COUR D'APPEL DE NÎMES
DEUXIÈME CHAMBRE
Section B- COMMERCIALE
ARRÊT DU 26 JANVIER 2006
ARRÊT No 55
Magistrat Rédacteur : M. BERTRAND / DDP
R. G : 03 / 04930
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
02 décembre 2003
X... C / Y...- Z...- A...- B...
APPELANT :
Monsieur Jean- Paul X...
né le 30 Juillet 1948 à CANNES (06400)
...
30400 VILLENEUVE LES AVIGNON
représenté par la SCP GUIZARD- SERVAIS, avoués à la Cour
assisté de la SCP SCHEUER- VERNHET JONQUET ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître Frédéric Y..., mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL CARLIVE IMPRIMERIE et de M. X... Jean Paul,
...
30000 NIMES
représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de la SCP LOBIER- MIMRAN- GOUIN- LEZER, avocats au barreau de NIMES
Monsieur Paul Z...
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30150 ROQUEMAURE
représenté par la SCP POMIES- RICHAUD- VAJOU, avoués à la Cour
assisté de Me Christophe MILHE- COLOMBAIN, avocat au barreau dAVIGNON
Maître Bernard A..., mandataire judiciaire, pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciare de M. X... Jean Paul,
...
30132 CAISSARGUES
représenté par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de la SCP BERTRAND M & D, avocats au barreau de MONTPELLIER
Maître Vincent B..., mandataire judiciaire, pris ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de M. X... Jean Paul,
...
84420 PIOLENC
représenté par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de la SCP BERTRAND M & D, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Décembre 2005
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du NCPC, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Raymond ESPEL, Président
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
Madame Catherine BRISSY- PROUVOST, Conseiller
GREFFIER :
Madame Catherine LIBEROTTI, lors des débats, et Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DEBATS :
à l'audience publique du 12 Décembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2006,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRET :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Raymond ESPEL, Président, publiquement, le 26 Janvier 2006, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S. A. BASIC INVESTISSEMENTS est une société holding, détenant les actions des S. A. R. L. BASIC COLOR IMPRIMERIE, BASIC COLOR PHOTOGRAVURE et CARLIVE, entreprises d'impression, de photographie et de reproduction à Nîmes (30000).
M. Paul Z..., son président directeur général et principal actionnaire, a signé le 3 août 2001 une promesse de vente de toutes les actions de cette société avec la S. A. S. AUTHIMA, à Avignon (84000), dirigée par M. Jean- Paul X..., ce qui fut fait le 28 novembre 2001. M. Jean- Paul X... a alors été nommé président du conseil d'administration de cette société et gérant des trois filiales.
Le 18 août 2002, M. Jean- Paul X... déposait une déclaration de cessation des paiements au tribunal de commerce de Nîmes, et par jugement en date du 5 septembre 2002, le tribunal de commerce prononçait le redressement judiciaire de la S. A. BASIC INVESTISSEMENTS et de ses 3 filiales, puis le 26 novembre 2002, leur liquidation judiciaire. La date de cessation des paiements était fixée au 30 juillet 2002.
Me Frédéric Y..., désigné en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE, constatant que l'actif était nul et que le passif échu résultant de l'état provisoire des créances établi au 22 janvier 2003, s'élevait à la somme de 42. 565, 42 €, a assigné M. Jean- Paul X... et M. Paul Z..., par actes d'huissier en date du 5 et 12 mars 2003 devant le tribunal de commerce de Nîmes, sollicitant leurs condamnations à combler le passif, sur le fondement des dispositions de l'article L. 624-3 du Code de commerce.
Parallèlement, par jugement du tribunal de grande instance de Carpentras, statuant en matière commerciale, rendu le 5 mai 2003, M. Jean- Paul X... a été placé en redressement judiciaire, par extension de la procédure collective ouverte à l'égard de la S. A. S. AUTHIMA devant le tribunal de commerce d'Avignon le 8 janvier 2003, ainsi que son épouse, Mme Catherine F..., alors qu'il était juge consulaire devant cette juridiction.
Me B..., nommé administrateur au redressement judiciaire de M. X... et Me A..., désigné en qualité de représentant des créanciers à son redressement judiciaire, sont intervenus dans la procédure en cours devant le tribunal de commerce de Nîmes.
