COUR D'APPEL DE NÎMES DEUXIÈME CHAMBRE
Section B-COMMERCIALE
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2007
ARRÊT N° 441
Magistrat Rédacteur : Mme BRISSY-PROUVOST
R. G. : 05 / 04745
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NÎMES
20 septembre 2005
Z...
C /
X...
SARL LOU CEPAOU SOVASERVE
SA AGELYS
APPELANTE :
Madame Pauline Z... épouse A...
née le 06 Juin 1941 à MOLIERES SUR CEZE (30410)
...
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de Me Clotilde LAMY, avocat au barreau de NÎMES
INTIMÉS :
Maître Frédéric X..., mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Mr Raymond A...,
...
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de la SCP SARLIN CHABAUD, avocats au barreau de NÎMES
SARL LOU CEPAOU SOVASERVE, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
8 rue de la Croix de Fer
30000 NÎMES
représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de la SCP FERRAN VINSONNEAU PALIES NOY, avocats au barreau de MONTPELLIER
SA AGELYS, poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration en exercice, domicilié en cette qualité au siège social,
1629 chemin des Rondes
30000 NÎMES
représentée par la SCP FONT AINE-MAC ALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de la SCP FERRAN VINSONNEAU PALIES NOY, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Novembre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du NCPC, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Raymond ESPEL, Président
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller
GREFFIER :
Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
à l'audience publique du 12 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Décembre 2007,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Raymond ESPEL, Président, publiquement, le 20 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
**********
FAITS-PROCÉDURE-PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits constants
A partir de 1983, Raymond A..., époux de Pauline Z..., a exploité en son nom personnel sous l'enseigne " la Margeride " la pension de famille dépendant de la communauté.
L'immeuble abritant ce fonds de commerce, sis ... a Nîmes, a fait l'objet d'un contrat de crédit-bail immobilier conclu le 16 mai 1988 avec la société Natexis pour une durée de 15 ans venant à expiration en décembre 2003.
Par acte sous seing privé du 1er janvier 1999 passé devant Bernard E..., avocat au barreau de Nîmes, et enregistré à la recette des impôts le 27 janvier 1999, les époux A... ont vendu ce fonds de commerce à la sarl Lou Cepeaou Sovaserve créée pour cette acquisition et cautionnée par la sa Agelys (gérant : Jean-Claude G...).
L'acte de cession prévoit que :
- le prix de vente de 2. 700. 000 francs, 411. 612, 34 € sera réglé par un crédit vendeur à raison de versements de 50. 067, 11 francs par mois à compter du 2 janvier 1999 jusqu'au 1er Février 2004,
- l'acquéreur versera un loyer mensuel de 50. 000 francs, 7. 632, 68 € hors taxes du 2 janvier 1999 au 31 décembre 2003,
- après cette date, les parties signeront un contrat de bail d'une durée de neuf ans, le loyer mensuel étant alors fixé à la somme de 65. 000 francs, 9. 909, 18 € hors taxes.
L'acquéreur a pris immédiatement possession des lieux.
À partir de septembre 2000, la sarl Lou Cepeaou Sovaserve, qui s'était plainte depuis 1999 de désordres affectant l'immeuble, a cessé d'acquitter régulièrement les sommes dues.
D'un décompte par elle établi et non contesté, il ressort qu'elle avait alors versé une somme de 217. 175, 25 € au titre du prix de cession du fonds de commerce et une somme de 249. 203, 58 € au titre des loyers.
La liquidation judiciaire de M. A... a été prononcée le 3 octobre 2000, Frédéric X... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
En septembre 2001, Frédéric X..., ès qualité, a réclamé paiement des sommes de 11. 839, 46 € et de 94. 645, 38 € respectivement dues au titre du prix de vente et des loyers par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve.
Un arrêté de fermeture du fonds de commerce, dont l'entrée en vigueur a été reportée au 31 décembre 2002, est intervenu le 7 juin 2002. La sarl Lou Cepeaou Sovaserve alors cessé l'exploitation.
Le 4 mars 2004, Frédéric X... ès qualités, a vainement fait délivrer un commandement de payer les loyers et les échéances de crédit / vendeur pour un montant total de 443. 843, 64 € et visant la clause résolutoire contenue dans l'acte de vente.
