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25/07/2007 | FRANCE | N°05/02294

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 25 juillet 2007, 05/02294


ARRÊT No1272

R. G. : 05 / 02294

RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES
27 mai 2005

Section : Activités Diverses

ASSOCIATION CLINIQUE BONNEFON

C /


X...




COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 JUILLET 2007

APPELANTE :

ASSOCIATION CLINIQUE BONNEFON
venant aux droits de l'Association
Maison de Santé Protestante d'Alès-Clinique BONNEFON
prise en la personne de son représentant légal en exercice
45 Avenue Carnot
30100 ALES

représentée par

Me Bruno SIAU, avocat au barreau de BEZIERS



INTIMÉE :

Madame Odile X... épouse Y...

née le 18 Mai 1953

...

30340 ROUSSON

représentée par Me Luc KIRKYACH...

ARRÊT No1272

R. G. : 05 / 02294

RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES
27 mai 2005

Section : Activités Diverses

ASSOCIATION CLINIQUE BONNEFON

C /

X...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 JUILLET 2007

APPELANTE :

ASSOCIATION CLINIQUE BONNEFON
venant aux droits de l'Association
Maison de Santé Protestante d'Alès-Clinique BONNEFON
prise en la personne de son représentant légal en exercice
45 Avenue Carnot
30100 ALES

représentée par Me Bruno SIAU, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMÉE :

Madame Odile X... épouse Y...

née le 18 Mai 1953

...

30340 ROUSSON

représentée par Me Luc KIRKYACHARIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

PARTIE INTERVENANTE :

UNION LOCALE DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE
DES TRAVAILLEURS C. G. T.
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
7 Place Georges Dupuy
30100 ALES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Vice Président Placé,

GREFFIER :

Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l'audience publique du 23 Mai 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2007, prorogée au 25 Juillet 2007,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 25 Juillet 2007,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Odile X... épouse Y... était embauchée en qualité d'aide soignante par l'association Maison de Santé Protestante d'Ales clinique Bonnefon selon un contrat à durée déterminée du 11 avril 1983 au 28 avril 1983, puis selon contrat à durée indéterminée du 16 mai 1983.
Elle saisissait le Conseil de Prud'hommes d'Alès le 20 janvier 2004 sollicitant la somme de un million d'euros de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de son éviction professionnelle fondée notamment sur son appartenance syndicale.

Elle exposait les faits suivants :

Durant l'année 2002 elle travaillait dans le service des soins externes au secteur endoscopique, et sa mission consistait à gérer les dossiers des patients et assister le gastro-entérologue.

Par ailleurs elle est déléguée syndicale, membre du Comité d'Hygiène et Sécurité Conditions de Travail et élue au comité d'entreprise dans lequel elle a été désignée comme secrétaire.

A la suite d'une transmission au directeur de la clinique d'une note de la Fédération FEHAP, le 15 février 2002, elle découvrait les circulaires ministérielles relatives aux désinfections des endoscopes et aux précautions à observer pour réduire les risques de contamination afin d'éviter les infections nosocomiales. Devant son intérêt pour les questions d'hygiène le directeur lui demandait de faire un état des lieux et des pratiques en cours dans le secteur endoscopique au cours d'une réunion du CHSCT le 25 juillet 2002.

Elle rédigeait un rapport dans lequel elle a relevé des manquements aux règles d'hygiène et de sécurité dans la désinfection, défauts de nettoyage, pratiques dangereuses : utilisation d'un gastroscope pour pratiquer une rectoscopie. Egalement elle proposait des évaluations en ce qui concerne l'hygiène et les pratiques dans l'établissement.

A compter de cette date elle était victime d'un médecin libéral qui la contraignait à obéir à un ordre illicite ne garantissant pas la sécurité du patient par l'utilisation d'un coloscope jugé défectueux avec interdiction formelle de le retirer du " circuit " et de l'envoyer à la société de maintenance pour le réparer.

Malgré ses courriers et des réunions du comité d'entreprise et du CHSCT et malgré les témoignages du personnel corroborant ses dires elle avait à subir une discrimination syndicale, des humiliations, des attaques malveillantes et un harcèlement moral avec des expressions comme « tiens, voilà la rouge ! " " Attention, la CGT arrive, taisez-vous ! " " J'aime pas avoir la CGT derrière mon dos, passez devant ! ".

