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04/12/2007 | FRANCE | N°05/03404

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 04 décembre 2007, 05/03404


ARRÊT No672

R. G. : 05 / 03404

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
27 mai 2005


X...


C /


X...


A...


Y...


COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A
ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2007

APPELANTS :

Monsieur Olivier X...

né le 28 Mai 1949 à PARIS

...


...


représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Marie X...

née le

04 Juin 1975 à ALES (30)

...


...


représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Fanny X... ...

ARRÊT No672

R. G. : 05 / 03404

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
27 mai 2005

X...

C /

X...

A...

Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A
ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2007

APPELANTS :

Monsieur Olivier X...

né le 28 Mai 1949 à PARIS

...

...

représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Marie X...

née le 04 Juin 1975 à ALES (30)

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Fanny X...

née le 04 Juillet 1977 à ALES (30)

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Jeanne X...

née le 16 Juillet 1954 à PARIS

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Madame Elisabeth A... épouse X...

née le 24 Mai 1962 à VIENNE (AUTRICHE)

...

...

représentée par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP GOUBET SANCHEZ, avocats au barreau d'ALES

Maître Jean- Marie Y..., décédé en cours d'instance

représenté par la SCP GUIZARD- SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de Me Michel COULOMB, avocat au barreau de NIMES

Madame Mireille X...

née le 13 Janvier 1956 à PARIS

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

Mademoiselle Noëlle X...

née le 07 Octobre 1960 à PARIS

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BOURGUET, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Septembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pierre BOUYSSIC, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

à l'audience publique du 09 Octobre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Décembre 2007,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 04 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
Décédé le 1er décembre 2001 à PONTEILS et BRESIS (30), l'écrivain cévenol Jean- Pierre X... s'était marié en premières noces avec Madame D... dont il a eu quatre enfants : Olivier, Jeanne, Mireille et Noëlle.

Ce mariage était dissous par jugement de divorce en 1971 et Monsieur X... se remariait en 1972 avec Madame Claudine E... dont il a eu deux enfants : Marie et Fanny.

Madame E... décédait en 1983 et Monsieur X... se remariait le 1er mai 2000 avec Madame Elisabeth A... avec laquelle il vivait depuis 1993. Ce mariage a été contracté sous le régime de la séparation de biens, suivant contrat de mariage reçu par Maître Y..., notaire à GENOLHAC, du 22 avril 2000 comportant, en cas de décès, la donation à Madame A... de l'usufruit de la maison de GRAVAS et du véhicule automobile dont il serait propriétaire au jour de son décès.

Monsieur X... a réglé la dévolution de sa succession par testament olographe du 26 janvier 2000 en ces termes :

« Jean Pierre X...

Mon TESTAMENT

Chacun de mes 6 six enfants recevra 1 million de nouveaux francs de mon portefeuille Crédit Lyonnais + mon appartement.... Je laisse à leur sagesse le soin de vendre ou de s'arranger autrement.
Le Gravas restera le bien de la famille X....
Celle qui sera ma femme Elisabeth A... en aura l'usufruit.
Mes droits d'auteur seront partagés en 7 parts 7 parts égales, une 1 pour chaque enfant, 1 pour Elisabeth A....
Elisabeth A... aura la direction de mon oeuvre. Elle s'entourera des chabroliens en tête desquels je mets Robert F....
Je lui lègue pour ce faire toutes mes archives, livres, carnets de notes, brouillons, inédits, dessins, enregistrements, objets liés à mon oeuvre.

Ce testament a été remis à Me Y... qui l'a lu en ma présence
fait au Gravas le 26 janvier 2000

(signature)

PJ texte dactylographié plus explicite »

Le texte dactylographié accompagnant ce testament est en ces termes :

« Jean Pierre X...

