ARRÊT No
R.G : 05 / 01293
PG / AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
10 février 2005
Section : Industrie
X...
C /
Y...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2007
APPELANT :
Monsieur Jean-Marc X...
inscrit au répertoire des métiers sous le numéro 39877963700022
...
...
comparant en personne, assisté de Me Nicolas BLANCO, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉ :
Monsieur Yves Y...
né le 27 février 1972 à BASTIA (Corse)
...
...
représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller
GREFFIER :
Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 14 Décembre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Février 2007, les parties ayant été régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 14 Février 2007, date indiquée à l'issue des débats,
FAITS ET PROCÉDURE
Yves Y... a été engagé par Jean-Marc X... à compter du 22 octobre 2001, en qualité d'ouvrier menuisier. Il percevait un salaire mensuel brut en dernier lieu de 1. 172,41 € pour 151,67 heures de travail, augmenté de diverses heures supplémentaires.
Il a reçu deux avertissements prononcés les 4 juillet 2003 et le 19 avril 2004.
Le 19 juillet 2004, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de l'absence de règlement des salaires et des indemnités de repas qui lui auraient été dus.
Soutenant que cette rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon qui, par décision en date du 10 février 2005, a condamné Jean-Marc X... à lui payer les sommes suivantes :
-indemnités contractuelles et forfaitaires de repas : 840,38 €
-rappel de salaire : 3. 687,08 €
-heures supplémentaires : 248,33 €
-indemnités conventionnelles de trajet : 139,32 €
-indemnité compensatrice de préavis : 2. 640,00 €
-congés payés sur rappel de salaire, sur heures supplémentaires et sur préavis : 657,53 €
-indemnité légale de licenciement : 341,00 €
-dommages-intérêts pour licenciement abusif : 7. 920,00 €
-article 700 du nouveau code de procédure civile : 700,00 €
et a ordonné la délivrance sous astreinte d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à l'ASSEDIC conformes.
Jean-Marc X... a régulièrement interjeté appel. Il conclut à l'infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l'octroi de 1. 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Yves Y... demande à la cour de confirmer le jugement. Relevant appel incident, il sollicite l'annulation des deux avertissements qui lui ont été infligés ainsi que 1. 000,00 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées, oralement reprises.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I-SUR LES MOTIFS DE LA RUPTURE :
Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Qu'il appartient donc à la cour de vérifier si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l'affirmative, s'ils caractérisent un manquement suffisant de l'employeur à ses obligations pour que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A-CONCERNANT LE RAPPEL DE SALAIRES :
Attendu que le salarié fait valoir qu'il aurait droit, d'une part, au maintien de son salaire, correspondant à trente neuf de travail par semaine, et, d'autre part, au paiement des heures accomplies au-delà de trente-cinq heures, majorées de la bonification applicable ;
Mais attendu que la durée légale de travail effectif de trente-cinq heures prévue à l'article L. 212-1 du code du travail est applicable à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés ;
Que l'examen des bulletins de paie démontre qu'à partir de cette date, Yves Y... a continué à travailler trente-neuf heures par semaine après la réduction de la durée légale hebdomadaire de travail à trente-cinq heures et à être rémunéré sur la base de son salaire antérieur, outre les bonifications pour heures supplémentaires accomplies au-delà de la trente-cinquième heure ;
Attendu que le montant de sa rémunération a été maintenu, en sorte que le contrat de travail n'a pas été modifié ;
B-CONCERNANT LES INDEMNITÉS DE REPAS ET DE TRAJET :
1o / Attendu que l'article 8-15 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment prévoit que l'indemnité de repas a pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier ;
Que le contrat de travail du 22 octobre 2001, selon lequel " un panier repas de 37,50 francs par jour ouvrable est accordé ", ne fait que rappeler cette disposition, sans y déroger dans un sens plus favorable ;
Attendu que, non seulement Yves Y... n'apporte pas la preuve des frais supplémentaires engendrés lors des repas pris en dehors de son domicile, mais que Jean-Marc X... justifie par des factures de restaurant non contestées lui avoir fourni gratuitement les repas dont il réclame l'indemnisation ;
Attendu que la demande n'est pas fondée ;
2o / Attendu qu'en revanche, l'indemnité de trajet prévue par l'article 8-17 de la convention collective ayant un caractère forfaitaire et ayant pour objet d'indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d'en revenir, cette indemnité est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail, du moyen de transport utilisé et du moment du déplacement ;
Attendu que la somme de 139,32 € est due de ce chef ;
C-CONCERNANT LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES :
Attendu qu'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et qu'il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Que pendant la première année civile au cours de laquelle la durée hebdomadaire est fixée à trente-cinq heures, chacune des quatre premières heures effectuées donne lieu à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 du code du travail au taux de 10 % ; que dans l'attente de la convention ou de l'accord de branche étendu mentionné au I ce même article, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicables aux entreprises de vingt salariés au plus est resté fixé à 10 % ;
Attendu qu'au des pièces produites par les deux parties, notamment les bulletins de salaire, il n'est pas établi qu'Yves Y... ait accompli d'autres heures supplémentaires que celles qui lui ont été exactement payées aux taux de 10,25 et 50 % ;
Attendu que la demande à ce titre doit donc être rejetée ;
II-SUR LES EFFETS DE LA RUPTURE :
Attendu que le contrat de travail a duré pendant près de trois ans ;
Qu'au regard de cette durée, le seul fait établi à l'encontre de Jean-Marc X..., consistant en des indemnités de trajet dues à hauteur de 139,32 €, ne caractérise pas un manquement suffisant de l'employeur à ses obligations pour que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que celle-ci produit dès lors les effets d'une démission ;
III-SUR L'ANNULATION DES AVERTISSEMENTS :
Attendu que l'employeur ne fournit aucun élément susceptible de caractériser une faute à la charge du salarié, étant observé :
-que l'insuffisance professionnelle ne peut fonder un avertissement puisque celle-ci ne présente pas un caractère fautif ;
-qu'aux termes de l'article L. 122-43 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Attendu qu'il y a donc lieu d'annuler les avertissements des 4 juillet 2003 et 19 avril 2004 ;
Attendu qu'enfin, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirmant le jugement, et statuant à nouveau,
Condamne Jean-Marc X... à payer à Yves Y... la somme de 139,32 € à titre d'indemnités conventionnelles de trajet ;
Dit que cette somme emporte intérêts au taux légal dès le 29 juillet 2004, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Ordonne la remise d'un bulletin de paie mentionnant cette somme ;
Annule les avertissements des 4 juillet 2003 et 19 avril 2004 ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne Jean-Marc X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,