Elle avait été convoquée par le directeur, le mardi 11 juin 2002, pendant ses congés, qui lui avait demandé de ne pas reprendre ses fonctions au secteur endoscopique le lundi 17 juin suivant et lui avait alors proposé un départ négocié, puis le vendredi 14 juin le directeur lui avait notifié une semaine d'exclusion du 17 juin au 23 juin 2002.

Invoquant des difficultés le directeur, par courrier du 18 juin 2002, l'avait informée que son exclusion de la clinique devait se prolonger à partir du 24 juin 2002 jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire pour une durée illimitée.

Finalement lors d'une réunion du CHSCT du 25 juillet 2002 l'infirmière générale reconnaissait des pratiques douteuses.

Malgré tout un médecin libéral persistait à lui tenir des propos méprisants et diffamatoires, aussi des membres du CHSCT ont alerté l'inspecteur du travail, et le 12 septembre 2002, elle ne pouvait participé à une réunion du personnel du secteur endoscopique.

C'est ainsi que le 20 septembre 2002 elle était affectée à la maison de retraite ce qui occasionnera l'intervention de l'inspecteur du travail pour qu'elle reprenne son service au secteur décontamination des endoscopes.

A la suite d'une réunion du CHSCT au cours de laquelle elle était malmenée par le directeur le 17 octobre 2002, elle était en arrêt de maladie consécutif à un état anxio dépressif.

La veille de sa reprise de travail, elle recevait à son domicile, une télécopie du directeur qui lui donnait l'ordre de se rendre à Aubagne (13) pour suivre une formation de deux jours sur les désinfections des endoscopes, alors que ses collègues ont suivi cette formation dans la clinique.

Pendant son absence le secteur décontamination était délocalisé pour être placé à l'étage en dessous du bloc, au fond d'un couloir, dans une salle de bains, sans aération, et deux médecins libéraux se mettaient en grève pour protester contre son retour.

Le 22 novembre 2002 prise d'un malaise elle était hospitalisée à Aubagne.

Le 20 décembre 2002, l'inspecteur du travail avait relevé des infractions aux dispositions des articles L 412-2-et L 122-49 du Code du travail relatifs respectivement à la discrimination syndicale et au harcèlement.

Toujours en arrêt de travail un médecin psychiatre concluait le 22 août 2003, que les lésions organiques, à savoir ulcère bulbaire, état dépressif réactionnel, lésions cutanées prurigineuses, étaient imputables au stress dont la manifestation s'était révélée lors de l'accident de travail du 22 novembre 2002.

Au mois de septembre 2003 un médecin constatait qu'elle présentait un état dépressif sévère évolutif, et elle était ensuite hospitalisée pour amaigrissement puis du 21 octobre 2003 au 28 novembre 2003 transférée dans la clinique Stella pour une prise en charge psychiatrique.

Le médecin psychiatre a ainsi diagnostiqué le 11 novembre 2003, qu'elle présentait une anxiété généralisée avec un épisode dépressif réactionnel majeur, et que cet état dépressif se décompensait par des insomnies, des pleurs, des phobies et un repli sur elle-même, étant précisé que ces hospitalisations ont été prises en charge au titre de l'accident de travail.

Outre les dommages intérêts elle sollicitait l'affichage à la porte de la clinique au vu du public, de la décision à intervenir sous astreinte forfaitaire et définitive de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ainsi que la publication de cette décision dans trois journaux régionaux et nationaux du choix du conseil des prud'hommes sous la même astreinte.

Par un premier jugement du 28 janvier 2005 le Conseil de prud'hommes ordonnait la désignation de conseillers rapporteurs, et après exécution de cette mesure, par un second jugement du 27 mai 2005 :

-accueillait les demandes et reconnaissait l'existence d'une discrimination professionnelle, d'une discrimination syndicale, et d'un harcèlement moral,

-condamnait l'Association Maison de santé protestante d'Alès Clinique Bonnefon à payer à Odile X... épouse Y... les sommes de :

-150. 000 euros au titre des dommages et intérêts,
-1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

-ordonnait l'expédition d'une copie certifiée conforme du jugement :