MON TESTAMENT

Chacun de mes 6 enfants recevra 1 million de nouveaux francs de mon portefeuille Crédit Lyonnais + mon appartement.... Je laisse à leur sagesse le soin de vendre ou de s'arranger autrement.
Le Gravas restera le bien de la famille X.... Celle qui sera ma femme Elisabeth A... en aura l'usufruit.
Mes droits d'auteur seront partagés en 7 parts égales, une part chaque enfant, 1 pour Elisabeth A....
Elisabeth A... aura la direction de mon oeuvre. Elle s'entourera des chabroliens en tête desquels je mets Robert F.... Je lui lègue pour ce faire toutes mes archives, livres, carnets de notes, brouillons, dessins, enregistrements, cahiers liés à mon oeuvre. »

Ce testament a été suivi d'un codicille du 6 avril 2001 en la forme authentique, reçu par Maître Y... par lequel Monsieur X... déclarait :

« J'ajoute à mes précédentes dispositions testamentaires en date du 26 janvier 2000 que je souhaite léguer à mon épouse, Elisabeth A..., en complément, une somme d'un million de francs (1MF). »

Soutenant essentiellement d'une part que ce testament serait nul aux motifs qu'il ne satisferait pas aux règles de forme de l'article 970 du Code civil puisque partiellement dactylographié et qu'il comporterait une attribution du droit moral prohibée par l'article 121- 1 du Code de la propriété intellectuelle, d'autre part que divers témoignages démontreraient l'abandon affectif et le désintérêt de Madame A... pour les soins et les diligences qui doivent être apportées à un conjoint affaibli par la maladie, les enfants de Monsieur X... ont saisi le tribunal de grande instance d'ALES qui, par jugement du 27 mai 2005, a :

rejeté la demande d'inscription de faux à l'égard du codicille du 6 avril 2001

condamné in solidum Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Jeanne X..., Mademoiselle Mireille X..., Mademoiselle Noëlle X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... à payer à Maître Jean- Marie Y...

- 3000 euros de dommages- intérêts
- 1500 euros au titre de l'article 700 du NCPC

dit que le testament de Monsieur Jean- Pierre X... confiait à Madame Elisabeth A... seule la direction de son oeuvre et lui léguait également pour ce faire toutes les archives, livres, carnets, brouillons, dessins, enregistrements liés à son oeuvre à charge pour elle de s'entourer à titre consultatif d'un comité de Chabroliens au premier rang duquel le testateur avait fait figurer M. Robert F...

rejeté la demande d'expertise des conditions de conservation de l'oeuvre

rejeté la demande de déchéance de la direction de l'oeuvre et au titre du recel

dit n'y avoir lieu à application de L 121- 3 du code de la propriété intellectuelle

ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Monsieur Jean- Pierre X...

désigné Monsieur le président de la Chambre départementale des notaires du Gard pour y procéder avec faculté de délégation et Monsieur B..., vice- président, en qualité de juge commissaire

désigné en qualité d'expert Monsieur Alain J... pour évaluer la valeur vénale et locative de la maison du Gravas et dire si la propriété est partageable en lots

condamné Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Jeanne X..., Mademoiselle Mireille X..., Mademoiselle Noëlle X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... à délivrer à Madame Elisabeth A... le legs de 152 449, 02 euros

donné acte aux demandeurs de ce qu'ils entendaient demander le rapport, la réduction, le retranchement et la conversion en rente viagère des libéralités accordées à Madame A...

rejeté les autres demandes notamment de dommages intérêts et au titre de l'article 700 du NCPC

condamné Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Jeanne X..., Mademoiselle Mireille X..., Mademoiselle Noëlle X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... aux dépens.

***

Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... ont relevé appel de ce jugement. Par conclusions du 13 septembre 2007 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, ils demandent à la Cour de :

Vus les articles 792 et 970 du Code Civil, et 121- 1 du Code la Propriété Intellectuelle,
Réformer le jugement dont appel, en ce qu'il a admis la validité du testament olographe du 26 janvier 2000, tant en raison de son caractère presque illisible, et par ailleurs « incomplet, désordonné et difficilement exécutable », dont le testateur avait manifestement lui- même conscience, en renvoyant, pour sa compréhension, à un texte dactylographié non daté ni même signé de sa main,

Dire et juger à cet effet que la mention manuscrite renvoyant à. ce dernier texte avait pour conséquence d'inclure celui- ci dans le testament lui- même, qui ne pouvant dès lors être considéré comme entièrement manuscrit, et en constater la nullité, par application des dispositions des articles 870 et suivants du Code Civil.

Dire et juger que le testateur ne pouvait léguer à son épouse survivante le droit moral sur son oeuvre, celle- ci n'ayant pas, contrairement à ce qu'exige l'article 121- 1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la qualité d'héritière, et constater de plus fort la nullité du testament.

Très subsidiairement, et pour le cas seulement où la Cour ne croirait pas devoir prononcer cette nullité :

Donner acte aux concluants de ce qu'ils se réservent le droit de demander la réduction des legs au profit de Madame A..., pour le cas où la valeur globale de ces derniers dépasserait la quotité disponible, telle qu'elle sera déterminée en fonction des conclusions de l'expert.

