Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 17 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05686 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PTML
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 OCTOBRE 2022
POLE SOCIAL DU TJ DE PERPIGNAN
N° RG21/00361
APPELANTS :
Monsieur [X] [V] père de [R] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me PETIOT avocat pour Me Caroline ANEGAS, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Madame [P] [C] épouse [V] mère de [R] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me PETIOT avocat pour Me Caroline ANEGAS, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES PYRENEES-ORIENTALES (MDPH)
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Dispensée d'audience
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MAI 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Magali VENET, Conseillère
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 16 février 2021, M. [X] [V] et Mme [P] [C], épouse [V], représentants légaux de leur fille [R] [V] née le 8 avril 2014, ont déposé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées des Pyrénées Orientales (MDPH) une demande pour l'attribution de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de son complément, de l'attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l'assurance vieillesse d'un parent au foyer(AVPF)et d'un parcours de scolarisation ainsi qu'une demande de transport.
Par décisions du 29 avril 2021, notifiées le 30 avril 2021, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a :
- attribué à l'enfant [R] [V] une allocation d'éducation de l'enfant handicapé avec un complément 2 de l'AEEH valable du 1er mars 2021 au 31 août 2024 ;
- rejeté la demande portant sur l'attribution de la prestation de compensation du handicap
- rejeté la demande portant sur l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse des parents au foyer ;
- attribué à l'enfant une orientation vers un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et une orientation vers une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) valables du 29 avril 2021 au 31 août 2024 ;
- attribué à l'enfant un bon de transport de 5 jours par semaine à hauteur de 1 aller-retour par jour.
Le 24 juin 2021, M. et Mme [V] ont formé un recours gracieux auprès du service conciliation/médiation de la MDPH 66 concernant les décisions de rejet susvisées ainsi que la décision d'attribution de l'AEEH avec un complément de deuxième catégorie et l'avis de transport.
En l'absence de réponse à leur recours, M. et Mme [V] ont saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Perpignan le 26 août 2021 pour contester les décisions rendues le 29 avril 2021.
Par décision du 18 novembre 2021 la CDAPH 66 a maintenu ses décisions de rejet précédentes et d'attribution de l'avis de transport mais a fait évoluer la décision concernant l'AEEH et son complément en attribuant un complément de troisième catégorie du 01/06/2021 au 31/05/2023 décisions notifiées le 24/11/2021.
Par jugement du 13 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Perpignan a :
- constaté que M. et Mme [V] peuvent prétendre au bénéfice du complément 3 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé de manière rétroactive à compter du 29 avril 2021.
- débouté les époux de leurs demandes relatives aux autres décisions du 29 avril 2021.
Par déclaration du 14 novembre 2022, M. et Mme [V] ont interjeté appel de la décision.
Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il rejette les demandes des époux [V] pour leur fille [R], sauf concernant le bénéfice du complément de 3ème catégorie et son application, et , statuant à nouveau:
- autoriser l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer, rétroactivement au 29 avril 2021 ;
- inclure dans la prise en charge pour [R] l'ergothérapie et la psychomotricité, tant il est évident, au regard des éléments médicaux fournis, que cette enfant a besoin d'un travail sur la motricité plus minutieuse, rétroactivement au 29 avril 2021
- attribuer un avis de transport favorable pour 2 aller-retour par jour, rétroactivement au 29 avril 2021 ;
En tout état de cause,
- condamner la MDPH des Pyrénées Orientales aux entiers dépens de l'instance.
LA MDPH de l'Aude demande à la cour de :
- Rejeter l'appel formé par M. Et Mme [V]
- Confirmer en tous points le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 13/10/2022.
En conséquence,
- Dire et juger que l'enfant [V] [R] ne peut bénéficier de la Prestation de Compensation du Handicap.
- Dire et juger que la CDAPH 66 n'est pas compétente en matière de demande d'AVPF pour les enfants de moins de 20 ans.
- Dire et juger que l'enfant [V] [R] ne peut bénéficier d'un avis de transport supérieur à un aller/retour par jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le complément d'AEEH catégorie 3:
La décision n'est pas critiquée en ce qu'elle a dit que M. Et Mme [V] peuvent prétendre au versement du complément de niveau 3 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé versée au titre de l'enfant [R] [V] à compter du 29 avril 2021, sous réserve de la réunion des conditions administratives et réglementaires, le terme de la mesure restant inchangée, de sorte que la décision est définitive sur ce point.
Sur la prestation de compensation du handicap:
Selon l'article D.245-4 du code de l'action sociale et des familles, a droit à la prestation de compensation, pour chacun des éléments prévus à l'article L.245-3, la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5 et dans les conditions précisées à ce référentiel. Les difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.
Pour bénéficie de la PCH, il faut être bénéficiaire de l'AEEH et ouvrir droit à un complément AEEH.
