ARRET No R.G : 04/03102 YR/SD TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVIGNON 24 juin 2004 SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES C/ CPAM VAUCLUSE (84) Mr LE DIRECTEUR DRASS MARSEILLE Consorts X... COUR D'APPEL DE NIMES CHAMBRE SOCIALE ARRET Y... 09 FEVRIER 2006 APPELANTE : La SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES 18 Avenue d'Alsace 92096 LA DEFENSE CEDEX représentée par la SCP REED SMITH RAMBAUD CHAROT, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me ALBERTINI Marie INTIMES : CPAM VAUCLUSE (84) 7 Rue François 1er 84043 AVIGNON CEDEX 9 représentée par M. Serge Z... (Membre de l'entrep.) muni d'un pouvoir
Mr LE DIRECTEUR DRASS MARSEILLE 23,25 Rue Borde 13285 MARSEILLE CEDEX non comparant
Madame Dominique X... 3 Rue Pierre Mendèes France 84350 COURTHEZON Madame Valérie X... 101 Chemin Saint Etienne 84350 COURTHEZON Monsieur Franck X... La A... 84350 COURTHEZON représentés par Me René CAMPOCASSO, avocat au barreau d'AVIGNON Le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante 36 Avenue Général de Gaulle Gallini II 93175 BAGNOLET CEDEX non comparant COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Monsieur Yves ROLLAND, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du NCPC, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS Y... DELIBERE : Monsieur Régis TOURNIER, Président Madame Elisabeth FILHOUSE, Conseiller Monsieur Yves ROLLAND, Conseiller GREFFIER :
Madame Annie B..., Greffier, lors des débats, et lors du prononcé, DEBATS : à l'audience publique du 06 Décembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2006, les parties ayant été régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception, ARRET : Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président,
publiquement, le 09 Février 2006, date indiquée à l'issue des débats, * * *
EXPOSE Y... LITIGE
Jean Marc X..., employé de la SOCIÉTÉ EUROPPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR) a été en arrêt de travail à compter du 25 août 1996.
Il est décédé le 20 février 2001.
Sa veuve déclarait en mars 2002 la maladie ayant entraînée son décès au titre de la législation professionnelle (tableau 25), mais la CPAM rejetait sa demande.
Le 1er juillet 2002, Dominique NICOLAI veuve X... établissait une nouvelle déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 30, accompagnée d'un certificat médical initial descriptif établi par le Docteur Yves C... ainsi rédigé : " patient décédé le 20 février 2001 des suites d'un carcinome épidémo'de lobaire inférieur gauche. Patient ayant été en contact étroit avec de la poussière d'amiante dans le cadre professionnel( tableau 30)".
La Caisse faisait alors procéder à une enquête administrative auprès de l'employeur, dont le rapport était déposé le 14 novembre 2002.
Le 03 octobre 2002, elle avisait l'assuré et l'employeur de la nécessité d'un délai d'instruction complémentaire, avant de notifier à Madame X... un refus de prise en charge le 27 décembre 2002, dont un double était adressé à la SEPR.
Le 09 janvier 2003, la Caisse informait l'employeur que le dossier était transmis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, lequel rendait le 16 janvier 2003 son avis dans les termes suivants :"le Comité reconnaît un lien direct entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle exercée".
Le 21 mars 2003, la CPAM notifiait à la veuve de la victime et à la SEPR la prise en charge de la maladie professionnelle conformément à cet avis (tableau 30 bis).
La SEPR contestait alors cette décision devant la Commission de Recours Amiable de la CPAM de Vaucluse, qui rejetait son recours par décision du 10 septembre 2003, puis saisissait le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse d'une demande en annulation de cette dernière décision.
Entre temps, les ayants- droit de Jean Marc X..., qui avaient saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse d'une demande visant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, saisissait le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse à la suite de l'échec de la tentative de conciliation le 10 juin 2003. Aux termes de deux jugements rendus le 24 juin 2004, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse : D'une part (dossier numéro 04/03102) :
- refusait la jonction entre les deux instances - déclarait l'action des consorts X... non prescrite et recevable en la forme - disait que la maladie dont était décédé jean Marc X... résultait d'une faute inexcusable commise par la société SEPR - fixait
* au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à sa veuve
* le préjudice subi par le défunt à 80.000 euros
* le préjudice moral des ayants droit de la façon suivante :
ô
25.000 euros pour la veuve
ô
10.000 euros pour Valérie X...