-à Monsieur le Sous Préfet d'Ales,
-à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance d'Alès,
-à l'Inspection du Travail d'Alès,
-à la Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale du Gard,
-à la Direction Régionale de l'Action Sanitaire et Sociale,
ceci au titre de la prévention sanitaire et de la protection des salariés sur leur santé physique et mentale,

L'association Clinique Bonnefon venant aux droits de l'association Maison de santé protestante d'Alès Clinique Bonnefon a régulièrement relevé appel de cette décision et prétend que :

-Madame Y... a toujours été appréciée des patients, de ses collègues de travail, des médecins et de la direction et des tensions sont apparues au secteur endoscopique car en sa qualité de membre du CHSCT elle avait signalé à sa direction, que les conditions de décontamination des endoscopes n'étaient pas conformes aux préconisations de la circulaire numéro 138,

-dès février 2002, avec l'accord de la direction, Madame Y... se chargeait de faire un état des lieux de la procédure de désinfection des endoscopes et le 27 février 2002 elle remettait un rapport au directeur de l'établissement sur le protocole de décontamination des endoscopes,

-Madame Y... n'a cessé de dénoncer à la direction les pratiques qu'elle estimait illicites de certains praticiens et pour apaiser les tensions entre Madame Y... et certains praticiens libéraux, elle était placée en disponibilité temporaire,

-au terme de sa mise en disponibilité il lui fut proposé une mutation dans un autre service de la clinique mais, à la suite d'inondations le secteur endoscopique et le local de décontamination ont dû être transférés au bloc opératoire, et dans ce contexte elle était affectée provisoirement à la Maison de Retraite, afin de mettre fin aux querelles entre elle et les praticiens,

-ensuite, après l'intervention de l'inspecteur du travail, Madame Y... était réintégrée au secteur endoscopique, mais la direction a tout mis en oeuvre afin, d'une part, d'éviter tout contact entre Madame Y... et les praticiens incriminés et, d'autre part, de permettre à sa salariée de mettre à profit son expérience,

-Madame Y... ne fait que relater l'existence d'incidents entre elle et certains médecins libéraux et elle ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination par son employeur et s'il est vrai qu'elle fait état de difficultés, d'altercations, de pressions exercées sur sa personne, celles-ci ne peuvent être imputées ni à un salarié, ni à la direction,

-la direction a toujours tenté de remédier aux dissensions entre Madame Y... et les praticiens et a eu pour objectif de lui proposer des solutions mais le retour de Madame Y... au bloc opératoire fut très mal perçu par les chirurgiens, qui le 28 octobre 2002, manifestèrent, par courrier, leur mécontentement en menaçant la direction de cesser leurs activités chirurgicales, menace mise à exécution,

-devant de telles circonstances elle décidait d'installer le secteur endoscopique dans un local situé en retrait du bloc opératoire et les mesures qu'elle a prises ne sont pas des mesures discriminatoires,

-elle a toujours agi dans un souci d'apaisement entre Madame Y... et les praticiens qui exercent dans la clinique et qui relèvent d'un statut libéral, la direction multipliant les demandes auprès des praticiens concernés afin de faire cesser ces troubles,

-dans le but de protéger une salariée elle a même interrompu le contrat d'exercice libéral du Docteur B... sans même respecter la totalité de son préavis de six mois,

-les relations professionnelles se sont détériorées du fait de la dérive des chirurgiens libéraux et l'association a même écrit au Docteur C... le 13 mai 2005 pour lui demander de rétablir une relation plus professionnelle avec Madame Y...,

Dans ces conditions elle demande le rejet de l'intégralité des prétentions de Madame Y....

L'Union Locale CGT a fait connaître qu'elle n'intervenait plus en cause d'appel.

L'intimée demande la confirmation de cette décision, plus des mesures de publicité, et la condamnation de l'association appelante à lui payer la somme de 4. 000 euros pour ses frais en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

MOTIFS

Sur les éléments matériels exposés par la salariée

Attendu que des éléments produits il est constant que :

-l'intimée était affectée au secteur endoscopique où elle remplissait une mission d'assistance médicale auprès des médecins gastroentérologues et elle est décrite comme une excellente professionnelle par les attestations produites aux débats comme celle de Madame D..., et appréciée de ses collègues de travail comme Mesdames E..., F..., et A...,

-elle avait révélé dans son rapport du 27 février 2002 les manquements aux règles d'hygiène dans le secteur endoscopique et a mis en cause les pratiques de certains des médecins libéraux,

