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06/11/2006 | FRANCE | N°2575/06

France | France, Cour d'appel de Nancy, Ct0055, 06 novembre 2006, 2575/06


ARRÊT No2575/06 DU 06 NOVEMBRE 2006
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/00186
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BRIEY, R.G.no 02/00628, en date du 23 octobre 2003,
APPELANT :Monsieur Jean-Claude X... né le 12 Avril 1962 à ANGOULEME (16000), représenté par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Courassisté de Me PONTIDA, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉE :Madame Marie-Geneviève Z...représentée par la SCP MILLOT-LOGIER - FONTAINE, avoués à la Courassistée de Me DE HEAULME, avocat au barreau d

e PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2006, en audie...

ARRÊT No2575/06 DU 06 NOVEMBRE 2006
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/00186
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BRIEY, R.G.no 02/00628, en date du 23 octobre 2003,
APPELANT :Monsieur Jean-Claude X... né le 12 Avril 1962 à ANGOULEME (16000), représenté par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Courassisté de Me PONTIDA, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉE :Madame Marie-Geneviève Z...représentée par la SCP MILLOT-LOGIER - FONTAINE, avoués à la Courassistée de Me DE HEAULME, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2006, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, en son rapport, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller,Madame Pascale TOMASINI, Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 06 NOVEMBRE 2006 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB , greffier présent lors du prononcé ;

FAITS ET PROCÉDURE :
Le 24 avril 1994, le Tribunal de Grande Instance de Thionville a ouvert à l'encontre de Monsieur Jean-Claude X... une procédure de redressement judiciaire suivie le même jour d'un jugement prononçant la liquidation judiciaire. Maître Marie-Geneviève Z... a été désignée en qualité de représentant des créanciers puis de liquidateur judiciaire ;
Le 21 septembre 1994, Maître Marie-Geneviève Z... a sollicité auprès de l'employeur de Monsieur Jean-Claude X... l'attribution de l'intégralité du salaire du débiteur à charge pour elle de lui remettre la part insaisissable du salaire ; un jugement rendu le 30 octobre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Thionville a considéré que les revenus du débiteur constituaient un élément d'actif du patrimoine susceptible d'être appréhendés au fur et à mesure de la perception desdits revenus ; le passif réel tel qu'arrêté par le juge-commissaire s'est élevé à la somme de 36.124,14 € à la date du 5 septembre 1995 ; la clôture des opérations de liquidation est intervenue le 1er mars 2001 ;
Le 29 avril 2002 Monsieur Jean-Claude X... a fait assigner Maître Marie-Geneviève Z... devant le Tribunal de Grande Instance de Briey aux fins de voir engager la responsabilité du liquidateur sur le fondement de l'article 1383 du Code civil et obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 36.151,10 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;
Par un jugement en date du 23 octobre 2003, le Tribunal de Grande Instance de Briey a :- débouté Monsieur X... Jean-Claude de ses demandes de dommages et intérêts,- condamné Monsieur X... à régler à Maître Z... Marie-Geneviève la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts légaux à compter de la signification du présent jugement,- condamné Monsieur X... Jean-Claude à régler à Maître Z... Marie-Geneviève la somme de 1.800 € TTC au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,- dit n'y avoir à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au bénéfice de Monsieur X...,- condamné Monsieur X... aux dépens ;

Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré que l'objectif de la procédure de redressement judiciaire civil tel que voulu par le législateur était de rechercher le désintéressement des créanciers ; qu'il ne pouvait être reproché à la défenderesse d'avoir requis de l'employeur qu'il lui remette la partie saisissable du salaire du demandeur ; que si l'article 152-1 du décret d'application du 27 décembre 1985 de la loi du 25 janvier 1985 a donné une définition technique de l'insuffisance d'actifs, il ne résultait d'aucune disposition particulière une définition de la notion d'actif ni surtout que le salaire ne pouvait pas être considéré comme un actif ;
Le Tribunal a considéré que pour apprécier le fait fautif du mandataire liquidateur, il fallait que la perception des salaires au titre de l'actif ait été contraire à un texte particulier ou à une jurisprudence constante des Cours et tribunaux à l'époque des faits et non postérieurement à ceux-ci ; que le demandeur n'avait visé aucun texte de nature à permettre de considérer comme fautif le comportement de la défenderesse ; que si le demandeur a fait référence à un arrêt rendu le 13 octobre 1998 par la Cour d'appel de Colmar considérant que le salaire ne constituait pas un actif réalisable, cet arrêt avait clairement mentionné que le liquidateur pouvait percevoir la fraction du salaire saisissable du débiteur ; le Tribunal a encore considéré que le demandeur qui a fait valoir que la saisie a été supérieure au passif, n'a pas été en mesure de contredire les termes de la requête déposée par la défenderesse mentionnant que les créanciers chirographaires ont été désintéressés partiellement en tenant compte des frais inhérents à ce type de procédure ;
Sur l'abus de droit, le Tribunal a considéré que l'action en responsabilité engagée par le demandeur a été téméraire et abusive ;
Monsieur Jean-Claude X... a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 14 janvier 2004 ;
A l'appui de son appel et dans ses dernières écritures, Monsieur Jean-Claude X... fait valoir qu'à la date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 27 avril 1994, aucun élément d'actif ne permettait de désintéresser les créanciers ; qu'hormis son salaire, il n'avait aucun élément d'actif susceptible d'être réalisé ; que le salaire ne peut constituer un élément d'actif ; Monsieur Jean-Claude X... ajoute que dès lors, la procédure de liquidation ouverte à son encontre aurait dû faire l'objet d'une clôture rapide ; que cependant la procédure s'était ouverte en avril 1994 et avait été clôturée le 1er mars 2001 soit sept ans plus tard ; Monsieur Jean-Claude X... souligne que l'objectif de la loi du 25 janvier 1985 est la survie de l'entreprise et le maintien des emplois et non le règlement des créanciers ; que la loi n'a jamais prévu le règlement du passif en son intégralité par l'appréhension de l'intégralité du salaire du failli sauf à lui laisser la quotité insaisissable pour s'alimenter mais seulement le dessaisissement du débiteur de l'administration de ses biens pendant les opérations de liquidation aux fins d'apurer intégralement le passif ;
Monsieur Jean-Claude X... fait encore valoir que l'intimée lui cause un préjudice équivalent au montant des salaires prélevés à tort ; que la somme totale des montants prélevés s'élève à 36.151,10 € ;
Il ajoute qu'il a existé une intention de l'intimée de lui faire payer le passif par le maintien artificiel des opérations de liquidation ; l'appelant met en exergue le comportement fautif du mandataire dans le retard apporté à établir le décompte des sommes dues à la suite de la transaction intervenue en janvier 1999 entre la société LUCAS SYSTÈME et l'intimée ;
Monsieur Jean-Claude X... ajoute qu'il n'a pas contribué directement au retard de la clôture et que son comportement n'a pas contribué à en rallonger la durée ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation écarte l'argument selon lequel ses ressources lui permettait de présenter un plan de redressement ;
Monsieur Jean-Claude X... demande à la Cour de :- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BRIEY le 23 octobre 2003,- et statuant à nouveau :- condamner Maître Z... à payer à Monsieur X... la somme de 36.151,10 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel ainsi qu'à la somme de 7.500 € au titre du préjudice moral et ce avec intérêts de droit à compter de la demande et ce avec intérêts de droit à compter de la demande de première instance,- condamner Maître Z... à 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,- débouter Maître Z... de toutes demandes, fins et conclusions contraires,- condamner Maître Z... aux entiers dépens d'instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués associés à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Maître Marie-Geneviève Z... dans ses dernières écritures répond que l'objectif principal de la procédure de liquidation est de rechercher le désintéressement des créanciers ; que si l'article 152-1 du décret du 27 décembre 1985 donne une définition technique de l'insuffisance d'actifs, il ne résulte d'aucune disposition particulière une définition de la notion d'actifs et surtout que le salaire ne puisse être considéré comme un actif ; Maître Marie-Geneviève Z... souligne que dès lors, tant que la liquidation n'est pas clôturée, toutes les sommes que le débiteur est susceptible de recueillir en cours de procédure par l'exercice d'une activité professionnelle font partie de l'actif de cette liquidation à moins qu'elles ne lui soient spécialement réservées par une disposition légale spéciale ; qu'hormis la quotité insaisissable conservée à titre alimentaire, le salaire du débiteur en liquidation judiciaire est donc destiné au règlement de ses dettes et doit être remis à son liquidateur ; Maître Marie-Geneviève Z... ajoute qu'en ce sens l'insuffisance d'actifs n'est pas caractérisée lorsque compte-tenu de la rémunération du débiteur, il reste une quotité saisissable permettant de désintéresser partiellement les créanciers ;
Maître Marie-Geneviève Z... répond qu'elle s'est trouvée confortée dans cette analyse par un jugement rendu le 30 octobre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Thionville saisi par Monsieur X... d'une demande de clôture de la procédure ; que pour apprécier le fait fautif du mandataire liquidateur, il fallait que la perception des salaires au titre de l'actif ait été contraire à un texte particulier ou à une jurisprudence constante des Cours et tribunaux à l'époque des faits et non postérieurement à ceux-ci ; qu'elle ne pouvait préjuger de la décision rendue le 1er mars 2001 par la Cour d'appel de Metz qui reste une décision isolée ; Maître Marie-Geneviève Z... ajoute qu'aucune faute ne saurait être retenue contre elle au motif que la saisie aurait été supérieure au passif alors que les créanciers chirographaires ont été désintéressés partiellement en tenant compte des frais inhérents à ce type de procédure ;
Maître Marie-Geneviève Z... répond encore que la clôture ne peut être prononcée lorsque subsistent des biens non réalisés, des créances à recouvrer ou des voies de recours en déshérence ; que le débiteur possédait une capacité contributive certaine au paiement de son passif ; l'intimée souligne que Monsieur X... n'a pas souhaité prendre des dispositions pour désintéresser les créanciers la contraignant à engager des actions qui se sont révélées longues et coûteuses pour la procédure ; que par jugement du 30 octobre 1998, le tribunal a dit n'y avoir lieu à la clôture de la procédure et donc que les saisies pratiquées étaient justifiées ; Maître Marie-Geneviève Z... ajoute qu'il ne peut lui être reprochée une clôture tardive dès lors que l'ensemble des procédures diligentées par l'appelant a eu pour effet de prolonger la durée de cette procédure ; l'appelante rappelle que le débiteur conserve un droit propre à demander lui-même la clôture ; qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ;
Maître Marie-Geneviève Z... demande à la Cour de :- déclare irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par Monsieur X...,- débouter Monsieur Jean-Claude X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,- confirmer la décision dans toutes ses dispositions,- condamner Monsieur Jean-Claude X... à payer à Maître Z... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,- autoriser la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués associés à la Cour, à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

