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04/05/2006 | FRANCE | N°04/00344

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 04 mai 2006, 04/00344


COUR D'APPEL DE NÎMES

DEUXIÈME CHAMBRE
Section B- COMMERCIALE

ARRÊT DU 04 MAI 2006

ARRÊT No 240

Magistrat Rédacteur : M. ESPEL / DDP

R. G : 04 / 00344

TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
19 décembre 2003

S. A. S INTERFERTIL FRANCE C / SCI DU REAL

APPELANTE :

S. A. S INTERFERTIL FRANCE, nouvelle dénomination sociale de la SA RENO, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social,
251 Boulevard Pereire
75017 PARIS

représentée par la SCP

POMIES- RICHAUD- VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP RAMBAUD MARTEL, avocats au barreau de PARIS, Me Yves SCHMIDT, avocat au...

COUR D'APPEL DE NÎMES

DEUXIÈME CHAMBRE
Section B- COMMERCIALE

ARRÊT DU 04 MAI 2006

ARRÊT No 240

Magistrat Rédacteur : M. ESPEL / DDP

R. G : 04 / 00344

TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
19 décembre 2003

S. A. S INTERFERTIL FRANCE C / SCI DU REAL

APPELANTE :

S. A. S INTERFERTIL FRANCE, nouvelle dénomination sociale de la SA RENO, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social,
251 Boulevard Pereire
75017 PARIS

représentée par la SCP POMIES- RICHAUD- VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP RAMBAUD MARTEL, avocats au barreau de PARIS, Me Yves SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SCI DU REAL, prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social,
Mas bouteille Chemin de Douau
13410 LAMBESC

représentée par la SCP GUIZARD- SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de la SCP W. J. L. & R. LESCUDIER, avocats au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Février 2006

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Raymond ESPEL, Président,
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller,
Madame Catherine BR1SSY- PROUVOST, Conseiller,
ont entendu les plaidoiries et en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

GREFFIER :

Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 15 Mars 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2006,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Raymond ESPEL, Président, publiquement, le 04 Mai 2006, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour

Vu l'ordonnance rendue le 10 Septembre 2002 sur assignation de la SCI DU REAL, propriétaire du site industriel du REALPANIER et par laquelle le juge des référés du Tribunal de Commerce d'AVIGNON a :
- déclaré bien fondée la fin de non- recevoir tirée par la Société Anonyme RENO, dernier locataire du site du REALPANIER, de l'existence d'une contestation sérieuse ;
- décliné sa compétence pour connaître de la demande présentée par la SCI DU REAL, bailleresse et tendant à faire condamner la Société Anonyme RENO, locataire, au versement d'une provision de 1. 000. 000 € HT à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi en raison du défaut de restitution du site industriel du REALPANIER ;
- renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond ;
- dit n'y a voir lieu à référé ;

Vu l'assignation au fond devant le Tribunal de Commerce d'AVIGNON, en date du 19 Février 2003, délivrée à la requête de la SCI DU REAL et tendant notamment à :
- faire constater " que la S. A. RENO n'a pas toujours restitué complètement et juridiquement les lieux dont la SCI DU REAL est propriétaire et pour lesquels elle a donné congé pour le 30 Septembre 1993 " ;
- faire " déclarer que la restitution ne pourra être déclarée acceptable que sur justification de l'aval des services de la DRIRE quant aux travaux réalisés et de sa notification à la SCI DU REAL, la restitution ne s'entendant que par une libre jouissance sans aucune contrainte " ;
- faire condamner la Société Anonyme RENO au paiement de dommages- intérêts en réparation du préjudice subi à la suite du défaut de restitution du site du REALPANIER ;
- faire condamner la Société Anonyme RENO à lui payer " pour la période allant du 1er Octobre 1993 au trentième jour suivant la signification du présent jugement une indemnité annuelle d'occupation de 76 225 € HT " ;
- faire condamner la Société Anonyme RENO à lui payer " pour la période à compter du trentième jour après la signification du présent jugement une astreinte mensuelle de 18 500 € HT jusqu'à parfaite restitution des locaux " ;