La sarl Lou Cepeaou Sovaserve remis les clés le 13 mai 2004.
La procédure devant le tribunal de commerce de Nîmes
Par acte du 9 avril 2004, Frédéric X..., ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Raymond A..., a, sur le fondement des articles 1134, 2011 et suivants du Code civil, L. 622-9 ancienne rédaction du code de commerce, assigné devant le Tribunal de commerce de Nîmes la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys pour obtenir leur condamnation solidaire à paiement de la somme de :
+ 443. 843, 63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2001 correspondant aux mensualités du prêt et aux loyers impayés,
+ 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des dépens,
la décision à intervenir devant être assortie de l'exécution provisoire.
Par actes du 14 avril 2004, la sarl Lou Cepeaou Sovaserve,
invoquant un défaut de jouissance des murs loués, l'absence de fourniture par les vendeurs d'une autorisation administrative d'exploiter le fonds de commerce, l'absence de démarche effectuée par les époux A... en vue d'obtenir ladite autorisation,
a assigné Frédéric X..., ès qualité de liquidateur de Raymond A... ainsi que Pauline Z... épouse A... devant le Tribunal de commerce de Nîmes pour obtenir, au visa des articles 1116, 1128, 1131 et suivants du Code civil :
- l'annulation de l'acte litigieux pour dol, défaut de cause et d'objet,
- la condamnation de Pauline A... à lui restituer la somme de 328. 205, 20 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- l'admission de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de Raymond A...,
- la condamnation solidaire de Frédéric X..., ès qualité, et de Pauline A... à paiement de la somme de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des dépens, la décision à intervenir devant être assortie de l'exécution provisoire.
Ces deux instances ont été jointes sous le numéro 2004J 2324.
Par jugement du 20 septembre 2005, le Tribunal de commerce de Nîmes, au visa des articles 1315, 1134 et suivants du Code civil,
estimant que la condition suspensive d'obtention des autorisations administratives d'exploiter mise à la charge des vendeurs par l'article 8 du contrat n'a jamais été remplie de sorte que la convention n'a pas pu être valablement formée,
- a débouté Frédéric X..., ès qualité, de ses demandes,
- a condamné Pauline A... à paiement de la somme de 217. 171, 25 € correspondant à la partie du prix effectivement payé par le cessionnaire, outre celle de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des dépens.
Par actes du 22 novembre 2005 et 29 décembre 2005, Pauline A... et Frédéric X..., ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Raymond A..., ont respectivement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 24 mars 2006, le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction des procédures sous le numéro 05 / 4745.
Les prétentions et moyens des parties devant la Cour
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 16 mars 2006, auxquels il est fait expressément référence,
Pauline A... demande à la Cour :
à titre principal et au visa des articles 1134 et suivants, 1181 du Code civil, de :
- constater qu'il a été procédé à la vente d'un fonds de commerce de pension de famille,
- constaté qu'elle-même et son époux ont respecté leurs obligations contractuelles,
- dire que la condition suspensive ne peut pas être mise en oeuvre, et en conséquence débouter la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys de leurs demandes,
à titre subsidiaire et au visa de l'article 1304 du Code civil, de :
- dire que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve est prescrite dans son action en nullité de la cession pour dol,
à titre plus subsidiaire, de :
- constater que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve n'est pas en mesure de restituer le fonds de commerce cédé,
- la débouter de sa demande en restitution du prix de cession versé,
à titre reconventionnel, de :
- condamner in solidum la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys à paiement
+ de la somme de 433. 843, 63 € au titre du prix de cession du fonds de commerce,
+ de la somme de 1. 500. 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel,
+ de la somme de 100. 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
en tout état de cause, de :
- condamner in solidum la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys à paiement de la somme de 10. 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour ainsi que des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Pomies-Richaud Vajou,
- dire que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à Frédéric X..., ès qualités.
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 27 avril 2006, auxquels il est fait expressément référence,
Frédéric X..., ès qualités de liquidateur de Raymond A..., prie la juridiction d'appel, au visa des articles 1304, 1110, 1134, 2011 et suivants du Code civil, de :
- déclarer prescrite l'action en nullité engagée par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve,
- débouter la sarl Lou Cepeaou Sovaserve de l'intégralité de ses demandes,
- condamner solidairement la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys à paiement de :
+ la somme de 443. 843, 63 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2001,
+ la somme de 2. 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Curat-Jarricot.