Par décision en date du 2 décembre 2003, le tribunal de commerce de Nîmes a :
- constaté que M. Jean- Paul X..., gérant de la S. A. R. L. CARLIVE a commis des fautes de gestion en ne prenant aucune décision de gestion de nature à remédier à l'état financier de la société, ainsi qu'en s'abstenant de déclarer l'état de cessation des paiements de celle- ci, dans les délais légaux, ayant contribué à l'insuffisance d'actif,
- dit qu'il serait tenu de supporter l'insuffisance d'actif de cette société
- débouté Me Y..., ès qualités, de ses demandes à l'égard de M. Paul Z... et les parties de leurs autres demandes, y compris au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement et condamné M. Jean- Paul X... aux dépens de l'instance.
Le 12 décembre 2003, M. Jean- Paul X... a relevé appel de cette décision et le 6 janvier 2004, Me Y..., ès qualités a fait de même. Ces deux procédures, enrôlées séparément ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 février 2004.
M. X... a aussi sollicité la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 2 décembre 2003, ce qui a été rejeté par ordonnance du Premier Président de la cour d'appel de Nîmes, rendue le 17 février 2004.
A la suite de la perte matérielle du présent dossier à la cour, celui- ci a été reconstitué à partir des enregistrements informatiques de l'historique de la procédure et des duplicatas fournis en photocopie par les avoués, contradictoirement, à l'audience du 18 avril 2005.
Par arrêt mixte prononcé le 19 mai 2005, la présente cour a :
- Reçu les appels en la forme,
- Rejeté la demande de suppression d'écrits dans les conclusions de M. Jean- Paul X..., formulée par Me Y..., ès qualités,
- Rejeté les demandes d'annulation du jugement du tribunal de commerce de Nîmes prononcé le 2 décembre 2003, présentées par M. Jean- Paul X..., irrecevables et mal fondées,
- Donné acte à Me Vincent B..., pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de M. Jean- Paul X... et de Me Bernard A..., pris en sa qualité de représentant des créanciers à son redressement judiciaire, de leur intervention et de ce qu'ils s'en rapportaient à Justice,
- Confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté l'existence d'une insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE.
- Avant dire droit sur la demande de condamnation de M. Jean- Paul X... et de M. Paul Z... à combler l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE :
. ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à la conférence de mise en état du mardi 22 novembre 2005 à 15 heures,
. enjoint aux parties de conclure sur la situation actuelle de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Carpentras le 8 octobre 2003, la date de dépôt attendue du rapport de M. Alain G..., et, si le rapport est déposé entre- temps, de conclure au vu des observations de l'expert judiciaire quant à l'application des dispositions de l'article L. 624-3 du Code de commerce à l'égard de M. Jean- Paul X... et de M. Paul Z...,
- Réservé tous autres droits et moyens des parties, ainsi que les dépens, en fin d'instance ;
Par un autre arrêt, également rendu le 19 mai 2005, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 2 décembre 2003 qui avait prononcé la liquidation judiciaire de M. Jean- Paul X..., lequel a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.
