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13/06/2007 | FRANCE | N°06/04621

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 13 juin 2007, 06/04621


R. G. : 06 / 04621



CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES

22 septembre 2006

Section : Encadrement


X...


C /

S. A. TECHNICONTROL



COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2007

APPELANT :

Monsieur Thierry X...

né le 26 Février 1968 à PARIS 12 (75012)

...

07150 BESSAS

comparant en personne, assisté de Me Eric SPAETH, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE :

S. A. TECHNICONTROL,
prise en la personne de son directeur en exerci

ce
18 Avenue de Raspail
94100 ST MAUR DES FOSSES

représentée par la SELARL BLEU-LE PECHON, plaidant par Me LE PECHON avocat au barreau de PARIS



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES...

R. G. : 06 / 04621

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ALES

22 septembre 2006

Section : Encadrement

X...

C /

S. A. TECHNICONTROL

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2007

APPELANT :

Monsieur Thierry X...

né le 26 Février 1968 à PARIS 12 (75012)

...

07150 BESSAS

comparant en personne, assisté de Me Eric SPAETH, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S. A. TECHNICONTROL,
prise en la personne de son directeur en exercice
18 Avenue de Raspail
94100 ST MAUR DES FOSSES

représentée par la SELARL BLEU-LE PECHON, plaidant par Me LE PECHON avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller,
Madame Isabelle MARTINEZ, Vice-Présidente placée,

Mesdemoiselles Delphine PIQUEMAL et Dorothée SALVAYRE, élèves avocats ont assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

GREFFIER :

Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l'audience publique du 17 Avril 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2007, prorogée au 13 juin 2007.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 13 Juin 2007.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Thierry X...était embauché le 1er septembre 1989 en qualité de technicien par la société TECHNICONTROL, spécialisée dans la vente et l'installation d'équipements thermiques.

A compter du 10 septembre 2002 il était détaché à Alès, puis le 1er janvier 2003, il était nommé à la direction de l'agence d'Alès.

Il était licencié par courrier du 8 novembre 2004 rédigé dans les termes suivants :

" L'activité dont nous vous avons confié la responsabilité dans le sud de la France, à partir d'une agence spécifiquement créée à ALES en 2003 suite à votre décision d'implantation personnelle dans cette région, est lourdement déficitaire depuis sa création.

Les perspectives ne laissent pas entrevoir d'améliorations notables dans les mois qui viennent.
TECHNICONTROL n'est pas en mesure de supporter un tel investissement sur une plus longue période.

Après avoir envisagé avec vous même plusieurs scénarii de continuation, la fermeture de l'agence semble être la seule issue à cette situation.

Je vous rappelle que vous disposez d'un délai de réflexion de 30 jours pour accepter une mutation sur le siège de l'entreprise à Saint Maur, comme discuté lors de notre entretien du 26 octobre : il vous est proposé de reprendre votre poste de directeur adjoint, poste dont vous disposiez avant la création de l'agence d'Alès "

Reprochant à Monsieur X...un comportement déloyal ayant entraîné la désorganisation de l'entreprise, au profit d'une société concurrente, la société AQUACLIM, dont il était associé majoritaire, la société TECHNICONTROL saisissait le Conseil de Prud'hommes le 19 décembre 2005 afin d'obtenir des dommage et intérêts.

Thierry X...présentait à cette occasion une demande reconventionnelle estimant son licenciement abusif et réclamant le versement de primes liées à son activité professionnelle chez TECHNICONTROL.

Par jugement du 22 septembre 2006, le Conseil de Prud'hommes d'Alès a :

-condamné Monsieur Thierry X...à verser à la société TECHNICONTROL la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de son obligation de loyauté dans le cadre de son contrat de travail,

-débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.

Monsieur Thierry X...a relevé appel de cette décision.

Il soutient essentiellement que :

-il n'a pas commis un acte de déloyauté répréhensible dans la mesure où il n'a été que simple porteur de parts de la société AQUACLIM, et qu'il n'a jamais occupé de fonctions sociales ou salariées au sein de cette dernière,

-il résulte de la jurisprudence qu'il n'est pas interdit au salarié d'une société de se porter acquéreur des actions d'une autre société, même lorsque les deux sociétés sont concurrentes,

-en tout état de cause la société AQUACLIM n'est pas directement concurrente de la société TECHNICONTROL,

-il s'est montré loyal vis à vis de son employeur tout au long de l'exécution de son contrat de travail et même au delà de la fin de son contrat,

-il n'a pas commis d'actes de parasitisme commerciaux ni de détournement de clientèle, le constat d'huissier ayant identifié seulement deux clients en commun,

-la société TECHNICONTROL n'a subi aucun préjudice,

-la société TECHNICONTROL invoque le caractère déficitaire de l'activité de son établissement secondaire et l'absence de perspective d'amélioration, mais n'invoque pas l'existence de difficultés économiques autres que l'impossibilité pour elle de supporter l'investissement constitué par la création de l'agence d'Alès