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 12 juillet 2006, auxquels il est fait expressément référence,
la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys demandent à la juridiction d'appel, au visa des articles 1116, 1126, 1131 et suivants du Code civil, de réformer le jugement déféré et en conséquence de :
- déclarer nul l'acte de cession du fonds de commerce,
- condamner Pauline A... à restituer à la sarl Lou Cepeaou Sovaserve la somme de 328. 205, 20 € déjà versée en exécution de l'acte de cession, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- dire que cette somme sera admise au passif de la liquidation judiciaire de Raymond A...,
- rejeter les demandes d'indemnisation de Frédéric X..., ès qualité, et de Pauline A...,
- condamner in solidum Frédéric X..., ès qualité, et Pauline A... à paiement de la somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Fontaine-Macaluso-Jullien.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2007.
La procédure a été communiquée au ministère public qui l'a visée sans avis.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la procédure
Attendu qu'au vu des pièces produites, la recevabilité de l'appel n'est pas contestable ;
Attendu que la Cour a fondé son raisonnement sur les pièces versées aux débats et plus particulièrement sur :
- le rapport de synthèse établi le 26 avril 2002 suite à une plainte adressée par Nathalie Dominique, juge des tutelles au tribunal d'instance de Nîmes, après visite de l'établissement par les services de la DDASS et de la DGDSS,
- l'arrêté préfectoral de fermeture de l'établissement en date du 7 juin 2002 visant le rapport de synthèse du 26 avril 2002 et les trois visites, inspections et contrôles menés conjointement en 1999 par la DDASS et de la DGDSS,
- l'attestation établie par Madame H..., du cabinet Think Global Act Local à Aubagne chargé de la négociation de la potentielle reprise de l'établissement " la Margeride " par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et de la rédaction du projet d'acte de cession du fonds de commerce ;
Sur la demande d'annulation de l'acte de cession du fonds de commerce formée par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys
Attendu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys sollicitent l'annulation de l'acte de vente du fonds de commerce en raison du dol commis par les vendeurs et de l'absence d'objet et de cause ;
1) sur le dol
Attendu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys exposent :
- que la pension de famille litigieuse, qui constitue un établissement médico-social accueillant des personnes âgées visé par l'article L 312-1- 6odu code de l'action sociale et des familles, est depuis sa création et en vertu des dispositions de la loi du 30 juin 1975 dont les dispositions ont été reprises par la loi du 2 janvier 2002, soumise à autorisation conjointe du président du conseil général et du préfet,
- que le caractère essentiel de cette autorisation a été reconnu dans l'acte de cession qui précise en son article 8 « la cession ne deviendra effective que si la condition suspensive concernant l'obtention de toutes les autorisations administratives, de police, juridique, fiscal etc... soient données » (sic),
- que les époux A... étaient parfaitement au courant de l'irrégularité de leur exploitation puisqu'ils avaient vainement sollicité à plusieurs reprises une autorisation d'exploiter leur établissement,
- que lors de l'inspection de février 2002, elle a appris qu'en réalité les époux A... n'ont jamais obtenu l'autorisation administrative d'exploiter cette pension de famille ;
qu'elles considèrent que la déclaration suivante des époux A... à l'article 6 de l'acte de cession « les vendeurs déclarent satisfaire à ce jour à toutes les réglementations et autorisations administratives nécessaires à son activité notamment sur l'hygiène, le sanitaire et la sécurité incendie et électricité concernant le fonds vendu, en sorte que l'acquéreur ne soit nullement inquiété et recherché à ce sujet » a entaché leur consentement et constitue non pas une omission mais une fausse déclaration sciemment effectuée donc constitutive de dol ;
Attendu que Pauline A... et Frédéric X..., ès qualités, répondent :
- que certes Raymond A... a vainement essayé d'obtenir les autorisations nécessaires pour créer, dans les locaux de la pension de famille, un établissement de retraite médico-social et augmenter la capacité d'accueil pour ladite activité,