Dans ses dernières conclusions après l'arrêt du 19 mai 2005, déposées au greffe de la cour le 15 novembre 2005 et signifiées à ses adversaires le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, M. Jean- Paul X... soutient que :
- un sursis à statuer doit être ordonné, conformément aux dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale, lui- même ayant été mis en examen le 15 avril 2005 par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nîmes, dans le cadre du périmètre des même faits dont la cour est saisie,
- le sursis à statuer s'impose aussi alors que le rapport de l'expert judiciaire G... n'est toujours pas déposé,
- sur le fond, les virements de trésorerie effectués au profit de la S. A. R. L. CARLIVE via la société BASIC COLOR IMPRIMERIE constituent des abus de biens sociaux, car elle n'est pas une filiale, et ils sont imputables à M. Z...,
- les accusations proférées par Me Y..., ès qualités, à l'égard de M. X... sont juridiquement inexactes, au sens de l'article 314-1 du Code pénal, et ce dernier ignore tout du courrier du 27 mai 2004, dont il fait état dans ses écritures,
- il serait souhaitable d'organiser une expertise contradictoire afin de rechercher quelles sont effectivement les fautes qui peuvent être imputées à l'un ou à l'autre des dirigeants successifs de la S. A. R. L. CARLIVE, et notamment la réalité technique et financière des prestations qui ont pu être exécutées par la société BASIC COLOR IMPRIMERIE pour le compte de la S. A. R. L. CARLIVE à concurrence de 503. 381, 00 €,
- Me Y... n'a jamais enquêté sur les agissements de M. Z... mais a accablé M. X... pour des fautes qu'il n'a pas commises, s'agissant de la gestion de la S. A. R. L. CARLIVE.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 21 novembre 2005 et signifiées à ses adversaires le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, Me Y..., liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE et de M. Jean- Paul X..., sollicite :
- le rejet des demandes de sursis à statuer, exposant que son action est fondée sur les fautes de gestion commises par M. X..., pour le faire condamner à supporter l'insuffisance d'actif désormais établie à la somme de 16. 040, 42 €, alors qu'il est mis en examen pour des faits distincts d'escroquerie et de banqueroute, sans influence sur le présent litige,
- qu'il soit statué sans attendre l'expertise de M. G..., toujours en cours alors que l'expert atteint une consignation complémentaire de 20. 000, 00 € pour poursuivre ses opérations, dans un délai inconnu à ce jour,
- le débouté de l'appel interjeté par M. X... et la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Nîmes prononcé le 2 décembre 2003, en toutes ses dispositions à son égard, eu égard à la poursuite d'une activité déficitaire dont il s'est rendu coupable, ainsi que de son absence de véritable gestion de la société, s'abstenant de recapitaliser celle- ci, son désintéressement de sa gestion malgré les alertes des salariés, ceci conformément aux dispositions de l'article 165 du décret du 27 décembre 1985,
- la réformation de ce jugement à l'égard de M. Paul Z... et la condamnation de celui- ci à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE, au vu des fautes commises telles que reprises dans les conclusions de M. X..., et notamment de l'existence d'un compte- courant d'associé débiteur, même si celui- ci a été remboursé depuis lors, au cas où des manquements de la part de M. Z... relèveraient de l'article L. 624-3 du Code de commerce,
- que les dépens soient jugés frais privilégiés de la procédure collective.
M. Paul Z..., dans ses dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 18 novembre 2005, et signifiées à ses adversaires le même jour, auxquelles était joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, demande la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de M. Jean- Paul X... à lui payer une somme de 10. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et celle de 4. 000, 00 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Une condamnation identique est aussi réclamée à l'encontre de Me Y..., ès qualités, s'agissant des frais irrépétibles de cette procédure.
Me Bernard A... et Me Vincent B..., respectivement représentant des créanciers et administrateur judiciaire au redressement judiciaire de M. Jean- Paul X..., n'ont pas conclu à nouveau après l'arrêt du 19 mai 2005, avant lequel ils avaient déclaré s'en rapporter à justice.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2005, puis révoquée à la demande commune des parties pour permettre un dernier échange de conclusions et pièces, une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée par le conseiller de la mise en état le 12 décembre 2005.
L'affaire a été communiquée au parquet général près la cour d'appel de Nîmes qui l'a visée sans avis le 14 avril 2005 et n'a pas conclu depuis l'arrêt du 19 mai 2005.
Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures déposées par les parties.
