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24/09/2008 | FRANCE | N°06/02153

France | France, Cour d'appel de Nancy, 24 septembre 2008, 06/02153


COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT No 2111 / 08 DU 24 SEPTEMBRE 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 02153

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de BAR LE DUC,
R. G. no 05 / 001392, en date du 07 juillet 2006,

APPELANTE :
S. A. ETABLISSEMENTS G. Z... & FILS représentée par son Président Directeur Général pour ce, domicilié au siège social, demeurant ...55000 BAR LE DUC
représentée par la SCP CHARDON & NAVREZ, avoués à la Cour
assistée de Me Roger JOUBERT, a

vocat au barreau de NANCY



INTIMÉE :
S. A. EUROBETON représentée par son Président Directeur Général pour...

COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT No 2111 / 08 DU 24 SEPTEMBRE 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 02153

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de BAR LE DUC,
R. G. no 05 / 001392, en date du 07 juillet 2006,

APPELANTE :
S. A. ETABLISSEMENTS G. Z... & FILS représentée par son Président Directeur Général pour ce, domicilié au siège social, demeurant ...55000 BAR LE DUC
représentée par la SCP CHARDON & NAVREZ, avoués à la Cour
assistée de Me Roger JOUBERT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :
S. A. EUROBETON représentée par son Président Directeur Général pour ce, domicilié au siège social, demeurant 2 A Kalchesbrück-LUXEMBOURG (GD DUCHE)
représentée par la SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, avoués à la Cour
assistée de Me Catherine EDELENYI, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2008, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MOUREU, Président de Chambre, qui a fait le rapport,
Madame Patricia POMONTI, Conseiller,
Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;

Greffier, P. LAUDET-JACQUEMMOZ, lors des débats ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 10 Septembre 2008, puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 24 septembre 2008.

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur MOUREU, Président, à l'audience publique du 24 Septembre 2008, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur MOUREU, Président, et par Isabelle GRASSER, greffier présent lors du prononcé.

BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

Par acte du 16 septembre 1996, la S. A. Ets G. Z... & Fils et la S. A. EUROBETON, société de droit luxembourgeois, ayant toutes deux pour activité, notamment, la production de matériaux de construction et de travaux publics, ont constitué ensemble une filiale commune dénommée S. A. Z... PRODUITS TP au capital de 4. 600. 000 francs (701. 265, 47 euros) ainsi réparti selon les apports en numéraire de chacune :
- la S. A. EUROBETON, 66 %, soit 3. 036. 000 francs (462. 835, 21 euros)
- la S. A. Ets G. Z... & Fils, 34 %, soit 1. 564. 000 francs (238. 430, 26 euros).

La même convention du 16 septembre 1996 prévoyait :

- la cession par la S. C. I. du PONT CANAL à la S. A. Z... PRODUITS TP de l'emprise immobilière de l'usine de VALCOURT représentant 2, 57 hectares au lieu-dit HOERICOURT, commune de SAINT-DIZIER (Haute-Marne) au prix de 320. 000 francs,

- la cession par la S. A. Ets G. Z... & Fils à la S. A. Z... PRODUITS TP de l'usine de VALCOURT, y compris les éléments corporels et incorporels au prix de 8. 940. 000 francs (1. 362. 894, 21 euros), auquel devait s'ajouter le prix du stock, soit 3. 615. 639 francs (551. 200, 61 euros),

- le financement au moyen de capitaux propres, d'emprunts et d'avances en compte courant de la S. A. EUROBETON,

- la désignation de M. Jean-Charles Z... en qualité de président-directeur général et la nomination de la S. A. EUROBETON et de M. Robert A... comme administrateurs.

L'article 5 de cette convention, intitulé " retrait-engagement de rachat ", est ainsi libellé :

"... 5-2 A l'expiration d'une durée de 5 années et le 30 avril de chaque année, soit au plus tôt à compter du 30 avril 2001, Z... SA pourra exiger d'EUROBÉTON le rachat de la totalité de sa participation (34 %) au capital de la nouvelle société, au prix nominal des actions lui appartenant majoré de 34 % de toutes sommes portées et affectées en capitaux propres en sus du capital, payable comptant à 30 jours de la notification faite par lettre recommandée avec A. R. contre remise des ordres de mouvement. "

Par lettre du 30 mai 2005, la S. A. Ets G. Z... & Fils notifiait à la S. A. EUROBETON son intention de céder la totalité de sa participation, soit 15. 638 actions selon les modalités sus-visées, soit pour la somme de 238. 430, 26 euros.

