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05/02/2007 | FRANCE | N°270/2007

France | France, Cour d'appel de Nancy, Ct0055, 05 février 2007, 270/2007


ARRÊT No270/2007 DU 05 FÉVRIER 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/01555
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G.no 03/01305, en date du 26 février 2004,
APPELANT :Monsieur Denis X...né le 18 Décembre 1960 à ANTONY (92160), demeurant ...représenté par la SCP BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI, avoués à la Courassisté de Me CARNEL, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue Wagram 75008 PARISreprésentée par la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués Ã

  la Courassistée de la SCP GAUCHER, DIEUDONNE, NIANGO, avocats au barreau de NANCYS.C.I. ...

ARRÊT No270/2007 DU 05 FÉVRIER 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/01555
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G.no 03/01305, en date du 26 février 2004,
APPELANT :Monsieur Denis X...né le 18 Décembre 1960 à ANTONY (92160), demeurant ...représenté par la SCP BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI, avoués à la Courassisté de Me CARNEL, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue Wagram 75008 PARISreprésentée par la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués à la Courassistée de la SCP GAUCHER, DIEUDONNE, NIANGO, avocats au barreau de NANCYS.C.I. PARC RÉSIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS, dont le siège est 42 Boulevard de Scarpone - 54000 NANCYreprésentée par la SCP MERLINGE et BACH-WASSERMANN, avoués à la Courassistée de Me VICQ, avocat au barreau de NANCYS.A.R.L. ESPACE ET AVENIR, dont le siège est 42 Boulevard de Scarpone - 54000 NANCYreprésentée par la SCP MERLINGE et BACH-WASSERMANN, avoués à la Courassistée de Me VICQ, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2007, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, en son rapport, Madame Pascale TOMASINI- KRIER , Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 05 FÉVRIER 2007 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB , greffier présent lors du prononcé ;

FAITS ET PROCÉDURE :
Par actes des 9 décembre 1997 et 8 juillet 1998, la SCI PARC RESIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS a acheté à ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) un fonds situé à flanc de coteau pour y édifier, dans le cadre d'une opération de promotion immobilière, 13 pavillons, à vendre en l'état futur d'achèvement. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à la société ESPACE ET AVENIR. Au courant de l'automne 1998, une entreprise de paysagiste a apporté sur le lot no2 75 mètres cube de terre destinée à l'aménagement extérieur. Ce lot a été acheté par EDF le 18 janvier 1999 et le 6 août 1999 a été réceptionné le pavillon qui y a été édifié dans le but d'y accueillir du public. Monsieur Denis X..., le 14 juin 2000, s'est rendu acquéreur du lot contigu no6, en contrebas du fonds appartenant à EDF, et le pavillon qui y a été édifié a été réceptionné le 13 décembre 2000.
Entre temps, le 9 octobre 2000, Monsieur X... a fait parvenir à EDF une lettre ainsi rédigée :"Etant propriétaire au sein de la SCI LES COTEAUX DE VILLERS d'un terrain et d'une maison individuelle en cours d'achèvement, mitoyenne avec votre terrain appartenant à votre société... Ayant effectué le réaménagement des terres en pourtour de la construction, je souhaiterais vous rencontrer pour envisager ensemble la meilleure solution à mettre en place afin de retenir les terres en limite de propriété."

