ARRÊT No1633
R. G. : 06 / 00993
RT / AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORANGE
02 mars 2006
Section : Commerce
X...
C /
SA BOLDIS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Gilles X...
né le 05 Juin 1970 à MELUN (77000)
...
26790 ROCHEGUDE
représenté par Me Bruno LUCE, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
SA BOLDIS
numéro RCS : 391 219 987
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Route de Saint Paul les 3 Châteaux
84500 BOLLENE
représentée par la SELAFA JURIDIQUE SAONE RHONE, avocats au barreau de LYON plaidant par Me GIRAUD, avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 11 Septembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2007,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 05 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur X... Gilles était embauché par la SA BOLDIS le 20 novembre 1995 en qualité d'adjoint du chef de rayon catégorie agent de maîtrise, coefficient 210 et affecté au rayon épicerie et ensuite au rayon liquide.
Le 9 octobre 1999 il était mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable.
Après obtention par l'inspecteur du travail le 28 octobre 1999 d'une autorisation administrative, s'agissant d'un salarié protégé comme ayant appartenu au CHSCT, il était licencié le 2 novembre 1999, pour faute grave constituée par des agissements frauduleux entraînant une perte de confiance car :
Vous avez sollicité aux environs du 4 mai 1989 un de nos fournisseurs afin qu'il vous remette à titre de cadeau un lot de cent cinquante bouteilles de vin à l'occasion de votre mariage.
Vous avez réitéré, auprès d'un autre fournisseur, une demande de cadeaux courant septembre.
Vous avez donc au mépris des dispositions du chapitre Cadeaux Ristournes de votre contrat de travail, sollicité un avantage à votre profit.
Monsieur X... formait alors un recours hiérarchique auprès du Ministre de l'Emploi, lequel par décision du 17 mars 2000 annulait la décision de l'inspecteur du travail aux motifs que " les témoignages des fournisseurs sont contradictoires. Des pressions ont été manifestement exercées sur eux par la société BOLDIS LECLERC, certains ayant vu leur contrat résilié suite à leur refus de témoigner. Qu il y a lieu de douter de la sincérité de ces témoignages ce qui ne permet pas de les prendre en compte "
Sur recours contentieux de la société, par arrêt du 22 novembre 2006, le Conseil d'Etat annulait :
-l'arrêt du 17 mai 2003 de la Cour Administrative d'Appel de Marseille, confirmant le rejet du recours prononcé par jugement du 17 avril 2002 du Tribunal Administratif de Marseille,
-la décision du 17 mars 2000 du Ministre du travail qui avait méconnu le délai de retrait des actes administratifs qui était en l'espèce expiré.
Entre temps Monsieur X... avait saisi le Conseil des Prud'hommes d'Orange qui par un premier jugement du 10 avril 2003, ordonnait un sursis à statuer, et par un second jugement du 2 mars 2006, en se fondant sur les dispositions de l'article L 412-9 du Code du travail :
-condamnait la SA BOLDIS au paiement de la somme de 3. 994 euros correspondant aux salaires dus entre la date de licenciement du 8 octobre 1999 au 4 avril 2000 date du renoncement du salarié à obtenir sa réintégration,
-rejetait les autres demandes.
Monsieur Gilles X... a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient essentiellement que :
-la décision rendue ne peut qu'être censurée, dès lors que l'indemnité prévue à l'article L 412-9 du Code du travail, n'a pas pour conséquence d'exclure toute demande de réparation sur le fondement de l'article L 122-14-4 du même Code
-par courrier du 30 mars 2002, l'employeur l'invitait à réintégrer son poste, mais il n'a formulé aucune demande de réintégration, en sorte que le licenciement s'impose, et dès lors peut il réclamer une indemnisation résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'autant plus que l'autorisation administrative accordée par l'inspecteur du travail est illicite à la suite des décisions de la juridiction administrative,
-en l'absence de preuve nécessaire et suffisante, en contemplation de l'article L 122-14-3 du Code du travail il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur,
-si deux fournisseurs à savoir LES VIGNOBLES du COMTAT et UNE CAVE EN OR ont attesté dans le sens souhaité par la SA BOLBIS, il a fallu le courage d'un fournisseur LE CAVEAU DE CHANTECOTE, qui a refusé un faux témoignage et. préférant, par son attitude, perdre un marché.