Vu les conclusions en défense déposées le 12 Septembre 2003 et soutenues à l'audience de plaidoirie du 24 Octobre 2003 et par lesquelles la Société Anonyme RENO a notamment demandé au premier juge :
- de rejeter comme non fondés tous les moyens de fait et de droit présentés par la SCI DU REAL ;
- de débouter la SCI DU REAL de ses demandes principales ;
- de déclarer recevables ses demandes reconventionnelles ;
- de juger qu'elle a supporté la charge de travaux de dépollution dont elle n'était nullement à l'origine ;
- de condamner reconventionnellement la SCI DU REAL à lui rembourser la somme de 535 023, 87 € représentant le coût des opérations de dépollution industrielle ;

Vu le jugement rendu contradictoirement le 19 Décembre 2003 par le Tribunal de Commerce d'AVIGNON et qui notamment :
- a jugé que la Société Anonyme RENO était le dernier exploitant du site industriel du REALPANIER au sens des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- a jugé que les travaux de dépollution industrielle du site industriel du REALPANIER incombaient à la Société Anonyme RENO ;
- a constaté que la Société Anonyme RENO connaissait dès le dépôt du rapport AIRMES en 1995 l'exacte nature de la pollution du site industriel du REALPANIER ainsi que le type et le coût des opérations de dépollution ;
- a jugé que pour des motifs économiques la Société Anonyme RENO a retardé la dépollution du site industriel du REALPANIER ;
- a jugé qu'en retardant la dépollution du site industriel du REALPANIER, la Société Anonyme RENO a causé un préjudice à la SCI DU REAL ;
- a débouté la Société Anonyme RENO de sa demande reconventionnelle à l'encontre de la SCI DU REAL comme étant mal fondée ;
- a jugé que le coût des travaux de dépollution du site industriel du REALPANIER n'incombait nullement à la SCI DU REAL mais au dernier exploitant, à savoir la Société Anonyme RENO et ce, par application des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- a constaté que " la S. A. RENO n'a toujours pas restitué complètement et juridiquement les lieux dont la SCI DU REAL est propriétaire et pour lesquels elle a donné congé pour le 30 Septembre 1993 " ;
- a " déclaré que la restitution ne pourra être déclarée acceptable que sur justification de l'aval des services de la DRIRE quant aux travaux réalisés et de sa notification à la SCI DU REAL, la restitution ne s'entendant que par une libre jouissance sans aucune contrainte " ;
- a condamné la Société Anonyme RENO à lui payer " pour la période allant du 1er Octobre 1993 au trentième jour suivant la signification du présent jugement une indemnité annuelle d'occupation de 76 225 € HT " ;
- a condamné la Société Anonyme RENO à lui payer " pour la période à compter du trentième jour après la signification du présent jugement une astreinte mensuelle de 18 500 € HT jusqu'à parfaite restitution des locaux " ;
- a débouté la Société Anonyme RENO de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la SCI DU REAL ;
- a condamné la Société Anonyme RENO à verser à la SCI DU REAL une somme de 10 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- a ordonné l'exécution provisoire ;
- a condamné la Société Anonyme RENO aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 22 Janvier 2004 par la Société Anonyme RENO à l'encontre du jugement du 19 Décembre 2003 et enrôlé sous le numéro 04-344 ;

