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13/06/2007 | FRANCE | N°05/00324

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 13 juin 2007, 05/00324


R. G. : 05 / 00324



CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NÎMES

24 janvier 2005
Section : Industrie



ÉLECTRICITÉ DE FRANCE-UNION DE PRODUCTION MÉDITERRANÉENNE

C /


X...




COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2007

APPELANTE :

ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
UNION DE PRODUCTION MÉDITERRANÉENNE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
30, avenue de Wagram
75008 PARIS

représentée par la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau de MARSEILLE

, plaidant par Me PERIE



INTIMÉ :

Monsieur Alain X...

né le 07 janvier 1956

...

13150 BOULBON

comparant en personne, assisté de Me Sabine MANCHET-FRONTIN, a...

R. G. : 05 / 00324

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NÎMES

24 janvier 2005
Section : Industrie

ÉLECTRICITÉ DE FRANCE-UNION DE PRODUCTION MÉDITERRANÉENNE

C /

X...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 JUIN 2007

APPELANTE :

ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
UNION DE PRODUCTION MÉDITERRANÉENNE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
30, avenue de Wagram
75008 PARIS

représentée par la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me PERIE

INTIMÉ :

Monsieur Alain X...

né le 07 janvier 1956

...

13150 BOULBON

comparant en personne, assisté de Me Sabine MANCHET-FRONTIN, avocat au barreau de NÎMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller,
Madame Isabelle MARTINEZ, Vice-Présidente placée,

Mesdemoiselles Delphine PIQUEMAL et Dorothée SALVAYRE, élèves avocats ont assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

GREFFIER :

Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l'audience publique du 17 Avril 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2007, prorogée au 13 Juin 2007

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 13 Juin 2007,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur X...entrait à l'Ecole EDF de la Pérollière en avril 1973, était titularisé à son premier poste à partir du mois d'avril 1975 en qualité d'agent en formation au classement 03B et muté au sein de l'établissement d'Aramon à compter de l'année 1979.

En 1987 il était promu à un poste de technicien principal dans le secteur mécanique au classement GF 09 NR 10.

Il saisissait le Conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de faire constater qu'il était victime d'harcèlement moral et d'obtenir à ce titre :

-150 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral
-51 000 € de dommages et intérêts pour préjudice financier.

Par jugement du 24 janvier 2005, le Conseil en formation de départage a :

-dit qu'EDF unité de production méditerranée a manqué à l'obligation loyale d'exécution du contrat de travail à l'égard de Monsieur X...,

-condamné EDF énergie méditerranée à payer à Monsieur X...les sommes de :
* 50 000 € en réparation de son préjudice moral
* 51 000 € en réparation de son préjudice financier.

La société EDF a régulièrement relevé appel et soutient dans ses précédentes conclusions que :

-sur la mutation pour raisons de santé et la reconnaissance en tant que travailleur handicapé

L'article L 241-10-1 du Code du travail, EDF a intégré dans sa réglementation interne au travers de la circulaire PERS 268 l'obligation pour l'employeur de prendre en considération les demandes de changement d'emploi des agents inadaptés pour raisons de santé lorsque celles-ci résultent d'avis présentés par les médecins du travail locaux d'EDF.

Il s'agit d'une notion de salarié inadapté et distincte de celle de travailleur handicapé prise par
l'article L 323-10 alinéa 2 du Code du travail ;

Monsieur X...est devenu un salarié inapte au sens de la circulaire Pers 268 compte tenu de sa maladie mais n'a pas été reconnu travailleur handicapé au sens du Code du travail

Le médecin du travail d'EDF a demandé à l'employeur d'affecter Monsieur X...dans un poste correspondant à ses aptitudes physiques, il n'y a donc aucune manoeuvre de harcèlement moral.

-sur le retrait du service actif

Selon la circulaire Pers 226 du 21 mai 1952 :
" sont classés en service actif les emplois qui requièrent de la part des agents qui les exercent une dépense physique importante ou qui expose les agents aux intempéries ou qui comportent des conditions de travail pénibles. "
" Tout changement d'affectation comme toute modification apportée aux conditions de travail après application des règles statutaires peuvent donc entraîner la révision du classement des nouveaux temps de service en actifs ou sédentaires ".

Ainsi cette affectation et par conséquent cette modification de classement ne peuvent être considérées comme une manoeuvre de harcèlement moral de la part d'EDF car elles sont prévues par les textes réglementaires internes à l'établissement public.