- que les époux A... ont cédé une pension de famille soumise à simple déclaration à l'autorité administrative et pour laquelle toutes les autorisations d'exploitation ont été fournies à l'acquéreur,
- que ce problème a été largement abordé lors des négociations (cf attestation de Madame H... et courriers échangés avant la vente) et lors de la rédaction de l'acte de vente (cf article 3 et 7),
- que les dirigeants de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys sont des professionnels en matière d'établissement pour personnes âgées et qu'au surplus, ils étaient assistés par leur avocat au moment de la signature de l'acte de cession,
- que depuis 1999, la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a adjoint à l'activité initiale de pension de famille celle de maison de retraite mais, contrairement aux stipulations contractuelles, elle n'a pas au préalable obtenu les autorisations administratives nécessaires,
- que dès le premier contrôle en date du 31 janvier 1999, la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a été informée de l'illégalité de l'exploitation du fonds en qualité de maison de retraite,
- que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a attendu l'assignation en paiement pour invoquer ce moyen plus de 5 ans après la vente ;
qu'ils concluent au débouté de la demande d'annulation pour dol dont ils soulèvent à titre subsidiaire l'irrecevabilité pour prescription à compter du 31 janvier 1999 ;
- sur la chose vendue
Attendu que dans leurs conclusions, Pauline A... et Frédéric X..., ès qualités, utilisent l'expression " pension de famille " mais qu'ils ne prétendent ni n'établissent qu'une clientèle autre que celle des personnes âgées a été reçue dans cet établissement d'ailleurs connu sous l'enseigne " la Margeride Maison de retraite " (cf acte de vente page 1) ;
que cette observation est confortée par le rapport de synthèse établi le 26 février 2002, après visite de l'établissement par les services de la DDASS et de la DGDSS, lequel précise page 5 qu'en 1983 « les établissements type pension de famille pour personnes âgées étaient alors soumis à simple déclaration d'ouverture » ;
que par ailleurs, le descriptif des lieux fourni par le rédacteur de ce rapport montre que ceux-ci sont adaptés à une clientèle unique de personnes âgées et qu'il n'est pas soutenu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a transformé l'immeuble après le 2 janvier 1999 ;
qu'il ressort des pièces du dossier que la capacité d'hébergement est passée de 11 lits à 51 lits ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour considère que Raymond A... a exploité dès l'origine une pension de famille pour personnes âgées ;
- sur l'autorisation administrative d'exploiter une pension de famille pour personnes âgées
Attendu qu'à la demande du département, le 26 août 1992, Raymond A..., qui hébergeait alors 40 personnes âgées, a sollicité auprès du conseil général du Gard une autorisation de fonctionnement qui lui a été refusée le 14 janvier 1993 ;
qu'à deux reprises, il a réitéré cette demande qui a été rejetée par décisions des 29 juin 1995 et 14 janvier 1997 ;
qu'il a été débouté de son recours par décision du tribunal administratif de Montpellier (jugement du 20 mai 1998) et confirmée par la Cour administrative d'appel de Marseille (arrêt du 20 mars 2001) ;
que toutefois, aucun arrêté de fermeture n'a alors été pris à l'encontre de cet établissement qui a continué à fonctionner dans des conditions irrégulières ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour considère que Raymond A..., qui ne saurait valablement confondre l'autorisation d'ouverture au public délivrée par la commission communale de sécurité incendie et l'octroi du bénéfice du versement de l'allocation-logement à caractère social par la caisse d'allocations familiales du Gard, a poursuivi son activité pendant plusieurs années en toute illégalité sur le plan administratif (cf rapport de synthèse établi le 22 avril 2002 page 9) ;
que c'est donc en parfaite connaissance de cette situation irrégulière au regard des autorisations administratives nécessaires pour l'exploitation de cette pension de famille pour personnes âgées que les époux A... ont envisagé la cession de leurs fonds, ainsi d'ailleurs que l'expose Pauline A... dans ses conclusions (page 3) ;