Vu l'ordonnance n° 04 / 15 rendue le 27 Février 2004 par le Premier Président et qui a ordonné la consignation par la Société Anonyme RENO de la somme de 790 834 € à la CARPA DE NIMES ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives en date du 1er Février 2006, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la Société Anonyme RENO désormais dénommée SAS INTERFERTIL FRANCE, appelante, demande notamment à la Cour :
- de déclarer recevable son appel ;
- de constater que le jugement déféré est " la copie servile des conclusions de la SCI DU REAL " ;
- d'annuler la décision déférée ;
- à titre subsidiaire, d'infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions ;
- de rejeter comme non fondés les moyens de fait et de droit invoqués par la SCI DU REAL ;
- de juger que la pollution du site industriel du REALPANIER ne lui est pas imputable ;
- de juger qu'elle a restitué le 6 Septembre 1994 le site industriel du REALPANIER à la SCI DU REAL ;
- de juger qu'elle a restitué le site industriel du REALPANIER à la SCI DU REAL dans l'état où elle les a reçu ;
- de juger qu'elle n'est nullement responsable d'une quelconque privation de jouissance qu'aurait pu subir la SCI DU REAL ;
- de juger que la SCI DU REAL ne démontre aucune faute qu'elle aurait pu commettre, ni aucun préjudice ;
- de débouter la SCI DU REAL de toutes ses demandes ;
- d'ordonner la déconsignation à son profit des sommes dont la consignation a été ordonnée par l'ordonnance du Premier Président ;
- de faire droit à sa demande reconventionnelle ;
- de condamner la SCI DU REAL à lui rembourser le coût de la dépollution du site industriel du REALPANIER, outre les intérêts moratoires ;
- de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit d'augmenter ses demandes au titre du " coût du suivi de la qualité des eaux grâce aux piézomètres installés sur le site qui lui est imposé par l'arrêté préfectoral du 2 Août 2001 " ;
- de lui allouer une somme de 20 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- de condamner la SCI DU REAL aux entiers dépens avec distraction de ceux d'appel au profit de la Société Civile Professionnelle POMIES- RICHAUD- VAJOU, titulaire d'un office d'avoué ;

Vu le bordereau de communication des pièces annexé aux écritures déposées le 1er Février 2006 par la Société SAS INTERFERTIL FRANCE ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives en date du 8 Février 2006, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la SCI DU REAL, intimée, demande notamment à la Cour :
- de confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions ;
- de rejeter comme non fondés tous les moyens de fait et de droit invoqués par la Société SAS INTERFERTIL FRANCE ;
- de débouter la Société SAS INTERFERTIL FRANCE de toutes ses prétentions ;
- de juqer que la Société Anonyme RENO a la qualité de dernier exploitant du site industriel du REALPANIER au sens des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- de juqer que la Société Anonyme RENO a eu un comportement fautif en retardant pendant 9 ans la dépollution du site industriel du REALPANIER ;
- de constater que les travaux de dépollution n'ont commencé que 9 ans après le congé du 2 Octobre 1992 avec effet au 30 Septembre 1993 ;
- de juger que ce retard à exécuter les travaux de dépollution lui a causé un préjudice ;
- de condamner la Société SAS INTERFERTIL FRANCE à lui payer " au titre de l'indemnisation globale du préjudice subi selon le décompte susmentionné pour la période du 1 / 10 / 1993 au 31 / 5 / 2004 la somme de 2 040 832, 72 € HT " ;
- de lui allouer une somme de 20 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- de condamner la Société SAS INTERFERTIL FRANCE aux entiers dépens dont distraction de ceux d'appel au profit de la Société Civile Professionnelle GUIZARD- SERVAIS, titulaire d'un office d'avoué ;

Vu le bordereau de communication de pièces annexé aux écritures déposées le 08 Février 2006 par la SCI DU REAL ;

Vu la clôture de la mise en état de la procédure ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

*) Sur la recevabilité de l'appel interjeté par la Société Anonyme RENO désormais dénommée SAS INTERFERTIL FRANCE :

Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par la Société Anonyme RENO désormais dénommée " SAS INTERFERTIL FRANCE " n'est ni contestée ni contestable ;

*) Sur la nullité du jugement déféré :

Attendu que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE n'est pas fondée à invoquer la nullité du jugement déféré au motif que cette décision serait " la copie servile des conclusions de la SCI DU REAL " ;

Attendu qu'il est de principe que tout jugement doit être motivé (premier alinéa in fine de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;

Attendu que la Cour constate en l'espèce :
- que le premier juge a motivé la décision déférée ;
- que la reprise de certains passages des conclusions des parties est une technique de motivation qui ne méconnaît nullement les dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- que les moyens de droit et de fait retenus par le premier juge pour motiver sa décision sont compréhensibles ;

*) Sur la SCI DU REAL, demanderesse devant le premier juge et intimée :

