ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/06193 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUNI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 NOVEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2021 003608
APPELANTE :
S.A. SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [Z] [C]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE INTERVENANTE :
S.A. SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la société CREDIT DU NORD, en vertu d'un traité de fusion par absorption en date du 15 juin 2022 publié au BODACC le 29 juin 2022 et devenue définitive le 1er janvier 2023, laquelle est précédemment venue aux droits de la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT en vertu d'un traité de fusion par absorption en date du 15 juin 2022 publié au BODACC le 29 juin 2022 et devenue définitive le 1er janvier 2023
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 16 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS ET PROCEDURE
Le 1er septembre 2014, la SA Société Marseillaise de Crédit (SMC) a consenti un prêt n° 288508 finançant des encours professionnels à la SARL Le J, d'un montant de 250'000 euros, au taux de 2,69%, et d'une durée de 84 mois.
Ce prêt était garanti par un nantissement du fonds de commerce en 2ème rang et notamment, par le cautionnement solidaire et personnel daté du 14 août 2014 de Mme [Z] [C], en sa qualité de gérante de la société Le J, à hauteur de 162'500 euros, incluant le principal, les intérêts, commissions, frais et accessoires, et pour une durée de 108 mois.
Par jugement du 24 février 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Le J, et désigné la SELAS OCMJ, en la personne de M. [T] [S], en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre du 6 mars 2020, la banque a déclaré entre les mains de M. [T] [S], ès qualités, ses créances d'un montant de 893,84 euros à titre chirographaire et échu concernant le compte courant professionnel, et d'un montant de 82'886,34 euros à titre privilégié concernant le prêt du 1er septembre 2014.
Le 10 juillet 2020, la SMC a vainement mis en demeure Mme [C] d'avoir à lui verser la somme de 35'222,06 euros en sa qualité de caution.
Le 18 décembre 2020, le greffe du tribunal de commerce de Montpellier a adressé à la SMC un certificat d'admission de ses créances.
Par jugement du 8 mars 2021, après l'adoption d'un plan de cession, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société Le J et a désigné la SELAS OCMJ, en la personne de M. [T] [S], en qualité de liquidateur.
Le 25 mars 2021, la SMC a de nouveau mis vainement en demeure Mme [C] de lui verser la somme totale de 42'366,64 euros, puis par exploit du 6 avril 2021, elle a assigné Mme [Z] [C] en paiement.
Par jugement contradictoire du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :
- dit la procédure recevable';
- débouté la SMC de l'ensemble de ses demandes';
- dit qu'il a lieu à exécution provisoire';
- et condamné la SMC à payer à Mme [C] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'outre les entiers dépens.
Le tribunal retient en ses motifs':
- que la SMC soutient ne pas avoir été informée du jugement de cession du fonds de commerce de la société Le J, alors qu'elle a pu s'informer précédemment de la mise en redressement judiciaire par publication officielle et qu'elle devait, par le même procédé, se tenir informée ;
- que le jugement du tribunal de commerce en date du 8 mars 2021 ayant validé le plan de cession de la société Le J, prévoit dans les conditions de ce plan, la reprise par le cessionnaire du prêt SMC pour la somme de 22 675, 97 € (pièce n°12 de la SMC),
- que la pièce n°16 versée aux débats par la SMC elle-même, « Acte de cession de Fonds de Commerce » entre Le J et C'ur des Sables, signé par les deux parties, ainsi que par Me [T] [D], stipule en son l'article 7 au titre de l'«Etat des suretés et inscriptions », le prêt de la SMC pour un montant de 22675,97 € ;
- que Mme [C] verse aux débats l'état des privilèges actualisé de la société C'ur des sables dans lequel ne figure pas le nantissement de la SMC, ce qui n'est pas contesté par cette dernière,
- que la banque n'a pas fait diligence pour faire valoir son nantissement de premier rang sur le fonds de commerce de la société Le J,
- que Mme [C] ne peut être subrogée dans son privilège de nantissement du fonds de commerce en sa qualité de caution,
- que l'acte de cession du fonds de commerce stipule en page 13, article 6.2 «Paiement du Prix de Cession » que les chèques de banque certifiés ont été remis entre les mains des Administrateurs Judiciaires le jour de l'audience d'examen des offres et que « la somme consignée a été encaissée à ce jour (21 Mai 2021) par Me [T] [D] ès qualités d'Administrateur Judiciaire », qui a paraphé ladite page,
- que l'acte de cession ajoute en page 14, article 7 au titre des « suretés et inscriptions », « s'agissant d'une cession soumise aux dispositions de l'article L642-1 et suivants du code de commerce, que le paiement du prix emporte purge des privilèges spéciaux et nantissements éventuels grevant le Fonds de commerce cédé dans les conditions prévues à l'article L.642-12, alinéa 3, du code de commerce » ;
- et que la pièce 14 produite par la SMC, datée du 11 Octobre 2021 démontre que la SMC a connaissance de la somme de 750 000 € détenue par Me [T] [D] depuis le mois de mai 2021, permettant ainsi le remboursement des sommes qui lui restent dues au titre du prêt en cause, mais que le dispositif prévu par jugement n'a pas été mis en place lors de la vente du fonds de commerce.
Par déclaration du 12 décembre 2022, la SA SMC a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 17 avril 2023, la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du Nord, venant elle-même aux droits de la SA SMC, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants et 2314 du code civil :
- de prendre acte de son intervention volontaire ';
- d'infirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande en nullité de son assignation ;
statuant à nouveau,
- de condamner Mme [Z] [C] au paiement de la somme de 42 366,64 euros assortie des intérêts de retard au taux de 5,69 % à compter du 25 mars 2021 et jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil';
- de rejeter toute demande en paiement de dommages et intérêts formulée par Mme [C].