-sur les affectations successives

Pour celles d'octobre 1990 et mars 1992, elles relevaient d'une décision de le médecin du travail et l'employeur était tenu par la réglementation de le réaffecter dans un emploi correspondant à ses aptitudes physiques conformément à l'obligation de sécurité qui pèse sur lui ;

Pour celle d'avril 1998, elle est intervenue avec l'accord du salarié du 6 mars 1998 ;

Pour celle de décembre 2000, elle correspondait au changement d'appellation de l'unité et n'apporte aucune modification au contrat de travail.

-sur le déménagement du bureau de Monsieur
X...

Suite à une réorganisation des bureaux, l'affectation de son bureau a été revue alors qu'il était en arrêt maladie et à son retour les travaux n'avaient pas été terminés.

-sur les pressions exercées à la suite du conflit collectif de 1995

Selon l'article L 122-52 du Code du travail
" le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement "

Aucun fait n'a été établi par Monsieur X..., l'employeur ne peut répondre à sa prétention.

-sur les droits d'alerte et de retrait

Monsieur X...pour justifier des pressions psychologiques qu'il aurait subies de son employeur au travers du harcèlement moral, doit établir l'existence d'un danger grave et imminent dans sa situation de travail. Mais dans la formulation des trois droits d'alerte et de retrait saisissant le CHSCT aucune énonciation ne répond à la notion de danger grave et imminent.

-sur la prétendue absence de réponse de la Direction d'EDF

Monsieur X...a bénéficié de multiples entretiens notamment avec son chef de service, le Directeur du Centre de Production Thermique et le directeur délégué RH de l'unité.

-sur l'absence de formation

Selon l'enquête annuelle 2000 Monsieur X...a refusé des stages nationaux d'une durée supérieurs à une semaine pour des raisons familiales ne voulant pas s'éloigner de son domicile.

-sur le préjudice moral

Aucun des éléments avancés par Monsieur X...n'établit des manoeuvres de harcèlement moral et selon le Docteur E..., médecin expert près la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence dans sa note du 24 septembre 2003, la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante font partie des syndromes rhumatologiques inflammatoires d'origine génétique.

-sur le préjudice financier

Monsieur X...a été reclassé et il a ainsi pu bénéficier de groupes fonctionnels et de niveaux de rémunération sans subir la moindre contrainte d'un changement d'emploi.
De plus la prise en compte de son inaptitude médicale qui a pu participer à l'évolution lente de sa carrière ne peut être reprochée à EDF qui a agi dans le cadre de son obligation de sécurité.

Elle sollicite l'infirmation du jugement et le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur X...et de le condamner aux entiers dépens.

Monsieur X...quant à lui soutient dans ses dernières conclusions que :

-sur le harcèlement au travail

-le classement en PERS 268
L'employeur l'a classé en PERS 268 en lui donnant la classification de travailleur handicapé motivé par des raisons médicales mais le médecin ne donne aucune explication relative à son inaptitude qui justifierait d'un déclassement.

-le retrait du service actif
Il a été placé du service actif à 100 % pour devenir sédentaire, ce changement de classification ne s'accompagne d'aucun changement d'activité ni de rémunération mais entraîne une perte d'avantages et constitue une mesure discriminatoire puisque lorsqu'un salarié travaille 12 mois en service actif à 100 % il bénéficie de 14 mois de cotisations retraite alors que dans le cadre d'un poste sédentaire,12 mois travaillés correspondent à 12 mois cotisés.

-les mutations successives imposées
En 10 ans d'activité, il s'est vu imposer plus de trois mutations d'office sur des postes pour lesquels il n'a pas les qualifications requises.

-le déménagement de son bureau
Monsieur X...au retour d'un arrêt maladie pour dépression retrouva son bureau vidé et n'a jamais été préalablement informé de cette situation ; ainsi il se retrouva sans bureau pendant plus d'un mois puis il s'est vu imposer un nouveau bureau sans que son avis ait été sollicité.

-les pressions exercées à la suite de la grève
L'employeur assigna les grévistes devant la juridiction compétente afin d'exercer des pressions et donna une mauvaise adresse de Monsieur X...à l'huissier afin qu'il ne soit pas destinataire de la décision.

-sur les demandes de mutations successives
Il présenta de nombreuses demandes de mutations sur d'autres sites qui n'aboutirent pas.