Dire et juger qu'en conférant à Madame A... « la direction » de son
oeuvre, Jean- Pierre X... ne lui a en aucune façon transmis son droit moral sur cel1eci.

Dire et juger que le bénéficiaire du legs des « archives. livres, carnets de notes, etc... » est Monsieur Robert F..., et non Madame A....

Et en tout état de cause :

Donner acte aux concluants de ce qu'ils se réservent, en leur qualité de nues propriétaires, le droit de demander à l'usufruitière de la propriété du Gravas de réaliser les travaux d'entretien à sa charge, et la conversion en rente viagère.

Dire et juger que Maître Y... a commis, en recevant un testament manuscrit sans informer le testateur du risque de le voir annuler, en raison du renvoi qu'il comprenait à un texte dactylographié différent du texte manuscrit, puis en dressant acte d'un codicille à. ce testament plutôt qu'un testament authentique incluant les dispositions précédemment prises par Monsieur Jean- Pierre X..., et le dernier legs qu'il entendait faire à son épouse, une succession de manquements à ses devoirs de conseil.

Dire et juger que le procédure d'inscription de faux initiée par les enfants X..., et à laquelle ils ont renoncé ensuite sans y avoir donné la moindre publicité, ne saurait dans ces conditions avoir causé au notaire un préjudice réparable.

Réformer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il les a solidairement condamnés à payer à ce dernier 3. 000 euros de dommages et intérêts et 1. 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

Le réformer également en ce qu'il les a condamnés au dépens, et laisser ces derniers à la charge de Madame A... ;

Condamner enfin cette dernière à leur payer la somme de 3. 000 euros, par application de l'article 700 du NCPC.

Par conclusions du 16 mars 2006, Mademoiselle Mireille X... et Mademoiselle Noëlle X... s'en remettent à l'appréciation de la Cour sur l'appel régularisé le 3 août 2005 par leurs frères et s œ urs à l'encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALES.

Par conclusions du 12 septembre 2007 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, Madame Elisabeth X... née A... demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALES en date du 27 mai 2005 en toutes ses dispositions.
DECLARER IRREVEVABLE ET INFONDE l'appel d'Olivier, Jeanne, Marie et Fanny X...

LES CONDAMNER in solidum à verser à Elisabeth A... une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

LES CONDAMNER en tous les dépens in solidum.

Par conclusions du 17 mars 2006, Maître Y... demandait à la Cour de :

PRENANT ACTE de ce que le concluant conteste formellement les griefs inutilement présentés contre lui, rejeter la demande de déclaration sans objet présenté par les consorts X....

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'inscription de faux à l'égard du codicille du 6 avril 2001
- condamné les consorts X... à payer à Me Y... :
· la somme de 3. 000 € au titre de dommages et intérêts
· la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du NCPC, devant le TGI

Y ajoutant au niveau de la Cour,

CONSIDERANT que Me Y... est à nouveau contraint inutilement de suivre la procédure,

CONDAMNER Mlle Jeanne X..., appelante à l'égard de Me Y... à payer à ce dernier la somme, de TROIS MILLE EUROS (3. 000 €) au titre de l'article 700 du NCPC.

CONDAMNER Mlle Jeanne X... aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP d'avoué soussignée.

Par ordonnance du 14 février 2007, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'appel de Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... à l'encontre de Maître Y... décédé en cours d'instance.
La mise en état a été clôturée par ordonnance du 14 septembre 2007.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... ont déposé des conclusions le 5 octobre 2007, postérieurement à l'ordonnance de clôture dont ils demandent la révocation motif pris du dépôt, le veille de la clôture, de nouvelles conclusions de Madame A... accompagnées de nouvelles pièces ; que les dernières écritures de Madame A... ne contiennent aucune demande nouvelle ni aucun moyen qui n'eût été déjà acquis aux débats ; que ses pièces nouvelles comprennent des correspondances et des articles de presse datant des années 2005 et 2006 insusceptibles d'avoir une incidence sur le principe du droit au partage ni sur la validité des actes en litige ; que cette production ne dénature donc pas le débat et par conséquent ne constitue pas un motif suffisant pour prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture, alors que les appelants qui reprochent à l'intimée d'avoir conclu le 13 septembre 2007 ont eux- mêmes conclu le 12 septembre 2007 ; qu'il convient de rejeter la demande de révocation de la clôture et les écritures postérieures.