La S. A. EUROBETON répondait le 27 septembre 2005 en donnant son accord pour le rachat des actions détenues par la S. A. Z... et Fils au pris de 1 euro.

La mise en demeure adressée par la S. A. Ets G. Z... & Fils est restée infructueuse.

VU la demande introduite contre la S. A. EUROBÉTON par la S. A. Etablissements G. Z... et Fils selon assignation du 23 décembre 2005 tendant, dans le dernier état de ses conclusions, à la condamnation de la défenderesse à :
- procéder au rachat de la totalité de la participation de la S. A. Z... & Fils, soit 34 % au capital de la S. A. Z... PRODUITS TP au prix nominal des actions lui appartenant majoré de 34 % de toutes sommes portées et affectées aux capitaux propres en sus du capital, soit la somme de 238. 430, 26 euros, sous astreinte de 1. 500 euros par jour de retard à compter du jugement,
- payer 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU les conclusions de la partie défenderesse tendant, in limine litis, à titre principal, au renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de VERDUN en application de l'article 47 Code de procédure civile, subsidiairement, au débouté de la S. A. Ets G. Z... & Fils et à l'allocation de 4. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BAR LE DUC le 7 juillet 2006 qui, rejetant l'exception d'incompétence (sic), a déclaré nul l'article 5 de la convention et débouté la S. A. Ets G. Z... & Fils de ses conclusions, débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et partagé les dépens par moitié,

VU l'appel de ce jugement interjeté le 27 juillet 2006 par la S. A. Ets G. Z... & Fils,

VU les moyens et prétentions de l'appelante exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 7 mars 2008 tendant la condamnation de la défenderesse à :
- racheter la totalité de la participation de la S. A. Ets G. Z... & Fils au capital de la S. A. Z... PRODUITS TP, soit 34 %, au prix nominal des actions, soit la somme de 238. 430, 26 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2005, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, sous astreinte de 1. 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt, en réservant à la Cour la liquidation de l'astreinte,
- payer à la S. A. Ets G. Z... & Fils 25. 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et 7. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU les moyens et prétentions de la partie intimée exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 19 mars 2008 tendant à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de 4. 000 euros pour la procédure de première instance et 7. 500 euros pour la procédure d'appel,

MOYENS DES PARTIES

Au soutien de son appel, la S. A. Ets G. Z... & Fils fait valoir que :

- l'article 5-2 de la convention du 16 septembre 1996 est clair et précis et n'implique aucune interprétation,

- il n'a jamais été question que le prix plancher des actions puisse être minoré des pertes constatées,

- la convention du 16 septembre 1996 n'a pas été conclue entre associés puisqu'elle est antérieure à la formation de la S. A. Z... PRODUITS TP et ne constitue pas une modification des statuts,

- M. A..., directeur de la S. A. EUROBETON, en avait parfaite connaissance,

- il s'agit d'une promesse ferme d'achat d'actions moyennant un prix plancher,

- sans cet engagement, la S. A. Ets G. Z... & Fils n'aurait pas accepté de participer temporairement à la constitution de la S. A. Z... PRODUITS TP,

- la fixation du prix de rachat des actions de l'associé minoritaire le protégeant de tout risque de contribution aux pertes sociales ne relève pas de l'interdiction des clauses léonines résultant de l'article 1844-1 du Code civil qui ne concerne que la répartition des résultats entre associés,

- les promesses de cession de droits sociaux à un prix librement convenu échappent à cette prohibition (cf Cass. com. 20 mai 1986 et 16 novembre 2004),

- la S. A. EUROBETON donne une présentation tendancieuse des comptes de la S. A. Z... PRODUITS TP,

- l'abandon de créance de 760. 000 euros a été décidé unilatéralement le 31 décembre 2002 par la S. A. EUROBETON, seule et unique redevable de l'équilibre des comptes de sa filiale,

- le fonds industriel d'entreprise a été mis en location gérance à compter du 1er février 2001 avec promesse de vente pour permettre un retour aux bénéfices et la reconstitution des capitaux propres,

- la rentabilité de la S. A. Z... PRODUITS TP s'est dégradée en raison de la baisse des prix du marché et de la concurrence,

- la clause prévoit la mise en oeuvre de la faculté de rachat le 30 avril de chaque année à partir de 2001,

- la S. A. EUROBETON avait donné son accord sur le principe du rachat par lettre du 27 septembre 2005 pour 1 euro, sans condition de date.