SUR CE :
Attendu qu'il appartient à Monsieur X... d'apporter la preuve d'une faute commise par le mandataire et d'un préjudice consécutif à celle-ci ;
Que force est de constater en l'espèce que le mandataire s'est toujours conformé aux décisions judiciaires intervenues dans la procédure collective considérée ; qu'il convient de relever que par jugement en date du 30 octobre 1998, le Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE avait dit n'y avoir lieu à clôture de la procédure collective, considérant que les revenus que se procure le débiteur au titre d'une activité professionnelle constituent des éléments de l'actif de son patrimoine au fur et à mesure de leur perception ;
Que d'autre part, par arrêt en date du 5 mars 2002, la Cour de Cassation a conforté cette analyse en énonçant que la clôture de la liquidation ne pouvait être prononcée tant que demeuraient saisissables des éléments d'actif ; que tel est le cas de la quotité légalement saisissable de la rémunération perçue comme en l'espèce par le débiteur ;
Qu'il ne peut être fait grief au mandataire d'avoir violé la loi ou le règlement alors que l'article 152-1 du décret du 27 décembre 1985 dispose que l'insuffisance d'actif au sens de l'article L 622-30 du Code de Commerce est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers ; que percevant une rémunération avec quotité saisissable, pouvant être affectée au désintéressement des créanciers, Monsieur X... ne pouvait se prévaloir d'une insuffisance d'actif justifiant la clôture dans les termes de l'article L 622-30 du Code de Commerce ;
Attendu d'autre part que Monsieur X... fait état d'un total prélevé de 237.135,68 F soit 36.151,10 € ; que cependant le passif s'est élevée à 36.124,14 €, sans tenir compte des frais de la procédure devant être supportés par le débiteur ;
Que dans ces conditions, il ne peut être considéré que le mandataire a abusivement saisi des éléments d'actif ;
Qu'il ne peut encore être relevé que ces prélèvements ont cessé en mai 2000 sans se poursuivre jusqu'à la clôture de la procédure intervenue en mars 2001 ;
Que le désintéressement des créanciers expressément prévu par l'article 152-1 précité ne peut constituer un poste de préjudice indemnisable ;
Attendu enfin que la longueur de la procédure de liquidation dont le maintien artificiel par le mandataire n'est pas démontré a été sans incidence sur les prélèvements litigieux, seulement justifiés par les intérêts légitimes des créanciers ;
Attendu qu'en définitive, force est de constater que Monsieur X... ne rapporte pas les preuves exigées pour engager la responsabilité du mandataire ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé de ce chef ;
Attendu sur l'abus de droit qu'il ne peut être considéré, au vu du contexte juridique en question et notamment de l'arrêt de la Cour d'Appel de METZ en date du 1er mars 2001, que Monsieur X... a agi de manière téméraire et abusive ; que le jugement querellé sera infirmé de ce chef ;
Que succombant en ses prétentions Monsieur X... sera condamné aux dépens d'appel, outre le paiement à Maître Z... de la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
Réforme le jugement querellé uniquement en ce qu'il a condamné Monsieur X... à payer à Maître Z... la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau de ce chef :
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de Maître Z... pour abus du droit d'agir de Monsieur X... ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Condamne Monsieur X... à payer à Maître Z... la somme de SIX CENTS EUROS (600 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par la SCP MILLOT-LOGIER et FONTAINE, avoués associés à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé : L. CHOUIEB.- Signé : G. DORY.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Ct0055
Numéro d'arrêt : 2575/06
Date de la décision : 06/11/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Briey, 23 octobre 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2006-11-06;2575.06 ?
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