ô
10.000 euros pour Franck X... - rejetait les préjudices moraux sollicités par les petits enfants en application de l'article L.451-1 du code de la sécurité sociale - condamnait la SEPR à payer aux demandeurx 1.550 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et ordonnait l'exécution provisoire ; D'autre part (dossier numéro 04/03103) : - déclarait recevable en la forme mais infondée la requête de la SEPR, la CPAM ayant fait une exacte application des textes en vigueur et la procédure concernant les consorts X... lui étant opposable.
Par lettres recommandées datées du 1er juillet 2004, la SEPR interjetait appel de ces deux décisions, qui lui avaient été notifiées le 29 juin 2004.
Elle conclut à leur infirmation et soutient que : - l'action des consorts X... est prescrite et la Caisse devra faire application des dispositions de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998; - les consorts X... n'établissent pas de lien de causalité entre la maladie dont est décédé Jean Marc X... et son activité au sein de la société SEPR ; - la décision de refus de prise en charge du 27 décembre 2002 est définitive à son égard, ce qui lui rend inopposable toute décision ultérieure ; - le principe du contradictoire n'a pas été respecté par la Caisse au cours de la procédure d'instruction de la demande et la décision de prise en charge explicite lui est inopposable ainsi que toute décision subséquente; - l'action des consorts X... est malfondée dans la mesure où elle n'a commis aucune faute inexcusable et ils doivent être déboutés de toutes leurs demandes fins et conclusions ; - à titre subsidiaire une expertise
médicale doit être ordonnée au vu du dossier médical de la victime afin de déterminer le quantum des préjudices allégués.
Dominique NICOLAI veuve X..., Franck X... et Valérie X... concluent à la confirmation du jugement qui les concerne en toutes ses dispositions et à la condamnation de la SA SEPR à leur régler en sus la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice d'agrément souffert par la victime entre 1996 et 2001, outre 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse conclut à la confirmation de la décision qui la concerne en ce qu'elle a déclaré que les demandes n'étaient pas prescrites, que l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 n'avait pas vocation à s'appliquer, que les conditions de prise en charge de la maladie professionnelle étaient remplies, qu'elle avait respecté le principe du contradictoire et que sa décision de prise en charge était opposable à la SEPR, tout en déclarant s'en rapporter à justice sur le bien fondé de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Bien que mentionné comme ayant été appelé en cause en première instance, le Directeur du FIVA indique à la cour que le Fonds de Garantie n'est pas concerné et qu'il n'a été saisi par aucune des parties à la présente instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère expressément aux deux jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et aux conclusions déposées par les parties, développées oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION.
Sur les questions de procédure.
D'évidence les deux litiges sont imbriqués l'un dans l'autre et il est d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble et de joindre les deux instances.
Le Fonds de Garantie n'ayant été saisi par aucune des partie à la présente instance, il y a lieu de le mettre hors de cause comme il le sollicite.
Le point de départ du délai de deux ans durant lequel la victime est recevable à solliciter la prise en compte de sa maladie au titre de la législation professionnelle est la date à laquelle elle est informée du lien possible entre sa maladie et sa profession, quand bien même la date de la première constatation médicale de la maladie serait antérieure.
Le point de départ du délai de la prescription biennale de l'action visant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur est la date à laquelle le caractère professionnel de la maladie a été reconnu. est la date à laquelle le caractère professionnel de la maladie a été reconnu.
Le certificat médical établissant un lien possible entre l'affection dont souffrait Jean Marc X... et ses activités professionnelles antérieures est le certificat médical initial du 29 juin 2002, à l'origine de la procédure d'enquête et de la décision de prise en charge notifiée le 21 mars 2003.
Quant à l'action pour faute inexcusable, elle a été engagée dès le mois de mai 2003.
Il s'ensuit que les diverses actions ne sont pas prescrites et que c'est à tort que la société SEPR développe une argumentation sur le
fondement "des dispositions de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée par celle du 21décembre 2001", qui n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Sur la reconnaissance de la maladie professionnelle.
Il ressort des pièces produites aux débats que la CPAM a reconnu que l'affection ayant entraîné le décès de Jean Marc X... était une maladie professionnelle relevant du tableau numéro 30 bis, qui concerne le "cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante",créée le 22 mai 1996.
Ce tableau liste, au titre des "travaux susceptibles de provoquer cette maladie" notamment : - les "travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante" - les " travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante".