Attendu que la SCI DU REAL, propriétaire du site industriel du REALPANIER et qui alléguait d'une part le bail du 8 Janvier 1979 et d'autre part l'absence de restitution de ce site faute de dépollution, était :
- demanderesse devant le juge des référés du Tribunal de Commerce d'AVIGNON qui s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande de provision d'un montant de 1 000 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
- demanderesse au fond devant le Tribunal de Commerce d'AVIGNON et aux mêmes fins et sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du Code Civil ;

Attendu que la SCI DU REAL, propriétaire du site industriel du REALPANIER, a été constituée en 1981 par les membres des familles
A...
/ B... ;

Attendu que le 19 Novembre1981, la société SEE, alors contrôlée par les familles
A...
/ B... a cédé à la SCI DU REAL, constituée par les membres de ces mêmes familles, les biens immobiliers constituant le site industriel du REALPANIER ;

Attendu que la SCI DU REAL, contrôlée par les membres des familles
A...
/ B... qui ont contrôlé ou dirigé eux- mêmes les sociétés SMPCA AGRICOLA, SIR et SEE, premiers exploitants du site industriel du REALPANIER est ainsi devenue le propriétaire de ce site où la Société Anonyme RENO, filiale du Groupe ROULLIER a exploité l'activité de production d'engrais chimiques, et ce, jusqu'en 1992 en qualité de preneur à bail des tènernents immobiliers ;

*) Sur la Société SAS INTERFERTIL FRANCE, anciennement dénommée " RENO ", appelante :

Attendu que la Société Anonyme RENO avait la qualité de défenderesse tant devant le juge des référés que devant le Tribunal de Commerce d'AVIGNON, saisi au fond ;

Attendu qu'en l'état des écritures et des pièces des parties, il n'est ni contesté ni contestable :
- que la nouvelle dénomination de la Société Anonyme RENO, filiale du GROUPE ROULLIER, est désormais " SAS INTERFERTIL FRANCE " ;
- que la Société Anonyme RENO, désormais dénommée " SAS INTERFERTIL FRANCE " vient partiellement aux droits et obligations de la Société SUD EST ENGRAIS (SEE) en raison d'une fusion- absorption du 31 Octobre 1990 ;
- que la société SUD- EST ENGRAIS (SEE) est venue elle- même partiellement aux droits et obligations de la SOCIETE INDUSTRIELLE REALPANIER (SIR) par l'effet d'un traité d'apport en date du 8 Janvier 1979 d'une branche d'activité ;
- que la SOCIETE INDUSTRIELLE REALPANIER (SIR) est venue elle aussi partiellement aux droits et obligations de la SOCIETE ANONYME MERIDIONALE DE PRODUITS CHIMIQUES AGRICOLA (SMPCA AGRICOLA) ;

Attendu que la SOCIETE ANONYME MERIDIONALE DE PRODUITS CHIMIQUES AGRICOLA (SMPCA AGRICOLA), constituée le 20 Mai 1901, était une société familiale dont l'objet social était la fabrication de produits chimiques et engrais destinés à l'agriculture ; que la société SMPCA AGRICOLA exploitait son activité sur le site industriel du REALPANIER ; que jusqu'en 1959, la société SMPCA AGRICOLA a produit de l'acide sulfurique, utilisée pour la fabrication des engrais, à partir de pyrites de fer ;

Attendu que les membres des familles
A...
/ B... étaient les actionnaires ou les dirigeants sociaux de la société SMPCA AGRICOLA ;
Attendu qu'en 1977, les membres des familles
A...
/ B... et la société SMPCA AGRICOLA ont constitué la SOCIETE INDUSTRIELLE REALPANIER (SIR) à laquelle la société SMPCA AGRICOLA a apporté sa branche d'activité de production des engrais chimiques ainsi que le site industriel du REALPANIER ;

Attendu qu'en Janvier 1979, la SOCIETE INDUSTRIELLE REALPANIER (SIR), présidée par Monsieur Jean
A...
et les membres des familles
A...
/ B... ont constitué la société SUD- EST ENGRAIS (SEE) à laquelle la société SIR a apporté sa branche d'activité de production d'engrais chimiques, à l'exclusion des biens immobiliers dans lesquels était exploitée cette activité ;

