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16/10/2008 | FRANCE | N°08/01096

France | France, Cour d'appel de Nancy, 16 octobre 2008, 08/01096


COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT N° 2383 / 08 DU 16 OCTOBRE 2008



Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 01096

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc,
RG n° 04 / 00474, en date du 10 mars 2005,



APPELANTE :
Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MEUSE-SUD / SAINT-DIZIER représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège sis 3 Bld de la Rochelle-55000 BAR LE DUC
représentée par la SCP CHARDON & NAVREZ, avou

és à la Cour
assistée de Maître DIETRICH Philippe, avocat au barreau de la Meuse



INTIMÉ :
Monsieur Jean-Mar...

COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT N° 2383 / 08 DU 16 OCTOBRE 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 01096

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc,
RG n° 04 / 00474, en date du 10 mars 2005,

APPELANTE :
Société CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MEUSE-SUD / SAINT-DIZIER représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège sis 3 Bld de la Rochelle-55000 BAR LE DUC
représentée par la SCP CHARDON & NAVREZ, avoués à la Cour
assistée de Maître DIETRICH Philippe, avocat au barreau de la Meuse

INTIMÉ :
Monsieur Jean-Marie Y..., né le 19 août 1938 à Montmédy (55), demeurant ...

représenté par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour
assisté de Maître GUILLAUME Eric, avocat au barreau de la Meuse

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 septembre 2008, en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur MERLE, Président, qui a fait le rapport,
Monsieur MAGNIN, Conseiller,
Monsieur CHOPIN, Conseiller,
qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Isabelle GRASSER ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 16 octobre 2008

ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 16 octobre 2008, par Monsieur Merle, président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Merle, président, et par Mme Grasser, greffier présent lors du prononcé ;

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Caisse mutuelle des dépôts et prêts de Bar-le-Duc, aux droits de laquelle se trouve la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier (le Crédit mutuel), a consenti plusieurs prêts aux époux B...- Y... entre 1988 et 1990, et notamment :

1. le 28 octobre 1988, un prêt notarié d'un montant de 264 500 francs (soit 40 322,77 euros), au taux effectif global de 12,88 %, amortissable en 60 mensualités,
2. le 15 décembre 1989, un prêt notarié d'un montant de 800 000 francs (soit 121 959,21 euros), au taux effectif global de 11,82 %, amortissable en 120 mensualités.

Ces deux prêts ont été consentis avec le cautionnement hypothécaire de Jean-Marie Y..., frère de Madame B..., lequel a affecté en garantie un bien situé à Bar-le-Duc (Meuse), 73 rue des ...

Les époux B... ne respectant pas leurs engagements, le Crédit mutuel a poursuivi le recouvrement de sa créance, qui s'élevait à la somme de 282 146,37 euros. Celle-ci n'étant pas suffisamment garantie par l'hypothèque déjà inscrite, elle a, sur autorisation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, pris deux inscriptions d'hypothèque provisoire, d'une part d'un montant de 150 000 euros sur un immeuble appartenant à M. Y... à Bar-le-Duc, 50 rue des ..., et d'autre part d'un montant complémentaire de 50 000 euros sur l'immeuble déjà grevé à Bar-le-Duc, 73 rue des ...

Par acte du 17 juin 2004, la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier a fait assigner Jean-Marie Y... en confirmation des deux inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire pour les montants respectifs de 150 000 euros et 50 000 euros.

Par jugement du 10 mars 2005, le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc a débouté le Crédit mutuel de ses prétentions, a constaté la nullité des cautionnements contractés par M. Y... les 28 octobre 1988 et 15 décembre 1989, a dit que le Crédit mutuel ne peut se retourner contre lui pour obtenir le paiement des prêts cautionnés et l'a condamné à lui payer la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier a interjeté appel de ce jugement le 30 mars 2005.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures du 6 mai 2008, la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier conclut à l'infirmation du jugement et demande de :

