ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/05591 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTF6
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 04 OCTOBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2020J00332
APPELANTE :
S.A.S. PM CENTURI prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne Florence BOUYGUES de la SELARL BOUYGUES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.S. BRASSERIE MILLES prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 28 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 JUIN 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La S.A.S. Malaval qui exploitait une activité de commerce de gros de boissons a signé avec la S.A.S. Brasserie Milles entre le 25 mai 2016 et le 22 juin 2018, sept conventions tripartites (Brasserie Mille, Malaval et le client final) par lesquelles cette dernière mettait à sa disposition du matériel destiné au débit de café pour un montant total de 28'883,61 euros TTC, lui permettant d'équiper sa propre clientèle constituée de débitants de la région montpelliéraine.
En contrepartie, le client final s'engageait à ne débiter dans son établissement que des produits provenant de la société Brasserie Milles, livrés exclusivement par la société Malaval.
Par lettre du 13 mars 2020, la société Brasserie Milles a notifié à la société Malaval son intention de prononcer la résolution de leurs conventions en raison de l'absence d'approvisionnement et lui a demandé le remboursement de la valeur du matériel pour un montant de 33'946,41 euros.
Par ailleurs, par traité de fusion absorption du 26 juin 2020, régulièrement déposé et publié auprès du greffe du tribunal de commerce de Montpellier le 3 juillet 2020, avec effet rétroactif d'un point de vue comptable et fiscale au 1er janvier 2020, et au 31 août 2020 d'un point de vue juridique, la société Malaval a été acquise par la S.A.S. PM Centuri.
Par exploit du 21 décembre 2020, la société Brasserie Milles a assigné la société PM Centuri, venue aux droits de la société Malaval, pour la voir condamner au paiement du matériel à la suite de la résolution des conventions.
Par jugement contradictoire du 4 octobre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a :
- débouté la société PM Centuri de l'ensemble de ses demandes';
- condamné la société PM Centuri venant aux droits de la société Malaval à verser à la société Brasserie Milles la somme totale de 28'883,61 euros correspondant au remboursement à sa valeur d'origine du matériel mis à disposition du distributeur pour ses débitants selon le détail suivant':
- 5'945,01 euros TTC, pour la convention du 25 mai 2016 avec la société Evasion,
- 5'062,80 euros TTC, pour la convention du 2 juin 2017 avec la société Fred & Co (enseigne le bistrot Gourmant),
- 2'874 euros TTC pour la convention du 11 octobre 2017 avec la société Papa Punk,
- 5'062,80 euros TTC pour la convention du 11 octobre 2017 avec la société Ouman (enseigne Comptoir Bello),
- 5'160 euros TTC pour la convention du 27 novembre 2017 avec la société Vima (enseigne le new wave),
- 2'874 euros TTC pour la convention du 22 juin 2018 avec la société Beautiful (enseigne le Portofini),
- 1'905 euros TTC pour la convention du 10 janvier 2017 au profit du fonds de commerce La Pirogue,
- et condamné la société PM Centuri venant aux droits de la société Malaval à lui verser la somme de 2'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur.
