à la douleur,
– 6. 000 € au titre du préjudice esthétique 3,5 / 7,
– 1. 000 € au titre du préjudice esthétique 1 / 7,
de ce qu'elles ne s'opposent pas à l'octroi des sommes sollicitées par Madame X... :
– au titre du préjudice lié à la douleur 6 / 7 : 22. 867,35 €
– au titre du préjudice d'agrément : 7. 623 €
Elles concluent au débouté des autres demandes et sollicitent la somme de 2. 000 € pour leur frais irrépétibles.
* * *
* *
La caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué. Elle a cependant communiqué par courrier du 14 février 2007 à l'appelante le relevé détaillé définitif de sa créance soit 90. 920,97 €, sous réserve de nouvelle aggravation, correspondant à des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais futurs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'expertise
Il est vainement soulevé au visa de l'article 564 du nouveau code de procédure civile l'irrecevabilité de cette demande puisqu'elle tend à voir constater l'aggravation du préjudice évoqué en première instance sur la base de pièces nouvelles et ne constitue pas dès lors une nouvelle prétention.
Madame X..., à l'appui de sa demande d'expertise, se fonde notamment sur les certificats postérieurs aux expertises du professeur Y..., du professeur A... (concernant la non prise en compte de séquelles et l'aggravation), du docteur B... (qui fait état d'une péri arthrite de hanche évolutive), des docteurs J...et K...(scanner du 9 août 2005 montrant des phénomènes dégénératifs marginaux antérieurs rachis lombaire et cervical), du professeur C... (Hypoacousie gauche), du docteur D... et du professeur E... (psychiatres) ainsi que des examens médicaux.
La mesure d'expertise peut être ordonnée s'il est démontré un dommage nouveau constitutif d'une aggravation, imputable à l'accident initial.
Il convient, pour analyser ces nouvelles pièces, de rappeler que le certificat médical initial délivré le 11 septembre 1995 faisait état d'un traumatisme avec perte de connaissance initiale, d'une fracture de la clavicule gauche, d'une fracture céphalo-tubérositaire engrénée de l'humérus gauche, d'une plaie non articulaire du coude gauche, d'une fracture articulaire comminutive déplacée de l'extrémité inférieure du radius droit, d'une fracture des cinquième, sixième, septième et huitième côtes droites avec contusion bronchique, d'une fracture des branches ilio et ischio-pubiennes gauches, d'une fracture sus et inter condylienne comminutive des deux fémurs, d'une fracture comminutive du calcanéum droit avec une plaie sous malléolaires interne, d'une fracture de la tête du quatrième métatarse la gauche et une fracture de la première phalange des deuxième, troisième, quatrième et cinquième orteils gauches.
Dans le premier rapport d'expertise du professeur Y... (9 septembre 1996) il est noté en page 2 que « l'hospitalisation au CHU s'étend du 19 août au 30 août 1995 dans le service de réanimation puis du 30 août au 15 septembre 1995 dans le service d'orthopédie... Le traumatisme crânien fait l'objet d'une surveillance simple.... Le traumatisme thoracique fait l'objet d'une ventilation assistée avec intubation bronchique. Une affection pulmonaire intercurrente nécessite plusieurs nettoyages bronchiques et l'extubation est réalisée le 28 août 1996 »
Il n'est pas évoqué de coma, l'hospitalisation en réanimation ayant été manifestement rendue nécessaire par le traumatisme thoracique de sorte que les certificats, notamment le certificat du professeur C..., qui relatent les dires de la victime de nombreuses années après l'accident quant à la gravité du traumatisme crânien et ses conséquences ne permettent pas de les considérer comme des éléments nouveaux.
Il doit être encore rappelé que le professeur Y... a déposé quatre rapports suite à l'examen de Madame X... les 4 novembre 1996,17 août 1998,6 décembre 1999 et 13 mai 2002.