-selon le procès verbal du CHSCT en date du 25 juillet 2002 les pratiques dénoncées par l'intimée ont été corroborées par la surveillante du secteur endoscopique ;

Attendu que les pratiques mises en cause sont aussi décrites par les énonciations du jugement du 4 janvier 2007 du Tribunal de Grande Instance d'Alès, dans une instance distincte entre la clinique et un patient, selon lequel :

Il est versé aux débats un procès verbal de constat établi par huissier de justice, en date du 21 décembre 2004 lequel contient copie d'un procès verbal du CHSCT de la réunion exceptionnelle du 25 juillet 2004 et duquel il ressort :

-S'agissant du protocole de désinfection des endoscopes, page 2 Monsieur G..., directeur de la clinique indique : " on est très ennuyé car nous n'avons plus le protocole d'origine qui a été détruit apparemment. "
-page 16 madame H..., infirmière générale : "... la limitation des examens était fixée à 16 examens,... le protocole était rarement appliqué,... on laissait toute latitude aux médecins de dépasser le nombre fixé ".
Est également inclus dans le procès verbal de constat un courrier adressé par madame F Sequier, surveillante des soins externes, membre du CHSCT, le 22 juillet 2002 à madame H..., infirmière générale qui indique s'agissant du protocole de désinfection des endoscopes :
" J'ai pu vous dire que le protocole, version 1999, avait été revu en 2000, pour sa présentation..., Par contre, il n ‘ est en aucun cas, celui qui m'a été transmis par les membres du CHSCT.
Je peux affirmer qu il a été réécrit, notamment en ce qui concerne les points suivants :
-Solution renouvelée après chaque utilisation... : cette manipulation ne faisait pas partie de nos pratiques... Plusieurs endoscopes trempaient dans le même bac et souvent simultanément. La solution n ‘ était pas changée ou de façon tout à fait exceptionnelle...
Bacs de trempage et de rinçage sont nettoyés entre chaque examen ce n'était pas écrit dans le protocole, donc pas fait. ‘... Compresse imbibée de solution d'amphosyline : cette opération ne faisait pas partie de nos pratiques... "

Ainsi, l'ensemble de ces éléments permet d'établir, outre la réserve émise par l'expert judiciaire sur le temps de désinfection de l'endoscopie, que :

-les solutions n'étaient peu ou pas changées, plusieurs appareils trempant ensemble les bacs n'étant pas nettoyés et rincés après chaque examen,
-le nombre d'examens pratiqués dépassait très fréquemment la limitation fixée à 16, destinée à permettre d'assurer la désinfection des endoscopes.

Attendu qu'également lors d'une réunion du CHSCT du 25 juillet 2002 Madame Y... précisait, ce que les autres membres présents ne contestaient pas, que l'inobservation du protocole de l'endoscopie n'était pas isolée ; qu'elle donnait aussi comme autre exemple le protocole de nettoyage des salles d'intervention méconnaissant les règles d'hygiène ;

Attendu que Madame Marie Claire I..., infirmière a, pour sa part précisé, dans une longue attestation ses conditions de travail et les difficultés rencontrées avec un praticien libéral alors qu'elle était déléguée de la CFDT ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que les fonctions de délégué syndical n'étaient pas unanimement appréciées au sein de la clinique et que le comportement personnel de Madame Y... n'est pas à l'origine de ce dont elle se plaint maintenant, ce qui est confirmé par l'attestation de Jacqueline J... ;

Attendu que consécutivement à son attitude au cours du premier semestre 2002 l'intimée a fait l'objet de remarques désobligeantes et de réflexions réitérées que l'employeur ne pouvait ignorer en l'état de courriers à lui adressés par cette salariée les 23 mai et 26 juin 2002, et par d'autres membres du personnel, dont une pétition qui a réuni les signatures de 110 salariés durant l'été 2002 ;

Attendu que le jugement déféré a minutieusement décrit et repris les faits et paroles blessantes, et répétées, qui furent adressés à Madame Y... par certains médecins, qui ne supportaient pas ses propos mettant en évidence une absence de rigueur dans la désinfection et un mode de fonctionnement sans respect des protocoles au point que l'infirmière générale a avoué, au cours de la réunion du 21 juin 2002 du CHSCT « Ce matin un médecin m'a dit nous sommes des libéraux vous n'avez rien à nous imposer » ; que ces éléments sont corroborés par l'attestation précise et détaillée de Madame K... ;

