Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 17 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05740 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTPX
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 OCTOBRE 2022
POLE SOCIAL DU TJ DE PERPIGNAN
N° RG22/00291
APPELANT :
Monsieur [J] [K] père de son enfant [P] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me LAPORTE avocat pour Me Jacques MALAVIALLE de la SCP NICOLAU-MALAVIALLE-GADEL-CAPSIE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES PYRENEES-ORIENTALES (MDPH)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Dispensée d'audience
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MAI 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Magali VENET, Conseillère
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 24 décembre 2021, M. [J] [K] représentant légal de son fils [P] [K], a déposé une demande d'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de son complément auprès de la Maison départementale des personnes handicapées des Pyrénées Orientales (MDPH).
Par décision du 20 janvier 2022, notifiée le 21 janvier 2022, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a rejeté sa demande.
Suite à un recours gracieux du 22 février 2022, par une décision rendue le 25 mai 2022, la CDAPH a maintenu son refus.
Le 06 juillet 2022, M. [K] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Perpignan afin de contester cette décision.
Par jugement du 20 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire a confirmé la décision rendue par la CDAPH et débouté M. [K] de ses demandes.
Par courrier réceptionné le 09 novembre 2022, M. [K] a relevé appel du jugement.
Il demande à la cour de :
- réformer le jugement dont appel ;
- juger que le taux d'incapacité de l'enfant [P] [K] est supérieur à 50% ;
En conséquence,
- faire bénéficier M. [K], son représentant légal, de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;
À titre subsidiaire, au cas où par impossible la Cour ne voudrait pas réformer le jugement dont appel :
- ordonner toute expertise médicale qu'il plaira à la Cour avec la mission habituelle de calculer le taux d'incapacité de l'enfant [P] [K] ;
En tout état de cause,
- condamner la MDPH à payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En réplique, la MDPH des Pyrénées Orientales demande à la cour de :
- rejeter l'appel formé par M. [K] ;
En conséquence,
- dire et juger que l'enfant [P] [K] ne peut bénéficier de l'AEEH en raison d'un taux d'incapacité inférieur à 50% ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 20 octobre 2022 en ce qu'il refuse à M. [K] le bénéfice de l'AEEH pour l'enfant [P] [K].
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et son complément:
Aux termes de l'article L.541-1 du code de la sécurité sociale:
'Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé à droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égal à un taux déterminé.
Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires ou la permanence de l'aide nécessaire.
La même allocation et, le cas échéant, son complément peuvent être alloués , si l'incapacité permanente de l'enfant, sans atteindre le pourcentage mentionné au premier alinéa, reste néanmoins égal ou supérieur à un minimum, dans le cas où l'enfant fréquente un établissement mentionné au 2° ou au 12 du I de l'article L.312-1 du code de l'action sociale et des familles ou dans le cas où l'état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou d'accompagnement au sens de l'article L. 351-1 du code de l'éducation ou à des soins dans le cadre des mesures préconisées par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.
L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance-maladie, l'État ou l'aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge.'
Aux termes de l'article R.541-1 du même code dans sa rédaction applicable résultant du décret n°2005-1588 du 19 décembre 2005:
Pour l'application du premier alinéa de l'article L. -1, le pourcentage d'incapacité permanente que doit présenter l'enfant handicapé pour ouvrir droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé doit être égal au moins à 80 %.
Le taux d'incapacité est apprécié suivant le guide barème annexé au décret n°93-1216 du 4 novembre 1993 relatif au guide barème applicable pour l'attribution de diverses prestations aux personnes handicapées et modifiant le code de la famille et de la sociale, le code de la sécurité sociale.
Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 541-1 le pourcentage d'incapacité permanente de l'enfant doit être au moins égal à 50 %.
La prise en charge de l'enfant par un service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou de soins à domicile au sens de l'article L. 541-1 précité est celle qui est accordée soit au titre de l'assurance maladie, soit par l'Etat, soit par l'aide sociale sur décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prévue à l'article 6 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975.
L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé due au titre des périodes mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 541-1 et, le cas échéant, leur complément sont versés annuellement et en une seule fois.
En cas de décès de l'enfant, ce versement inclut une prolongation, jusqu'au dernier jour du troisième mois civil qui suit le décès, du montant dû au titre du mois de décès de l'enfant, ou, s'il est supérieur, le montant dû au titre du mois qui précède celui du décès.
Le pourcentage d'incapacité de l'enfant est apprécié suivant un guide barème qui figure en annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles , modifié par décret n°2007-1574 du 6 novembre 2007.