Dans son rapport du 17 août 1998, il conclut que :
« L'ITT s'étend du 19 août 1995 au 6 juillet 1998 avec consolidation fixée à ce jour. L'IPP, tenant compte des séquelles au niveau des membres inférieurs gênant la station debout, limitant la marche à un quart d'heure en terrain plat, limitant l'accès aux escaliers, de la limitation modérée de mobilité articulaire des genoux et de l'importante déformation du talon, tenant compte de la raideur douloureuse résiduelle de l'épaule gauche, de la discrète limitation de mobilité douloureuse résiduelle du poignet droit, doit être fixée, tous préjudices confondus et en rapport avec le barème indicatif en matière de droit commun à 35 %.
Le pretium doloris lié à l'importance du traumatisme, des soins prodigués, aux nombreuses interventions chirurgicales réalisées, à la décompensation anxio dépressive et aux manifestations neuro encéphaliques subjectives, doit être fixé à 6 / 7.
Le préjudice esthétique lié aux cicatrices résiduelles, à la boiterie des membres inférieurs à la marche, à l'aspect hypotonique général de la victime doit être fixé à 3,5 / 7.
Sur un plan professionnel Madame X... conserve, du fait des séquelles ci-dessus mentionnées, une impossibilité à occuper un emploi nécessitant une station debout longtemps maintenue, la marche en terrain accidenté, la marche prolongée et le port de charges lourdes. »
Dans son rapport daté du 13 mai 2002 (rédigé en réalité au mois de février 2004), le professeur Y... retient à la suite de l'intervention chirurgicale sur l'épaule gauche pratiquée le 20 juillet 1999 et de l'avis sapiteur du docteur Z... du 13 décembre 2003 :
« une ITT du 19 juillet 1999 au 8 mars 2000 avec consolidation au 25 septembre 2001, une IPP résiduelle nulle tenant compte de l'amélioration de l'état de l'épaule par rapport à la précédente consolidation, tenant compte de l'absence d'aggravation des autres préjudices, y compris les céphalées déjà indemnisées, un préjudice lié à la douleur de 3 / 7, un préjudice esthétique de 1 / 7. »
Concernant le préjudice sexuel l'expert rappelle qu'il n'existe pas d'éléments physiques pouvant faire obstacle à un acte sexuel chez la patiente et que le sapiteur neuropsychiatre ne l'a pas retenu.
Ce dernier décrit des céphalées entièrement imputables au traumatisme crânien et un syndrome anxio dépressif mineur en voie de guérison, présent tout au long des huit années précédentes, imputables à 50 % aux conséquences lourdes de l'accident. Le sapiteur explique qu'il existait un état antérieur représenté par une faiblesse de la personnalité de type anxieux dépressif aux difficultés existentielles. Il constate que ce tableau anxio dépressif en nette amélioration est de nature réactionnelle et non fixé, et ne l'a pas retenu en tant que séquelle de l'accident.
Madame X... invoque une erreur du sapiteur concernant l'existence d'un état antérieur alors que ce dernier ressort très clairement du certificat du docteur F... du 13 octobre 1995 puisqu'il est indiqué que : « Madame X... présente des troubles anxio dépressifs aigus se rattachant à une situation affective difficile (cohabitation houleuse avec un compagnon vraisemblablement psychotique, violent et psychorigide), qu'elle se révèle fragile au plan de la structuration de la personnalité avec immaturité et suggestibilité » et qu'elle a
consulté ce psychiatre aux mois de mai et juin 1995 c'est-à-dire avant l'accident ainsi qu'il est rappelé dans un courrier de ce dernier du 27 février 2003 adressé au docteur G... (pièce 141).
Le professeur A... dans son certificat du 28 septembre 2006 évoque un état d'aggravation se référant toutefois à une majoration d'un syndrome rotulien et d'une symptomatologie douloureuse lombaire qui sont la conséquence des séquelles retenues par l'expert judiciaire.
Ce dernier indique en effet dans son rapport du 17 août 1998 (page 13) : « l'évolution de ces fractures est à présent stabilisée laissant persister des douleurs notables lors de la mise en charge, une limitation relativement modérée de la mobilité en flexion des genoux, une laxité discrète du genou gauche, enfin des remodelés pré-arthrosique fémoro-tibiaux... L'évolution à long terme vers une arthrose est probable mais dans un délai non prévisible. »
Le professeur Y... retient ainsi au titre de l'incapacité partielle permanente résiduelle les séquelles au niveau des membres inférieurs et leurs conséquences.