La S. A. EUROBETON réplique que :

- en raison de la concentration du marché des travaux publics, l'usine de VALCOURT n'était plus suffisamment concurrentielle,

- construite en 1962, elle était en état de délabrement,

- la S. A. Ets G. Z... & Fils souhaitait cesser l'exploitation directe de l'usine de VALCOURT et exigeait une participation de 34 % pour détenir une minorité de blocage,

- chaque associée avait la possibilité de sortir de la S. A. Z... PRODUITS TP,

- la situation du marché français constituait un aléa qui devait être supporté par les deux associés,

- la convention du 16 septembre 1996 a pour seul objet la transmission d'actions entre les actionnaires de la S. A. Z... PRODUITS TP qui a été créée postérieurement à la convention, le 6 décembre 1996,

- même si elle ne figure pas dans les statuts, cette convention constitue un véritable contrat de fondation de société,

- elle n'a pas pour objectif de transmettre une branche d'activité de la S. A. Ets G. Z... & Fils à la S. A. EUROBETON mais à une filiale commune,

- la clause litigieuse est intitulée " faculté de retrait " et non " promesse de cession d'actions ",

- il n'était pas prévu que la collaboration technique et commerciale des sociétés avait un caractère temporaire,

- niant l'existence de capitaux propres négatifs et toute réalité économique, la S. A. Ets G. Z... & Fils méconnaît l'article 1844-1 du Code civil,

- la cession des actions par la S. A. Ets G. Z... & Fils à la valeur nominale des actions reviendrait à l'exonérer de toute contribution aux pertes,

- la jurisprudence invoquée par l'appelante n'est pas applicable en l'espèce car la promesse d'achat d'actions à un prix minimum (dans le cadre d'une société en participation) est sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes,

- les premiers juges en ont tiré les exactes conséquences en affirmant que " ladite convention n'a pas pour seul objet la transmission d'actions entre actionnaires mais également à sic l'intéressement aux bénéfices proportionnels à la participation de la demanderesse dans le capital social de la S. A. Z... PRODUITS TP ",

- constituant un véritable contrat de fondation de société, la convention est caractérisée par la vocation aléatoire des associés aux bénéfices comme aux pertes,

- l'associé perd ou récupère ce qu'il avait apporté,

- ce risque apparaît à la dissolution de la société mais également au cours de la vie sociale, en cas de pertes, sous forme d'une diminution de la valeur des droits sociaux,

- l'article 5-2 interprété dans le sens voulu par l'appelante supprimerait cet aléa,

- la S. A. EUROBETON nie avoir accepté à quelque moment le retrait de son associé au prix nominal et en sus des profits futurs éventuels,

- contrairement à la S. A. Ets G. Z... & Fils, M. A... ne s'est pas fait assister par un avocat,

- les rapports spéciaux du commissaire aux comptes de la S. A. Z... PRODUITS TP ne faisaient jamais mention de la convention jusqu'au 31 décembre 2002,

- sur le plan économique, la S. A. Ets G. Z... & Fils a perçu le prix du fonds qu'elle a vendu à la S. A. Z... PRODUITS TP,

- les actions souscrites par la S. A. Ets G. Z... & Fils sont la contrepartie d'un apport de 1. 564. 000 francs (238. 430, 26 euros),

- le rachat des actifs représentés par le fonds de commerce de l'usine de VALCOURT était indispensable pour assurer la pérennité de la S. A. Ets G. Z... & Fils,

- l'abandon de créance de 760. 000 euros par la S. A. EUROBETON a été insuffisant pour reconstituer les capitaux propres de la S. A. Z... PRODUITS TP,

- M. Z... a motivé la demande d'autorisation de mise en location-gérance du fonds de VALCOURT par des difficultés dès 1990 et par un désengagement de la S. A. EUROBETON,