Attendu que le 8 Janvier 1979, la société SIR contrôlée par les familles
A...
/ B... et bailleresse, a donné à bail commercial à la société SEE, également contrôlée par les familles
A...
/ B..., preneuse, les biens immobiliers constituant le site industriel du REALPANIER ;

Attendu qu'en 1984, la Société DUCLOS a pris le contrôle de la société SEE ;

Attendu qu'en 1989, la société TIMAC, filiale du groupe ROULLIER, a pris le contrôle de la société SEE, qui a été absorbée par la Société RENO, autre filiale de ce même groupe ;

Attendu qu'en novembre 1984, la Société SMPCA AGRICOLA a absorbé la Société SIR ;

*) Sur la demande principale dont saisine de la Cour :

Attendu qu'en l'état de la rédaction de ses conclusions et des actes de la procédure d'appel, la SCI DU REAL sollicite en réalité non pas la fixation d'une indemnité mensuelle ou annuelle d'occupation du site industriel du REALPANIER mais l'indemnisation de son préjudice consécutif au défaut de dépollution du site industriel du REALPANIER et qui l'a privé de la libre disposition de son bien immobilier ; que la SCI DU REAL sollicite le versement d'une indemnité de 2 440 840, 71 € ;

*) Sur la demande reconventionnelle de la Société SAS INTERFERTIL FRANCE :

Attendu que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE sollicite à titre reconventionnel et au visa des dispositions des articles 1730 et suivants du Code Civil le remboursement par la SCI DU REAL de la totalité des frais de dépollution, à savoir la somme de 535 023, 87 € TTC ; qu'elle demande en outre qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve le droit d'augmenter sa demande au titre du " coût du suivi de la qualité des eaux grâce aux piézomètres installés sur le site, qui lui est imposé par l'arrêté préfectoral du 2 Août 2001 " ;

*) Sur la demande principale présentée par la SCI DU REAL et tendant au versement d'une indemnité de 2 440 840, 71 € :

Attendu qu'en l'état de la rédaction de ses écritures, la Société SAS INTERFERTIL FRANCE ne conteste nullement être liée par le bail du 8 Janvier 1979, à l'origine signé entre la société SIR et la société SEE ;

Attendu que ni la Société SAS INTERFERTIL FRANCE ni la SCI DU REAL ne contestent le " congé commercial " donné le 2 Octobre 1992 avec effet au 30 Septembre 1993 ;

Attendu qu'en l'état des débats, il n'est pas sérieusement contestable :
- qu'au 30 Septembre 1993, la Société Anonyme RENO avait cessé toute activité industrielle sur le site du REALPANIER ;
- qu'au 27 Juillet 1994, la Société Anonyme RENO avait cessé d'être présente sur le site industriel du REALPANIER, qui était vide de tout occupant ou de tout matériel de fabrication ;
- que le 27 Juillet 1994, la Société Anonyme RENO a remis à la SCI DU REAL les clés du site industriel du REALPANIER ;
- que la Société Anonyme RENO avait cependant accès au site industriel du REALPANIER pour les besoins de la dépollution ;

Attendu que les dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 met à la charge du dernier exploitant la dépollution des sites industriels, et ce, quelle que soit l'origine ou l'ancienneté de la pollution industrielle ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que la Société Anonyme RENO a la qualité de dernier exploitant du site industriel du REALPANIER, et ce au sens des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;

Attendu qu'il incombait donc à la Société Anonyme RENO de procéder à la dépollution du site industriel du REALPANIER et de son coût et ce, au sens de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;