- sur la prescription du moyen de dol
Attendu que la Cour considère que le moyen de dol n'est pas prescrit dans la mesure où,
d'une part, l'assignation en annulation pour dol date du 14 avril 2004,
d'autre part, il n'est pas établi que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a eu connaissance de l'absence d'autorisation administrative pour l'exploitation du fonds vendu avant le 26 avril 2002, étant souligné qu'en l'état des éléments du dossier aucun rapport n'a été établi avant cette date ;
- sur le bien-fondé du moyen de dol
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'acquisition était en réalité menée par M. G... qui s'est présenté comme un spécialiste de la gestion des établissements pour personnes âgées, que lui-même et le représentant de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve savaient que la vente portait sur une pension de famille pour personnes âgées, laquelle fonctionnait irrégulièrement en l'état des refus d'autorisation opposées par l'administration ;
que toutefois M. G... a déclaré qu'obtenir un agrément " maison de retraite " ne faisait aucun doute, s'agissant d'une simple " question politique " (cf attestation H...) ;
que l'acte de cession a été précédé de pourparlers ;
que la sa Agelys, par fax du 26 octobre 1998, a établi la liste des pièces à joindre à l'acte de vente du fonds de commerce " pension de famille la Margeride " ; qu'y sont visés le procès-verbal de la dernière visite de la commission de sécurité et le cahier de sécurité avec les rapports et contrôles annuels des organismes privés mais aucunement les autorisations administratives d'exploitation d'une maison de retraite ou de pension de famille pour personnes âgées ;
que par courrier du 24 novembre 1998, Bernard E..., conseil de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve, écrivait à Madame H... :
« Je vous confirme que ma cliente et moi-même avons pris connaissance du projet de cession de fonds de commerce qui a l'assentiment de la société Cepeaou, à quelques précisions près. J'ai noté, ce qui est plus important, que l'acquéreur et le vendeur étaient d'accord sur la chose et sur le prix, et que la signature de l'acte pourrait intervenir prochainement.
J'ai noté également que vous rencontriez prochainement Natexis pour obtenir leur avis favorable, mais leur accord étant une condition suspensive, nous pensons préférable d'attendre l'issue de votre rencontre pour signer » ;
Attendu ensuite que l'acte sous seings privés du 1er janvier 1999 passé devant Bernard E..., avocat au barreau de Nîmes, et enregistré à la recette des impôts le 27 janvier 1999 a été ainsi rédigé :
- page 2 article 1 " désignation " : le fonds de commerce " la Margeride " pension de famille,
- page 3- article 3 " engagements " : les vendeurs ont autorisé « l'acquéreur à modifier la destination des lieux en ajoutant pour affectation l'accueil de personnes âgées, en qualité de résidence hôtelière, résidence services, maison de retraite sous réserve expresse de l'obtention préalable par l'acquéreur de toutes les autorisations administratives et agréments relatifs au type d'accueil réalisé »,
- page 5- article 7 " interdiction de se rétablir-clause de non-concurrence : les vendeurs se sont notamment interdits, pendant une durée de deux ans, « (...) de tenir, créer, s'intéresser (...) un fonds de commerce de même nature, y compris les extensions énumérées à l'article 3 (...) " ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour considère que l'acquéreur, professionnel en matière d'établissements pour personnes âgées, connaissait parfaitement la situation administrative du fonds de commerce vendu et a signé l'acte en toute connaissance de cause avec l'idée d'obtenir une autorisation administrative d'exploiter dans les lieux une maison de retraite mais que, comme énoncé par Pauline A... et non démenti par les sociétés intimées, à la suite d'un changement de stratégie, la sarl Lou Cepeaou Sovaserve n'a pas demandé cette autorisation administrative de sorte qu'un arrêté de fermeture a été pris le 7 juin 2002 ;
- sur la condition suspensive
Attendu que la clause figurant en page 8 de l'acte de vente-prix-obligations des vendeurs est ainsi rédigée :
