ARRÊT No PH DU 09 NOVEMBRE 2007
R.G : 06/01702
Conseil de Prud'hommes de BRIEY
F06/8
12 juin 2006
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
APPELANTE :
SNC SOVAB prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
Zone Industrielle - BP 2
54980 BATILLY
Représentée par Maître Gérard HIBLOT (Avocat au Barreau de BRIEY)
INTIMÉ :
Monsieur Mickaël X...
...
55210 SAINT MAURICE SOUS LES COTES
Représenté par Monsieur Michel DEGLI-ESPOSTI (Délégué Syndical Ouvrier), régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY
Conseillers : Madame MAILLARD
Monsieur FERRON
Greffier présent aux débats : Mademoiselle FRESSE
DÉBATS :
En audience publique du 27 septembre 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 09 novembre 2007 ;
A l'audience du 09 novembre 2007, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Mickaël X... a été engagé par la société Adecco, entreprise de travail temporaire, en vue d'effectuer diverses missions de travail temporaire au sein de la société Sovab qui se sont déroulées dans le cadre de treize contrats sur une première durée du 12 mars au 29 juin 2001, puis du 27 mai 2002 jusqu'au 15 février 2003, suivie d'une troisième période du 14 avril 2003 au 13 février 2004, puis du 16 septembre 2004 au 4 mai 2005 et ensuite d'une dernière période du 31 août 2005 au 30 juin 2006 entrecoupée par la période de fermeture hibernale de fin d'année.
Il n'est pas contesté que la moyenne des trois derniers salaires de Monsieur X... s'est élevée à 1 564,65 €.
Considérant que la société Sovab avait méconnu les dispositions légales en matière de travail temporaire, Monsieur X... a saisi le 28 février 2006 le Conseil de Prud'hommes de Briey de demandes aux fins de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 12 mars 2001 et de rappel de salaire pour les périodes intermédiaires sans travail.
Par jugement du 12 juin 2006, le Conseil de Prud'hommes a requalifié les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée à compter du 12 mars 2001 et condamné la société Sovab à lui payer :
- 1 564,65 € à titre d'indemnité de requalification,
- 18 775,80 € à titre de rappel de salaire pour les périodes laissées sans travail,
- 150 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société Sovab a régulièrement interjeté appel ; elle conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur X..., demandant subsidiairement à la Cour de n'allouer au salarié que l'indemnité de requalification dès lors que, du fait de l'exécution provisoire ordonnée en première instance, le contrat de travail temporaire du salarié s'est transformé en contrat à durée indéterminée sans que cette requalification puisse donner lieu à versement d'autres indemnités que celles liées à la rupture contractuelle.
Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement, sollicitant la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 27 septembre 2007, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.
MOTIVATION
- Sur la requalification des contrats de travail temporaire
Aux termes du premier alinéa de l'article L.124-2 du Code du Travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission", et seulement dans les cas énumérés à l'article L.124-2-1, soit en remplacement d'un salarié absent, soit en cas d'accroissement temporaire d'activité ; il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans cependant qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches.
S'agissant du premier contrat de mission temporaire du 12 mars au 29 juin 2001, le schéma d'évolution des cadences produit au dossier fait effectivement état entre janvier et février 2001 d'un accroissement de production de 495 à 502 véhicules, incluant une augmentation de 55 à 62 véhicules "Mascott" à réaliser de sorte que ce premier contrat de mission fondé sur la base d'un accroissement temporaire d'activité est régulier.
Le recours au deuxième contrat de mission du 27 mai au 26 juillet 2002 prolongé jusqu'au 31 octobre 2002 pour motif d'accroissement temporaire d'activité n'est en revanche pas justifié au regard des pièces versées aux débats sur l'historique de production du véhicule "Master" par client, lequel n'établit pas l'existence d'un surplus de production entre mai et juin 2002, mais enregistre au contraire une baisse de cadence, la production passant de 3 312 à 3 228 véhicules.
Il s'avère ainsi que la mission d'intérim confiée à Monsieur X... à compter du 27 mai 2002 n'avait pas pour motif celui déclaré d'accroissement temporaire d'activité mais avait pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise de sorte qu'il y a lieu à requalification de ce contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée.
En tout état de cause, il apparaît que la troisième mission temporaire confiée du 26 octobre au 20 décembre 2002 à Monsieur X... a eu pour motif le remplacement de Monsieur Z... dont l'absence s'est cependant prolongée jusqu'au 1er février 2003, et ce sans qu'aucune explication soit fournie sur l'interruption le 20 décembre 2002 de la mission de Monsieur X... qui s'est vu souscrire un quatrième contrat temporaire sur la durée du 6 janvier au 15 février 2003 pour motif d'accroissement temporaire d'activité.
Il ressort de plus des éléments du dossier, en particulier des compte-rendus des réunions de comité d'entreprise des 11 mai 2004 et 18 janvier 2005 ainsi que du jugement du Tribunal Correctionnel de Briey ayant condamné la pratique des recours aux travailleurs intérimaires sur des postes libérés par glissement en cascade sur des postes de nuit, que les contrats de mission en remplacement de Messieurs A... et B..., s'étendant du 3 juin 2003 au 13 février 2004 et du 12 au 23 septembre 2005 en ce qui concerne Monsieur A..., puis du 26 septembre au 23 décembre 2005 et du 3 janvier au 30 juin 2006 en ce qui concerne Monsieur B... résultaient effectivement de leur affectation sur des tournées de nuit sans que ce glissement de poste puisse répondre à la définition de remplacement au sens de l'article L.124-2-1 du Code du Travail.
Il convient en conséquence de requalifier les contrats de travail temporaire de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002, première des missions irrégulières.
Le jugement sera réformé en ce sens.
- Sur l'indemnité de requalification
Le jugement ayant alloué à Monsieur X... une indemnité de requalification pour le montant exactement fixé à la somme de 1 564,65 € sera confirmé.
- Sur le rappel de salaire
Monsieur X... réclame le versement d'un rappel de salaire calculé sur les périodes non travaillées à compter du 12 mars 2001, première des missions temporaires, à hauteur de la somme de 18 775,80 €.
Au vu de ce qui précède et alors que la date d'embauche initiale du contrat à durée indéterminée est à fixer au 27 mai 2002 et, qu'à défaut de pièces produites par la société Sovab, il apparaît que Monsieur X..., n'ayant connaissance de ses horaires de travail qu'au fur et à mesure qu'il les effectuait, devait se tenir à la disposition de son employeur dans les intervalles entre les missions, aucun élément n'établissant qu'il travaillait pour le compte d'autres employeurs, il convient de faire droit à sa demande de rappel de salaire au titre des périodes non travaillées des 15 février au 14 avril 2003, 13 février au 16 septembre 2004 et 4 mai au 31 août 2005 à hauteur de la somme de 14 861,98 €.
Le jugement devra être réformé en ce sens.
- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il sera alloué à hauteur d'appel 300 € à Monsieur X... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau,
ORDONNE la requalification des missions d'intérim effectuées par Monsieur Mickaël X... en un contrat à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002 ;
CONDAMNE la société Sovab à payer à Monsieur X... la somme de 14 861,98 € (QUATORZE MILLE HUIT CENT SOIXANTE ET UN EUROS ET QUATRE VINGT DIX HUIT CENTS) à titre de rappel de salaire pour les périodes non travaillées entre les missions ;
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré ;
Ajoutant,
CONDAMNE la société Sovab à payer à Monsieur X... 300 € (TROIS CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la société Sovab aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du neuf novembre deux mil sept par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.