Attendu qu'en l'état du désistement de Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X..., seule Mademoiselle Jeanne X... demeure appelante à l'encontre de Maître Y... dont les héritiers ne sont pas intervenus à l'instance et n'y ont pas été assignés, de sorte que ses demandes à son égard doivent être déclarées irrecevables.
***

Attendu que le testament olographe de Monsieur Jean Pierre X... ne constitue pas un testament mélangé d'une partie qui ne serait pas de sa main ; qu'il est entier contenu dans le document manuscrit reproduit en tête du présent arrêt, qui se suffit et contient en totalité l'expression des dernières volontés de son auteur, lequel, en pleine possession de ses facultés intellectuelles mais, conscient de la difficulté de lecture d'une écriture affectée par la maladie de Parkinson, a entendu faciliter la tâche du lecteur en l'accompagnant d'une transcription dactylographiée qui ne comporte aucune autre disposition ; qu'il n'y a pas lieu à annulation du testament pour ce motif.

Attendu que quelques jours avant le testament litigieux, Jean- Pierre X... rédigeait un document dactylographié, daté du 22 janvier 2000, dont les appelants contestent à mots couverts l'attribution mais qui comporte des annotations manuscrites et des commémoratifs exclusifs d'un quelconque doute sur son auteur, document par lequel il exprimait les motivations des dispositions testamentaires qu'il allait prendre, tant en ce qui concerne la dévolution de son patrimoine que le devenir de son oeuvre ; que plus particulièrement sur la maison familiale Le Gravas, après s'être expliqué sur ses origines ancestrales, il écrivait :

« Le Gravas a été passionnément aimé par tous ceux qui m'ont précédé jusqu'à la dernière régente incluse, Madame X... Noélie née K... ; ma mère.
Quant à moi, après une enfance qu'il a contribuée à rendre très heureuse, à dater de mes vingt ans et pendant une quinzaine d'années je l'ai négligé. Mes parents y vivaient et s'en occupaient très bien (ah ! le petit vin de papa et ses mille degrés...) je savais que je retrouverai tout ça intact quand je voudrais....
Mes quatre enfants du premier lit, après le divorce sont tombés sous l'influence de leur mère, une Corse, ils n'ont consenti à venir au Gravas qu'après la mort de mes parents et pour de rares visites, dissimulant à peine leur répugnance à être dans ces vieux murs. Pour eux fondamentalement le mot CEVENOL est péjoratif.
Mes deux filles du deuxième lit ne posent pas ce genre de problème mais elles se régalent d'aménager la maison qu'avec leur mère nous avons acheté pour elles au village, elles n'utilisent plus le Gravas que comme base arrière.
Il faut bien convenir que le Gravas n'est pas facile à assumer, avec tous ces fantômes qui peuplent ces pierres et mes morts couchés sous la fenêtre et qui ne se laissent pas oublier. Si j'en crois ce qu'on m'a raconté, même mesdemoiselles L... et K... mirent pas mal de temps à s'acclimater...
En conséquence de ce qui précède, la propriété du Gravas restera dans la famille, et celle qui sera ma femme, Elisabeth A... en aura l'usufruit, à charge pour elle, si elle l'accepte, de la maintenir dans une activité agricole. »

Attendu que l'article L. 121- 1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur.
L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires.

Attendu que le testament de Monsieur Jean- Pierre X... ne contient ni expressément ni implicitement la dévolution de son droit moral à Madame Elisabeth A... mais lui en confie en des termes précis et circonstanciés l'exercice, en lui léguant pour les besoins de cette mission ses archives, livres, carnets de notes, brouillons, inédits, dessins, enregistrements, objets liés à son oeuvre ; que vainement les appelants tentent, par une analyse grammaticale sibylline et erronée, de faire désigner Monsieur F... comme légataire de ces éléments, alors que le pronom « lui » renvoie au sujet de la phrase précédente, à savoir « Elle », pronom qui renvoie lui- même au sujet de la phrase précédente, à savoir « Elisabeth A... » ; que ce testament ne contrevenant pas à l'article L. 121- 1 du Code de la propriété intellectuelle, il n'y a pas lieu à son annulation ; qu'en outre, les premiers juges en ont fait l'exacte lecture dans leur dispositif fixant la dévolution qui en résulte.

