COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 24/00510 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QKHJ
O R D O N N A N C E N° 2024 - 521
du 22 Juillet 2024
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [P] [T]
né le 19 Juillet 1996 à [Localité 6] (MAROC)
de nationalité Marocaine
retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté de Maître Amandine RUIZ, avocat commis d'office
Appelant,
et en présence de [L] [R], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) MONSIEUR LE PREFET DES HAUTES ALPES
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non représenté,
2°) MINISTERE PUBLIC
Non représenté
Nous, Nelly CARLIER conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 18 juin 2024 de MONSIEUR LE PREFET DES HAUTES ALPES portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour de 2 ans pris à l'encontre de Monsieur [P] [T],
Vu la décision de placement en rétention administrative du 18 juin 2024 de Monsieur [P] [T] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 21 juin 2024 notifiée le même jour du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu la saisine de MONSIEUR LE PREFET DES HAUTES ALPES en date du 17 juillet 2024 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 19 juillet 2024 à 11 h 16 notifiée le même jour à la même heure du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 19 Juillet 2024, par Maître Amandine RUIZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [P] [T], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 12 h 05,
Vu les et courriels adressés le 19 Juillet 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES HAUTES ALPES, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 22 Juillet 2024 à 09 H 00,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, par visio conférence entre les salles d'audience de la cour d'appel de Montpellier et du centre de rétention de Sète, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 09 H 00 a commencé à 09 h 17.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de [L] [R], interprète, Monsieur [P] [T] déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [P] [T], je suis né le 19 Juillet 1996 à [Localité 4] (MAROC). Je suis marocain.
J'ai fait appel parce que je souhaite être libéré, je n'ai rien fait. Je travaille pour aider 4 personnes au Maroc. Depuis que je suis en France, je n'ai jamais eu de problème, je travaille. Si vous me libérez, je quitterai la Frane dans les 3 heures.'
L'avocat, Me Amandine RUIZ développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Maintient les moyens de la déclaration d'appel.
- irrecevabilité de la requête préfectorale. L'art L 742-4 encadre très strictement la seconde prolongation. La requête du préfet ne vise aucun des critères prévus par cet article, elle vise très généralement l'impossiblité de mettre en oeuvre immédiatement l'éloignement. Monsieur a simplement exercé ses droits en demandant l'asile en rétention, ce n'est pas une manoeuvre dilatoire. L'asile a été refusé dès le 4 juillet, au début de la première prolongation. La requête préfectorale est insuffisamment motivée. Monsieur a donné une pièce d'identité valide. Le rendez-vous auprès du consulat n'a eu lieu que le 18 juillet, le délai est trop long.
- insuffisance de diligences de l'administration. Placement en rétention le 18/06, demande de laissez-passer le 19/06. Le 25/06, un rendez-vous a été pris pour une audition consulaire le 04/07 mais insuffisance d'escorte pour le trajet vers [Localité 3] ; le rendez-vous a donc été repoussé de 15 jours. C'est un manquement de l'administration qui conduit à prolonger artificiellement la prolongation. Dès le début, Monsieur a donné sa pièce d'identité, ce qui aurait dû faciliter son éloignement. Le JLD ne mentionne à aucun moment ce premier rendez-vous.
Demande rejet de la requête.
Assisté de [L] [R], interprète, Monsieur [P] [T] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je n'ai rien à ajouter.'
Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 5] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel
Le 19 Juillet 2024, à 12 h 05, Maître Amandine RUIZ, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [P] [T] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 19 Juillet 2024 notifiée à 11 h 16, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel
Sur l'insuffisance de motivation de la requête de l'administration aux fins de deuxième prolongation
En l'espèce, Monsieur [T] fait reproche à la requête aux fins de deuxième prolongation de la rétention administrative du 17 juillet 2024 de ne pas avoir mentionné les critères visés à l'article L 742-4 du Ceseda mais seulement l'impossibilité de procéder immédiatement à son éloignement, ce qui n'est pas un motif de prolongation.
Or, en l'espèce, Monsieur le Préfet ne s'est pas contenté d'indiquer qu'il lui était impossible de procéder immédiatement à l'éloignement mais a motivé sa demande en relevant :
- que M. [T] a été interpellé et placé en garde à vue le 17 juin 2024 pour des faits de vols à l'étalage,
- qu'après vérification de son droit au séjour, il est apparu qu'il était dépourvu de tout document l'autorisant à entrer et se maintenir sur le territoire français,
- qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans prononcée par le préfet des Hautes Alpes le 18 juin 2024, notifiée le même jour, la légalité de cette décision ayant été confirmée par jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 9 juillet 2024,
- que sa rétention administrative a été prolongée par ordonnance en date du 21 juin 2024,
- que cependant, l'intéressé a sollicité l'asile le 21 juin 2024 lors de son placement en centre de rétention, demande rejetée le 4 juillet suivant,
- que l'intéressé étant titulaire d'une carte d'identité marocaine en cours de validité, une demande de laissez-passer a été transmise auprès du consulat de [Localité 3] et un rendez-vous a été fixé pour le 18 juillet 2024 pour une audition avec les autorités consulaires marocaines,
- qu'il est donc impossible de procéder immédiatement à son éloignement.
Il résulte ainsi de ces éléments que l'autorité préfectorale a justement motivé en fait et en droit sa demande de deuxième prolongation, en application de l'article L. 742-4 du CESEDA qui permet cette prolongation soit en cas d'uregnce absolue, soit en cas de menace d'une particulière gravité à l'ordre public, soit en ca s d'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement et il suffit dans ce dernier cas que la mesure d'éloignement n'ait pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, ce qui est le cas, en l'espèce, en l'absence de délivrance d'un laissez-passer consulaire.
Sur l'insuffisance de diligences de l'administration
Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour.
S'il n' y a pas lieu d'imposer la réalisation d'actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats, dès lors que celle-ci ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, Bull. 2010, I, n° 129), en revanche, le juge est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.
L'intéressé fait valoir que son éloignement a été retardé par la faute de l'administration qui n'a pu honorer le premier rendez-vous consulaire fixé au 4 juillet 2024 en raison d'un manque d'effectifs suffisants, de sorte que le rendez-vous a été reporté au 18 juillet 2024 et alors que sa demande d'asile n'avait aucune incidence sur la procédure de rétention.
S'il ressort, en effet, de la procédure, qu'un premier rendez-vous consulaire avait été programmé pour le 4 juillet 2024, ce rendez-vous ayant été annulé en raison d'un manque d'effectifs de l'administration, en revanche, il est justifié que les services de la préfecture, informés de cette annulation dès le 28 juin 2024, ont demandé dès cette date un nouveau rendez-vous pour le 11 juillet 2024 et qu'en l'absence de réponse des autorités consulaires, ils ont relancé à nouveau le 9 juillet ces dernières pour un rendez-vous qui a été fixé le 18 juillet 2024. La tardiveté de ce rendez-vous n'est donc pas imputable à l'administration mais aux autorités consulaires qui ont tardé à donner une nouvelle date de rendez-vous.
Ainsi, indépendamment même de la demande d'asile de l'intéressé, ces éléments établissent l'effectivité des diligences entreprises pour permettre l'exécution de la décision d'éloignement dans le temps strictement nécessaire à son départ.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée qui a rejeté ces deux moyens.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 22 Juillet 2024 à 10 h 30.
Le greffier, Le magistrat délégué,