- cette mise en location-gérance est assortie d'une promesse d'achat du fonds au prix de 2. 400. 000 francs (365. 877, 64 euros) plus 100. 000 francs (15. 245 euros) pour le terrain, soit un prix très inférieur au prix de cession à la S. A. Z... PRODUITS TP,

- la S. A. Ets G. Z... & Fils présente fallacieusement l'opération en additionnant à ce prix les loyers de location-gérance,

- les loyers ne couvrent même pas les frais de fonctionnement et les amortissements,

- or la S. A. EUROBÉTON a supporté seule la charge financière et les risques puisque la S. A. Ets G. Z... & Fils n'a réalisé aucun apport en compte courant ni consenti aucun engagement hors bilan à sa filiale.

- subsidiairement, la demande de rachat de la S. A. Ets G. Z... & Fils datée du 30 mai 2005 est sans effet, faute de respecter la date arrêtée contractuellement " le 30 avril de chaque année ".

MOTIFS

Attendu que la clause incriminée énoncée par l'article 5-2 de la convention du 16 septembre 1996 se définit comme une promesse unilatérale de rachat de droits sociaux d'un actionnaire minoritaire par l'actionnaire majoritaire à un prix minimum ou " prix plancher " ;

Qu'en l'espèce, le bénéficiaire de cette promesse ne pouvait lever l'option qu'" à l'expiration d'une durée minimum de 5 années " ;

Que la S. A. Ets G. Z... & Fils, bénéficiaire de la promesse, est un associé fondateur de la S. A. Z... PRODUITS TP qui s'engageait à apporter 34 % du capital initial, soit 1. 564. 000 francs (238. 430, 26 euros) et non un simple investisseur, bailleur de fonds sollicité, par exemple, pour participer à une augmentation de capital ;

Qu'il convient aussi de rappeler que, jusqu'à la formation de la S. A. Z... PRODUITS TP, la S. A. Ets G. Z... & Fils exploitait le fonds de commerce du site de VALCOURT qu'elle a cédé à la nouvelle société au prix de 8. 940. 000 francs (1. 362. 894, 21 euros), majoré du prix du stock, soit 3. 615. 639 francs (551. 200, 61 euros), soit au total 12. 555. 639 francs (1. 914. 094, 80 euros) ;

Qu'en outre, il était stipulé dans la convention que M. Jean-Charles Z..., président-directeur général de la S. A. Ets G. Z... & Fils, serait élu président du conseil d'administration de la S. A. Z... PRODUITS TP pour la durée d'une année et qu'il s'engageait à assurer cette présidence pendant les deux premiers exercices (article 3) ;

Attendu qu'il importe peu, pour que la clause échappe à la sanction résultant de l'article 1844-1, alinéa 2 du Code civil, qu'elle soit insérée dans le pacte social ou dans une convention extra-statutaire, comme dans le cas présent ;

Attendu que pendant la durée de 5 années au moins, jusqu'au 30 avril 2001, la S. A. Ets G. Z... & Fils était exposée aux aléas résultant d'éventuelles pertes de la S. A. Z... PRODUITS TP ;

Qu'ainsi, pendant cette durée, les actions détenues par la S. A. Ets G. Z... & Fils pouvaient disparaître en cas de dissolution de la société consécutive à sa liquidation judiciaire ou par suite de l'adoption d'un plan de cession ;

Qu'en outre la S. A. Ets G. Z... & Fils aurait pu subir également les effets d'une réduction de capital, en application de l'article L 225-248 du Code de commerce, dans le cas où les capitaux propres de la société seraient devenus inférieurs à la moitié du capital social ;

Qu'alors, dans les quatre mois suivant l'approbation des comptes, le conseil d'administration aurait dû convoquer l'assemblée générale à l'effet de décider l'éventuelle dissolution anticipée de la société ;

Qu'à défaut de dissolution anticipée, la société était tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui de la constatation des pertes, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes si les capitaux propres n'avaient pas été reconstitués ;

Que, dans cette hypothèse, la S. A. Ets G. Z... & Fils était encore exposée au risque de devoir contribuer aux pertes, soit en procédant à de nouveaux apports, soit en voyant réduire le nombre de ses titres ;