Attendu qu'en l'état des débats, il n'est pas contestable :
- que les travaux de dépollution du site industriel du REALPANIER n'ont commencé que plus de 9 ans après que la Société Anonyme RENO a cessé toute activité industrielle sur ce site et déménagé ses installations ;
- que deux arrêtés préfectoraux dont celui en date du 2 Août 2001 ont été nécessaires pour provoquer et contrôler la dépollution du site industriel du REALPANIER ;
- que dès le dépôt du rapport AIRMES en 1995, la Société Anonyme RENO avait connaissance de la nature des pollutions industrielles dont elle aurait à assurer la dépollution par application des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- que dès le dépôt du rapport AIRMES en 1995, la Société Anonyme RENO connaissait le coût prévisible des opérations de dépollution du site industriel du REALPANIER ;
- que les travaux de dépollution n'ont été effectués que 9 ans après l'envoi du congé du 2 octobre 2002 et après la cessation de toute activité industrielle sur le site du REALPANIER ;
- que pendant 9 ans, la SCI DU REAL n'a pas eu la libre disposition de son bien en raison de l'absence de dépollution industrielle et ce, bien que le site du REALPANIER ait été vidé de toute occupation industrielle ;

Attendu qu'en ne procédant aux travaux de dépollution du site industriel du REALPANIER que 9 ans après le congé du 2 Octobre 1992, la SA RENO a eu un comportement fautif au préjudice de la SCI DU REAL et a méconnu ainsi l'obligation contractuelle stipulée à l'alinéa 2 de l'article 2 du bail du 8 Janvier 1979 ; qu'il y a lieu de relever à cet égard :
- que la Société Anonyme RENO, industriel de la chimie, savait pertinemment qu'elle aurait à dépolluer le site industriel du REALPANIER, et ce lorsqu'elle a pris la décision d'arrêter la production d'engrais chimiques ;
- que dès 1995, la Société Anonyme RENO avait à sa dispositions une étude technique, le rapport AIRMES, sur les pollutions du site industriel du REALPANIER ;
- que les difficultés techniques réelles de la dépollution du site industriel du REALPANIER ne sont pas suffisantes à exonérer totalement la Société Anonyme RENO de sa responsabilité contractuelle ;
- que la Société Anonyme RENO a été négligente dans la dépollution du site industriel du REALPANIER qui lui incombait ;
- que les prétendues lenteurs administratives, à supposer qu'elles soient partiellement vraies, ne sont pas suffisantes à elles seules à exonérer la Société Anonyme RENO de sa responsabilité ;
- que la Société Anonyme RENO devait, en sa qualité de dernier exploitant, dépolluer le site industriel du REALPANIER ;
- qu'en ne dépolluant pas le site industriel de façon plus rapide et en obérant ainsi temporairement toute possibilité pour la SCI DU REAL de disposer de son bien librement, la Société Anonyme RENO a commis une faute contractuelle ;
- que la Société Anonyme RENO a violé son obligation contractuelle de respecter les réglementations en vigueur telle que stipulée par l'alinéa 2 de l'article 2 du bail du 8 Janvier 1979 ;
- qu'en sa qualité de dernier exploitant, la Société Anonyme RENO avait l'obligation de dépolluer le site industriel du REALPANIER et ce, par application de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- que la Société Anonyme RENO a mis 9 ans à procéder aux opérations de dépollution et a ainsi privé la SCI DU REAL de la libre disposition de son bien immobilier ;
- que la circonstance que la Société Anonyme RENO n'ait effectivement plus occupé le site industriel du REALPANIER ne l'exonérait pas de son obligation légale de dépolluer le site et de son obligation contractuelle de l'article 2 alinéa 2 du bail du 8 Janvier 1979 ;
- que la Société Anonyme RENO aurait pu faire dépolluer plus rapidement le site industriel du REALPANIER ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de chiffrer à la somme de 50 000 € le préjudice subi par la SCI DU REAL et de réduire en conséquence le montant des dommages- intérêts alloués par le premier juge ; qu'il y a lieu de relever à cet égard :
- que les associés de la SCI DU REAL sont les membres des familles
A...
/ B... qui étaient les associés des sociétés à l'origine de la pollution à la pyrite de fer ;
- que lorsque la Société Anonyme RENO est entrée dans les lieux en 1989, le site industriel du REALPANIER était déjà pollué par la pyrite de fer ;
- que la Société Anonyme RENO n'a jamais utilisé les mêmes procédés chimiques que les sociétés PMCA AGRICOLA, SIR et SEE ont utilisé et qui sont à l'origine de la pollution industrielle affectant le site industriel du REALPANIER et qui obérait la libre disposition de ces biens immobiliers ;
- que cependant et après la dépollution faite à la charge de la Société Anonyme RENO, la SCI DU REAL a repris un bien immobilier totalement dépollué et ce, alors même qu'avait été donné à bail un site industriel très pollué ;
- que les associés de la SCI DU REAL n'ignoraient nullement l'état de pollution du site industriel du REALPANIER ni que la pollution de site avait pour origine les activités industrielles des sociétés SMPCA AGRICOLA, SIR et SEE dont ils avaient les associés ou les dirigeants sociaux ;
- que si la SCI DU REAL avait vendu son bien immobilier du REALPANIER en 1993, 1994 ou 1995, elle n'en aurait pas tiré le même prix qu'en 2005 et n'aurait pas bénéficié de la hausse particulièrement importante des terrains situés au PONTET ;
- que les associés de la SCI DU REAL n'ignoraient nullement que les travaux de dépollution industrielle sont des opérations à la fois coûteuses et longues ;
- que l'intérêt bien compris des associés de la SCI DU REAL était que la Société Anonyme RENO fasse, à ses frais, la dépollution du site ;
- que jamais la SCI DU REAL n'a saisi le juge aux fins de se faire autoriser à dépolluer le site en urgence aux lieu et place de la Société Anonyme RENO ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer par substitution partielle de motifs la décision déférée en :
- relevant que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE a eu un comportement fautif au préjudice de la SCI DU REAL ;
- relevant que le comportement fautif de Société SAS INTERFERTIL FRANCE a causé un préjudice à la SCI DU REAL ;
- ramenant à la somme de 50. 000 € le montant des dommages- intérêts initialement alloués à la SCI DU REAL par le premier juge ;