Il prévoit 3 classes d'incapacité:
- taux inférieur à 50% : incapacité modérée n'entraînant pas d'entrave notable dans la vie quotidienne d le'enfant ou de celle de sa famille;
- Taux compris entre 50% et 80% : incapacité importante entraînant une entrave notable dans la vie quotidienne de l'enfant et de sa famille;
- Taux égal ou supérieur à 80% : incapacité majeure, entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de l'enfant et celle de sa famille .
Il prévoit en outre des registres d'évaluation dans lesquels sont appréciés l'incapacité de l'enfant ainsi que le surcroît de charges éducatives ainsi que d'autres éléments d'appréciation qui, complémentaires de l'étude analytique des incapacité résultant des atteintes des grandes fonctions psychiques, permettent au médecin expert de porter une appréciation globale, cotée, selon trois nivaux de sévérité.
Les conditions d'attribution de l'AEEH s'apprécient au jour de la demande ou de son réexamen dans le cadre du RAPO.
La MDPH des Pyrénées Orientales soutient que le taux d'incapacité de l'enfant est inférieur à 50%, mentionnant que [P] présente une cataracte de l'oeil droit avec des mesures d'acuité visuelle de 1,6/10ème en vision de loin et P5 en vision de près. L'oeil droit présente également une microphtalmie(petite taille) sans impact sur le champ visuel. L'acuité visuelle à gauche est de 10/10 en vision de loin et P2 en vision de près. En ce qui concerne les prises en charges thérapeutiques ou rééducatives, [P] est suivi annuellement par un ophtalmologiste. Il est totalement autonome tant en matière de mobilité que dans la réalisation des actes de la vie quotidienne, sans difficulté aucune; il n'y a pas de retentissement sur la vie sociale.
M. [K] objecte cependant que le taux d'incapacité de son fils est supérieur à 50%.
Il verse aux débats un rapport d'expertise médicale établit par le Docteur [N] [Z], expert assermenté près la cour d'Appel de Montpellier qui après avoir examiné l'enfant a rédigé les conclusions suivantes:
'Au total, le diagnostic a déterminé un taux d'incapacité supérieur à 50% puisque [P] [K] présente des troubles importants entraînant une gène notable dans sa vie sociale, scolaire et surtout l'état n'est pas stabilisé et il y a des risques importants d'insertion professionnelle du fait du handicap visuel à la fois fonctionnel et esthétique de cet enfant.
'L'enfant [P] [K] a présenté une microphtalmie congénitale s'accompagnant de cataracte ayant justifié une chirurgie à deux reprises; il a été implanté par un cristallin artificiel de 30 dioptries et présente actuellement une amblyopie profonde avec myopie évolutive de cet oeil droit et impossibilité de corriger cette forte myopie par des lunettes ou des lentilles.
Il en résulte une perte fonctionnelle de l'oeil droit avec absence de vision binoclaire s'accompagnant d'un préjudice esthétique puisque [P] présente une énophtalmie, un ptosis et un spasme du frontal.
En se référant au guide barème, on estime que [P] [K] justifie d'une incapacité de forme importante avec un taux entre 50% et 75% du fait des problèmes visuels et esthétiques engendrés par son anomalie congénitale dont les conséquences sont encore évolutives et sources de mauvaise insertion scolaire ou professionnelle ultérieurement.'
Cette expertise, au cours de laquelle le docteur [Z] a soumis [P] [K] à de nombreux examens dont le contenu, très détaillé, est produit aux débats, établit que l'enfant présente une incapacité importante entraînant une entrave notable dans sa vie quotidienne et celle de sa famille, que cette incapacité doit être évaluée à un taux supérieur à 50% et que l'enfant a besoin d'accompagnement en raison de son handicap ainsi que de soins.
Il en résulte que la situation de l'enfant justifie qu'il bénéficie de l'AEEH, la décision sera infirmée en ce sens.
L'équité commande de rejeter l'article 700 du code d procédure civile.
La MDPH de l'Aude supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'AEEH pour l'enfant [P] [K].
Statuant à nouveau
- Dit que le taux d'invalidité de l'enfant [P] [K] est supérieur à 50%.
- Dit que l'enfant[P] [K] présente un taux d'incapacité supérieur à 50% et qu'il relève d'un dispositif adapté ou d'accompagnement ainsi que de soins .
-Accorde à [P] [K] à compter de la demande, le bénéfice de l'allocation d'éducation aux enfants handicapés pour une durée de 5 ans, sous réserve de remplir les conditions administratives d'attribution.
-Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-Dit que la MDPH de l'Aude supportera la charge des dépens .
LE GREFFIER LE PRESIDENT