- constater que sa créance était au 30 avril 2003 de 282 146,57 euros, dont à déduire la somme de 30 864,90 euros versée le 29 avril 2004 pour le compte de Mme B..., outre intérêts conventionnels à compter du 30 avril 2003,
- ordonner la capitalisation des intérêts dus,
- constater que sa créance est insuffisamment garantie par l'inscription hypothécaire prise le 24 janvier 1990 sur la maison de Bar-le-Duc, 73 rue des ...,
- confirmer les inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire prises le 14 juin 2004 sur les immeubles sis à Bar-le-Duc, 73 rue des ... pour 50 000 euros, et 50 rue des ... pour 150 000 euros,
- débouter M. Y... de ses prétentions,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir en premier lieu que, pour rejeter sa demande en raison du caractère manifestement disproportionné du cautionnement de M. Y..., les premiers juges se sont mépris sur le texte applicable, l'article L. 313-10 du code de la consommation ne pouvant recevoir application, d'une part parce qu'il est issu de la loi du 31 décembre 1989 entrée en vigueur postérieurement aux cautionnements, et d'autre part parce que ceux-ci garantissaient des opérations ne relevant ni du crédit stricto sensu ni du crédit immobilier aux particuliers.

Elle soutient par ailleurs que les premiers juges ont renversé la charge de la preuve en lui reprochant de ne pas justifier de ce que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation, alors que c'est à la caution de prouver le caractère disproportionné de son engagement. Or, la caution que lui ont présentée les débiteurs principaux disposait, de l'aveu même de M. Y..., d'un bien suffisant pour répondre de l'objet de ses obligations, étant observé que le privilège de prêteur de deniers qui grevait déjà le bien offert en garantie bénéficiait déjà à la concluante elle-même et était inscrit depuis neuf ans pour une valeur inférieure à celle de l'acquisition de l'immeuble.

Dans ses dernières écritures du 5 mai 2008, Jean-Marie Y... conclut à la confirmation du jugement, au rejet des prétentions du Crédit mutuel et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

Il expose tout d'abord que les contrats de cautionnement sont intervenus alors que sa sœur et son beau-frère, les époux B..., se trouvaient en très grandes difficultés financières par suite de la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. B... en 1987, et qu'ils ont dû solliciter une aide financière de leur banque. Mais, du fait de l'aggravation de leur situation au fil des années, le Crédit mutuel a couvert toutes leurs dépenses et leur a octroyé des prêts et des découverts de plus en plus importants, leur accordant ainsi la somme totale de 884 500 francs sur la seule année 1988, puis le prêt cautionné de 800 000 francs en décembre 1989 et un découvert de 250 000 euros en mai 1990.

Il soutient avoir fait tout son possible pour rembourser la banque, mais les engagements étaient tellement au-dessus de ses capacités qu'il a dû déposer un dossier de surendettement en 1995. En effet, avec le cautionnement de deux autorisations de découvert de 60 000 francs en juin 1986 et de 110 000 francs en avril 1987, puis des prêts de 2 640 500 francs en octobre 1988 et de 800 000 francs en décembre 1989, c'est la somme totale de 1 064 500 francs qu'il a été amené à cautionner, ce qui représentait des échéances mensuelles de 14 092,26 francs. Or ses capacités financières étaient limitées puisqu'il ne disposait que de son traitement de greffier en chef, de l'ordre de 12 000 francs par mois, et de l'immeuble qu'il a accepté de grever d'une hypothèque, qui pouvait être évalué en 1989 à la somme de 750 000 francs, alors qu'il était déjà grevé d'une inscription de privilège de prêteur de deniers à concurrence de 160 000 francs et de deux autres inscriptions hypothécaires, respectivement de 290 000 francs en février 1988 et de 230 000 francs en décembre 1988.

Or, en tant que professionnel, le Crédit mutuel se devait de vérifier que la caution avait les capacités financières suffisantes pour lui permettre de faire face aux engagements qu'elle souscrivait et c'est donc sans inverser la charge de la preuve que les premiers juges ont constaté que la banque n'avait pas vérifié le caractère proportionné des engagements de son cocontractant. C'est donc très justement que les premiers juges ont constaté la nullité de ses cautionnements du 28 octobre 1998 et du 15 décembre 1989.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère disproportionné de l'engagement :

M. Y... prétend que les cautionnements qu'il a souscrits seraient disproportionnés à ses biens et revenus et qu'ils sont donc nuls en application de l'article 7-4 de la loi du 10 janvier 1978, codifié à l'article L. 313-10 du code de la consommation.