*) Sur la demande reconventionnelle présentée par la Société SAS INTERFERTIL FRANCE à l'encontre de la SCI DU REAL :

Attendu que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE n'est nullement fondée à solliciter la condamnation de la SCI DU REAL d'une part au remboursement des factures déjà payées de dépollution et d'autre part au coût du suivi de la qualité des eaux ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976, la charge de la dépollution d'un site industriel incombe au dernier exploitant et non pas au propriétaire du bien pollué ;

Attendu que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE ne verse aux débats aucun document écrit d'où il résulterait que la SCI DU REAL se serait engagé, en sa qualité de bailleur, à prendre en charge tout ou partie des frais de dépollution ; qu'il y a lieu de relever à ce égard :
- que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE était un professionnel de l'industrie chimique ;
- que lors de sa prise de possession du site industriel du REALPANIER en 1989, la Société SAS INTERFERTIL FRANCE n'ignorait nullement les dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 ;
- que le bail du 8 Janvier 1979 ne mettait nullement à charge du bailleur la totalité ou une partie des frais de dépollution ;
- qu'aucun avenant au bail du 8 Janvier 1979 n'a stipulé que la charge des frais de dépollution au sens des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 Juillet 1976 serait transférée au bailleur ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision déférée ; en ce le premier juge a débouté la Société Anonyme RENO de sa demande reconventionnelle ;

*) Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

*) Sur les dépens :

Attendu qu'il y a lieu de faire masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties qui succombent respectivement sur certains chefs de leurs prétentions principales ou reconventionnelles ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire,

DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société Anonyme RENO désormais dénommée SAS INTERFERTIL FRANCE ;

AU FOND

CONFIRME par substitution partielle de motifs la décision déférée dans toutes ses dispositions sauf à réduire à la somme de 50. 000 € le montant des dommages- intérêts que la Société SAS INTERFERTIL FRANCE devra verser à la SCI DU REAL en réparation du préjudice subi ;

DIT qu'il sera procédé, après exécution du présent arrêt, à la déconsignation des sommes détenues à la CAISSE DES AVOUES DE NÎMES en exécution de l'ordonnance n° 04 / 15 du 27 Février 2004 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

FAIT masse des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties et autorise en tant que de besoin les Sociétés Civiles Professionnelles POMIES- RICHAUD- VAJOU et GUIZARD- SERVAIS, titulaires d'offices d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 04/00344
Date de la décision : 04/05/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Avignon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-05-04;04.00344 ?
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