SUR CE :
SUR LES DEMANDES DE SURSIS A STATUER :
Attendu que M. Jean- Paul X..., qui déclare avoir été mis en examen par un juge d'instruction de Nîmes (procédure d'instruction no303 / 00091), du chef d'escroquerie et de banqueroute par détournements d'actifs, depuis le 15 avril 2005, sollicite qu'il soit sursis à statuer dans la présente procédure de sanction de comblement de l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE, en application des dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Qu'en vertu de ce texte, le sursis à statuer doit être ordonné par la juridiction civile lorsque la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui doit être rendue par la juridiction civile ;
Que le litige soumis à la présente cour d'appel a trait à l'application invoquée par Me Y..., pris en ses qualités de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE et de M. Jean- Paul X..., des dispositions de l'article L. 624-3 du Code de commerce ;
Que selon les dispositions susvisées de l'article L. 624-3 du Code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal, comme la cour saisie d'un appel de son jugement, peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ;
Que Me Y..., ès qualités, considère qu'en dehors des faits de détournements d'actifs et d'escroquerie reprochés à M. X... devant la juridiction pénale, celui- ci a aussi commis d'autres fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif et justifient à eux seuls sa demande ;
Qu'il demande à la cour de se prononcer exclusivement sur celles- ci pour confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le dirigeant social à combler l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE, sans qu'il y ait lieu, en conséquence, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive de la juridiction pénale ;
Attendu qu'il est exact que le liquidateur judiciaire, comme le tribunal de commerce de Nîmes dans son jugement déféré, a excipé des fautes de gestion commises par M. X... constituées par l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 15 jours et de l'absence de prise par lui de mesures de restructuration de la S. A. R. L. CARLIVE, au sein du groupe BASIC COLOR, alors que celle- ci était déficitaire, sans invoquer l'existence d'escroquerie ou de détournements d'actifs, faits qui, s'ils étaient avérés, constitueraient également des fautes de gestion ;
Qu'en l'état du débat devant le tribunal de commerce de Nîmes, dévolu à la cour par l'appel interjeté, et de la limitation par Me Y..., ès qualités, des chefs relatifs aux fautes de gestion imputées à M. X..., il apparaît que le sort de la procédure pénale ne pourrait influer la décision requise de la présente cour ; que dès lors que ces faits ne sont pas invoqués à l'appui de la demande de comblement de l'insuffisance d'actif, ils sont donc indifférents à la solution du présent litige ;
Qu'il convient en conséquence d'écarter l'exception de sursis à statuer à l'égard de la demande de Me Y..., ès qualités, qui doit s'apprécier indépendamment des faits reprochés à M. X... devant la juridiction pénale ;
Attendu que le retard important dans le dépôt du rapport d'expertise judiciaire attendu de la part de M. Alain G..., expert- comptable désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Carpentras depuis le 8 octobre 2003, justifie qu'il soit passé outre son absence pour apprécier en fonctions des éléments de preuve présentés par les parties, le bien- fondé de la demande de comblement de l'insuffisance d'actif soutenue, ainsi que le sollicite Me Y..., ès qualités, demandeur à la présente instance ;
Attendu que pour respecter l'obligation de juger ce litige dans un délai raisonnable, d'une part, et parce qu'il ne peut ordonné de mesure d'instruction judiciaire civile pour pallier la carence de M. X... ou de Me Y..., ès qualités, à rapporter la preuve de fautes de gestion imputées à M. Jean- Paul Z..., d'autre part, il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure d'expertise judiciaire comptable proposée dans ses conclusions d'appel par M. X... et refusée par le liquidateur judiciaire, à qui incombe la charge de la preuve ;
SUR LES FAUTES DE GESTION IMPUTÉES A M. X... :
Attendu que selon les dispositions susvisées de l'article L. 624-3 du Code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal, comme la cour saisie d'un appel de son jugement, peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ;
