ARRÊT No1373
R.G. : 06/00543
PG/AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
13 décembre 2005
Section: Encadrement
X...
C/
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION
A.R.I
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2007
APPELANTE :
Madame Corinne X...
née le 13 Juin 1962 à BLIDA (ALGERIE)
...
13300 SALON DE PROVENCE
comparant en personne, assistée de Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION
-A.R.I.-
prise en la personne de son Président en exercice
26, rue Saint Sébastien
13006 MARSEILLE
représentant son établissement INSTITUT LE CALAVON
sis à SAINTMARTIN DE CASTILLON 84750
représentée par la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Nathalie OLMER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller,
Madame Isabelle MARTINEZ, Vice-Présidente placée,
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 26 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 19 Septembre 2007, FAITS ET PROCÉDURE
Corinne X... a travaillé au service de l'ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION à compter du 7 janvier 2003, selon différents contrats de travail à durée déterminée et indéterminée successifs. Elle exerçait les fonctions de chef de service éducatif avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de l'ordre de 3.400,00€.
Le 1er juillet 2004, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 6 juillet, "en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement".
Elle a été licenciée par lettre du 22 juillet 2004 pour les motifs suivants : "Le 18 juin 2004 (...), une visite de l'établissement a été réalisée à la demande des représentants du personnel. Le constat qui a été fait est affligeant : serre ouverte et détruite contenant des outils dangereux (fourches, outils coupants...) laissés à la portée des enfants, dortoirs à la limite de l'insalubrité : portes de chambre ou de douche manquantes, certains mobiliers des chambres dans un état de délabrement avancé y compris les lits, fils électriques dénudés..., vitres cassées dans des proportions dépassant le cadre normal pour ce type d'établissement. (...)
Il s'agit de carences graves de la part de l'équipe de direction dont vous portez également la responsabilité. Par ailleurs, vous aviez forcément connaissance de ces faits et deviez les signaler".
Estimant son licenciement non-fondé, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon qui, par décision en date du 13 décembre 2005, a requalifié le contrat de travail en un contrat à durée indéterminée avec effet au 7 janvier 2003, a ordonné la remise d'une attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiée et a condamné l'ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION au paiement de 800,00€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Corinne X... a régulièrement interjeté appel. Elle conclut à l'infirmation et à l'octroi des sommes de :
- indemnité de requalification : 3.500,00€
- heures supplémentaires : 10.611,30€
- congés payés sur heures supplémentaires : 1.061,13€
- jours de réduction du temps de travail : 2.939,86€
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30.000,00€
- dommages et intérêts pour préjudice moral : 15.000,00€
- article 700 du nouveau code de procédure civile : 3.000,00€.
Elle réclame le montant des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts échus.
L'ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION demande à la cour de confirmer le jugement et de lui allouer 1.500,00€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées, oralement reprises.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES :
Attendu qu'il résulte de l'article L.212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et qu'il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Attendu que Corinne X... produit différentes attestations, notamment celles de Monsieur C..., directeur de l'institut du mois de septembre 2002 au mois de juin 2004, et de Mesdames D... et E..., respectivement assistante de service social et institutrice, desquelles il ressort qu'elle "avait été dans l'obligation de dépasser son cadre horaire afin de garantir au mieux l'organisation et la sécurité", qu'elle "travaillait sans relâche sur une grande amplitude d'heures" et que "son temps de travail dépassait largement ses trente-cinq heures hebdomadaires" ;
Que, pour sa part, l'ASSOCIATION RÉGIONALE ne fournit aucun élément susceptible de justifier des horaires effectivement réalisés ;
Attendu qu'ainsi, au vu des éléments communiqués par les deux parties, la cour a les moyens d'évaluer à 3.255,13€ la somme due à la salariée à titre d'heures supplémentaires impayées, augmentée des congés payés afférents ;
II - SUR LA REQUALIFICATION EN CONTRAT A DURÉE INDÉTERMINÉE :
Attendu que le principe de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet n'est pas discuté ;
Attendu que faisant droit à la demande de requalification formée par la salariée, la cour doit condamner l'employeur à lui payer une indemnité qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction ; que cette indemnité doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies ;
