ARRÊT No PH
DU 09 NOVEMBRE 2007
R. G : 06 / 01343
Conseil de Prud'hommes de BRIEY
F05 / 108
03 avril 2006
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
APPELANTE :
SOCIÉTÉ CROISÉES ET PROFILS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
2 rue André Karman
93300 AUBERVILLIERS
Représentée par Maître Cécile BONNET-ROUMENS substituant Maître Marc COURTEAUD (Avocats au Barreau de PARIS)
INTIMÉS :
Monsieur Grégory Y...
...
34400 AMBOISE
Représenté par Monsieur Michel DEGLI-ESPOSTI (Délégué Syndical Ouvrier), régulièrement muni d'un pouvoir
S. A. S. ADECCO, ayant une agence à Sainte Marie aux Chênes (57255),10 avenue Jean-Jaurès, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
4 rue Louis Guérin
69100 VILLEURBANNE
Représentée par Maître Frédéric RICHARD-MAUPILLIER substituant Maître Jean-Philippe ECKERT (Avocats au Barreau de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY
Conseillers : Madame MAILLARD
Monsieur FERRON
Greffier présent aux débats : Mademoiselle FRESSE
DÉBATS :
En audience publique du 27 septembre 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 09 novembre 2007 ;
A l'audience du 09 novembre 2007, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Grégory Y..., né en 1977, a été mis à la disposition de la société Croisées et Profils Azur Production, qui a pour activité la fabrication de menuiseries PVC sur mesure, par la société Adecco en qualité d'ouvrier spécialisé.
Il a effectué entre le 3 décembre 1999 et le 18 septembre 2002 trente-six missions temporaires, soit pour procéder au remplacement d'un salarié absent, soit pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
Estimant qu'il avait toujours occupé des postes de même nature sans respect des périodes de carence et que l'enchaînement des missions de travail temporaire pendant 33 mois avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, Monsieur Y... a, par acte entré au greffe le 19 août 2005, saisi le Conseil de Prud'hommes de Briey d'une demande en requalification des contrats de travail temporaire au contrat à durée indéterminée prenant effet le 3 décembre 1999 et a réclamé paiement d'une indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour rupture abusive et d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents et la remise d'un certificat de travail.
La société Croisées et Profils Azur Production a conclu au débouté de cette demande et a appelé à la cause la société Adecco.
Par jugement du 3 avril 2006 notifié le 4 avril 2006, le Conseil de Prud'hommes a fait droit aux demandes de Monsieur Y..., a requalifié les contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée à compter du 3 décembre 1999, a condamné la société Croisées et Profils-Azur Production à lui payer les sommes suivantes :
-1 143,04 € à titre d'indemnité de requalification,
-2 286,08 € à titre d'indemnité de préavis avec les intérêts au taux légal à compter du 19 août 2005,
-228,60 € à titre de congés payés sur préavis avec les intérêts au taux légal à compter du 19 août 2005,
-10 287,36 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
a ordonné la remise d'un contrat de travail du 3 décembre 1999 au 18 septembre 2002, a débouté les parties de leurs plus amples demandes et a déclaré le jugement opposable à la société Adecco.
La SA Croisées et Profils a interjeté appel par lettre recommandée du 5 mai 2006. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, d'ordonner sa mise hors de cause, subsidiairement, de débouter Monsieur Y... de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à lui rembourser la somme de 13 529,27 € versée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du Conseil de Prud'hommes de Briey.
Monsieur Y... conclut à la confirmation du jugement entrepris en réclamant paiement d'une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société Adecco conclut à l'infirmation du jugement.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 27 septembre 2007, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.
MOTIVATION
-Sur la demande en requalification du contrat de travail
En vertu des dispositions de l'article L. 124-2 du Code du Travail, " le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission », et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 124-2-1. "
L'article L 124-7 du même Code précise que lorsqu'un utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L 124-2 à L 124-2-4 ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Monsieur Y..., qui sollicite la requalification de son contrat de travail, a justement assigné la société Croisées et Profils Azur Production, qui était l'entreprise utilisatrice et ce bien qu'il ait été embauché et payé par la société Adecco qui a établi les contrats de travail.
L'examen des contrats de missions conclus révèle que ces derniers se sont succédé de manière quasi continue du 3 décembre 1999 au 18 septembre 2002.
La première mission a été effectuée du 3 décembre 1999 au 23 décembre 1999 pour accroissement temporaire d'activité lié au rangement du nouveau stock. Monsieur Y... a été affecté à des tâches de parachèvement.