-les droits d'alerte
Trois droits d'alerte ont été déposés au CHSCT entre 1997 et 1998 en raison " des pressions psychologiques, professionnelles et familiales exercées par le CPT d'Aramon sur plusieurs agents " et " du comportement dictatorial et caractériel d'un chef de service donnant
l'impression d'avoir dépassé ses compétences managériales ".
Parmi les agents concernés par les conséquences de ces comportements, il était expressément désigné lors d'une réunion.

-le questionnaire soumis aux agents
Consécutivement à une réunion extraordinaire du CHSCT du 31 mai 1999, un questionnaire a été distribué aux agents relatif aux mesures à prendre en priorité afin d'enrayer les dysfonctionnements signalés en matière de conditions de travail, d'hygiène et de sécurité.

Un groupe de travail s'est aussi réuni autour du thème " harcèlement au travail " et il a même saisi l'ANVHPT (association nationale des victimes de harcèlement psychologique au travail) qui a informé l'employeur de sa situation.

-sur le préjudice moral

Cet harcèlement a eu pour conséquence une polyarthrite rhumatoïde évolutive et un état dépressif sévère.

-sur le préjudice financier

Avant 1988 il bénéficiait d'une augmentation d'échelon tous les deux ans s'accompagnant d'une augmentation du niveau de rémunération et des avantages.
A partir du classement en PERS 268 il n'a plus bénéficié d'une évolution régulière de sa qualification mais d'une augmentation de niveau de rémunération en moyenne chaque quatre ans.

Il sollicite donc :

-l'infirmation du jugement,

-la condamnation d'EDF à lui verser,

* 150 000 € au titre du préjudice moral
* 63 000 € au titre du préjudice financier

-la publication de l'arrêt dans la revue " Vivre EDF ",

-le paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

Attendu que Monsieur X...se prétend victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur, la société EDF ;

Attendu qu'il soutient notamment que sa classification en PERS 268 lui confère la classification de travailleur handicapé alors qu'il s'agit de la notion de salarié inadapté et nullement de celle de travailleur handicapé qui seule résulte de l'article L. 323-10 alinéa 2 du
Code du travail ;

Qu'il prétend avoir été muté quatre fois en dix années de service ;

Attendu cependant qu'il est démontré que les changements d'affectations d'octobre 1990 et mars 1992 résultaient d'une décision, en raison des préconisations du médecin du travail, afin de lui confier un emploi correspondant à ses aptitudes physiques conformément à l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur,

Que celle d'avril 1998 correspondait à une affectation d'office du poste de technicien principal dans un " poste d'assistant contrôle essai " qu'il a expressément demandée notamment dans un entretien d'orientation en février 1998 et qu'il a acceptée dans une lettre du 6 mars 1998 adressée au Directeur du CPT d'Aramon ;

Et que celle de décembre 2000 résultait d'un changement d'appellation de l'unité n'apportant aucune modification de son contrat de travail ;

Attendu qu'il soutient ne pas avoir bénéficié de formations professionnelles alors qu'il résulte de l'enquête annuelle de l'année 2000 qu'il a refusé volontairement des stages au niveau national d'une durée supérieure à une semaine pour raisons familiales ne voulant pas s'éloigner de son domicile ;

Attendu que les organismes de l'entreprise auxquels il s'est plaint n'ont jamais corroboré ses affirmations qui ne sont étayées par d'autres que lui ;

Attendu que le harcèlement se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié, et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de comportement ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu que ces agissements ne peuvent simplement résulter d'un stress, d'une anxiété, d'un surmenage, d'un conflit personnel, de contrainte de gestion, du pouvoir disciplinaire ou d'organisation de l'employeur mais doivent être la conséquence d'une volonté réitérée de l'employeur se manifestant par des éléments identifiables par le juge et portant atteinte à la dignité de la personne en créant un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

Attendu que les faits invoqués par Monsieur X..., éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ne présentent pas de tels caractères en sorte que le jugement doit être infirmé et les demandes rejetées ;

Attendu que chaque partie doit supporter ses frais et dépens en application de l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que les agissements allégués par Monsieur X...à l'encontre de la société EDF Unité de production Méditerranée ne caractérisent pas des faits de harcèlement moral,

Rejette les demandes,

Dit que chacune des parties supporte ses propres dépens.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 05/00324
Date de la décision : 13/06/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-06-13;05.00324 ?
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