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05/02/2002 | FRANCE | N°2000/2360

France | France, Cour d'appel de nîmes, 05 février 2002, 2000/2360


COUR D'APPEL DE N MES CHAMBRES REUNIES Magistrat Rédacteur :

C.JEAN/BV Arrêt N° R.G : 00/2360 T.G.I DE MARSEILLE DU 14 JUIN 1995 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE DU 30 SEPTEMBRE 1997 COUR DE CASSATION DU 1ER FEVRIER 2000 X... C/ S.A. CLINIQUE L'EMERAUDE Ce jour, CINQ FEVRIER DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique solennelle DE LA COUR D'APPEL DE N MES, CHAMBRES RÉUNIES, Monsieur GOUDON, Premier Y..., assisté de Madame Z... , Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : 1/ Monsieur X... A... né le 6 avril 1947 à MARSEILLE 2/ Mademoiselle X... B..

. née le 5 septembre 1977 Domiciliés tous deux, "Le Chambord" B...

COUR D'APPEL DE N MES CHAMBRES REUNIES Magistrat Rédacteur :

C.JEAN/BV Arrêt N° R.G : 00/2360 T.G.I DE MARSEILLE DU 14 JUIN 1995 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE DU 30 SEPTEMBRE 1997 COUR DE CASSATION DU 1ER FEVRIER 2000 X... C/ S.A. CLINIQUE L'EMERAUDE Ce jour, CINQ FEVRIER DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique solennelle DE LA COUR D'APPEL DE N MES, CHAMBRES RÉUNIES, Monsieur GOUDON, Premier Y..., assisté de Madame Z... , Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : 1/ Monsieur X... A... né le 6 avril 1947 à MARSEILLE 2/ Mademoiselle X... B... née le 5 septembre 1977 Domiciliés tous deux, "Le Chambord" Bât 1 3, Avenue René CASSIN 13100 AIX EN PROVENCE ayant tous deux pour avoué constitué, la SCP LA SCP GUIZARD-SERVAIS, et pour avocat, la SCP KAROUBY, AYACHE, MINGUET

APPELANTS D'autre part : La S.A. CLINIQUE L'EMERAUDE, dont le siège social est sis, 34 Traverse de la Seigneurie 13000 MARSEILLE ayant pour avoué constitué, la SCP ALDEBERT PERICCHI, et pour avocat, la SCP COURTOIS ROMAN BENOLIEL

INTIMEE Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 novembre 2001, Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique solennelle du 4 décembre 2001, où siégeaient : - Monsieur GOUDON, Premier Y..., - Monsieur TESTUD, Conseiller, - Madame JEAN, Conseiller, - Madame BRISSY-PROUVOST, Conseiller, - Monsieur BERTHET, Conseiller, assistés de Madame Z..., Greffier. La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avoués et les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries et renvoyé le prononcé pour plus ample délibéré à

l'audience du 5 février 2002, Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré conformément à la loi. FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES A la suite du décès de son fils, Christiane X... a été hospitalisée le 21 novembre 1992 dans un établissement privé de santé psychiatrique, la Clinique l'EMERAUDE sise à MARSEILLE. Au cours de la nuit du 1er décembre 1992, elle tentait de quitter la clinique en passant par la fenêtre, après avoir noué entre-eux des draps qu'elle avait attachés au balcon. Elle lâchait prise avant d'atteindre le sol et est décédée quelques jours après des suites de cette chute. Son époux, Monsieur A... X... agissant tant pour son compte personnel que pour celui de sa fille B..., a fait assigner la Clinique l'EMERAUDE devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE par exploit du 5 octobre 1993 en responsabilité et réparation de leur préjudice matériel et moral. Par jugement en date du 14 juin 1995, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes. Ce dernier a régulièrement relevé appel de cette décision. La Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a, par arrêt du 30 septembre 1997 confirmé le jugement querellé. Sur le pourvoi formé par Monsieur X... et B... X..., devenue majeure, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation a, par arrêt du 1er février 2000, cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 septembre 1997. Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour de ce siège désignée comme Cour de renvoi, il est expréssement fait référence à leurs conclusions signifiées le : - 15 mai 2001 pour la Clinique l'EMERAUDE, - 3 août 2001 pour A... et B... X.... Les appelants demandent à la Cour de retenir à l'encontre de la Clinique l'EMERAUDE un manquement à son obligation de surveillance à l'origine du décès de Madame X... et de la condamner en conséquence à payer en réparation de leur préjudice matériel et moral

