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07/11/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006941847

France | France, Cour d'appel de nîmes, 07 novembre 2002, JURITEXT000006941847


FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES Par jugement du 23 octobre 1984, le juge des tutelles au tribunal d'instance de NIMES a prononcé la curatelle aggravée de Madame X... veuve Y... ; ce jugement a été inscrit au répertoire civil le 5 décembre 1990. Par acte de Maître LARRICQ, notaire à Saint-Geniès-de-Malgoire, du 27 décembre 1988, Madame Y..., qui n'était pas assistée de son curateur, a vendu à Monsieur Antoine Z... un bâtiment d'habitation avec terrain attenant dont l'acte mentionne que le prix a été payé hors la comptabilité du notaire et que le vendeur en donne

quittance définitive et sans réserve. Madame veuve Y... est décédée...

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES Par jugement du 23 octobre 1984, le juge des tutelles au tribunal d'instance de NIMES a prononcé la curatelle aggravée de Madame X... veuve Y... ; ce jugement a été inscrit au répertoire civil le 5 décembre 1990. Par acte de Maître LARRICQ, notaire à Saint-Geniès-de-Malgoire, du 27 décembre 1988, Madame Y..., qui n'était pas assistée de son curateur, a vendu à Monsieur Antoine Z... un bâtiment d'habitation avec terrain attenant dont l'acte mentionne que le prix a été payé hors la comptabilité du notaire et que le vendeur en donne quittance définitive et sans réserve. Madame veuve Y... est décédée le 4 mars 1991 et ses héritiers, Gérald Y... et Régine Y... épouse A..., ont assigné en nullité de la vente et restitution de l'immeuble l'acquéreur et son sous-acquéreur, lesquels ont appelé en garantie les notaires successivement intervenus, Maître LARRICQ et Maître PONGE. Monsieur Gérald Y... est décédé en cours d'instance laissant pour seule héritière sa soeur Régine A... qui a repris son action en cette qualité. Par arrêt du 17 décembre 1998, la Cour de céans a débouté Madame Régine A... de son action en nullité de la vente et restitution de l'immeuble. Par acte du 4 mai 1999, Madame A... a assigné l'Etat français en responsabilité devant le tribunal de grande instance de NIMES qui, par jugement du 26 mars 2001, a constaté l'intervention volontaire de l'agent judiciaire du Trésor, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale et déclaré constitutive d'une faute lourde la tardiveté de la transcription du jugement de curatelle, a déclaré l'Etat responsable du fonctionnement défectueux de la justice et tenu de réparer le préjudice subi par Madame A..., et a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à Madame A... la somme de 350 000 francs àtitre de dommages et intérêts et la somme de 3500 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Monsieur l'Agent judiciaire

du Trésor a relevé appel de ce jugement. Il demande àla Cour de constater qu'au jour de l'assignation l'action de Madame Y... était prescrite et la déclarer irrecevable ; subsidiairement de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un dommage et d'un lien de causalité et débouter Madame Y... ; la condamner au paiement d'une somme de 10 000 f sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Sur la prescription, il se fonde sur les dispositions de l'article 475 du Code civil auquel renvoie l'article 495 du même Code et fait valoir que les consorts Y... avaient connaissance dès le 18 mai 1993, par les conclusions des notaires LARRICQ et PONGE, du défaut de transcription au répertoire civil, et que la prescription était donc acquise au 18 mai 1998. Sur le préjudice, il soutient que la preuve du non paiement du prix n'est pas rapportée et fait valoir que dans son arrêt du 17 décembre 1998, la Cour a débouté les consorts Y... de leur demande en nullité de la vente pour défaut de cause ou en résolution de la vente pour non paiement du prix. Madame A... conclut au rejet de l'appel de l'Agent judiciaire du Trésor et demande à la Cour de condamner l'Etat à lui porter et payer la somme de 400 000 francs au titre de la perte de la maison, la somme de 100 000 francs au titre du préjudice matériel et moral et la somme de 15 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle soutient que la prescription prévue à l'article 475 du Code civil est relative aux faits de la tutelle et que le défaut de transcription aux fins de publicité n'est pas visé par ce texte, la publicité n'étant pas prévue pour les mineurs ; qu'aux termes de l'article 2252 du Code civil la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle ; que c'est l'article 2270-1 du Code civil qui doit s'appliquer ; que les conditions de la responsabilité de l'Etat n'ont été réunies que suite à l'arrêt du 17 décembre 1998 qui a

permis de caractériser le préjudice et qu'avant, faute de préjudice, l'action ne pouvait aboutir. Elle fonde son action sur les dispositions de l'article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire et prétend que la faute lourde est caractérisée. Elle fait encore valoir qu'au visa de l'article 1241 du Code civil, le paiement fait au créancier n'est point valable s'il était incapable de le recevoir; que le lien de causalité est établi dans la mesure où c'est le défaut de publicité qui rendait la mesure de protection inopposable aux tiers et ne permettait donc pas de prononcer la nullité de la vente. La mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2002. SUR QUOI, LA COUR:

B... que l'article 495 du Code civil dit que sont applicables dans la tutelle des majeurs les règles prescrites par les sections 2, 3 et 4 du chapitre Il pour la tutelle des mineurs ; qu'il renvoie ainsi aux dispositions de l'article 475 du même Code qui dispose que toute action du mineur contre le tuteur, les organes tutélaires ou l'Etat relativement aux faits de la tutelle se prescrit par cinq ans. Mais attendu que le défaut de transcription du jugement décidant la mesure de protection n'est pas un fait de la tutelle, et ne relève donc pas de l'article 475 ; que l'action ne tend pas àremettre en cause un acte fait dans le cadre de la tutelle, mais à la mise en ceuvre de la responsabilité de l'Etat pour le fonctionnement défectueux de la justice sur le fondement de l'article L. 7 8 1 -1 du Code de l'organisation judiciaire dont l'alinéa l° dispose que :

L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice. B... qu'en l'absence de délai de prescription propre à cette action, c'est le

délai de droit commun de dix ans de l'article 2270-1 du Code civil qui s'applique ; qu'en application de l'article 2252 du même Code, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés ni contre les majeurs en tutelle ; que Madame veuve Y... étant décédée le 4 mars 1991 et le défaut de publicité ayant été porté à la connaissance de ses ayants droits le 18 mai 1993, la prescription n'était pas acquise au temps de l'acte introductif d'instance ; que pour ce motif substitué à celui des premiers juges, leur décision doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté le moyen de prescription. B... que l'article 1260 du nouveau Code de procédure civile prévoit que lorsque la décision ouvrant la mesure de protection a été prise par le juge des tutelles, la transmission en est faite par le greffier dans les quinze jours qui suivent l'expiration des délais de recours. B... que la transmission du jugement du 23 octobre 1984 aux fins de conservation au répertoire civil et de mention en marge de l'acte de naissance a été faite le 5 décembre 1990 ; que s'agissant d'un dépassement considérable du délai prévu pour l'accomplissement d'une mesure de publicité dont dépend l'opposabilité aux tiers de la mesure de protection de l'incapable majeur, la faute lourde du service public est caractérisée. B... que dans son arrêt du 17 décembre 1998, la Cour, pour rejeter la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix, a retenu que le prix était quittancé dans l'acte, que Monsieur Z... avait affirmé dans une lettre du 25 octobre 1991 je vous confirme à nouveau que conformément à sa volonté (et avec insistance de sa part), SARL JBV V IMMOBILIER'ai réglé cette somme en espèces directement à Mme Y... ", et que la preuve contraire n'était pas rapportée. B... que la finalité de la mesure de protection est d'empêcher que le majeur protégé soit abusé par son cocontractant ou ne fasse un usage inconsidéré des sommes dont il dispose ; qu'aucune trace du prix qui aurait été versé par l'acquéreur n'a été trouvée ;

que par lettre du 14 janvier 1991, le curateur a adressé une plainte au procureur de la République, indiquant notamment Je précise que le montant de la transaction 300 000francs n'a jamais été versé sur le compte bancaire de Mme Y... B... que c'est par le fait du retard de transcription que le notaire, qui a fait les diligences qui lui incombait, a obtenu un acte de naissance qui ne révélait pas la mesure de protection et a donc authentifié l'acte hors la présence du curateur qui aurait pu appréhender le prix et le déposer au crédit du compte bancaire de la venderesse ; que c'est donc en raison du défaut de publicité que la mesure de protection n'a pas fonctionné au profit de la majeure protégée ;que le lien de causalité est établi entre la faute et le dommage, ainsi que l'ont judicieusement relevé les premiers juges qui ont décidé que le préjudice subi par l'ayant droit de la venderesse correspondait au montant actualisé du prix de la transaction validée, lequel a été dissipé sans contrôle en l'absence de toute protection, imputable à la négligence fautive du greffier.. B... que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du dommage subi par Madame A... ; que leur décision doit également être confirmée de ce chef B... que Madame A... ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la dissipation du prix de vente ; qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires. B... que l'Etat, représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor, sera condamné aux dépens ; B... que pour défendre sur l'appel de l'Agent judiciaire du Trésor, Madame A... a dû exposer des frais non compris dans les dépens au titre desquels il convient de lui allouer la somme de 1000,00.Euros PAR CES MOTIFS, la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel, mais le dit non fondé Confirme le jugement déféré. Déboute Madame Régine Y... épouse A... de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires.

Condamne l'Etat représenté par l'Agent judiciaire du Trésor à payer à Madame Régine Y... épouse A... la somme de 1000,00 f en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941847
Date de la décision : 07/11/2002

Analyses

ETAT - Responsabilité - Fonctionnement défectueux du service de la justice - Faute lourde - Définition.

Le dépassement considérable du délai prévu pour l'accomplissement d'une mesure de publicité, dont dépend l'opposabilité aux tiers de la mesure de curatelle, caractérise une faute lourde révélatrice du fonctionnement défectueux du service public de la Justice, dès lors que le retard dans la publicité a permis la vente d'un bien du patrimoine du majeur protégé en l'absence de son curateur

PRESCRIPTION.

En l'absence d'une prescription propre, l'action tendant à engager la responsabilité de l'Etat pour le fonctionnement défectueux de la justice, exercée en vertu de l'article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire, se prescrit selon le délai de droit commun de dix ans prévu par l'article 2270-1 du Code civil


Références :

Code civil, article 2270-1
Code de l'organisation judiciaire, article L 781-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2002-11-07;juritext000006941847 ?
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