Qu'il appartient au liquidateur judiciaire de la personne morale, demandeur à cette action en comblement de l'insuffisance d'actif, de rapporter la preuve de la commission de la ou des fautes de gestion imputées au dirigeant social et de leur contribution à l'insuffisance d'actif constatée ;
Que cette insuffisance d'actif, pour la S. A. R. L. CARLIVE, s'élève désormais, après son actualisation par le liquidateur judiciaire, à la somme incontestée de 16. 040, 42 €, montant du passif alors que l'actif est désormais nul ;
Que ce montant de l'insuffisance d'actif se trouve réduit par le fait que M. X..., dirigeant également de la S. A. R. L. BASIC COLOR IMPRIMERIE, n'a pas déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE la créance qu'avait envers elle cette société, qui s'élevait à la somme de 503. 381, 00 €, ainsi que l'indique Me Y..., ce qui n'est pas contesté par les autres parties ;
Que Me Y..., ès qualités, reproche à M. Jean- Paul X..., qui a pris la direction de la S. A. R. L. CARLIVE le 28 novembre 2001, alors que cette société a réalisé un résultat d'exploitation négatif au 31 décembre 2001 (-148. 712, 00 €) ainsi qu'un résultat net déficitaire (-287. 847, 00 €), de n'avoir pris aucune mesure de gestion pour la redresser en la recapitalisant ou la restructurer, se désintéressant même de celle- ci et omettant de faire cesser l'activité déficitaire ;
Qu'il ajoute qu'en sa qualité de juge consulaire au tribunal de commerce d'Avignon il ne saurait prétendre avoir méconnu les obligations légales d'un commerçant ni la procédure judiciaire en matière commerciale ;
Attendu qu'il ressort en effet du bilan et du compte de résultat de l'exercice comptable clos au 31 décembre 2001, rédigé par la société d'expertise comptable H'EXAUDIT à Avignon le 3 mai 2002, que la S. A. R. L. CARLIVE a dégagé un résultat net comptable négatif de 287. 846, 73 € pour un chiffre d'affaires réalisé de 244. 121, 81 €, alors que son capital social s'élevait à 15. 245, 00 € et qu'il y avait un actif au bilan de 29. 012, 00 € net ;
Que l'exercice précédent, d'une durée de 14 mois et clos au 31 décembre 2000, alors que M. Paul Z... était le dirigeant social, s'était déjà achevé sur un résultat net comptable négatif de 250. 785, 00 €, pour un chiffre d'affaires réalisé de 127. 487, 00 € ; que M. X... ne conteste cependant pas particulièrement avoir eu connaissance de la situation comptable de la S. A. R. L. CARLIVE lorsqu'il a repris la gestion de celle- ci à compter du 28 novembre 2001 ;
Qu'il s'ensuit que l'activité de la S. A. R. L. CARLIVE, dès sa reprise et la nomination de M. Jean- Paul X... à la fonction de gérant de celle- ci, était déjà structurellement déficitaire et nécessitait donc soit sa recapitalisation soit des mesures de restructuration de l'entreprise dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont jamais été mises en oeuvre jusqu'au dépôt de bilan, intervenu le 18 août 2002 ;
Que M. X... a ensuite été informé le 3 mai 2002 lors de la rédaction du bilan et du compte de résultat de l'exercice 2001, du caractère continuellement et fortement déficitaire de l'exploitation de la S. A. R. L. CARLIVE ;
Qu'il a néanmoins poursuivi l'exploitation de celle- ci, sans prendre aucune mesure de redressement, et a ainsi commis une faute de gestion caractérisée ;
Mais attendu qu'il n'est pas rapporté, en l'état des pièces versées aux débats, la preuve que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif actuellement existante, du fait de la poursuite de la gestion de l'entreprise déficitaire entre le 28 novembre 2001 et le 18 août 2002, date de déclaration de l'état de cessation des paiements par M. X... ;
Qu'en effet, selon la note adressée le 30 septembre 2002 par Me Régis H..., avocat à Avignon, à Me Olivier I..., alors administrateur judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE notamment, et les constatations de l'expert G... dans sa note no 1 (page 41), les capitaux propres de cette société, dont l'activité était l'édition, la gestion administrative, le conseil en management et le conseil en communication au sein du groupe BASIC COLOR, étaient déjà négatifs et traduisaient une dégradation continue ;
Que cette dégradation s'est produite notamment entre le 31 octobre 2001 (-447. 437, 00 €) et le 31 décembre 2001 (-523. 357, 00 €), durant la gestion assurée par M. Paul Z... et M. Jean- Paul X..., chacun pour la moitié du temps, sans qu'il soit établi par les pièces produites que l'aggravation de l'insuffisance d'actif soit imputable à la seconde période plutôt qu'à la première ;