Et au mois de novembre, EDF a fait constater par un huissier de justice que Monsieur X... a fait procéder, en limite de propriété, à un décaissement de son terrain qui a provoqué un début de glissement des terres.
Invoquant la dangerosité de la situation ainsi créée, EDF a sollicité et obtenu en référé la désignation d'un expert, en la personne de Monsieur A..., qui a déposé son rapport le 11 janvier 2002.
Puis par acte du 7 février 2003, EDF a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal de Grande Instance de NANCY pour obtenir sa condamnation, sur le fondement soit de la responsabilité quasi délictuelle, soit des troubles anormaux du voisinage, à faire édifier sous astreinte un mur de soutènement conforme aux préconisations de l'expert. Imputant les risque de glissement de terrain à EDF, Monsieur X... a lui-même conclu à la condamnation du propriétaire du fonds voisin à faire édifier un mur de soutènement. Il a fait attraire à la cause la SCI PARC RESIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS et la société ESPACE ET AVENIR pour être, à titre subsidiaire, entièrement garanti des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Par jugement du 26 février 2004, le tribunal a :- déclaré Monsieur X... responsable des conséquences dommageables du terrassement dangereux effectué en limite de propriété,- dit qu'EDF a pris part partiellement à la survenance du dommage,- réparti comme suit les responsabilités :* 85 % pour Monsieur X... dont 10 % au titre de la garantie de la SCI,* 15 % pour EDF,- dit que les parties ne pourront que faire leur affaire du choix de la solution technique adoptée et des modalités de réalisation,- condamné la SCI PARC RESIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS à garantir Monsieur X... du coût des travaux conformément au partage de responsabilité,- mis la société ESPACE ET AVENIR hors de cause.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que l'expert n'écarte pas tout danger de glissement de terrain, si bien qu'il s'agit d'un désordre à caractère évolutif qui relève de la responsabilité encourue au titre des troubles anormaux du voisinage. Après avoir relevé que le bâtiment de Monsieur X... a été édifié en dernier lieu et que l'excavation qu'il a fait réaliser, a déclenché le début d'éboulement, le tribunal a néanmoins retenu que la responsabilité du sinistre doit être partagée entre les deux voisins, au motif que le phénomène dommageable aurait été moins important si EDF n'avait pas modifié le volume de terre sur son fonds, sans pour autant réaliser le mur qui était prévu dans la notice descriptive et auquel EDF a renoncé pour faire installer un dispositif d'arrosage du jardin. En outre, le tribunal a considéré que la SCI a participé à la production du dommage en s'abstenant de "contractualiser" les niveaux topographiques avec EDF et en acceptant la modification du projet en ce qui concerne le mur qui aurait du être édifié en limite séparative des fonds.
Monsieur X... a interjeté appel par déclaration du 5 mai 2004.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 mai 2005, Monsieur X... demande à la Cour, par voie de réformation du jugement déféré, de rejeter la demande principale d'EDF et, en faisant droit à sa demande reconventionnelle, de condamner sous astreinte EDF à faire réaliser un mur de soutènement conforme aux préconisations de l'expert et sous le contrôle de ce dernier. Subsidiairement, il sollicite l'entière garantie du promoteur et du maître d'oeuvre. Et en tout état de cause, il demande à être indemnisé par les autres parties à hauteur de 2.000 € de ses frais irrépétibles de procédure.
Monsieur X... fait valoir que ce n'est qu'au courant du mois de février 2001, que pour réaliser une terrasse à l'arrière de son pavillon, il a fait procéder en limite de propriété à un décaissement qui est à l'origine d'un dénivelé vertical de 1,70 m. Rappelant que selon l'expert la réalisation de ces travaux est sans incidence sur la stabilité du bâtiment voisin, l'appelant soutient que n'est pas rapportée la preuve du rôle de cause à effet entre les travaux réalisés et l'apparition d'un risque d'éboulement. Il affirme que ce risque trouve en réalité son origine dans l'apport important de terres sur le fonds supérieur et dans la décision d'EDF de ne pas faire construire le mur de soutènement initialement prévu dans le contrat conclu avec le promoteur. Il considère qu'il s'agit de faits fautifs générateurs de responsabilité. Et subsidiairement, il impute aux constructeurs des manquements dans les travaux de réalisation de la terrasse arrière.
Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 12 juillet 2006, la société EDF forme appel incident pour prétendre à la condamnation de Monsieur X... à faire édifier, à ses frais exclusifs, un mur de soutènement conforme aux préconisations de l'expert, dans les deux mois suivant la signification de l'arrêt et sous astreinte de 500 € par jour de retard. Elle réclame en outre une somme de 2.000 € en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
La société EDF expose liminairement avoir vendu le fonds en cause tout en conservant contractuellement la charge de la procédure. Elle réplique que les travaux de terrassement réalisés avant le mois de décembre de l'an 2000, sous la maîtrise d'oeuvre de la société ESPACE ET AVENIR, pour aménager une terrasse à l'arrière du bâtiment sont seuls à l'origine du risque d'éboulement, qui demeure actuel et constitue un trouble anormal du voisinage engageant la responsabilité de son auteur sans preuve d'une faute. Elle ajoute que ni l'apport de terre sur son fonds, ni sa décision de ne pas faire édifier le mur de clôture initialement prévu, n'a joué un rôle causal dans l'apparition du risque d'éboulement, seule la création d'une paroi verticale d'une hauteur de 1 m 70 ayant pu aboutir à un tel résultat.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 8 avril 2005, et qui sont communes avec la société ESPACE ET AVENIR, la SCI PARC RESIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS forme appel incident pour obtenir également sa mise hors de cause. Chacune d'elle réclame une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et un même montant en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
