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14/03/2002 | FRANCE | N°99/5383

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 14 mars 2002, 99/5383


COUR D'APPEL DE N MES

PREMIÈRE CHAMBRE B Arrêt N° RG : 99/5383

AF/CM SA LYONNAISE DE BANQUE / FANGET EPSE X... T.G.I. PRIVAS 23 SEPTEMBRE 1999 Ce jour, QUATORZE MARS DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE N MES, Monsieur BRUZY, Président, assisté de Madame BERNARD, Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : SA LYONNAISE DE BANQUE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, 229 avenue Victor Hugo, B.P. 1019, 26010 VALENCE CEDEX,

ayant pour avoué constitué, la SCP POMIES RICHAUD ASTRAUD, et pour avoca...

COUR D'APPEL DE N MES

PREMIÈRE CHAMBRE B Arrêt N° RG : 99/5383

AF/CM SA LYONNAISE DE BANQUE / FANGET EPSE X... T.G.I. PRIVAS 23 SEPTEMBRE 1999 Ce jour, QUATORZE MARS DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE N MES, Monsieur BRUZY, Président, assisté de Madame BERNARD, Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : SA LYONNAISE DE BANQUE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, 229 avenue Victor Hugo, B.P. 1019, 26010 VALENCE CEDEX, ayant pour avoué constitué, la SCP POMIES RICHAUD ASTRAUD, et pour avocat, Maître Elvire GRAVIER,

APPELANTE D'autre part :Madame FANGET Andrée Y... épouse X..., née le 21 juin 1929 à ANNONAY, domiciliée Montée de Sauvion, 07690 VILLEVOCANCE, ayant pour avoué constitué, Maître d'EVERLANGE, et pour avocat, la SCP PIERRIN MADEIRA,

INTIMÉE Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 21 décembre 2001. Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique du 17 janvier 2002, où siégeaient : - Monsieur BRUZY, Président, - Monsieur FAVRE, Conseiller,

- Monsieur FILHOUSE, Conseiller, assistés de Madame BERNARD, greffier, présente lors de l'audience, La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avoués et avocats des parties en leurs

conclusions et plaidoiries et renvoyé le prononcé pour plus ample délibéré à l'audience du 14 mars 2002. Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

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FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES Le 21 mai 1996 Madame Andrée X... se portait caution pour un montant de 300.000 Frs du paiement des dettes de la SARL X... qui était gérée par son fils. Son cautionnement devait expirer le 30 septembre 1996. Le même jour la société LYONNAISE DE BANQUE écrivait à la SARL X... qui lui rappelait que son compte était débiteur de 558.679,81 Frs et qu'en conséquence elle lui adressait une lettre recommandée avec accusé de réception pour lui signifier qu'il n'était plus dans son intention de maintenir la facilité de caisse jusqu'alors consentie. La banque précisait que sa lettre valait préavis en application de l'article 60 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 et qu'elle invitait la SARL X... à lui faire parvenir des propositions raisonnables de plan d'amortissement susceptibles de recevoir son agrément et qu'à défaut d'un règlement amiable dans le délai d'usage de deux mois suivant l'envoi de cette lettre la banque serait contrainte de rendre exigible sa créance en clôturant son compte. Ainsi la banque, visant expressément l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 lui permettant après l'expiration d'un délai de préavis ici fixé à deux mois de clôturer le compte, exigeait à compter du 21 juillet 1996 que la SARL X... débiteur cautionné lui règle le montant total du solde débiteur du compte. La SARL X... était déclarée en redressement judiciaire le 27 août 1996 et un plan de cession était arrêté le 25

avril 1997. Après avoir adressé une lettre de mise en demeure le 30 mai 1997 faisant injonction à la caution de payer 300.000 Frs la société LYONNAISE DE BANQUE assignait Madame X... devant le Tribunal de Grande Instance de PRIVAS pour la voir condamner à lui payer la somme de 300.000 Frs en vertu de son engagement de caution. Madame X... faisait valoir que pendant le même temps où elle s'était portée caution afin que la SARL dirigée par son fils bénéficie du maintien du crédit accordé par la banque celle-ci, sans le lui dire, avait donné au débiteur cautionné un délai de deux mois pour s'acquitter de la totalité de sa dette rendant ainsi le cautionnement totalement inutile et trompant Madame X... sur le fait que jusqu'au mois de septembre 1996 le débiteur principal devait bénéficier de son engagement de caution et dès lors la banque devait maintenir le montant du découvert. Elle soutenait donc que la banque l'avait délibérément trompée afin d'obtenir qu'elle devienne le véritable débiteur des dettes de la SARL X.... Par un jugement en date du 23 septembre 1999 auquel il est expressément référé pour plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions des parties, le Tribunal de Grande Instance de PRIVAS a retenu que la banque avait eu une réticence dolosive à l'égard de Madame X... en ne lui indiquant pas qu'en réalité elle entendait dans le délai de deux mois être entièrement remboursée du solde débiteur du compte courant. Le Tribunal a donc prononcé la nullité du contrat de cautionnement signé le 21 mai 1996 par Madame X... à raison des manoeuvres dolosives de la société LYONNAISE DE BANQUE et condamné cette dernière aux entiers dépens. La société LYONNAISE DE BANQUE a relevé appel de cette décision et sollicite la condamnation de Madame X... à lui payer 300.000 Frs outre 10.000 Frs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La banque demande à la Cour de considérer que le visa de l'article 60 de la loi