Que par la suite, la situation de l'insuffisance d'actif ne s'est pas encore aggravée et, du fait de l'abandon par la S. A. R. L. BASIC COLOR IMPRIMERIE de sa créance de 503. 381, 00 € figurant au passif du bilan au 31 / 12 / 2001 de la S. A. R. L. CARLIVE, celle- ci se trouve en insuffisance d'actif pour la seule somme incontestée de 16. 040, 42 €, après la poursuite de l'exploitation déficitaire depuis le 28 novembre 2001 ;
Qu'ainsi, par rapport au 31 décembre 2001, la situation d'insuffisance d'actif globale de la S. A. R. L. CARLIVE s'est même améliorée légèrement (519. 421, 42 € au lieu de 523. 357, 00 €) ;
Attendu ensuite que Me Y..., ès qualités, ne soutient plus en appel, comme l'avait retenu le tribunal de commerce de Nîmes dans son jugement déféré, que la déclaration par M. X... de l'état de cessation des paiements le 18 août 2002 était tardive et constitue une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; que cependant, sollicitant la confirmation du jugement entrepris, il doit être réputé reprendre ce moyen, en s'appropriant les motifs de la décision ;
Mais que la cour relève à cet égard que la date de cessation des paiements de la S. A. R. L. CARLIVE a été fixée par la juridiction commerciale au 30 juillet 2002, ce qui n'est contesté par personne, et notamment pas par le liquidateur judiciaire, et qui entraîne que le dépôt de bilan devait intervenir au plus tard le 16 août 2002, la veille étant un jour férié ;
Que le retard de deux jours dans l'accomplissement par M. X... de cette obligation légale, s'il peut être considéré comme fautif n'a, au vu des éléments comptables susvisés, pas contribué à l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE ;
Attendu par ailleurs que l'observation de M. X... à l'égard des dispositions de l'article 314-1 du Code pénal, qui sont relatives à la définition du délit d'abus de confiance, sont inopérantes en l'espèce, le liquidateur judiciaire n'invoquant pas des faits pouvant être qualifiés ainsi à son encontre à l'appui de son action au titre de l'insuffisance d'actif ;
Attendu qu'il convient donc, par ces motifs, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X... au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif apparue lors de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE et de rejeter les demandes présentées de ce chef par Me Y..., ès qualités ;
SUR LES FAUTES DE GESTION IMPUTÉES A M. Z... :
Attendu que Me Y... sollicite également la condamnation de M. Paul Z..., précédent dirigeant de la S. A. R. L. CARLIVE, jusqu'au 27 novembre 2001, à combler l'insuffisance d'actif de cette société, en intégralité aussi, en déclarant reprendre les accusations portées par M. X... dans ses conclusions d'appel, sous une forme conditionnelle ;
Qu'ainsi il demande à la cour de prononcer la condamnation de M. Paul Z... " si la preuve de ses manquements est établie ", sur le terrain de l'article L. 624-3 du Code de commerce ; que ceci revient à reconnaître, comme le relève M. Z... dans ses conclusions, que le liquidateur, à qui incombe la charge de la preuve d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne considère pas rapporter cette preuve au vu des pièces versées aux débats et des conclusions échangées ;
Attendu par ailleurs que dans ses dernières conclusions déposées le 15 novembre 2005, qui devaient reprendre les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans ses conclusions antérieures, M. Jean- Paul X..., n'impute plus désormais qu'une seule faute de gestion à M. Paul Z... à l'égard de la S. A. R. L. CARLIVE, tenant à l'accusation, non justifiée en l'état des pièces versées aux débats, d'avoir commis des abus de bien sociaux en effectuant des virements de trésorerie au profit de celle- ci, émanant de la S. A. R. L. BASIC COLOR IMPRIMERIE ;
Qu'en effet, l'accusation d'abus de biens sociaux portée dans les conclusions d'appel à l'égard de M. Paul Z... concerne la période antérieure au 28 novembre 2001, et résulte d'une simple affirmation de ce dernier, aucune procédure, pénale ou civile, n'ayant été engagée à l'égard de M. Z..., ni aucun élément de preuve versé aux débats à cet égard, d'autre part ;
Que la cour relève que selon la note technique nol rédigée par l'expert Alain G... (page 96) dans le cadre de l'expertise judiciaire en cours, régulièrement versée aux débats et communiquée à ses adversaires par M. Paul Z..., il apparaît que le compte courant d'associé de ce dernier, au sein de la S. A. R. L. CARLIVE, avait été ramené à 0 à la date du 31 octobre 2001, avant la cession effectuée à M. Jean- Paul X... ; qu'ainsi l'ancien dirigeant n'a pas personnellement prélevé de fonds dans l'entreprise transmise à son successeur et ne peut être considéré comme responsable, à ce titre, de l'insuffisance d'actif de celle- ci ;