Attendu qu'il convient ici encore de rapprocher les termes de ce testament de l'écrit susvisé du 22 janvier 2000 dans lequel, après avoir énoncé qu'une oeuvre ne se défend pas seule et pris l'exemple du travail accompli pour la survie de l'oeuvre de Mac Orlan, Jean Pierre X... écrivait notamment :

« Comme nous tous, misérables réduits à gagner notre pain avec notre plume, nous avons pondu des milliers d'articles, contes, nouvelles, préfaces et autres textes... Le premier travail est de les retrouver, publiées dans des petits journaux ou revues éphémères, il faut passer des journées dans les réserves de la Bibliothèque Nationale. Puis il faut juger ces textes en se mettant dans la tête de l'auteur, certains des meilleurs étant parus dans d'invraisemblables brûlots. Enfin, grouper quelques textes selon des thèmes : Londres, la Légion, les peintres érotiques, etc... et voici un folio pour Gallimard. Ainsi, bon an mal an, on trouve en librairie un Mac Orlan qu'on ne connaissait pas.
(…)
Je vois mal dans ce rôle un de mes héritiers qui tous ont choisi des chemins différents.
Dans ce rôle difficile je ne vois qu'Elisabeth A.... Elle baignait dans ma littérature bien avant notre rencontre, ce qui explique la fulgurence de celle- là et ce grand amour qui n'a fait que croître et embellir depuis. De plus, nous partageons les mêmes idées, la même sensibilité, la même conscience sociale, en fait foi tous mes ouvrages parus depuis " le Bonheur du Manchot " qui lui doivent beaucoup. Ainsi, je ne se serai pas trahi et mes enfants se partageront de nouveaux droits d'auteur, diminués du pourcentage dû à Elisabeth pour son travail et ses frais. »

Attendu que cet attachement à ses racines, ce souci d'équité, cette fidélité forcent le respect et confortent la cohérence du testament dont les premiers juges ont, par une juste analyse des éléments de fait de la cause et une exacte application des dispositions des articles 970 du Code civil et L. 121- 1 du Code de la propriété intellectuelle, reconnu la validité.

Attendu qu'il n'est pas discuté que les sommes prélevées par chèques Crédit Lyonnais au cours des deux dernières années l'étaient sur des formules signées par Monsieur Jean- Pierre X..., ni qu'il vérifiait ses comptes ; qu'elles l'ont été pendant une période de vie commune et ne sont aucunement disproportionnées aux ressources du titulaire ; qu'il n'est nullement démontré qu'elles n'auraient pas été employées à des dépenses communes voire propres à Monsieur Jean- Pierre X... qui n'avait perdu d'aisance que physique ; que le recel successoral n'est pas démontré.

Attendu qu'en l'absence d'annulation du testament, il n'y a pas lieu à annulation du codicille, alors que par ailleurs les appelants ont renoncé à l'inscription de faux qui visait cet acte.

Attendu que le donné acte ne crée de droit ou d'obligation au profit ou à la charge de quiconque ; que les demandes de donné acte sont donc en fait dépourvues d'objet, alors que le droit à réduction d'une libéralité qui excéderait la quotité disponible résulte de la loi et ne dépend pas d'une reconnaissance judiciaire préalable à sa constatation, de même qu'il appartiendrait à la seule juridiction qui en serait saisie de se prononcer sur une conversion d'usufruit en rente viagère si les parties ne parvenaient à s'entendre sur ce point.

Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions ; que les appelants qui succombent doivent supporter les dépens ; que pour défendre sur leur appel, Madame A... a dû exposer des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit lui être alloué la somme de 2. 000 €.

Par ces motifs, la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort,

En la forme, reçoit Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... en leur appel.

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture.

Déclare irrecevables les conclusions de Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... du 5 octobre 2007.

Déclare irrecevables les demandes de Mademoiselle Jeanne X... dirigées contre feu Maître Y....

Confirme le jugement déféré ; y ajoutant :

Condamne in solidum Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... à payer à Madame Elisabeth A... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne in solidum Mademoiselle Jeanne X..., Monsieur Olivier X..., Mademoiselle Marie X... et Mademoiselle Fanny X... aux dépens et alloue à la SCP CURAT- JARRICOT le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Arrêt qui a été signé par Monsieur BOUYSSIC, président, et par Madame VILLALBA, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 05/03404
Date de la décision : 04/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Alès


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-04;05.03404 ?
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