Attendu que c'est ainsi que :

-à deux reprises l'intimée a été mise en disponibilité temporaire pour une durée totale de trois mois, « mise en quarantaine » selon l'expression figurant dans l'attestation de Gilberte L..., et mutée malgré son statut de salarié protégé à la maison de retraite, tandis que sa remplaçante était affectée au bloc à sa place, et ne recouvrait ses fonctions qu'après l'intervention de l'inspecteur du travail,

-lors de sa reprise de travail elle a dû se rendre en formation à Aubagne pour une durée de deux jours alors que la formation de ses collègues à la décontamination des endoscopes n'a duré qu'une heure sur le lieu de travail, puis affectée au secteur décontamination et désinfection des endoscopes mais dans un nouveau local situé dans une salle de bains sans aération et exiguë, transfert décidé en urgence selon l'attestation de Madame M... et après un changement de cette installation qui devait être réalisée initialement au secteur décontamination du bloc selon le témoin Madame L...,

-les documents médicaux démontrent les conséquences sur la santé de Madame Y... des agissements subis et de cette exclusion, aboutissant à une déclaration d'inaptitude définitive à tous les postes de l'entreprise ;

Attendu qu'en l'espèce sont donc réunis les éléments de faits qu'il incombe au salarié de rassembler et qui se plaint d'un harcèlement ou d'une discrimination au sens des articles L 122-49 et L 122-45 du Code du travail ;

Sur les justifications apportées par l'employeur

Attendu que l'association allègue que la responsabilité de cette situation ne lui incombe pas directement et qu'elle a tout fait pour éviter d'aggraver le sort de l'intimée ;

Attendu, cependant, qu'il résulte des articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du Code du travail, ce dernier interprété à la lumière de la Directive CEE no 89 / 391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs, que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité ;

Attendu qu'en l'espèce l'employeur a d'une part préféré choisir comme seule solution de mettre systématiquement à l'écart Madame Y... en portant atteinte à son statut, d'autre part a fait preuve d'une constante inertie, jusqu'à la saisine de la juridiction par l'intimée, à l'égard d'agissements illicites et répétés exercés par des tiers à l'encontre de sa salariée ;

Attendu que l'employeur :

-n'a jamais saisi les instances ordinales, en invoquant l'inexécution des dispositions du Code de déontologie notamment l'article 68 qui impose, dans l'intérêt des malades, aux médecins d'entretenir de bons rapports avec les membres des professions de santé en ce que compris tous les personnels des établissements de santé dans lesquels ils exercent,
-n'a jamais utilisé de mise en demeure, en rappelant que l'exécution des stipulations d'un contrat d'exercice libéral n'autorise pas le praticien à s'adresser au personnel de la clinique avec des paroles humiliantes et pour des motifs sans rapport avec les fonctions professionnelles ;

Attendu qu'à cet égard ne constitue ni une atténuation ni une excuse l'argument tiré d'une absence de lien de subordination entre la clinique et les praticiens libéraux, ces derniers devant respecter les dispositions d'ordre public du Code de la santé publique et celles de l'article 222-33-2 du Code pénal, inséré par la loi n º 2002-73 du 17 janvier 2002 et applicable aux faits, ce dernier prohibant le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'en outre il appartenait à l'employeur de diligenter, en cas de nécessité, les voies de droit les plus appropriées en recourant à des procédures contraignantes ainsi le référé avec demande d'astreinte par infraction constatée pour faire cesser de tels agissements ;

Attendu qu'enfin en aucun cas l'employeur ne pouvait, pour protéger l'intimée, porter atteinte au statut de salariée protégée en ordonnant une mise à l'écart, sans son accord et un retour dans des conditions inacceptables, pour éviter de rappeler les exigences légales à l'égard de praticiens libéraux dont l'un au mois mars 2002 avait maintenu volontairement un endoscope défectueux en imposant sa volonté, malgré la demande contraire de la salariée, cet objet ayant le mois suivant causé une perforation colique à un patient nécessitant une opération en urgence ;

Attendu que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu des faits caractérisant une discrimination et un harcèlement ;