Attendu que, la faculté pour la S. A. Ets G. Z... & Fils de lever l'option à partir du 30 avril 2001, avec la garantie de vendre les actions au moins à leur valeur nominale initiale, n'a donc pas eu pour effet de supprimer tout aléa d'avoir à contribuer aux pertes de la société ;

Attendu que l'exposé figurant en tête de la convention rappelle que, d'une part, " la S. A. Ets G. Z... & Fils souhaite cesser l'exploitation directe de son usine de VALCOURT et de la clientèle qui en dépend " et que, d'autre part, " la S. A. EUROBETON est intéressée par la reprise et le contrôle de l'usine de VALCOURT... " ;

Attendu que l'ensemble des conventions conclues à l'occasion de la création de la S. A. Z... PRODUITS TP ont ainsi abouti à la cession par la S. A. Ets G. Z... & Fils des actifs représentés par le site de VALCOURT tout en assurant une période de transition pendant laquelle le dirigeant de la S. A. Ets G. Z... & Fils mettait à la disposition de la nouvelle société son expérience et sa connaissance du contexte de fonctionnement de cette unité ;

Que la clause litigieuse avait ainsi pour fin d'organiser la sortie de la S. A. Ets G. Z... & Fils devenue associé minoritaire de la S. A. Z... PRODUITS TP, en sorte que l'entier capital de cette dernière soit détenu par la S. A. EUROBETON ;

Qu'il convient de relever que, sur la durée de cinq années, pendant laquelle la promesse de rachat ne pouvait pas être levée, M. Jean-Charles Z..., dirigeant de la S. A. Ets G. Z... & Fils, ne s'était engagé à exercer la présidence de la S. A. Z... PRODUITS TP que pendant les deux premières années ;

Qu'en fixant un prix minimum de cession, la clause litigieuse avait pour but d'assurer l'équilibre de l'ensemble des conventions conclues entre les parties en garantissant au bénéficiaire de la promesse la possibilité de quitter la S. A. Z... PRODUITS TP et d'obtenir le remboursement de son apport auquel il n'aurait pas consenti sans cette condition déterminante ;

Que l'article 7 de la convention confirme l'existence d'un ensemble cohérent d'engagements contractuels réciproques en ces termes : Les parties s'obligent à exécuter le présentes de bonne foi, lesquelles forment un tout indissociable " ;

Attendu qu'à ce stade, la Cour n'a pas à rechercher si la convention avantage injustement l'une des parties ou même si elle a un caractère lésionnaire ;

Qu'en effet, en vertu de l'article 1118 du Code civil, la lésion ne vicie les conventions que dans les cas prévus par la loi et qui sont totalement étrangers au présent litige ;

Que, même si elle relève dans ses conclusions que : " M. A... représentant de la S. A. EUROBETON, qui est de nationalité luxembourgeoise, ne s'est pas fait assister par son propre avocat, l'avocat de la S. A. Ets G. Z... & Fils ayant été le seul rédacteur de la convention du 16 septembre 1996 et des divers actes intervenus " et que " à aucun moment l'attention de M. A... n'a été attirée par l'avocat rédacteur de la convention sur la portée que l'appelante entend donner à la clause litigieuse ", la S. A. EUROBETON ne peut pas soutenir sérieusement qu'elle aurait été victime de manoeuvres dolosives ou d'erreur affectant la validité de son consentement ;

Que l'ensemble de la convention et particulièrement l'article 5-2 sont rédigés en termes clairs et dénués d'ambiguïté ;

Qu'au surplus, M. A..., membre du comité de direction du GROUPE CIMENTS LUXEMBOURGEOIS S. A., président-directeur général de la S. A. EUROBÉTON et directeur général du groupe EUROBÉTON, qui a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires consolidé de 73 millions d'euros et emploie 420 salariés - même en invoquant sa nationalité luxembourgeoise -, ne saurait se prévaloir de son inexpérience ou de sa naïveté ;

Attendu, enfin, que l'article 6 de la convention-auquel les parties ne se sont même pas référées-énonce :
" La présente convention restera en vigueur pendant une durée de 10 ans. A l'expiration de cette période, la présente convention sera automatiquement renouvelée pour des périodes successives de 10 ans, sauf si une des parties à la présente convention notifie par écrit avec un préavis d'au moins 6 mois avant ledit délai de 10 ans, étant entendu... "