« la cession ne deviendra effective que si la condition suspensive concernant l'obtention de toutes les autorisations administratives, de police, juridique, fiscal, etc., soient données » (sic) ;
que cette mention se trouve en contradiction avec les dispositions des articles 3 et 7 du contrat ;
que cette stipulation placée de façon surprenante au paragraphe " prix " et rédigée de manière pour le moins imprécise doit être analysée dans le cadre de l'acte de cession tel que défini ci-dessus ; que le terme " autorisations administratives " ne visait donc pas l'autorisation d'ouverture d'une maison de retraite ou d'une pension de famille pour personnes âgées mais une simple pension de famille ;
qu'en tout état de cause, comme le font justement remarquer Pauline A... et Frédéric X..., ès qualité, les parties ont considéré que cette condition suspensive s'est réalisée puisqu'elles ont signé, enregistré et exécuté l'acte de cession ;
qu'au surplus, dans son courrier adressé le 24 novembre 1998 à Madame H... du cabinet Think Global Act Local à Aubagne, Me E..., conseil de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve, n'a pas interprété cette clause de la même manière : « (...) J'ai noté également que vous rencontriez prochainement Natexis pour obtenir leur avis favorable, mais leur accord étant une condition suspensive, nous pensons préférable d'attendre l'issue de votre rencontre pour signer » ;
Attendu que de l'ensemble de ces éléments, il ressort que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve, à laquelle appartient la charge de la preuve, n'établit pas que les époux A... se sont livrés à des manoeuvres dolosives ayant déterminé son consentement à l'acquisition d'un fonds de commerce dépourvu d'autorisation administrative d'exploitation ;
Attendu en définitive que la demande d'annulation de l'acte de cession pour dol sera rejetée ;
2) sur le défaut d'objet et de cause : l'absence de jouissance des murs
Attendu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve expose que les époux A... n'ont pas sollicité, auprès du crédit bailleur Natexis, l'autorisation de sous-louer de sorte qu'elle s'est retrouvée occupante sans droit ni titre de l'immeuble dans lequel le fonds de commerce était exploité et qu'elle n'a pu solliciter l'exécution de travaux de réparation, ni auprès du crédit bailleur, ni auprès de son cocontractant en liquidation judiciaire ;
qu'elle considère que le droit d'occupation étant un élément essentiel du fonds de commerce, la cession intervenue le 2 janvier 1999 est nulle pour défaut d'objet et de cause ;
Attendu que Pauline Z... épouse A... et Frédéric X... ès qualité répondent :
- que la société Natexis a été informée de la cession du fonds pour laquelle elle a donné son accord ainsi qu'il résulte du courrier adressé le 24 novembre 1998 à Madame H... du cabinet Think Global Act Local à Aubagne par Me E...,
- qu'elle n'a formulé ni réclamation, ni demande sur l'occupation du bien par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve,
- que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve n'a formulé aucune demande de travaux auprès de Natexis, et pour cause, puisque cette charge leur incombait en exécution des clauses de l'acte de vente ;
Mais attendu d'une part, que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve a pris possession des lieux immédiatement après l'acte de cession et qu'elle a rendu les clés en mai 2004 ; que le fonds de commerce a été fermé pour des raisons étrangères aux conditions d'occupation ou d'entretien des locaux ;
Attendu d'autre part que dans l'acte de cession (page trois, article six, charges et conditions à la charge de l'acquéreur), la sarl Lou Cepeaou Sovaserve s'est engagée à « exécuter aux lieu et place du vendeur à partir de l'entrée en jouissance toutes les charges et conditions du bail sus-énoncé et de payer exactement les loyers de manière qu'il ne puisse exercer aucun recours contre le cédant » ;
que le contrat de crédit-bail (page 12) stipulait que tous les travaux étaient à la charge du preneur ;
Attendu en conséquence que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant d'un prétendu défaut de cause ou d'objet d'un contrat qu'au surplus, elle a exécuté pendant plusieurs années ;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera infirmé ;
Sur les demandes formulées par Pauline A... et Frédéric X..., ès qualité de liquidateur de Raymond A...
