ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/00767 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QEA7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 NOVEMBRE 2023
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2023 001032
APPELANTE :
S.N.C. COGEDIM LANGUEDOC ROUSSILLON prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Léah CARRET, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître [W] [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS A&F CONSTRUCTION, Société par actions simplifiée au capital de 7 526 626,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BEZIERS sous le numéro 880 316 930, dont le siège social est sis [Adresse 6] [Localité 2], dont la liquidation judiciaire a été prononcée selon jugement du Tribunal de Commerce de BEZIERS du 15 septembre 2021.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS
S.A.S. A&F CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Assignée le 19 février 2024 à étude
Ordonnance de clôture du 04 Juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère faisant fonction de présidente en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée et M. Thibault GRAFFIN, conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats a ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 15 février 2024.
ARRET :
- Rendue par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La S.N.C. Cogedim Languedoc-Roussillon (Cogedim), sise [Adresse 5] à [Localité 1], exerce une activité de promotion immobilière.
La S.A.S. A&F Construction exerçait une activité de réalisation de travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment.
En 2019, la société Cogedim et la Société A&F Construction ont conclu deux marchés de travaux concernant deux programmes immobiliers sur la commune de [Localité 4].
Par jugement en date du 24 mars 2021, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société A&F Construction et a désigné la S.E.L.A.R.L. FHB, prise en la personne de M. [M] [C], en qualité d'administrateur judiciaire et M. [W] [V] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Béziers a converti la mesure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, en maintenant M. [W] [V] en ses fonctions.
Par ordonnance en date du 9 décembre 2021, le juge commissaire a relevé de sa forclusion la société Cogedim.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 janvier 2022, la société Cogedim a déclaré sa créance à Me [V], ès qualités, pour la somme de 651 474,63 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 janvier 2022, Me [V] a contesté cette créance.
Par ordonnance en date du 8 septembre 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Béziers a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et a invité la société Cogedim à saisir la juridiction au fond.
Par exploit du 14 octobre 2022, la société Cogedim a assigné Maître [W] [V], ès qualités, aux fins de voir fixer et admettre sa créance de 651 474,63 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société A&F Construction.
Par jugement contradictoire du 20 novembre 2023, le tribunal de commerce de Béziers a':
- jugé que M. [V], en qualité de liquidateur de la société A&F Construction n'a pas rempli ses obligations légales';
- déclaré recevable la déclaration de créances de la société Cogedim';
- débouté la société Cogedim de sa demande de fixation et d'admission de créances à concurrence de la somme de 651'474,63 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société A&F Construction';
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit';
- dit n'y avoir lieu à condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties dont frais de greffe liquidés à la somme de 119,15 euros';
- et, rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 13 février 2024, la société Cogedim a relevé appel limité de ce jugement.
Par conclusions du 30 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil et des articles L. 622-27, R. 624-1 et R. 624-9 du Code de commerce de :
- reformer le jugement attaqué ;
statuant à nouveau,
- déclarer la société Cogedim recevable en ses demandes ;
- constater l'absence de contestation sérieuse relative à la créance de la société Cogedim à l'encontre de la société A&F Construction ;
- fixer la créance de la société Cogedim à l'encontre de la société A&F Construction à concurrence de la somme de 551'474,63 euros';
- rejeter l'ensemble des demandes de la société A&F Construction ;
- ordonner qu'il soit fait mention sur l'état des créances de la société A&F Construction de la décision à intervenir ;
- et, condamner M. [W] [V], ès qualités, au paiement de la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Elle expose pour l'essentiel que :
- la lettre du 29 janvier 2022 que lui a adressé le mandataire judiciaire pour contester sa créance ne respecte pas les dispositions des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, s'agissant de la reproduction de l'article L.622-27 précité, y compris la mention de ce texte réservant la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai, lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration.
- en conséquence, le délai de 30 jours n'a pas commencé à courir à compter du 29 janvier 2022, de sorte qu'elle est parfaitement en droit de discuter de la contestation de sa créance';
- elle justifie parfaitement du bien-fondé de sa créance, s'agissant des malfaçons des travaux réalisés par la société A&F Construction, dont elle justifie du coût des reprises et des finitions des chantiers en produisant à la fois des devis et des factures, reprise fondée sur différentes pièces';
- ses créances au titre des pénalités de retard et d'astreinte sont également parfaitement fondées au regard du cahier des clauses générales applicables.
Par conclusions du 9 avril 2024, formant appel incident, Me [V] ès qualités demande à la cour, au visa des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, de':
- rejeter toutes les demandes de la société Cogedim';
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident';
à titre incident,
- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a'rejeté l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [W] [V], ès qualités, n'avait pas rempli ses obligations légales, déclaré recevable la déclaration de créances de la société Cogedim, dit n'y avoir lieu à condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il serait fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties';
pour le surplus,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Cogedim de sa demande de fixation et d'admission de créances à concurrence de la somme de 651 474,63 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société A&F Construction';
en conséquence,
- constater que les demandes de la société Cogedim sont irrecevables';
en tout état de cause
- débouter la société Cogedim de l'ensemble de ses demandes,';
- et, condamner la société Cogedim à payer à Me [V], ès qualité, la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Il expose pour l'essentiel que :
- la société Cogedim n'a pas fait valoir ses observations suite à sa lettre de contestation de créances dans le délai de 30 jours prévus par l'article R.624-1 du code de commerce, de sorte que sa contestation est irrecevable';
- s'agissant des créances déclarées par la société Cogedim, ces dernières ne sont nullement justifiées par des titres, mais sont simplement fondées sur des preuves que la société Cogedim s'est faite à elle-même.