Le professeur A... évoque encore la non prise en compte des céphalées et du syndrome anxio dépressif résultant de l'avis sapiteur neuro psychiatrique du Dr Z... du 13 décembre 2003.
Néanmoins, il est observé que l'IPP initialement fixée à 35 % tenait compte de la raideur douloureuse résiduelle de l'épaule gauche qui s'est améliorée grâce à l'arthroplastie, que ces manifestations ont par ailleurs été prises en compte dans le préjudice lié à la douleur.
Enfin, il est évoqué par ce médecin au titre du préjudice professionnel " une station assise trop prolongée déconseillée " ce qui ne nécessite pas des investigations expertales, cet état pouvant être discuté dans le cadre de l'évaluation du préjudice professionnel.
Le Dr B... dans son certificat du 28 novembre 2005 évoque une péri arthrite de hanche évolutive qui constitue également une manifestation des séquelles déjà prises en compte par l'expert judiciaire et rappelées ci-dessus.
Madame X... fait encore état d'une surdité révélée en 2004 qu'elle impute à l'accident. Néanmoins il est observé que les examens ont été réalisés neuf ans après l'accident, qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un élément traumatique et que le certificat délivré par le professeur C... se contente de reprendre les dires de la patiente. Ces pièces ne sont donc pas de nature à démontrer un lien de causalité entre l'accident et le dommage constaté.
Au vu de l'analyse des éléments médicaux et des expertises précitées, les certificats des différents psychiatres, neurologue ou neurochirurgien (Drs E..., L..., M...
N..., O... consultés antérieurement ou postérieurement aux opérations d'expertise sont inopérants pour caractériser des éléments nouveaux non pris en compte pour l'évaluation du préjudice de Madame X....
Les conséquences professionnelles doivent être appréciées en fonction des documents fournis à la cour quant à l'activité professionnelle de la victime avant l'accident et des pièces médicales produites aux débats et ne nécessitent pas d'investigations médicales complémentaires.
En l'état de ces éléments, la demande d'expertise n'est pas fondée et sera rejetée.
Sur l'évaluation du préjudice
Le préjudice de Madame X... doit être évalué poste par poste pour satisfaire aux prescriptions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 tel qu'il résulte de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006.
Il est soulevé l'irrecevabilité des demandes relatives à la perte des satisfactions ordinaires d'existence pendant la période d'incapacité temporaire totale et au préjudice professionnel.
Si la première demande n'a pas été explicitement formulée devant le tribunal de grande instance, elle doit être considérée comme un complément ou l'accessoire des sommes réclamées en première instance au titre de l'ITT et recevable à ce titre.
Dans la mesure où Madame X... a sollicité devant le premier juge une IPP avec incidence professionnelle, la demande au titre du préjudice professionnel, " autonome " en cause d'appel, est également recevable puisqu'elle tend aux mêmes fins que la demande originaire à savoir l'indemnisation des pertes de gains futures.
I – Evaluation des postes de préjudice
Le jugement déféré auquel la cour se réfère expressément a repris de façon détaillée les constatations et les conclusions des différents rapports du professeur Y....
Il sera seulement rappelé que Madame X... est née le 19 juin 1947, avait 48 ans à la date de l'accident et qu'elle était demandeur d'emploi.
Le préjudice de Madame X... résultant de l'accident et de l'opération réalisée le 20 juillet 1999 sera fixé comme suit sur la base des rapports du professeur Y..., du jugement dont la cour adopte les motifs et des pièces médicales produites par la victime à l'appui de ses demandes.
A / préjudices patrimoniaux
I / Dépenses de santé actuelles et futures :
Frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation
et frais futurs : 90. 920,97 €
(Selon décompte CPAM)
II / perte de gains professionnels avant consolidation
Ce poste de préjudice correspond à la perte de revenus que la victime aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l'absence de survenance du dommage.