Qu'ainsi la clause litigieuse, comme la convention dans son ensemble, ne présente aucune difficulté qui résulterait de sa durée indéterminée ou de son caractère perpétuel ;

Que, bien plus, la S. A. EUROBETON s'est abstenue d'user, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, de sa faculté de dénoncer la convention 6 mois avant le terme de 10 ans, soit avant le 16 mars 2006 ;

Qu'il s'ensuit que la convention dans son ensemble a été tacitement renouvelée à compter du 16 septembre 2006 pour une durée de 10 ans ;

Attendu, en conclusion, que la promesse d'achat de droits sociaux litigieuse échappe à la prohibition des clauses léonines car elle n'avait pour objet que d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux entre associés et qu'elle était sans incidence déterminante sur la participation aux bénéfices ou la contribution aux pertes dans les rapports sociaux, peu important qu'il s'agisse d'un engagement unilatéral de rachat ou de promesses croisées (en ce sens, Cass. com. 16 novembre 2004, Bull. IV, N 197, p. 224 et 22 février 2005, Textilinter Bull IV, N 37) ;

Attendu qu'aux termes de l'article 5-2 de la convention, la S. A. Ets G. Z... & Fils pouvait exiger de la S. A. EUROBETON le rachat des 15. 638 actions de la S. A. Z... PRODUITS TP à leur prix nominal " à compter du 30 avril 2001 " ;

Que la formule " et le 30 avril de chaque année " pourrait faire supposer que la faculté de lever l'option n'a lieu qu'un jour par an ;

Que, toutefois, cette interprétation n'est pas pertinente car il ressort clairement des autres formules de la phrase que le 30 avril 2001 est un point de départ ;

Que les expressions " à l'expiration d'une durée de 5 années " et " au plus tôt à compter du 30 avril 2001 " impliquent que le droit de lever l'option prenait effet le 30 avril 2001 sans autre limitation que la durée de 10 ans applicable à l'ensemble de la convention conformément à l'article 6 ;

Qu'ainsi la formule " et le 30 avril de chaque année " doit être considérée comme résultant d'une maladresse de rédaction et privée d'effet ;

Que toute discussion sur ce point est d'ailleurs devenue sans intérêt car, même à considérer que la lettre du 30 mai 2005 soit tardive par rapport au 30 avril 2005, la levée d'option aurait au moins pris effet le 30 avril 2006 ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande en son principe à l'exclusion des dommages-intérêts, en l'absence d'abus caractérisé et de justification d'un préjudice qui ne soit pas couvert par l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'équité justifie de couvrir la S. A. Ets G. Z... & Fils de ses frais de procédure non compris dans les dépens, à hauteur de 3. 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré et, statuant à nouveau :

CONDAMNE la S. A. EUROBETON à racheter les 15. 638 actions de la S. A. Z... PRODUITS TP détenues par la S. A. Ets G. Z... & Fils représentant 34 % du capital au prix nominal de DEUX CENT TRENTE HUIT MILLE QUATRE CENT TRENTE EUROS ET VINGT SIX CENTIMES (238. 430, 26 €), sous astreinte de MILLE EUROS (1. 000 €) par jour de retard à l'expiration du délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu de réserver à la Cour la liquidation de l'astreinte ;

CONDAMNE la S. A. EUROBETON à payer à la S. A. Ets G. Z... & Fils les intérêts au taux légal de DEUX CENT TRENTE HUIT MILLE QUATRE CENT TRENTE EUROS ET VINGT SIX CENTIMES (238. 430, 26 €) à compter du 23 décembre 2005 avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples conclusions ;

CONDAMNE la S. A. EUROBETON à payer à la S. A. Ets G. Z... & Fils la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 €) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la S. A. EUROBETON aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUTORISE la S. C. P. d'avoués CHARDON & NAVREZ à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

L'arrêt a été prononcé à l'audience du vingt-quatre septembre deux mille huit par Monsieur MOUREU, Président de la deuxième chambre commerciale à la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile, assisté de Madame GRASSER, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 06/02153
Date de la décision : 24/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bar-le-Duc


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-24;06.02153 ?
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