Il sollicite donc la réformation du jugement, de dire et juger illégitime son licenciement et la condamnation de la SA BOLDIS au paiement d'une indemnité légale de licenciement de 853, 71 euros, en l'absence de faute grave de dommages et intérêts à hauteur de 82. 152, 21 euros, se décomposant comme suit :
-sur le fondement de l'article L 122-14-4 du Code du travail, soit la somme de 12. 805, 71 euros,
-au titre de la perte de revenu constatée, après perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, soit la somme de 7381, 78 euros,
-au titre de perte de revenus constatée lors de la première embauche soit la somme de 22. 662 euros,
-au titre de perte de revenus constatée lors de la deuxième embauche soit la somme de 19. 302, 72 euros,
-au titre du préjudice moral et économique, soit la somme de 20. 000 euros.
Il demande aussi le paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société, intimée, demande la confirmation de cette décision en ce qu'il a rejeté les demandes.
Par appel incident elle expose que :
-elle a, dans un premier temps, mal interprété les conséquences de l'expiration du délai de 4 mois au terme duquel la décision ministérielle aurait du lui parvenir et elle a cru devoir proposer à Monsieur X... une réintégration à son poste le 30 mars 2000, proposition écartée par Monsieur X...,
-elle a pris acte de cette décision de refus et a adressé alors un reçu de solde de tout compte, un certificat de travail et des bulletins de paie couvrant la période allant du 8 octobre 1999, date de la mise à pied, à celle du 4 avril 2000, date de refus de réintégration par ce salarié,
-dans la mesure où la décision de licenciement était juridiquement acquise au 18 mars 2000, pour une faute grave, il ne convenait pas de payer la période de mise à pied conservatoire, de régler l'indemnité de licenciement et de régler la période de préavis,
-c'est donc indûment que Monsieur X... a perçu la somme de 12. 685, 69 euros nets pour 4 mois de salaire du 2 novembre 1999 au 4 avril 2000, ce qui correspond à 10. 569, 81 euros bruts, augmentée du paiement de la période de mise à pied conservatoire, de 2. 008, 06 euros bruts, de l'indemnité des pauses de 14, 02 euros bruts, de la prime annuelle de 2. 134, 29 euros bruts et de l'indemnité de congés payés de 1. 261, 81 euros bruts,
-le montant de ces sommes réglées à tort à Monsieur X... soit 16. 014, 26 euros a été augmenté des charges patronales qui sont venues s'ajouter à ce montant à hauteur de 7. 194, 71 euros et qui ont été payées sur des sommes non dues.
Elle avait sollicité du Conseil de prud'hommes le remboursement des sommes indûment perçues par Monsieur X..., ce qui fut rejeté, et elle a été condamnée à verser à Monsieur X... un rappel de salaire pour la période du 5 avril 2000 au 26 mai 2000, en l'absence de fondement juridique car à ce jour, seule l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail est légale.
Elle sollicite :
-la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Gilles X... de ses demandes au titre d'un licenciement abusif,
-le rejet des nouvelles demandes devant la Cour, au titre de dommages intérêts d'un montant de 12 805. 74 euros et d'indemnité légale de licenciement d'un montant de 853. 71 euros,
-la réformation du jugement en ce qu'il a :
* condamné la société BOLDIS à payer un rappel de salaire du 5 avril 2000 au 26 mai 2000,
* débouté la société BOLDIS de sa demande reconventionnelle et a rejeté la condamnation de Monsieur X... à lui rembourser les sommes indûment perçues par lui sur la période du 2 / 11 / 1999 au 17 / 05 / 05 pour un montant de 152. 970. 32 euros.