Il sollicite donc :

-l'infirmation du jugement,
-le rejet de l'ensemble des demandes de la société TECHNICONTROL,
-à titre reconventionnel, de déclarer le licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-la condamnation de la société TECHNICONTROL à lui verser les sommes de :

-99 340 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif,
-15 447 € à titre de rappel de primes,
-1 544 € à titre d'indemnités de congés payés afférentes aux sommes dues,
-les intérêts à compter de la date de ses conclusions avec application de l'article 1544 du Code civil,
-de condamner la société à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société TECHNICONTROL prétend essentiellement que :

-Monsieur X...a violé son obligation de loyauté dans la mesure où il a constitué et exploité une société concurrente à celle de son employeur pendant son contrat de travail,

-il détenait la majorité absolue du capital social de cette entreprise concurrente, et il était le gérant de fait de cette entreprise,

-il avait délaissé l'entreprise TECHNICONTROL et consacré l'essentiel de son temps à servir la structure concurrente qu'il venait de mettre sur pied,

-il a utilisé de façon déloyale, pendant son contrat de travail le fichier clients et l'infrastructure de son employeur,

-les termes de la lettre de licenciement sont particulièrement clairs et motivés, et mettent en évidence les difficultés réelles et sérieuses de la Société ; en effet l'établissement d'Alès et le poste de Monsieur X...ont tous deux été supprimés.

Elle sollicite donc :

-la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la violation par Monsieur X...de son obligation de loyauté et dit la responsabilité de ce dernier engagée à ce titre,

-reconventionnellement, de dire que la responsabilité du salarié déloyal a été mal évaluée,

-la condamnation de Monsieur X...au titre de la violation de son obligation de loyauté, à lui verser la somme de 128 363,15 € se décomposant comme suit :

-45 000 € au titre du préjudice découlant du pillage et de la désorganisation orchestrés par Monsieur X...,
-50 000 € au titre du préjudice découlant de l'activité parallèle et concurrente de Monsieur X...pour le compte de la société AQUACLIM pendant l'exercice de son contrat de travail et de l'abandon de toute activité réelle pour la société de son employeur,
-33 363,15 € au titre du surcoût occasionné à TECHNICONTROL par le versement d'une indemnité de licenciement à Monsieur X...,

-la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par Monsieur Thierry X...et notamment celle concernant le prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il aurait été victime,

-le rejet de l'ensemble des demandes de l'appelant,

-la condamnation de Monsieur X...au versement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

1) Sur la responsabilité pécuniaire du salarié :

Attendu que Monsieur Thierry X...était à compter du 10 septembre 2002 responsable de l'agence d'ALES, et chargé de développer l'activité de la Société TECHNICONTROL dans le sud de la France,

Attendu qu'au mois d'août 2003 Monsieur Thierry X...a constitué avec Madame Françoise E...la société AQUACLIM dont il est l'actionnaire majoritaire,

Attendu que la comparaison des pièces des deux sociétés AQUACLIM et TECHNICONTROL démontre qu'elles sont toutes deux spécialisées dans le génie climatique, qu'en outre Monsieur Thierry X...a déclaré devant huissier de justice le 21 octobre 2005 : " (...) Je vous confirme que j'ai créé la Société SARL AQUACLIM avec Madame Françoise E..., gérante statutaire de cette société fin août 2003, lors de mon arrivée sur Alès en qualité de salarié au sein de la société TECHNICONTROL. Je vous confirme que cette SARL AQUACLIM a le même objet social ainsi que les mêmes activités que mon ancien employeur, la société TECHNICONTROL " ;

Qu'il résulte donc de ces éléments que les Sociétés TECHNICONTROL et AQUACLIM avaient le même objet social et étaient directement concurrentes sur la même zone géographique ;

Attendu qu'apparaît, sur un courrier de la Société AQUACLIM du 13 juin 2004, date à laquelle Monsieur Thierry X...était encore salarié de la Société TECHNICONTROL, la mention " Affaire suivie par Monsieur Thierry X..." ;

Attendu qu'en date du 5 janvier 2005, alors que Monsieur X...effectuait son préavis pour la Société TECHNICONTROL, un courrier de la Société AQUACLIM était signé : " Le Directeur Technique Thierry X..." ;

Attendu qu'il résulte de l'analyse des documents utilisés par les deux sociétés, tels que les contrats commerciaux, que ces derniers sont identiques tant dans leur présentation matérielle que dans leur contenu ; qu'en effet les différentes clauses contractuelles sont énoncées dans le même ordre, encadrées de façon identique, et libellées dans les mêmes termes ;