Que l'indemnité de précarité perçue par la salariée à l'issue du contrat, qui compense pour cette dernière la situation dans laquelle elle était placée du fait de son contrat à durée déterminée, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ;
Attendu qu'il y a donc lieu d'évaluer l'indemnité prévue par l'article L.122-3-13 du code du travail à la somme de 3.500,00€ conformément à la demande ;
III - SUR LE LICENCIEMENT :
1/- Attendu que l'ASSOCIATION RÉGIONALE soutient que le licenciement relèverait d'insuffisances professionnelles et ne présenterait pas un caractère disciplinaire ;
Mais attendu que si le licenciement n'a pas été prononcé pour faute grave, il est intervenu à la suite de comportements que l'employeur considérait comme fautifs : outils dangereux (fourches, outils coupants...) laissés à la portée des enfants, dortoirs à la limite de l'insalubrité, fils électriques dénudés... ;
Que cette mesure faisait suite à l'entretien préalable auquel Corinne X... avait été convoquée en vue d'une "sanction" pouvant aller jusqu'au licenciement ;
Que la lettre de licenciement invoque des "carences graves" dont Corinne X... porterait également la "responsabilité", en sorte que le licenciement présentait un caractère disciplinaire et n'a pas été prononcé pour insuffisance professionnelle ;
2/- Attendu que l'article 33 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, applicable au cas d'espèce, prévoit les mesures disciplinaires qu'il énumère ; que ce texte ajoute que "sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale" ;
Que cette clause contractuelle qui limite le droit de l'employeur de rompre le contrat à durée indéterminée pour motif disciplinaire est licite dès lors qu'elle ne rend pas impossible la rupture du contrat de travail ;
Qu'il n'est pas discuté que Corinne X... n'avait, préalablement à son licenciement, jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire ;
Attendu qu'il en résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
3/- Attendu qu'au regard de l'ancienneté de Corinne X..., de son salaire moyen au moment du licenciement et de la circonstance qu'en dépit d'une longue période de chômage, elle n'a toujours pas retrouvé d'emploi stable à ce jour, il y a lieu de lui allouer la somme de 13.600,00€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, calculée en fonction du préjudice subi ;
Attendu qu'en revanche, ne démontrant pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi des dommages et intérêts pour licenciement abusif, elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaire pour préjudice moral ;
IV - SUR LES JOURS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL :
Attendu que l'indemnité de réduction du temps de travail figurant sur les bulletins de paie de Corinne X... n'est que la conséquence du maintien de son salaire lors de la réduction de la durée du travail ;
Qu'elle n'a pas bénéficié des jours de congés supplémentaires auxquels elle avait droit, prévus par son contrat de travail, compte tenu de sa durée de travail ;
Attendu qu'une somme de 2.311,77€ lui est due de ce chef ;
Attendu, en ce qui concerne la demande de capitalisation des intérêts, que la première demande en possession de la cour est contenue dans la demande présentée le 20 septembre 2005 ; qu'il doit être fait droit à cette demande, la première capitalisation ne pouvant intervenir que le 20 septembre 2006, et pour les intérêts courus entre le 20 septembre 2005 et le 20 septembre 2006 ;
Attendu qu'enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirmant le jugement en ce qu'il a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, ordonné la remise d'une attestation ASSEDIC rectifiée et condamné l'employeur sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Mais, l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne l'ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION à payer à Corinne X... :
- la somme de 3.255,13€ à titre d'heures supplémentaires impayées,
- la somme de 325,51€ à titre de congés payés afférents,
- la somme de 3.500,00€ à titre d'indemnité de requalification,
- la somme de 13.600,00€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- la somme de 2.311,77€ à titre d'indemnité compensatrice de jours de réduction du temps de travail non pris ;
Y ajoutant,
La condamne au paiement de la somme supplémentaire de 1.200,00€ par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Dit qu'à l'exception de l'indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et des sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, dont les intérêts légaux courront à compter de la notification du présent arrêt, ces sommes emportent intérêts au taux légal dès le 18 octobre 2004, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Dit que la première capitalisation pourra intervenir le 20 septembre 2006 pour les intérêts courus entre le 20 septembre 2005 et le 20 septembre 2006, et par la suite tous les ans, pour les intérêts échus pour une année entière ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne l'ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, présente lors du prononcé.