En l'espèce, [R] [V] est bénéficiaire de l'AEEH et de son complément. M. et Mme [V] soutiennent en outre que leur fille présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités alors que la MDPH fait valoir que cette dernière condition n'est pas remplie et qu'en conséquence sa situation ne lui ouvre pas droit à la PCH.
A l'appui de leur demande, les appelants produisent:
- Le courrier de Mme [W], kinésithérapeute, en date du 14 janvier 2021 qui mentionne suivre [R] à hauteur de deux séances de kinésithérapie hebdomadaires pour travailler sur les problèmes d'équilibre de coordination, de posture et renforcement musculaire. Les séances portent également sur la motricité fine, la prise en main et l'écriture....le courrier se termine ainsi: 'que l'on travaille la motricité globale ou fine, [R] se distrait facilement et a une faible capacité attentionnelle, il lui faut des consignes bien précises mais elle est toutefois bien volontaire et ne se plaint jamais.
- le courrier de M. [I] [K], orthoptiste en date du 13 octobre 2020 faisant suite au bilan réalisé le 05/10/2020 dont les conclusions sont les suivantes:
'Le bilan sensoriel montre une bonne acuité visuelle en vision de loin et de près. La vision stéréoscopique est bien présente. Le bilan moteur nous montre que [R] présente de bonnes capacités fusionnelles malgré la présence d'une exophorie-tropie en vision de loin. Cependant, son incoordination oculo-céphalique associée au manque d'endurance de ses mouvements oculo-moteurs, ne lui permet pas de se poser dans l'environnement avec aisance. Le bilan fonctionnel démontre une discrimination générale correcte pour son âge, sa discrimination de la taille et sa déduction visuelle restent cependant limitées, montrant que le patrimoine visuel de référence de [R] n'est pas encore bien installé. Elle présente une coordination oeil-main et une organisation du geste non maîtrisés, pouvant interférer dans la mise en place globale de sa motricité , avec notamment une motricité fine qui s'avère être très limitée . Son pouvoir séparateur fragile ne lui permet pas de déchiffrer correctement les éléments qu'elle doit analyser visuellement, ceci s'ajoutant à l'absence de stratégie d'exploration, les recherches visuelles sont alors très coûteuses en énergie pour [R], qui a beaucoup de mal à se repérer et à distinguer avec précision les différents éléments qu'elle doit analyser . Cela étant notamment induit par une organisation spatiale difficile. Nous mettons en place avec [R] une rééducation orthoptique...'
- le compte rendu de consultation du docteur [N] , dicté le 23 février 2022,en date du 03 mars 2022, mentionnant qu'[R] est suivi dans le cadre de séquelles anoxo-ischémiques périnatales, qu'elle fait essentiellement du travail en kinésithérapie, orthophonie et ergothérapie, qu'elle est scolarisée en CP en classe Ulis, et qu'il n'y a pas de préconisation à envisager sur l'appareillage.
- le compte rendu de consultation de neuropédiatrie réalisée par le Docteur [H], ORL en date du 05/04/2022 dont les conclusions sont les suivantes:
'[R] [V] présente des séquelles d'anxo-ischémie périnatale sur le plan moteur, mais également cognitif, avec un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, et un trouble du langage oral et un trouble d'acquisition des coordinations impactant le graphisme et les gestes de la vie quotidienne.'
- le compte rendu du Mme [J], ergothérapeute réalisé au mois de septembre 2023 qui mentionne: 'pour les soins personnels, [R] est encore dépendante de sa mère. Lors de la douche, elle est capable de se laver le corps, sa mère s'occupe de ses cheveux et de l'essuyage. Elle est capable de se laver les dents seule et d'ouvrir une bouteille de shampoing et de dévisser le bouchon de dentifrice...'....sa mère l'habille complètement , car elle ne parvient pas à le faire seule. [R] est capable de se déshabiller seule, elle a développé ses propres techniques. A noter qu'[R] ne sait pas faire ses lacets, ni enfiler ses boutons et elle présente quelques difficultés pour utiliser sa fermeture éclair. Pour les repas elle capable de manger seule.'
Les conclusions du rapport sont les suivants:
'[R] présente quelques difficultés occupationnelles dans le domaine des actes de la vie quotidienne. Dans le domaine scolaire, ses difficultés se portent principalement au niveau de son écriture et de la manipulation des outils scolaires'.
[R] présente des difficultés d'ordre visuelles(visuo-spatiale, visuo-perceptive et visuo-constructive) associées à des difficultés de motricité fine. L'organisation et la planification gestuelle semblent difficiles...
La prise en charge en ergothérapie a notamment pour objectif de permettre à [R] d'être autonome et indépendante dans l'utilisation des aides techniques mises à sa disposition : sa tablette et son clavier et de développer ses compétences pour les actes de la vie quotidienne posant problème, d'améliorer sa motricité fine , d'acquérir une posture et une ergonomie correctes'.