Les appelées en garantie font valoir qu'elles n'ont commis aucune faute dès lors qu'à la réception tant du bâtiment d'EDF que de celui de Monsieur X..., il existait sur le fonds de ce dernier un talus en pente douce qui assurait le maintien des terres supérieures. Elles font valoir qu'elles ne sauraient être tenues pour responsables des travaux que Monsieur X... a fait réaliser ultérieurement par un autre professionnel. Elles ajoutent que c'est à juste titre que le tribunal a mis une part de responsabilité à la charge d'EDF, qui a contribué à créer une différence de niveau altimétrique entre les deux parcelles.
L'instruction a été déclarée close le 14 septembre 2006.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Même si la solidité du pavillon édifié sur le lot no2 n'en est pas affectée, il n'en demeure pas moins qu'il résulte de façon certaine du rapport d'expertise judiciaire que les travaux du terrassement réalisés sur le lot voisin no6, ont eu pour effet de créer, en limite de propriété, un front de fouille vertical, d'une hauteur d'environ 1,50 mètre, dépourvu de tout dispositif de consolidation et de maintien des terres supérieures. Une telle situation, qui expose le fonds supérieur aux conséquences de l'érosion et à des risques avérés d'éboulement constitue au trouble anormal du voisinage, qu'EDF est en droit d'invoquer à l'encontre de Monsieur X..., propriétaire actuel du fonds sur lequel ont été réalisés les travaux dommageables.
De plus, le décaissement créé, après suppression des talus qui assuraient initialement la stabilité des terres du fonds supérieur est seul à l'origine des troubles dénoncés si bien que c'est à tort que les premiers juges ont laissé à la charge d'EDF une part de responsabilité dans la survenance du dommage. C'est donc à juste titre qu'EDF réclame une réparation en nature, sur laquelle le tribunal a refusé de se prononcer. Par conséquent, sauf accord des parties sur l'une des autres solutions préconisées dans le rapport d'expertise, Monsieur X... sera condamné à faire réaliser l'ouvrage de soutènement décrit à la page 17 du rapport, constitué "d'une maçonnerie épaisse de pierre et de mortier."
Il ressort de la lettre envoyée à EDF par Monsieur X... le 9 octobre 2000 et du contrat d'huissier dressé le 16 novembre 2000 que les travaux qui sont à l'origine des troubles en cause ont été réalisés antérieurement au 13 décembre 2000, date de la réception et de la livraison du pavillon vendu à Monsieur X... en l'état futur d'achèvement par acte des 9 et 14 juin 2000. A la date des travaux incriminés, la SCI avait donc encore la qualité de maître de l'ouvrage à l'encontre duquel il n'est pas démontré par Monsieur X... qu'il ait commis une faute quelconque. En effet, Monsieur X... ne fait nullement la démonstration que la SCI constructeur non réalisateur se serait fautivement immiscée dans l'exécution des travaux de terrassement ou qu'elle en aurait délibérément accepté les risques. C'est donc à tort que les premiers juges ont partiellement fait droit à la demande en garantie dirigée à son encontre.
Eu égard aux moyens soutenus, il n'en reste pas mois qu'elle ne caractérise aucune faute dans l'exercice par Monsieur X... de son droit d'agir en justice et l'équité commande de ne pas faire application à son profit de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il ressort des éléments qui précèdent que la mission de maîtrise d'oeuvre confiée à la société ESPACE ET AVENIR n'était pas achevée au moment de la réalisation des travaux à l'origine des troubles. En ne s'opposant pas à ce qu'une entreprise de terrassement réalise un décaissement préjudiciable au propriétaire d'un fonds voisin et en s'abstenant de prescrire les mesures de nature à faire cesser le risque créé, la société ESPACE ET AVENIR a manqué à son obligation de surveillance du chantier et a engagé sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage, cette qualité ayant ensuite été transférée à Monsieur X... par l'effet de la livraison de l'ouvrage. La faute contractuelle commise par la société ESPACE ET AVENIR étant caractérisée, elle sera condamnée à garantir intégralement Monsieur X... du coût des travaux qu'il est condamné à faire réaliser ainsi que des condamnations relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Appelée à supporter la charge définitive de la condamnation la société ESPACE ET AVENIR sera condamnée à indemniser Monsieur X... à hauteur de 1.500 € de ses frais irrépétibles, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur X... responsable des troubles anormaux du voisinage résultant des travaux de terrassement réalisés en limite de propriété ;
Infirme le jugement en ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau :
Condamne Monsieur Denis X... à faire exécuter à ses frais dans les trois mois suivant la signification de l'arrêt, et sous astreinte provisoire de CENT CINQUANTE EUROS (150 €) par jour de retard pendant 60 jours, l'ouvrage de maintien des terres décrit comme suit à la page 17 du rapport d'expertise de Monsieur A... :"Un ouvrage de maçonnerie épaisse constituée de pierre et de mortier sur la hauteur actuelle considérée de 1,20 m environ et sur une épaisseur d'environ 80 cm" ;

Le condamne à payer à EDF une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) au titre des frais non compris dans les dépens ;
Condamne Monsieur X... aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués associés à la Cour, un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la société ESPACE ET AVENIR à garantir Monsieur Denis X... intégralement du coût de l'ouvrage ainsi que des condamnations aux dépens et au titre des frais irrépétibles ;
Met la SCI PARC RESIDENTIEL DES COTEAUX DE VILLERS hors de cause ;
Condamne la société ESPACE ET AVENIR à payer à Monsieur X... une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) au titre des frais non compris dans les dépens ;
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du cinq Février deux mille sept par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Mademoiselle CHOUIEB, Greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
Signé : L. CHOUIEB.- Signé : G. DORY.- Minute en sept t pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Ct0055
Numéro d'arrêt : 270/2007
Date de la décision : 05/02/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nancy, 26 février 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2007-02-05;270.2007 ?
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