Attendu que Pauline A... sollicite la condamnation solidaire de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et de la sa Agelys à paiement :
- de la somme de 100. 000 € en réparation de son préjudice moral au motif que cette attitude délibérée de la sari Lou Cepeaou Sovaserve est à l'origine de la liquidation judiciaire de son époux,
- de la somme de 1. 500. 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel résultant de la perte d'une chance d'obtenir des revenus locatifs de 8. 000 € par mois et de constituer un capital immobilier d'une valeur à minima de 2 millions d'euros,
- de la somme de 433. 843, 63 € correspondant à l'intégralité des sommes restant dues au titre de l'acte de cession ;
Attendu que Frédéric X... ès qualité, réclame quant à lui la condamnation solidaire des mêmes parties à paiement de la même somme de 443. 843, 63 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2001 ;
Attendu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys concluent au débouté de ces demandes ;
Mais attendu qu'il est faux de prétendre que l'attitude de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve est à l'origine de la liquidation judiciaire de Raymond A... puisque celle-ci a été prononcée le 3 octobre 2000 alors que le premier impayé est en date de septembre 2000 ;
que la demande en réparation d'un préjudice moral non établi sera donc rejetée ;
Attendu par ailleurs qu'aucune étude sur l'évolution du prix des immeubles collectifs à Nîmes émanant d'un professionnel de l'immobilier n'est versée aux débats par Pauline A... ;
qu'il résulte du rapport établi par Socotec les 29 et 30 avril 1999 que, juste après la vente, le local n'était pas dans un état exceptionnel, bien au contraire ;
qu'il n'est pas justifié de la résiliation du contrat de crédit-bail et qu'aucun renseignement n'est fourni dans les conclusions de Pauline Z... épouse A... et de Frédéric X..., ès qualités, sur le sort de l'immeuble ;
qu'il ne peut être tenu pour certain qu'un contrat de bail aurait été conclu à partir du 1er janvier 2004 ;
que la demande en réparation d'un préjudice matériel non établi sera donc rejetée ;
Attendu en revanche que l'inexécution du contrat par la sarl Lou Cepeaou Sovaserve (qui a été déboutée de sa demande de suspension de son obligation à paiement par le juge des référés du tribunal de commerce de Nîmes) a causé un préjudice à Pauline A... et à la liquidation judiciaire de Raymond A... ;
que les sociétés intimées n'ont formulé aucune observation sur le montant des sommes restant dues et chiffrées à 433. 843, 63 €, étant ici observé qu'aucune opposition n'a été formée sur le commandement de payer la somme de 443. 843, 64 € ;
Attendu que la sa Agelys ne conteste pas la validité de son engagement de caution ;
Attendu que la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys seront donc solidairement condamnées à paiement de la somme de 443. 843, 64 € ;
Attendu que la Cour observe que le paiement de cette somme est réclamé à la fois par Pauline A... et par Frédéric X..., ès qualité de liquidateur de Raymond A... ;
que les époux A... sont mariés sous le régime de la communauté légale ;
que la créance susvisée peut être commune (article 1413 du Code civil) ou indivise, ce qui n'est pas précisé dans la procédure ;
que Pauline A... et Frédéric X..., ès qualité de liquidateur judiciaire de Raymond A..., devront préciser la nature de cette créance et adapter en conséquence leurs demandes en paiement ;
Attendu que les débats seront réouverts pour permettre aux parties de conclure, sauf meilleur accord ;
que la décision sur la désignation du créancier sera réservée ;
Sur les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles
Attendu que les dépens seront réservés de même que la demande au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt mixte, contradictoirement, publiquement, en matière commerciale et en dernier ressort
-déclare l'appel recevable,
- infirme la décision déférée,
statuant à nouveau,
- déboute la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys de leur demande d'annulation du contrat de cession de fonds de commerce,
- condamne solidairement la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys à paiement de la somme de 443. 843, 64 €,
- déboute Pauline A... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,
avant dire droit sur la désignation du créancier de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et la sa Agelys,
- ordonne la réouverture des débats à l'audience tenue en conseiller rapporteur le 5 mai 2008 à huit heures 45,
- dit que pour cette date, et sauf meilleur accord, Pauline A... et Frédéric X..., ès qualités de liquidateur de Raymond A..., devront avoir conclu sur la nature de la dette de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et de la sa Agelys ainsi que sur le montant de leurs demandes respectives en paiement,
- dit qu'il sera tiré toutes conséquences d'une éventuelle abstention,
- réserve la décision sur la désignation du créancier de la sarl Lou Cepeaou Sovaserve et de la sa Agelys,
- réserve les dépens de même que les demandes au titre des frais irrépétibles.
Arrêt signé par M. Espel, président, et par Mme Rivoallan, greffier, présente lors du prononcé.