: la somme de un million de francs à B... X.... Ils sollicitent en outre l'allocation d'une somme de 35.000 Frs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Clinique l'EMERAUDE conclut à la confirmation de la décision déférée aux motifs qu'elle est tenue d'une obligation de moyen et non de résultat qu'elle a exécutée en fonction de la détermination du placement et du traitement prescrit par le médecin. Elle soutient que l'accident est dû à une cause qui ne peut lui être imputé. Subsidiairement elle sollicite une mesure d'expertise pyschiatrique aux fins de rechercher si elle a rempli ses obligations au regard des éléments fournis par le médecin traitant. La clôture de la procédure a été prononcée par Ordonnance en date de 9 novembre 2001. MOTIFS Sur la responsabilité Attendu que les cliniques psychiatriques n'ont pas une obligation de sécurité pour le malade conçue comme une obligation de résultat faisant présumer leur faute ; qu'en l'espèce le manquement du devoir de surveillance ne peut dès lors s'induire de la chute elle-même ; que les cliniques pyschiatriques ne sont tenues à l'égard des malades que d'une obligation de moyens consistant à leur donner des soins d'après les prescriptions des médecins et à assurer leur surveillance ; que cette obligation de moyens s'apprécie in concreto selon l'état du malade, ses antécédents, le traitement prescrit par le médecin et les faits ; Attendu qu'en l'espèce, les pièces produites établissent que Madame X... souffrait depuis plusieurs années de troubles pyschologiques en relation avec l'état de santé de son fils atteint d'une grave maladie depuis sa naissance et pour lesquels elle était médicalement suivie ; qu'elle a été très affectée par le décès de son fils survenu le 17 novembre 1992 au point d'être hospitalisée quatre jours après ; qu'elle avait précédemment été admise dans cette même clinique du 11 avril 1992 au

10 mai 1992 ; que l'accident est survenu 9 jours seulement après la nouvelle hospitalisation ; qu'une amélioration significative de l'état de la patiente ne pouvait être constatée dans un délai si bref ; que Madame X... était particulièrement fragilisée et que ses troubles psychologiques récidivants étaient d'une part connus de la Clinique l'EMERAUDE et d'autre part aggravés par le décès très récent de son fils ; que son état justifiait donc une surveillance particulière faute de laquelle le caractère imprévisible des faits ne peut être retenu ; Attendu par ailleurs qu'il est constant et non contesté que la porte du pavillon dans lequel Madame X... était hospitalisée, était fermée à clé ; que la chambre située au deuxième étage disposait d'une porte fenêtre accédant à un balcon démunie de tout dispositif de sécurité ou d'alerte ; qu'en plaçant Madame X... dans cette chambre, d'ailleurs dès son arrivée, en connaissance de l'état psychologique de celle-ci, de ses antécédents, du traumatisme lié à la perte de son fils quelques jours auparavant, la Clinique l'EMERAUDE a commis une faute de surveillance même si le médecin n'avait pas fait de recommandation particulière ; que la clinique doit répondre de l'insuffisance de précautions vis à vis de cette malade dépressive placée dans une chambre au deuxième étage dont la fenêtre n'était pourvue d'aucun système de sécurité ; que cet établissement doit donc être déclaré responsable du décès accidentel de Madame X..., en lien de causalité direct avec la faute commise ; Sur la réparation, Attendu que Monsieur et Madame X... étaient mariés depuis 24 ans ; qu'ils ont affronté ensemble durant 21 ans la grave maladie de leur fils ; que cette souffrance partagée a encore renforcé leurs liens affectifs ; que Monsieur X... âgé de 45 ans s'est brusquement retrouvé veuf pour élever le second enfant né du mariage ; qu'il est justifié au regard de ces éléments et circonstances particulières de lui allouer une somme de 150.000 Frs