- et de la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions du 7 avril 2023, formant appel incident, Mme [Z] [C] demande à la cour, au visa des articles 31 et 56 du code de procédure civile, de l'article L. 642 du code de commerce et de l'article 2314 du code civil':
- d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit la procédure recevable';
- d'annuler l'assignation délivrée par la SMC le 6 avril 2021 et conséquemment rejeter les demandes de la Société Générale';
- subsidiairement, de confirmer le jugement querellé, et de rejeter les demandes de la banque Société Générale';
- et de la condamner à lui payer les sommes de 5 000 euros au titre de dommages-intérêts et de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 16 mai 2024.
MOTIFS
Sur la nullité de l'assignation
Le jugement a exactement retenu que la consultation de l'affaire sur le portail du tribunal de commerce de Montpellier fournie par le demandeur (pièce d'appel n°21), indique bien une audience au 14 mai 2021 ; et qu'à la date du 14 mai 2021, il est mentionné une demande de renvoi formulée.
Les mentions du jugement du tribunal de commerce déféré font foi jusqu'à inscription de faux de ce que par la suite, l'affaire a encore été renvoyée, au total pas moins de quatre fois, pour être plaidée en définitive à l'audience du 3 octobre 2022, permettant ainsi aux parties, et notamment à Mme [C] et son conseil, de préparer sa défense.
Dès lors, le tribunal, observant que si la date d'assignation n'était une date utile, cette circonstance n'était pas imputable au demandeur, a jugé à bon droit qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, aucune nullité de l'acte introductif d'instance n'était encourue, faute de grief issu du vice de forme invoqué.
Sur le fond
Mme [Z] [C], pour s'opposer aux demandes de la SA SMC, fait valoir qu'elle est déchargée de son engagement de caution au sens de l'article 2314 du code civil, qui dispose que « Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit. Toute clause contraire est réputée non écrite », car le nantissement inscrit sur le fonds de commerce n'a pas suivi ledit fonds lors de sa cession à la société C'ur des sables ; que de ce fait, la banque ne lui a pas maintenu sa possibilité d'exercer son recours subrogatoire contre ce cessionnaire'; et que c'est ainsi qu'un nouveau nantissement a été accordé à une autre banque, la banque de Savoie, pour un montant de 838'800 €, nantissement en 1er rang, puis pour 180'000 € au profit de la caisse régionale de Crédit Agricole du midi.
Mais la Société générale, venue aux droits de la Société Marseillaise de Crédit, ce dont il lui sera donné acte, répond exactement que le privilège de nantissement du fonds de commerce a été transmis de plein droit au cessionnaire du fonds, la société C'ur des Sables ; et que la reprise par le cessionnaire du prêt garanti a été mentionnée à la fois dans l'acte de cession et dans le jugement d'homologation du plan de cession, et ce, même en l'absence d'inscription modificative du privilège suite à la cession.
En effet, le prêt a été explicitement affecté au financement du bien sur lequel porte le prêt au sens de l'article L. 642-12 al. 4 du code de commerce, s'agissant d'un prêt destiné, aux termes de l'acte, à financer des "travaux d'aménagement", de sorte que la purge prévue à l'alinéa 3 n'a pas atteint la sûreté litigieuse et que la SMC n'a pas commis de faute envers Mme [C] au sens de l'article 2314 du code civil.
En revanche, Mme [C] soutient justement à titre subsidiaire qu'elle n'est caution qu'à hauteur de 50% du prêt, soit 20'608 euros ; que les échéances de prêt sont payées par le cessionnaire à la banque depuis l'acte de cession, cette dernière n'ayant exercé aucune voie de recours pour un quelconque impayé ; que la banque n'est donc pas en droit de lui demander "le solde d'un prêt impayé" par la société Le J qui n'était pas en liquidation judiciaire, mais en redressement judiciaire quand son fonds de commerce a été cédé, et lorsque le tribunal de commerce a arrêté la cession imposant la reprise des échéances du prêt souscrit auprès de la SMC.
En effet, suite à l'admission du plan de cession et à la liquidation judiciaire aussitôt après, M. [T] [S], le liquidateur, a recueilli un prix de cession, soit 750'000 euros, à répartir entre les créanciers sur lequel la banque dispose d'une garantie de premier rang'mentionnée à l'article 7 "Sûretés et inscriptions", en page 13 de l'acte de cession.
La banque ne démontre pas l'absence de règlement de sa créance dans le cadre de la procédure collective ou par le cessionnaire, et son droit de poursuivre le paiement par Mme [C], en sa qualité de caution solidaire, alors que le mandataire liquidateur détient potentiellement les fonds suffisants, étant relevé que la circonstance que l'administrateur judiciaire lui ait précisé en 2022 qu'en raison d'instances prud'hommales en cours, aucune répartition du prix de vente de cession ne pouvait être encore réalisée'à son profit, est insuffisant à cet égard; et que la banque n'a pas réactualisé depuis lors auprès du liquidateur quel est le sort de sa créance et son caractère prétendument irrecouvrable.
La caution avance sans ainsi être contredite que les mensualités de l'emprunt sont régulièrement remboursées par la société C'ur des sables et qu'en toute hypothèse, la somme nécessaire au désintéressement total de la Société générale venue aux droits de la SMC est entre les mains de Me [T] [D].
En définitive, le jugement qui a débouté la banque de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la caution doit être confirmé.
L'appelante ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de l'action engagée par la SMC, d'où il suit le rejet de la demande indemnitaire qu'elle présente de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Donne acte à la SA Société générale, venue aux droits de la Société Marseillaise de Crédit, de son intervention volontaire ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [Z] [C] de sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages-intérêts ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte ;
Condamne la SA Société générale, venue aux droits de la Société Marseillaise de Crédit, aux entiers dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,