bancaire n'est qu'une clause de style et qu'il ne fallait donc pas le prendre comme une mise en demeure de régler le montant du découvert dans le délai de deux mois. Elle soutient en outre qu'il suffisait que le découvert soit ramené à 300.000 Frs c'est à dire à la hauteur de l'engagement de caution pour qu'elle soit satisfaite. Elle prétend que le redressement judiciaire a été prononcé sur déclaration de cessation des paiements le 23 août 1996 en sorte qu'elle n'est pour rien dans l'intervention du redressement judiciaire. Elle ajoute que Madame X... s'était déjà portée caution à hauteur de 500.000 Frs entre le 27 octobre 1995 et le 31 décembre 1995. Elle en déduit que Madame X... connaissait les difficultés de la SARL gérée par son fils. Elle soutient qu'en réalité l'erreur sur la solvabilité du débiteur principal ne peut être invoquée par la caution que dans la mesure où celle-ci prouve avoir érigé cette circonstance en condition de son engagement. Elle ajoute qu'elle a tenu ses engagements contrairement à ce qui est prétendu par Madame X... parce qu'au moment où le jugement de redressement judiciaire est intervenu le déficit du compte était de 535.437,93 Frs ce qui démontre qu'elle n'avait pas clôturé le compte le 21 juillet 1997 et qu'elle n'avait donc pas mis ses menaces à exécution. La banque déduit du fait qu'elle n'a ni clôturé le compte ni provoqué le dépôt de bilan, que les allégations de Madame X... ne sont soutenues par aucun élément pertinent. Elle ajoute que le fils de Madame X..., gérant de la SARL, qui était aussi caution des dettes de l'entreprise, n'a jamais rien réglé. Madame X... demande à la Cour la confirmation du jugement et par appel incident la condamnation de la banque à lui verser 20.000 Frs à titre de dommages-intérêts et 15.000 Frs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle fait valoir que son consentement a été vicié par le fait qu'elle ignorait que la banque avait le jour où elle se portait caution mis

en demeure le débiteur principal de régler sa dette sous deux mois alors que la cause de son engagement de caution était de permettre au débiteur principal de bénéficier du maintien des facilités de caisse au moins jusqu'au mois de septembre 1996. Elle ajoute que si elle avait su que la banque considérait que dans le délai de deux mois des facilités de caisse devaient être supprimées elle ne se serait jamais portée caution puisque la banque considérait elle-même que la situation du débiteur était tellement compromise qu'elle ne pouvait plus lui consentir des facilités de caisse au-delà du délai de deux mois. MOTIFS ATTENDU que l'engagement de caution d'une personne vis à vis d'une autre trouve sa cause dans la considération du crédit accordé par le créancier au débiteur principal ; ATTENDU que pour déterminer si le consentement de la caution était valide, la Cour doit se placer au moment où la caution s'est engagée ; ATTENDU que celle-ci prétend qu'elle a été victime d'un dol qui est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; ATTENDU qu'il a été vu plus haut que la caution s'est engagée en considération du maintien du crédit que le créancier avait accordé au débiteur principal ; ATTENDU que l'engagement de caution de Madame X... était défini dans le temps, qu'ainsi elle s'engageait à partir du 21 mai 1996 à cautionner la SARL X... jusqu'au 30 septembre 1996 ; ATTENDU qu'ainsi elle était persuadée que dans l'esprit des parties, à savoir elle-même et la banque, il était entendu que le crédit de 300.000 Frs donné par la banque sous forme de facilité de caisse serait maintenu jusqu'au 30 septembre 1996 ; ATTENDU pourtant que contrairement à ce que pensait Madame X... la société LYONNAISE DE BANQUE a adressé le jour où elle s'est portée caution soit le 31 mai 1996 une lettre au débiteur principal dans laquelle elle lui donnait un préavis de clôture du