-la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la délimitation du litige
Attendu que l'inspecteur du travail accordait le 28 octobre 1999 une autorisation administrative de licenciement et l'appelant était licencié le 2 novembre 1999, pour faute grave ; que sur recours hiérarchique de l'appelant le Ministre de l'Emploi, par décision du 17 mars 2000 annulait la décision de l'inspection du travail ;
Attendu que le salarié refusait alors sa réintégration par une première lettre recommandée du 3 avril 2000 dans laquelle il demandait aussi le paiement intégral de ses indemnités à compter de la mise à pied à titre conservatoire depuis le 8 octobre 1999 jusqu'à la fin de son délai de protection à savoir le 27 mai 2000 ; que par une seconde lettre du 4 avril 2000, rectificative de la première, il précisait que cette demande de paiement intégral courait jusqu'au 29 mai et non au 27 mai 2000 ; que par une troisième lettre du 13 avril il mettait en demeure la société de lui régler les sommes dues ; que la société s'exécutait ;
Attendu qu'ensuite sur recours contentieux de la société, par jugement du 1er avril 2002, le Tribunal administratif de Marseille le rejetait en considérant que le ministre pouvait toujours retirer un acte administratif de cette nature même après l'expiration du délai de quatre mois imparti ;
Attendu que par arrêt du 22 novembre 2006, et aux motifs que le ministre ne pouvait plus retirer l'autorisation implicite accordée, le Conseil d'Etat annulait l'arrêt du 17 mai 2003 de la Cour administrative d'appel de Marseille, le jugement du 17 avril 2002 du Tribunal administratif de Marseille et la décision du 17 mars 2000 du Ministre du travail ;
Attendu que cet arrêt du Conseil d'Etat donne donc plein et entier effet à l'autorisation administrative du licenciement décidée par l'inspecteur du travail ;
Attendu que dès lors le juge judiciaire ne peut apprécier le bien fondé du caractère réel et sérieux de la rupture en raison du principe de la séparation des pouvoirs, seul devant être opéré dans le cadre du présent litige, l'examen d'une part de la privation des indemnités de rupture, d'autre part celui des restitutions réclamées par l'employeur ;
Sur la faute grave
Attendu que l'appelant a été licencié le 2 novembre 1999 pour des agissements frauduleux entraînant une perte de confiance car il avait sollicité aux environs du 4 mai 1989 un fournisseurs de la société afin d'obtenir la remise en cadeau d'un lot de cent cinquante bouteilles de vin à l'occasion de son mariage, et qu'il avait réitéré, auprès d'un autre fournisseur, une autre demande de cadeaux courant septembre ;
Attendu que, cependant, la perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement même quand elle repose sur des éléments objectifs ; que seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l'employeur ;
Attendu que dès lors la faute reprochée ne saurait caractériser une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la courte période du préavis ;
Attendu qu'ainsi il sera alloué à l'appelant la somme de 4. 268, 57 euros à titre de préavis, de 853, 71 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, outre le salaire pour la durée de la mise à pied de 2. 008, 06 euros ;
Sur les demandes de l'employeur
Attendu que d'une part l'autorisation administrative de licenciement a produit tous ses effets à sa date en sorte que la lettre de licenciement fixe la date de la rupture du contrat ;
Attendu que d'autre part si, selon les articles L. 436-3 et L 412-19 du Code du travail le salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration, qui, sauf sursis à exécution, court à compter de la notification de la décision ministérielle, a droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi pour la période qui s'est écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois, ce droit au paiement de cette indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi n'est ouvert que lorsque la décision d'annulation est devenue définitive ;
Attendu qu'ainsi l'appelant savait en exigeant un paiement immédiat qu'il s'exposait à rembourser la société intimée lorsque le caractère définitif de la décision serait advenu ;
Attendu qu'enfin l'appelant ne peut invoquer les décisions postérieures des juridictions administratives pour prétendre conserver par devers lui les sommes perçues à tort après cette date ;
Attendu que le montant, détaillé, de la somme réclamée par l'employeur ne souffre d'aucune discussion ; qu'elle doit être accueillie ;
Attendu qu'il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ;
Vu l'article 696 du ouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
REFORME le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 3. 994 euros,
STATUANT à nouveau,
CONDAMNE la société BOLDIS à payer à Monsieur Gilles X... les sommes de 4. 268, 57 euros bruts à titre de préavis, et celle de 853, 71 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
CONDAMNE Monsieur Gilles X... à payer à la société BOLDIS la somme de 12. 880, 31 euros dont il sera déduit le salaire de la durée de la mise à pied soit 2. 008, 06 euros bruts,
ORDONNE la compensation judiciaire,
Confirme pour le surplus,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la partie qui les a exposés.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.