Mais l'article 7-4 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, qui dispose qu'un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu alors que l'engagement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, a été créé par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, laquelle n'est entrée en vigueur que le 1er mars 1990, soit postérieurement à l'un et l'autre des deux contrats de cautionnement litigieux, conclus respectivement les 28 octobre 1988 et 15 décembre 1989.

Il en résulte que les dispositions susvisées de l'article 7-4 de la loi du 10 janvier 1978, effectivement codifiées à droit constant à l'article L. 313-10 du code de la consommation par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, ne sont pas applicables aux contrats litigieux et que M. Y... n'est pas fondé à s'en prévaloir.

En toute hypothèse, et surabondamment, force est de constater que M. Y..., auquel incombe la charge de la preuve en application de l'article 1315 du code civil, n'établit pas le caractère " manifestement disproportionné " à ses biens et revenus des cautionnements en cause, portant sur la somme totale de 1 064 500 francs, dès lors qu'il reconnaît que ses revenus professionnels étaient à l'époque de l'ordre de 12 000 francs par mois et que le bien apporté en garantie pouvait être évalué à la somme de 750 000 francs, et qu'il ne donne par ailleurs aucune information sur d'éventuels autres éléments de son patrimoine (avoirs bancaires, valeurs mobilières, autres immeubles, etc.), ce dont il résulte que la disproportion prétendue, à supposer qu'elle soit réelle, n'est cependant nullement manifeste.

Il en résulte que le Crédit mutuel est fondé à se prévaloir des contrats de cautionnement souscrits par M. Y... les 28 octobre 1988 et 15 décembre 1989.

Sur les demandes du Crédit mutuel :

M. Y..., qui conteste uniquement le droit de la banque de se prévaloir des cautionnements qu'il a souscrits, ne critique ni le montant de la créance poursuivie, ni le droit de la banque à la capitalisation des intérêts, ni l'insuffisance de la garantie apportée par l'inscription hypothécaire originelle, ni le droit de la banque à faire inscrire une hypothèque complémentaire sur l'immeuble initialement grevé et une hypothèque supplémentaire sur l'immeuble du 50 rue des ... récemment acquis.

C'est donc à bon droit que le jugement déféré sera infirmé et qu'il sera fait droit aux prétentions du Crédit mutuel.

Sur les frais et dépens :

M. Y..., qui succombe à l'instance, devra en supporter les dépens et indemniser le Crédit mutuel de ses frais de procédure. Il convient donc d'allouer à ce dernier la somme de 2 500 euros pour ses frais tant de première instance que d'appel.

Pour les mêmes motifs, M. Y... sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 10 mars 2005 ;

DIT que la créance de la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier à l'encontre de Jean-Marie Y..., caution solidaire et hypothécaire des époux B...- Y..., s'élevait au 30 avril 2003 à la somme de deux cent quatre-vingt-deux mille cent quarante-six euros cinquante-sept (282 146,57 €), dont à déduire la somme de trente mille huit cent soixante-quatre euros quatre-vingt-dix (30 864,90 €) versée le 29 avril 2004 par Maître C..., notaire à Commercy, pour le compte de Marie-Thérèse Y... épouse B... ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

CONSTATE que la créance de la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier est insuffisamment garantie par l'inscription hypothécaire prise le 24 janvier 1990 sur l'immeuble sis à Bar-le-Duc, 73 rue des ..., et renouvelée depuis ;

CONFIRME les inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire prises le 14 juin 2004 sur les immeubles appartenant à Jean-Marie Y..., sis à Bar-le-Duc, respectivement au 73 rue des ... pour cinquante mille euros (50 000 €) et au 50 rue des ... pour cent cinquante mille euros (150 000 €) ;

CONDAMNE Jean-Marie Y... à payer à la Caisse de Crédit mutuel Meuse-Sud / Saint-Dizier la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Jean-Marie Y... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Jean-Marie Y... aux dépens, avec possibilité de recouvrement direct par la société civile professionnelle Alain Chardon & Lucile Navrez, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

L'arrêt a été prononcé à l'audience du seize octobre deux mille huit par Monsieur Merle, président de la deuxième chambre civile à la cour d'appel de Nancy, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, assisté de Madame Grasser, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 08/01096
Date de la décision : 16/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-16;08.01096 ?
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