au titre du préjudice moral ; Attendu que B... X... était âgée de 15 ans au décès de sa mère à laquelle elle était très attachée et dont elle avait particulièrement besoin dans cette période de sa vie ; qu'il lui sera accordé une somme de 100.000 Frs du chef du dommage moral ; Attendu que les frais d'obsèques sont justifiés par Monsieur A... X... à hauteur de la somme de 13.513 Frs qui lui sera allouée ; Attendu qu'à l'appui de la demande formée au titre du préjudice économique, il n'est produit qu'un seul bulletin de salaire de Madame X... en date du mois de décembre 1988 donc antérieur de 4 ans à son décès ; qu'au mois d'août 1992 elle avait reçu le paiement d'un rappel et non d'un salaire ; que l'attestation établie par le Maire de POURRIERES (83) mentionne que Madame X... "était toujours considérée comme employée temporaire remplaçant le personnel de service titulaire en congé maladie" sans ne faire état de remplacement effectif l'année de son décès ; qu'il n'est donc aucunement justifié d'une participation financière de Madame X... au foyer à la date du décès ; qu'en raison de son état de santé celle-ci ne pouvait d'ailleurs pas exercer effectivement une activité salariée ; que les demandes formées au titre du préjudice matériel non établi seront donc rejetées ; Attendu que l'équité justifie d'allouer une somme de 10.000 Frs au titre des frais irrépétibles que les appelants ont dû exposer pour obtenir reconnaissance de leur droit à réparation ; Attendu que la Clinique l'EMERAUDE succombe et supportera les dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, Chambres Réunies sur renvoi de cassation, en matière civile et en dernier ressort, Vu l'arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 1er février 2000 ; Vidant le renvoi ; Dit l'appel recevable en la forme ; Au fond ; Réforme le jugement déféré ; Vu l'article 1147 du Code Civil ; Dit que la Clinique l'EMERAUDE a commis une faute de

surveillance en lien de causalité direct avec le décès de Madame X... ; La déclare responsable de cet accident ; La condamne à payer à : Mademoiselle B... X... la somme de 100.000 Frs soit 15.244,90 A au titre du préjudice moral ; Rejette comme injustifié le surplus des demandes formées du chef du préjudice matériel ; Condamne la Clinique l'EMERAUDE à payer à Monsieur A... X... et B... X... pris ensemble la somme de 10.000 Frs soit 1.524,49 A en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la Clinique l'EMERAUDE aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront distraits au profit de la SCP LA SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués, sur leurs affirmations de droit ; Arrêt qui a été signé par Monsieur GOUDON Premier Y..., et par Madame Z..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Numéro d'arrêt : 2000/2360
Date de la décision : 05/02/2002

Analyses

HOPITAL - Etablissement privé - Clinique psychiatrique - Responsabilité - Faute - Surveillance des patients - Manquement

Les cliniques psychiatriques ne sont tenues à l'égard de leurs patients que d'une obligation de moyens consistant à leur donner des soins d'après les prescriptions des médecins et à assurer leur surveillance. Cette obligation de moyens s'apprécie in concreto selon l'état du malade, ses antécédents, le traitement prescrit par le médecin et les faits. Une clinique doit être déclarée responsable du décès d'un patient provoqué par une chute dès lors qu'elle a commis une faute de surveillance, même si le médecin n'avait pas fait de recommandation particulière, par le manque de précautions vis-à-vis de ce malade dépressif placé dans une chambre au deuxième étage dont la fenêtre n'était pourvue d'aucun système de sécurité


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2002-02-05;2000.2360 ?
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