Par avis du 15 février 2024, le ministère public indique s'en rapporter à l'appréciation de la cour.
La société A&F Construction, régulièrement assignée à l'étude n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est datée du 4 juin 2024.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la contestation de la créance
Selon les dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce, s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance, autre que celles résultant d'un contrat de travail, « le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances'».
Par ailleurs, conformément à l'article R. 624-1 du même code, si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 précité.
En application de ces dispositions, les premiers juges ont, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, constaté que si la société Cogedim n'avait pas contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours, la lettre de ce dernier ne reproduisait pas l'intégralité des dispositions de l'article L.622-27 précité, en ce compris la mention de ce texte réservant la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration, de sorte que le délai de 30 jours n'avait pas commencé à courir (en ce sens, com., 29 juin 2022, n° 21-11.652) et que la contestation de la société Cogedim était dès lors parfaitement recevable.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé de la déclaration de créance
Selon les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat, soit dans un délai de deux mois par application de l'article R. 622-24 du même code. La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation (...) ».
La déclaration de créance de la société Cogedim du 5 janvier 2022 est ainsi libellée':
- 314'870, 98 euros au titre des reprises et finitions de chantier';
- 154'715, 20 euros au titre des pénalités de retard et d'astreinte d'enlèvement du matériel sur l'opération Pop Art';
- 73'888,45 euros au titre des pénalités de retard et de l'astreinte d'enlèvement du matériel sur l'opération Les Violettes ;
- 8 000 euros au titre des frais d'huissiers et de conseil';
- 100 000 euros au titre du retard de livraison';
Soit la somme de 651 474.63 euros TTC.
Le 28 janvier 2022, Me [V] a contesté cette déclaration de créance au motif que celle-ci ne résultait d'aucun titre, ni d'aucune décision de justice.
Sur les sommes sollicitées au titre des reprises et des finitions de chantier
Il appert des pièces produites par les parties, et notamment des procès-verbaux de constat d'huissier des 23 juin, 6 et 27 août 2021 que la société A&F Construction a abandonné les chantiers dont elle a été chargée pour la construction de deux résidences sises à [Localité 4], et a laissé des travaux inachevés.
La société Cogedim verse aux débats des devis acceptés qu'elle a fait établir pour la reprise des travaux pour le montant de 314'870,98 euros qu'elle sollicite.
Toutefois, elle produit également d'une part les DGD de la société A&F Construction signés par le maître d''uvre faisant apparaître des montants pour les travaux non réalisés par cette dernière pour 65'541,91 euros concernant le chantier Les Violettes et 107'343,22 euros concernant le chantier Pop Art, soit un total de 172'885,13 euros, et d'autre part les marchés qu'elle a signés avec les sociétés B2P habitat et [O] [B] TP pour les travaux de reprise nécessaires concernant les deux marchés de travaux litigieux, pour un montant total de 234'802,20 euros.
Elle produit en outre des factures supplémentaires correspondant à des travaux de reprise pour les travaux laissés également inachevés par la société [O] [B] TP elle-même placée en liquidation judiciaire, pour des montants de 16'534,97 euros TTC (société Façade Charaane), 7 260 euros HT (société SB Façade).
Il résulte de l'examen de l'ensemble de ses pièces que les marchés signés avec les sociétés B2P habitat et [O] [B] TP, outre les factures des sociétés Façade Charaane et SB Façade, correspondent bien aux travaux nécessaires à la reprise des travaux laissés inachevés et empreints de désordres de la société A&F Construction, de sorte que la somme de 258'597,17 euros (234'802,20 + 16'534,97 + 7'260) sera retenue au titre du coût des travaux de reprise imputables à la société A&F Construction.
Le jugement sera réformé.
Sur les sommes sollicitées au titre des pénalités de retard
Il est acquis que la société A&F Construction ayant abandonné les deux chantiers de construction, elle n'a pas respecté les dispositions du cahier des clauses générales du marché de travaux prévoyants une pénalité de 5 % du montant total du marché, de sorte que la société Cogedim est en droit d'obtenir les sommes de 154'715, 20 euros au titre des pénalités de retard et d'astreinte d'enlèvement du matériel sur l'opération Pop Art'et de 73'888,45 euros concernant l'opération Les Violettes, soit un total de 228'603,65 euros.
Sur les frais d'huissiers et de conseil
La société Cogedim sollicite une somme de 8 000 euros et justifie de frais d'avocat pour un montant de 8 626,29 euros TTC, de sorte que la société Cogedim est fondée à déclarer la somme de 8'000 à la procédure collective de la société A&F Construction.
Le montant total des sommes dues par la société A&F Construction à la société Cogedim est en conséquence de 495'200, 82 euros (258'597,17 + 228'603,65 + 8'000).
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Cogedim de sa demande de fixation et d'admission de créances à concurrence de la somme de 651'474,63 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société A&F Construction,
Statuant à nouveau de ce chef,
Juge que la société A&F Construction est redevable envers la société Cogedim de la somme de 495'200, 82 euros,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
le greffier, la présidente,