Si la durée d'exposition aux risques est fixée par le tableau 30 bis à 10 ans, le C.R.R.M.P. de Marseille, régulièrement saisi par le service médical de la Caisse en application des dispositions de l'article L.461-1, 3ème alinéa, du code de la sécurité sociale, indiquait dans son avis que l'intéressé avait été durant trois ans (de 1965 à 1968) exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, que jusqu'en août 1996, date d'interruption de son activité, l'exposition à l'amiante était incertaine, mais que pour autant la pathologie déclarée avait "un lien direct avec l'activité professionnelle exercée".
L'employeur s'abstient de détruire la présomption ainsi créée sur le caractère professionnel de l'affection mortelle de Jean Marc X... en rapportant la preuve que l'intéressé souffrait d'une autre pathologie, qui serait la cause exclusive du décès.
Les conditions de la prise en charge de la maladie de Jean Marc X... au titre de la législation professionnelle ne souffrent donc pas de
contestations.
Sur l'opposabilité à l'employeur.
Il est constant que la CPAM a, dans un premier temps, notifié le 27 décembre 2002 à la veuve du salarié décédé son refus de prendre en charge cette affection mortelle au titre de la législation professionnelle.
Cette décision a été portée à la connaissance de l'employeur et, par recours du 10 février 2003, Madame veuve X... la contestait devant la Commission de Recours Amiable, laquelle n'a pas eu à statuer puisque le caractère professionnel de la maladie a été admis le 21 mars 2003.
L'employeur ne peut se prévaloir de ce qu'il a été destinataire de cette décision initiale de refus ni en tirer la moindre conséquence juridique dès lors que celle-ci a été régulièrement contestée par la seule personne qui avait un intérêt suffisant pour le faire, à savoir la requérante.
Il est établi par ailleurs que l'employeur a été , d'une part associé à la mesure d'enquête diligentée par la CPAM, d'autre part avisé le 09 janvier 2003 de la transmission du dossier au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.
Cet avis l'informait expressément de la possibilité pour la victime ou l'employeur: - d'être entendu par ce comité régional si celui-ci le jugeait nécessaire - de solliciter la communication des pièces du dossier et d'en prendre connaissance dans un délai de 08 jours, en passant par un medecin pour ceux qui étaient couverts par le secret médical .
Il n'est pas contesté que la SEPR n'a pas fait usage de la faculté qui lui était ainsi offerte de prendre connaissance du dossier et de faire valoir devant le CRRMP les éléments, notamment d'ordre médicaux, qu'elle estimait nécessaire de produire.
Enfin il est établi que l'employeur a obtenu de la caisse tous les documents dont il sollicitait la communication au stade de sa contestation devant la CRA.
Il s'ensuit que la CPAM a satisfait à ses obligations résultant des dispositions des articles R.441-11 et suivants du code de la Sécurité Sociale sur le nécessaire respect du caractère contradictoire des procédures.
Sur la faute inexcusable.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits utilisés dans l'entreprise.
Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Dès lors que la société SEPR - ne participe pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, - n'utilisait l'amiante que pour protéger ses salariés de la chaleur intense inhérente à son activité et uniquement jusqu'à la fin des années 80,elle pouvait penser que les mesures prises en 1954 pour éviter le danger de silicose étaient suffisantes puisque "les travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante, la conduite d'un four, les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante" ne figurent au tableau no30 que depuis 1996, soit postérieurement à l'abandon de l'utilisation de ces
produits dans l'usine.
Par ailleurs il n'est pas allégué que Jean-Marc X... ait été chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau no30 dans sa rédaction de 1951.
L'employeur pouvait donc ne pas avoir conscience du danger lié à l'utilisation de l'amiante pendant la période où Jean-Marc X... a été exposé aux risques à l'origine de sa maladie professionnelle.
Il y a donc lieu de rejeter la demande visant à retenir la faute inexcusable de l'employeur.
Sur l'article 700.
Il n'y a pas lieu à l'application dudit article. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant en matière de sécurité sociale, publiquement, Ordonne la jonction des affaires répertoriées sous les numéros 04/3102 et 04/3103 sous le numéro 04/3102 ; Dit les appels recevables ; Ordonne la mise hors de cause du Fonds d'Indemnisation ; Réforme partiellement les jugements rendus par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse le 24 juin2004 sous les numéros 20300842 et 20300757 ; Statuant à nouveau ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il déclare cette décision de prise en charge de la maladie professionnelle opposable à l'employeur ; Rejette la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la société SEPR; Rejette les demandes d'indemnisation présentées sur ce fondement; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour l'instance d'appel. La condamne la société aux dépens de l'instance, s'il devait en être exposé. Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame B..., Greffier présente lors du prononcé. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,