Au cours de l'année 2000, Monsieur Y... a été affecté à la palettisation et manutention pour la plupart de ses missions en remplacement de salariés absents, Monsieur B..., Monsieur C....
Il a, du 28 février au 31 mars 2000 et du 13 mai au 16 juin 2000, fait face à un accroissement temporaire d'activité.
Il en était de même du 27 septembre au 1er décembre 2000.
Il résulte de ces documents que Monsieur Y... a bien été affecté à des tâches temporaires et précises.
Au cours du premier semestre 2001, il a été affecté au chargement des camions, tantôt pour faire face à un accroissement temporaire d'activité successivement lié à l'agencement des stocks, à la commande du client Phénix et au retard pris suite aux ponts des 30 avril et 7 mai 2001.
Il a également procédé au remplacement de salariés absents, Monsieur D...en accident de travail, Monsieur E...et Madame F...par glissement de poste.
A partir du 2 juillet 2001, il a été affecté à des tâches de parachèvement jusqu'au 21 décembre 2001 pour faire face successivement à un accroissement temporaire d'activité et au remplacement d'un salarié absent.
Il apparaît donc qu'il n'a pas effectué les mêmes tâches que précèdemment et que, contrairement à ce qu'ont admis les premiers juges, il était affecté à des postes différents même s'il avait la qualification d'ouvrier.
Enfin, à partir du mois de janvier 2002, Monsieur Y... a effectué des missions au sein de l'atelier pour accroissement d'activité lié successivement à la mise en place de la nouvelle menuiserie standard, à la mise en place de la menuiserie INEA, à la promotion Lapeyre et à la forte demande de volets roulants dont la société Croisées et Profils justifie.
Il a été affecté successivement à la pose de joint sur les coulisses, à la pose d'aile RENO, au vitrage SM3, à la coupe pareclose et jet d'eau et à l'atelier volets roulants.
Il n'est donc pas établi qu'il a, durant son activité au sein de la société Croisées et Profils Azur Production, occupé le même poste et participé durablement à l'activité permanente de l'entreprise.
Par ailleurs s'il apparaît que le délai de carence prescrit par les dispositions de l'article L. 124-7 alinéa 3 du Code du Travail n'a pas toujours été respecté, l'article L. 124-7 alinéa 2 du Code du Travail qui sanctionne l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du Code du travail par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée n'est pas applicable à la méconnaissance de l'article L. 124-7 alinéa 3 relatif au délai de carence.
Enfin, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'accroissement d'activité permettant le recours aux salariés intérimaires devait s'entendre comme l'augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise résultant notamment d'une tâche exceptionnelle alors qu'un tel accroissement peut résulter notamment de variations cycliques de production sans qu'il soit nécessaire, ni que l'accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches.
Il n'est pas démontré que la société Croisées et Profils a eu recours aux services de Monsieur Y..., salarié de l'entreprise de travail temporaire Adecco, en violation caractérisée des dispositions de l'article L. 124-2 du Code du Travail.
Il n'y a pas lieu en conséquence de procéder à la requalification de ses contrats de travail en contrat de travail à durée indéterminée et d'allouer au salarié une indemnité de requalification.
La demande de Monsieur Y... doit être rejetée et le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
-Sur la rupture du contrat de travail
Le dernier contrat de mission de Monsieur Y... a été conclu pour la période du 16 septembre au 18 septembre 2002. Il n'est pas établi qu'il a été rompu avant l'arrivée de son terme.
S'agissant d'un contrat à durée déterminée, le salarié n'est pas fondé à réclamer paiement d'une indemnité de préavis.
La rupture du contrat ne constituant pas un licenciement, la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif n'est pas fondée et doit être rejetée.
Le jugement déféré doit être infirmé.
-Sur la demande en restitution des montants réglés dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement déféré
La société Croisées et Profils demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement exécutoire par provision.
Le présent arrêt infirmatif sur ce point constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Croisées et Profils.
-Sur la mise en cause de la société Adecco
Au vu de ce qui précède, il convient de mettre hors de cause la société Adecco.
Le jugement sera réformé en ce sens.
-Sur les dépens et l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Monsieur Y... qui succombe supportera les entiers dépens et ses frais irrépétibles.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,
DÉBOUTE Monsieur Grégory Y... de toutes ses demandes ;
DÉCLARE la société Adecco hors de cause ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNE Monsieur Grégory Y... aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du neuf novembre deux mil sept par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.