Par déclaration du 4 novembre 2022, la société PM Centuri a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 4 février 2023, la société PM Centuri demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien, 1103, 1344, 1315, 1220, 1225 et 1226 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
- constater l'absence de mise en demeure préalablement à l'engagement de l'action judiciaire à son encontre ni aux clients concernés par les conventions litigieuses, et le cas échéant, aux établissements Malaval, avant leur résolution';
- constater que la société Brasserie Milles ne démontre pas un comportement fautif imputable à la société Malaval dans l'exécution des conventions auxquelles elle se réfère dans son assignation';
- constater qu'elle ne justifie pas d'une valeur d'origine du matériel mis à disposition';
- juger en conséquence qu'elle ne justifie pas de ses demandes en paiement de dommages et intérêts contractuels fixés dans les conditions des conventions invoquées';
- constater que la non justification d'une valeur d'origine réelle et démontrée ne permet pas au juge de statuer éventuellement sur la modération des dommages et intérêts dus en vertu de la clause pénale que constitue en réalité les dispositions de la convention relatives à la détermination des dommages et intérêts dus en cas de cessation des approvisionnements par le client';
- constater que la société Brasserie Milles a refusé la restitution du matériel mis à disposition';
- déclarer la société Brasserie Milles irrecevable dans toutes ses demandes et l'en débouter';
- faisant droit à la demande reconventionnelle de la société PM Centuri';
- condamner la société Brasserie Milles à lui payer à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5 000 euros';
- la condamner au paiement de la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :
- les demandes de la société Brasserie Milles sont irrecevables pour défaut de mise en demeure de la société PM Centuri, en méconnaissance des exigences posées par les articles 1344 et 1231 du code civil, mais aussi de 1225 et 1226 du même code';
- l'obligation d'approvisionnement ne concerne que les clients finaux et non pas la société PM Centuri, lesquels pouvaient parfaitement décider de cesser de s'approvisionner'auprès de la société brasserie Milles ;
- la société brasserie Milles a refusé la restitution de son matériel, alors de surcroît que les conventions ne prévoient pas que la reprise de ce matériel incombe à la société PM Centuri en cas de cessation d'approvisionnement par les clients finaux';
- s'agissant de la convention concernant la société La Pirogue, celle-ci ne prévoit pas à titre de dommages et intérêts une somme correspondant à la valeur d'origine du matériel mis à disposition, soit celle de 1 905 euros';
- s'agissant de la convention concernant la S.A.S. Papa Punck, elle n'a cessé de s'approvisionner que du fait de sa mise en liquidation judiciaire';
- la valeur d'origine du matériel mis à disposition n'est pas connue, alors que l'exigence de restitution du matériel en valeur d'origine sans déduction d'une valeur d'amortissement ou de dépréciation est considérée selon la jurisprudence de la Cour de cassation comme une clause pénale susceptible de modération.
Par conclusions du 22 février 2024, la société Brasserie Milles demande à la cour, au visa de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil, de':
- confirmer en son entier le jugement attaqué';
- y ajoutant, condamner la société PM Centuri venant aux droits de la société Malaval à lui verser la somme de 4'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
- la société PM Centuri produit de nombreuses pièces qui ne concernent pas le présent litige mais qui concernent d'autres sociétés ou d'autres matériels d'exploitation';
- toutes les conventions précisent qu'en cas de violation de leurs obligations par les revendeurs, elles seront résiliées de plein droit sans mise en demeure préalable, de sorte que le moyen d'irrecevabilité doit être écartée';
- toutes les conventions sont à durée indéterminée,'contrairement à ce que soutient l'appelante';
- à partir de 2017, la société Malaval a cessé de s'approvisionner auprès d'elle, sans résilier les conventions ni même restituer le matériel mis à disposition';
- les conventions prévoient que le brasseur peut demander «'aux distributeur et client, à sa convenance, la restitution des matériels mis à disposition ou bien le remboursement à valeur d'origine'»';
- s'agissant de la convention concernant la société La Pirogue, si celle-ci prévoit effectivement une clause d'amortissement, la société Malaval n'a nullement justifié de ses statistiques d'amortissement';
- s'agissant de la convention concernant la société Papa Punck, la mise en liquidation judiciaire de cette dernière n'exonérait pas de ses obligations contractuelles le distributeur, c'est-à-dire la société PM Centuri';
- la clause permettant au brasseur de solliciter à son choix soit la restitution, soit le paiement de la valeur du matériel est parfaitement licite, et ne constitue nullement une clause pénale.
L'ordonnance de clôture est datée du 28 mai 2024.
MOTIFS :
En premier lieu, la société PM Centuri ne plaide pas utilement que les demandes de la société brasserie Milles seraient irrecevables faute d'une mise en demeure préalable de payer, et ce sur le fondement de diverses dispositions actuelles du code civil, étant toutefois précisé que la première convention litigieuse signée le 25 mai 2016 est soumise aux dispositions anciennes du code civil en matière de contrat, lesquelles n'exigeaient aucune mise en demeure préalable à peine d'irrecevabilité.