Que par ailleurs l'interrogation de M. X... sur la réalité technique et financière des prestations qui ont pu être exécutées par la société BASIC COLOR IMPRIMERIE pour le compte de la S. A. R. L. CARLIVE, à concurrence de 503. 381, 00 € s'avère sans incidence sur l'appréciation de l'action de Me Y..., cette dernière somme n'ayant pas été déclarée au passif de la liquidation judiciaire par M. X... lui- même, et n'ayant donc pas été comprise dans le calcul de l'insuffisance d'actif qui fait l'objet de la demande du liquidateur devant la cour ;
Attendu ensuite que, conformément aux dispositions de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, M. X... doit être réputé avoir abandonné ses moyens précédemment développés avant l'arrêt du 19 mai 2005 à l'encontre de M. Z..., la cour ne statuant que sur les dernières conclusions déposées ;
Qu'ainsi Me Y..., ès qualités, qui se réfère uniquement aux écritures de M. X... sans les reproduire dans ses propres conclusions, n'impute donc aucune autre faute de gestion précise à M. Paul Z... ;
Qu'en outre la preuve n'est pas rapportée par Me Y... que l'insuffisance d'actif actuellement constatée, après déduction de la créance non déclarée au passif par la S. A. BASIC COLOR IMPRIMERIE, existait déjà à la date du 27 novembre 2001, date de cessation des fonctions de dirigeant social de M. Paul Z..., ni qu'elle ait résulté de fautes de gestion commises antérieurement à cette date par ce dernier ;
Que sa demande de condamnation de M. Z... à payer l'insuffisance d'actif doit donc être également rejetée ;
Qu'il convient en conséquence, par substitution de motifs, de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de M. Paul Z... à combler l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE ;
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS :
Attendu que dans le dispositif de ses dernières conclusions, déposées au greffe le 18 novembre 2005, M. Paul Z... sollicite la condamnation de M. Jean- Paul X... à lui payer une somme de 10. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, sans autres précisions ;
Que cette demande n'est donc fondée sur l'allégation d'aucune faute particulière ni d'aucun préjudice spécifique et doit donc être rejetée, ainsi que l'avait fait le jugement déféré, qui avait constaté l'absence de preuve d'un préjudice subi par M. Z... ;
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Attendu que, conformément à la demande de Me Y..., ès qualités, il convient de déclarer les dépens d'appel frais privilégié de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE et, réformant de ce chef également le jugement déféré, de dire qu'il en sera de même pour les dépens de première instance, qui avaient été mis à la charge de M. X... ;
Attendu que l'équité ne commande pas particulièrement en l'espèce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de M. Paul Z... ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant, publiquement et par arrêt contradictoire, après communication au ministère public,
Vu les articles 6, 9, 15, 16 et 954 du nouveau Code de procédure civile,
Vu l'article 4 du Code de procédure pénale,
Vu l'article 1382 du Code civil,
Vu les articles L. 624-3 et L. 624-6 du Code de commerce,
Vu l'article 165 du décret du 27 décembre 1985,
Vu l'arrêt mixte no297 rendu le 19 mai 2005,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nîmes prononcé le 2 décembre 2003, mais seulement en ce qu'il a :
- décidé que M. Jean- Paul X... devrait supporter l'insuffisance d'actif de la S. A. R. L. CARLIVE,
- condamné M. Jean- Paul X... aux dépens ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- Déboute Me Frédéric Y..., pris en ses qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARLIVE et de M. Jean- Paul X..., de sa demande de condamnation de ce dernier à supporter l'insuffisance d'actif de cette société, ramenée à la somme de 16. 042, 40 €,
- Dit que les dépens de première instance et d'appel constituent des frais privilégiés de la procédure collective,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Autorise la S. C. P. GUIZARD- SERVAIS et la S. C. P. POMIES- RICHAUD- VAJOU, titulaires d'un office d'avoué, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Ainsi prononcé et jugé à NÎMES le 26 janvier 2006.
Arrêt signé par Monsieur R. ESPEL, Président de Chambre et Madame D. RIVOALLAN, Greffier divisionnaire.