Néanmoins, à l'époque de l'accident Madame X... était demandeur d'emploi de sorte que ce préjudice ne peut correspondre qu'à la perte de chance de retrouver un emploi pendant cette période.
Cette perte de chance doit être examinée au regard de la formation et du passé professionnel de la victime.
Au vu des pièces produites, il apparaît que Madame X..., qui ne justifie pas de l'obtention de diplômes mais de quelques formations anciennes non qualifiantes, a travaillé de 1967 à 1974 en qualité d'aide comptable, du 1er janvier 1977 au 30 mars 1985 en qualité de secrétaire dans la société gérée par son mari et du 1er septembre1991 au 30 septembre 1992 en qualité de collaboratrice d'un député avec un salaire de 6. 500 F brut puis 4. 500 F brut.
Elle était inscrite à l'ANPE jusqu'à la survenance de l'accident mais ne précise pas le montant des indemnités versées par l'Assedic.
Pour l'année 1994, Madame X... a déclaré en tant que revenus la somme de 17. 780 F, soit 1. 481 F par mois.
Elle allègue vainement à défaut de justificatif d'une proposition d'emploi par l'ANPE de secrétaire de direction pour un salaire de 1. 500 €.
La période d'ITT est de 42 mois. Elle a perçu pendant cette période le RMI.
En l'état de ces éléments, le préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 21. 000 €.
III / Perte de gains professionnels future
L'expert Y... a retenu l'impossibilité d'exercer un emploi nécessitant une station debout prolongée.
Le docteur B... déconseille une station assise trop prolongée.
Les séquelles ne permettent donc pas à la victime d'envisager l'exercice d'une quelconque activité professionnelle.
Ce préjudice est constitué par la perte de chance d'obtenir un emploi et corrélativement des points de retraite supplémentaires entre la date de consolidation (17 août 1998) et la date à laquelle Madame X... pouvait faire valoir ses droits à la retraite (2007).
Il doit être tenu compte pour son évaluation de la situation professionnelle antérieure de la victime ci-dessus décrite.
Il est versé aux débats les attestations de Messieurs H... et I... pour des propositions de postes en 1999 et 2000. Néanmoins, il s'agit de propositions d'emploi par nature hypothétique qui ne peuvent servir de référence pour évaluer la perte de chance.
Ce préjudice peut être évalué en fonction des éléments retenus à la somme de 54. 000 €.
B / préjudices extra patrimoniaux
I / Déficit fonctionnel temporaire
Ce préjudice correspond à l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation qui est intervenue en l'espèce le 17 août 1998 en tenant compte également de la nouvelle ITT à la suite de l'arthroplastie.
Le taux d'incapacité permanente retenu (35 %) démontre l'existence d'une incapacité fonctionnelle partielle subie par la victime jusqu'à sa consolidation.
La somme de 8. 400 € est de nature à réparer le préjudice subi.
II / Souffrances endurées
L'expert a qualifié le préjudice lié à la douleur d'important (6 / 7) et a pris en compte les souffrances endurées lors de l'opération réalisée le 20 juillet 1999 et de ses suites (1 / 7). Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de : 30. 000 €, le jugement étant infirmé pour ce poste de préjudice.
III / Déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice répare la perte d'autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.
Au vu de l'âge de la victime au moment de la consolidation (51ans) et du taux retenu par l'expert (35 %), l'offre faite par la compagnie d'assurances à hauteur de 52. 500 € doit être déclarée satisfactoire, le jugement étant infirmé sur le montant alloué de ce chef de préjudice.
IV / Préjudice d'agrément
Le montant octroyé en première instance est critiqué par les parties.
Néanmoins, le premier juge a fait une juste appréciation de ce préjudice en tenant compte de la diminution des plaisirs de la vie causée par l'impossibilité de se livrer à certaines activités normales d'agrément du fait des séquelles et notamment la pratique, avérée par les attestations produites, d'activités sportives avant l'accident.