En effet, d'une part la société brasserie Milles ne sollicite pas l'allocation de dommages et intérêts au sens des dispositions de l'article 1231 du code civil, mais seulement l'exécution des clauses contenues dans les conventions consistant dans le remboursement des matériels à leur valeur d'origine.
D'autre part, aucune irrecevabilité de l'action ne vient sanctionner le défaut de la mise en demeure de payer énoncée à l'article 1344 du même code.
Surtout, les conventions litigieuses prévoient «'qu'en cas de violation des stipulations du contrat par le revendeur, le contrat sera résilié de plein droit sans mise en demeure préalable'», ainsi qu'il est également rappelé à l'article 1225 du code civil qui précise que «'la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution'».
Ces moyens seront donc écartés.
En second lieu, les conventions de mise à disposition précisent qu'en cas de violation des stipulations du contrat et de résiliation de ce dernier, «'la brasserie demandera au distributeur et client, à sa convenance, la restitution des matériels mis à disposition ou bien le remboursement de leur valeur d'origine'», de sorte que la société brasserie Milles est parfaitement en droit de solliciter la condamnation de la société PM Centuri.
Le moyen est également inopérant.
En troisième lieu, la société PM Centuri ne prouve pas que la société brasserie Milles aurait refusé la restitution des matériels, les procès-verbaux de constat d'huissier produits en date des 11 et 14 octobre 2019 concernant des matériels de tirage de bière, et le procès-verbal de constat du 3 janvier 2023 précisant seulement que la société PM Centuri détient un certain nombre de machines à café.
En quatrième lieu, l'ensemble des conventions mentionne que «'le client s'engage à ne débiter dans son établissement que des cafés ' sucre provenant de la brasserie qui lui seront livrés exclusivement par le distributeur'».
Or, la société PM Centuri ne conteste pas que ses clients finaux ont cessé peu à peu de s'approvisionner auprès de la société brasserie Milles, ainsi qu'il lui a été rappelé par cette dernière le 13 mars 2020, sans toutefois avoir restitué les matériels mis à disposition, de sorte que la société intimée était parfaitement en droit de résilier les conventions litigieuses aux torts de la société PM Centuri.
En cinquième lieu, en ce qui concerne la convention du 10 janvier 2017 relative à la société La Pirogue, la société PM Centuri ne justifie pas avoir communiqué a minima annuellement et à chacune de ses demandes le détail des produits provenant de la brasserie livrés aux clients, et ce en méconnaissance de ses obligations contractuelles permettant ainsi de calculer l'amortissement du matériel mis à disposition.
En outre et par ailleurs, le placement de la société Papa Punck en liquidation judiciaire allégué sans preuve par la société PM Centuri, ne saurait exonérer cette dernière de ses obligations contractuelles.
Enfin, en dernier lieu, il convient de rappeler que la clause laissant au brasseur, et à lui seul, le choix de solliciter, lorsque le distributeur manque à l'une de ses obligations contractuelles, soit la restitution du matériel donné en dépôt, soit son paiement en valeur d'origine, n'est pas abusive dans la mesure où cette mise à disposition de matériel neuf permet au débitant de s'installer en limitant ses frais et de jouir de ce matériel le temps qu'il désire, et que de plus la valeur d'origine qui peut lui être réclamée, d'une part est inférieure à sa valeur actualisée et, d'autre part, représente l'amortissement dont a été privé le brasseur durant le temps de la mise à disposition, de sorte que la valeur d'origine des matériels telle que résultante des conventions initiales était parfaitement justifiée et connue des deux parties.
Partant, la société PM Centuri est également défaillante à démontrer que cette clause devrait être qualifiée de clause pénale susceptible de modération par le juge.
En effet, d'une part la stipulation qui détermine la contrepartie d'une prérogative contractuelle n'est pas une clause pénale, comme en l'espèce, puisque la sanction de l'inexécution est le paiement de la valeur d'origine du matériel mis à disposition, alors d'autre part que le montant réclamé au titre de la valeur d'origine correspond au préjudice exact que subit le créancier.
En conséquence, le jugement sera confirmé dans son intégralité notamment en ce qu'il a débouté la société PM Centuri de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne la S.A.S. PM Centuri aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la S.A.S. brasserie Milles la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,