Attendu qu'en l'état des éléments fournis sur l'étendue et l'importance du préjudice subi par Madame Y... il lui sera alloué la somme de 60. 000 euros à titre de dommages intérêts tenant compte de son importante ancienneté, de l'atteinte portée à sa réputation professionnelle et ternissant volontairement son dévouement au bien être des patients et à son désintéressement syndical ;

Attendu qu'aucune disposition n'autorise le juge prud'homal à ordonner une transmission d'une copie certifiée conforme au Sous Préfet d'Ales, à l'Inspection du Travail d'Alès, à la Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale du Gard, et à la Direction Régionale de l'Action Sanitaire et Sociale ; que cette disposition sera infirmée ; que de même ne sont pas adaptées aux circonstances de la cause les demandes formulées en cause d'appel par l'intimée sollicitant un affichage et une publication sous astreinte dans trois journaux régionaux et nationaux ;

Attendu qu'en revanche à titre de réparation morale il sera ordonné une mesure de publicité restreinte à savoir la lecture intégrale du présent arrêt :

-par le secrétaire lors d'une réunion du CSHCT spécialement réuni à cet effet au plus tard le 30 octobre prochain,
-par le secrétaire lors d'une réunion du Comité d'entreprise spécialement réuni à cet effet avant le 30 novembre prochain,
-par le président de l'association Clinique Bonnefon venant aux droits de l'association Maison de santé protestante, lors d'une réunion du Conseil d'administration réunie à cet effet avant le 15 décembre prochain ;

Attendu qu'à défaut de justifier de l'accomplissement de ces mesures en temps et en heure, par la transmission des procès verbaux des réunions à Madame Y... ou à son avocat, par lettre recommandée avec accusé de réception, courra une astreinte de 800 euros par jour de retard, à l'encontre de l'association ; que la Cour s'en réservera la liquidation ;

Attendu qu'en revanche sera maintenue la disposition du jugement prévoyant qu'une copie sera transmise à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance d'Alès aux fins qu'il lui appartiendra d'apprécier dans le cadre de ses attributions ;

Attendu qu'il parait équitable que l'association participe à concurrence de 1. 500 euros aux frais exposés par l'intimée en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Donne acte à l'Union Locale CGT de ce qu'elle n'intervient plus en cause d'appel,

Réforme le jugement déféré sur le montant de dommages intérêts et en ce qu'il a ordonné la transmission d'une copie certifiée conforme au Sous Préfet d'Ales, à l'Inspection du Travail d'Alès, à la Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale du Gard, et à la Direction Régionale de l'Action Sanitaire et Sociale,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes en ce qu'elles ont ordonné une transmission à ces destinataires,

Condamne l'association Clinique Bonnefon venant aux droits de l'association Maison de santé protestante d'Alès Clinique Bonnefon à payer à Madame Odile X... épouse Y... la somme de 60. 000 euros à titre de dommages intérêts,

Ordonne à titre de réparation morale complémentaire une mesure de publicité restreinte à savoir la lecture intégrale du présent arrêt :

-par le secrétaire lors d'une réunion du CSHCT de l'établissement spécialement réuni à cet effet au plus tard le 30 octobre prochain,
-par le secrétaire lors d'une réunion du Comité d'entreprise de l'établissement spécialement réuni à cet effet avant le 30 novembre prochain,
-par le président de l'association Clinique Bonnefon venant aux droits de l'association Maison de santé protestante, lors d'une réunion du Conseil d'administration réuni à cet effet avant le 15 décembre prochain ;

Dit qu'à défaut de justifier de l'accomplissement de ces mesures en temps et en heures, par la transmission des procès verbaux des réunions à Madame Y... ou à son avocat, par lettre recommandée avec accusé de réception, courra une astreinte de 800 euros par jour de retard à l'encontre de l'association,

Dit que la Cour s'en réserve la liquidation en application de l'article 35 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, et qu'une simple requête, accompagnée d'une copie du présent arrêt, pourra la saisir à cette fin,

Confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne l'association Clinique Bonnefon venant aux droits de l'association Maison de santé protestante d'Ales clinique Bonnefon à payer à Madame Odile X... épouse Y... la somme de 1. 500 euros pour ses frais en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 05/02294
Date de la décision : 25/07/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Alès


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-07-25;05.02294 ?
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