En conséquence la décision sera confirmée sur le montant alloué.
V / Préjudice sexuel
Ce poste concerne exclusivement la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle et correspond à trois types de préjudices, le préjudice morphologique lié à l'atteinte des organes sexuels résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.
En l'espèce, ce préjudice a été écarté à bon droit par le premier juge qui a retenu l'absence d'atteinte de la fonction sexuelle au vu des constatations médicales. Les difficultés d'ordre sexuel relatées par la victime à la suite de l'accident relèvent de la diminution des plaisirs de la vie intégrée dans l'appréciation du préjudice d'agrément.
V / Préjudice esthétique permanent
Le premier juge a pris en compte les éléments cicatriciels, la boiterie des membres inférieurs à la marche et l'aspect hypotonique général relevé par le premier rapport d'expertise ainsi que la nouvelle cicatrice après l'arthroplastie.
Au vu de ces éléments, ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 10. 000 €.
II – Tableau récapitulatif de l'évaluation du préjudice de la victime et imputation de la créance de l'organisme social
Poste de préjudice
évaluation en euros
Tiers payeurs
priorité victime
solde tiers payeurs
dépenses de santé actuelles et futures
90. 920,97 €
Perte de gains prof. avant consolidation
21. 000,00 €
Perte de gains
prof. futurs
54. 000,00 €
D. F.
temporaire
8. 400,00 €
Souffrances
endurées
30. 000,00 €
D. F.
permanent
52. 500,00 €
Préjudice
d'agrément
16. 000,00 €
Préjudice
esthétique
10. 000,00 €
TOTAL
282. 820,97 €
191. 900,00 €
90. 920,97 €
La Cie d'assurance MMA IARD sera condamnée à payer à Madame X... la somme de 191. 900 €.
La condamnation interviendra en deniers ou quittance afin de tenir compte des provisions ou sommes déjà allouées.
* * *
* *
Il est sollicité l'application des dispositions de l'article L. 211 – 13 du code des assurances.
Cette demande est recevable comme étant l'accessoire des demandes d'indemnité formulées devant les premiers juges.
Le premier rapport définitif de l'expert judiciaire consolidant la victime date du 17 août 1998.
Au vu des pièces produites par la compagnie d'assurances, celle-ci a adressé par courrier recommandé du 30 octobre 1998, à Madame X... une proposition transactionnelle d'indemnisation sur la base des conclusions de l'expert.
Le 3 juin 2004, la compagnie MMA a fait parvenir au conseil de Madame X... une offre transactionnelle au vu du dernier rapport du docteur Y... qui tient compte de tous les éléments indemnisables du préjudice tels qu'ils ressortent du rapport d'expertise. Cette offre a été refusée par celui-ci au mois d'octobre 2004.
En l'état de ces offres conformes aux dispositions des articles L. 211. 9 et suivants du code des assurances, ce chef de demande est en voie de rejet.
Sur les autres demandes
La présente décision sera déclarée commune à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées.
* * *
* *
La compagnie MMA IARD qui succombe devra supporter les dépens de l'instance et payer à Madame X... une somme équitablement arbitrée à 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Déclare recevable mais non fondée la demande d'expertise,
Déclare recevables les demandes au titre de la perte des satisfactions ordinaires d'existence pendant la période d'incapacité temporaire totale, du préjudice professionnel et de l'application de la sanction du doublement des intérêts,
Confirme le jugement pour les points non contraires à ceux des présentes,
Fixe le préjudice patrimonial et extra patrimonial de Madame Chantal X... à la somme de 282. 820,97 €
Condamne la compagnie d'assurance MMA IARD à payer à Madame Chantal X..., en deniers ou quittances, la somme de 191. 900 € en réparation de son préjudice patrimonial et extra patrimonial, déduction opérée des prestations de l'organisme social ;
Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties,
Condamne la Cie d'assurances MMA IARD à payer Madame Chantal X... la somme de 1. 600 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la compagnie d'assurances MMA IARD aux dépens d'appel et autorise la SCP Curat Jarricot avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier, présent lors du prononcé.