compte à deux mois en visant expressément l'article 60 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 ; ATTENDU que ce faisant la banque trompait son co-contractant en ne l'avisant pas qu'elle n'avait pas l'intention de maintenir le crédit, c'est à dire la totalité du crédit, jusqu'au 30 septembre 1996, mais qu'en réalité elle avait l'intention d'intimer l'ordre au débiteur principal de ramener à zéro son découvert de 558.679,81 Frs dans le délai de deux mois ; ATTENDU que se plaçant à la date à laquelle Madame X... a souscrit l'engagement de caution, le fait de ne pas lui avoir indiqué qu'aux yeux de la banque la situation du débiteur entraînait la clôture du compte dans le délai de deux mois sauf paiement de la totalité du découvert du compte constituait une information de la plus haute importance pour la caution puisqu'elle démontrait que le créancier n'avait plus aucune confiance dans le débiteur principal et que contrairement à l'engagement qu'il faisait souscrire à la caution il n'avait pas l'intention de maintenir le crédit jusqu'au 30 septembre 1996 ; ATTENDU que se plaçant au moment où le contrat a été conclu il doit être considéré que Madame X... a été volontairement trompée par la société LYONNAISE DE BANQUE sur la réalité de la situation du débiteur et sur l'intention de la société LYONNAISE DE BANQUE de maintenir au moins un crédit de 300.000 Frs jusqu'au 30 septembre 1996 alors qu'il est démontré qu'elle n'en n'avait nullement l'intention à cette date même ; ATTENDU qu'ainsi est démontrée l'existence d'un dol émanant du co-contractant et portant sur le maintien du crédit qui constituait le caractère déterminant de la convention de caution que Madame X... venait de souscrire ; ATTENDU que c'est donc à juste titre que le Tribunal a prononcé l'annulation pour dol de l'engagement de cautionnement en constatant que par des manoeuvres permettant d'assurer à la caution que le crédit serait maintenu jusqu'au 30 septembre 1996 alors qu'en fait

elle mettait en demeure le débiteur principal de s'acquitter des sommes dues dans les deux mois suivant la date même où la caution s'était engagée mettant ainsi à la fois en difficulté la société qui venait de recevoir cet ultimatum et apportant aussi la démonstration que le créancier bénéficiaire de la caution ne souhaitait en réalité que la substitution d'une caution qui disposait encore de biens à celle d'une entreprise dont elle considérait la situation irrémédiablement compromise au point de souhaiter l'apurement rapide de ses dettes et la clôture de son compte ; ATTENDU que la Cour devant se placer au moment où le consentement de la caution a été établi n'a pas à rechercher si ultérieurement la banque a mis ses menaces à exécution ou si le redressement judiciaire du débiteur principal a été provoqué ou non par une demande de la banque ; ATTENDU en effet qu'en matière de vice du consentement la Cour doit rechercher si le consentement de la caution a été trompé par l'attitude de son co-contractant la banque, et qu'en l'espèce il s'avère que si la caution avait su que le jour où elle s'engageait la banque exigeait le comblement du passif du compte dans le délai de deux mois elle ne se serait pas engagée à se porter caution sachant que seule la perspective de voir le maintien du crédit jusqu'au 30 septembre 1996 permettait le sauvetage de l'entreprise ; ATTENDU qu'en l'état de la confirmation du jugement déféré il convient de rechercher si Madame X... a subi un préjudice excédant celui du coût du présent procès, qu'à cet égard elle ne rapporte la preuve d'aucun préjudice en dehors de celui naît de l'obligation de demander la nullité de l'engagement de caution, qu'ainsi elle sera simplement indemnisée des frais non compris dans les dépens à la hauteur de 1.500 euros ; ATTENDU que la société LYONNAISE DE BANQUE succombe, qu'elle devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître

d'EVERLANGE, avoué, s'il en a fait l'avance ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme ; Au fond ledit mal fondé ; Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ; Déboute Madame X... de sa demande de dommages-intérêts comme mal fondée ; Condamne la société LYONNAISE DE BANQUE à payer à Madame X... la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître d'EVERLANGE, avoué, s'il en a fait l'avance ; Arrêt qui a été signé par Monsieur BRUZY, Président, et par Madame BERNARD, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 99/5383
Date de la décision : 14/03/2002
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2002-03-14;99.5383 ?
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