Attendu que le constat d'huissier de justice en date du 21 octobre 2005 précise que deux clients communs ont été identifiés entre les deux sociétés ; que pour l'année 2004, la Société AQUACLIM a réalisé un chiffre d'affaire d'environs 85 888 € ; que sur ce montant,35 451 € ont été réalisés avec ces deux clients communs, ce qui correspond à 42 % du chiffre d'affaire global de la Société AQUACLIM. ; qu'il en résulte donc que ces clients communs constituaient un apport décisif dans le chiffre d'affaire de la Société AQUACLIM ;

Attendu que la responsabilité d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut être mise en oeuvre qu'en cas de faute lourde laquelle implique une intention de nuire du salarié ;

Attendu que les agissements de Monsieur X...ont apporté des ressources indispensables à la survie d'une entreprise directement concurrente à celle de son employeur ; que Monsieur X...a lui-même profité de cet apport étant actionnaire majoritaire de cette société, et les faits précédemment établis suffisent à caractériser l'intention malveillante de Monsieur X...vis à vis de son ancien employeur ;

Attendu qu'ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le Conseil de Prud'hommes d'Alès, Monsieur X...a commis une faute lourde engageant sa responsabilité ;

Attendu qu'il convient de fixer le montant des dommage et intérêts au regard du préjudice subi par la Société TECHNICONTROL à 30 000 € ;

2) Sur le bien fondé du licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige, est libellée comme suit :

" L'activité dont nous vous avons confié la responsabilité dans le sud de la France, à partir d'une agence spécifiquement créé à ALES en 2003 suite à votre décision d'implantation personnelle dans cette région, est lourdement déficitaire depuis sa création.

Les perspectives ne laissent pas entrevoir d'améliorations notables dans les mois qui viennent.
TECHNICONTROL n'est pas en mesure de supporter un tel investissement sur une plus longue période.

Après avoir envisagé avec vous même plusieurs scénarii de continuation, la fermeture de l'agence semble être la seule issue à cette situation. (...) ".

Attendu qu'en vertu de l'article L 321-1 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour des motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Attendu que lorsque l'entreprise comporte différents établissements, ce n'est pas au niveau de chaque établissement qu'il faut apprécier les difficultés mais au niveau de l'entreprise elle-même ;

Attendu qu'en l'espèce la lettre de licenciement vise les difficultés de l'établissement d'Alès sans invoquer les difficultés de l'entreprise elle-même ; que les bilans produits ne suffisent pas à établir les difficultés économiques de l'entreprise ;

Attendu que la lettre de licenciement dispose : " Je vous rappelle que vous disposez d'un délai de réflexion de 30 jours pour accepter une mutation sur le siège de l'entreprise à Saint Maur, comme discuté lors de notre entretien du 26 octobre : il vous est proposé de reprendre votre poste de directeur adjoint, poste dont vous disposiez avant la création de l'agence d'Alès " ;

Attendu que Monsieur X...a refusé cette mutation, que la Société ne lui a fait aucune autre proposition et ne justifie par aucun organigramme ni autre élément de consultation interne, qu'elle ait recherché une autre possibilité de reclassement ;

Attendu qu'il s'en déduit que le licenciement de Monsieur X...est abusif ; qu'il convient de lui allouer à ce titre la somme de 30 000 €, en l'état de l'étendue et de l'importance de son préjudice.

3) Sur le rappel de prime :

Attendu que le contrat de travail de Monsieur X...ne prévoit pas le versement de primes, et dès lors il convient de vérifier si un usage a été créé ou non,

Attendu que Monsieur X...soutient que depuis l'origine il a perçu chaque année de la part de son employeur une ou plusieurs primes, qu'à titre d'exemple il a perçu :

-en 1999 une prime de régularité de 32 000 francs et des primes diverses d'un montant de 10 600 francs,
-en 2000 une prime d'affaires de 70 450 francs et une prime de régularité de 10 000 francs,
-en 2001 une prime d'affaires pour un montant de 59 040 francs,
-en février 2002 une prime d'affaires pour un montant de 1 904 €,

Attendu que les pièces produites aux débats ne permettent pas de démontrer que la Société TECHNICONTROL avait déterminé le montant de ces primes selon un mode de calcul fixe ;

Attendu que seul constitue un usage obligatoire, celui qui présente les caractères de généralité, de constance et de fixité ;

Qu'en conséquence ces primes dont l'attribution ne répond pas à ces critères ne revêtent pas un caractère de fixité de nature à caractériser un usage.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que Monsieur Thierry X...a commis une faute lourde engageant sa responsabilité,

Condamne Monsieur X...à verser à la Société TECHNICONTROL la somme de 30 000 €, à titre de dommages et intérêts,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société TECHNICONTROL à verser à Monsieur X...la somme de 30 000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement pour le surplus,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame GAUCHEY, Greffier présente lors des débats.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 06/04621
Date de la décision : 13/06/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Alès


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-06-13;06.04621 ?
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