- le courrier de suivi de Mme [E], orthophoniste en date du 14 décembre 2023 mentionnant que 'pour ce qui est du langage oral, des progrès sont constatés tant au niveau de la compréhension qu'au niveau de l'expression. Au niveau du langage écrit, [R] fait preuve de volonté. Les pré-requis au langage écrit sont travaillés en parallèle des tâches d'écriture et de lecture...'
Il ressort de ces éléments qu'[R] [V] présente une paralysie séquellaire d'une anoxo-ischémie périnatale avec épilepsie se traduisant par un retard psycho-moteur, des troubles de l'attention, un retard de langage, un déficit spatio-temporel, des troubles de l'équilibre, de la coordination de la posture ainsi qu'un retard en motricité fine et de graphisme.
Elle bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire : un suivi orthophonique et orthoptique , de séances de kinésithérapie et d'ergothérapie.
Elle présente des difficultés en matière d'orientation spatio-temporelle et de motricité fine . Elle est autonome à la marche et aux déplacements en comparaison avec un enfant du même âge qui ne serait pas en situation de handicap.
Les actes en lien avec l'entretien personnel sont en cours d'apprentissage. Elle présente une difficulté modérée pour la toilette et l'habillage. En classe elle respecte les règles de vie et de fonctionnement. Les relations aux autres sont bonnes. C'est une enfant volontaire qui progresse à son rythme. A l'oral, elle s'exprime par des phrases simples mais compréhensives.
Au regard de ces éléments , c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les conditions d'éligibilité à la PCH n'étaient pas remplies dès lors qu'au vu des déficiences et des répercussions , en comparaison avec un enfant du même âge qui ne présenterait pas de handicap, [R] [V] ne présente pas deux difficultés graves ou une difficulté absolue pour les activités suivantes: mobilité, entretien personnel, communication, tâches et exigences générales et relation avec autrui. Son autonomie personnelle est modérément impactée.
La décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de PCH
Sur la demande d'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse:
L'article L 381-1du code de la sécurité sociale dispose qu'est affilié obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, sous certaines conditions, la personne qui a la charge d'un enfant handicapé dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur à 80%.
En l'espèce, le taux d'incapacité de l'enfant étant au moins égal à 80% les critères permettant l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse sont réunies.
En application de l'article D381-2-2 du code de la sécurité sociale l'affiliation de l'intéressé est faite à sa demande , sous certaines conditions , par l'organisme débiteurs des prestations familiales
En conséquence, il appartient à M. et Mme [V] de porter leur demande d'affiliation auprès de l'organisme débiteur des prestations familiale scompétent (CAF ou MSA...), de sorte que c'est à juste titre que la demande dirigée contre la CDAPH/MDPH a été rejetée par le premier juge, la décision sera confirmée sur ce point.
Sur le projet personnalisé de scolarisation:
En application de l'article D 351-5 du code de l'éducation, un projet personnalisé de scolarisation définit et coordonne les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers des élèves présentant un handicap.
En fonction des résultats de l'évaluation, il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant chaque fois que possible la formation en milieu scolaire ordinaire.
En l'espèce, les appelants indiquent 'il semble que ne soient plus pris en compte les besoins d'accès d'[R] à l'ergothérapie et la psychomotricité' et demandent d'inclure ces prises en charge dans le dispositif mis en place pour l'enfant, sans toutefois justifier que ces dispositifs ne sont pas déjà pris en compte ou qu'ils auraient fait l'objet d'un refus par la MDPH, de sorte que la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'une prise en charge autre que celle dont bénéficie l'enfant.
Sur le transport scolaire:
En application des dispositions de l'article R311-24 du code des transports, les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés qui fréquentent un établissement d'enseignement général , en application des articles L.442-5 et L.442-12 du code de l'éducation et qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun en raison de la gravité de leur handicap médicalement établie sont pris en charge par le département du domicile des intéressés.
En l'espèce, [R] bénéficie de la prise en charge d'un aller/retour par jour. Il ressort des éléments médicaux précédemment détaillés qu'elle est capable de s'alimenter seule, et les appelants ne produisent aucun élément en sens contraire. En conséquence, sa situation ne permet pas d'accorder plus d'un aller-retour par jour alors qu'elle ne présente pas de difficulté liée à la prise alimentaire qui aurait nécessité un retour à domicile sur le temps méridien en raison d'un empêchement à déjeuner, et que le besoin de pause avec retour à domicile n'est pas nécessaire au bon déroulement de la journée. Dès lors le retour à domicile sur le temps méridien n'est pas en lien avec le handicap de l'enfant et ne justifie pas l'octroi d'un aller-retour supplémentaire, la décisions sera confirmée sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
-Constate que la décision est définitive en ce qu'elle a dit que M. Et Mme [V] peuvent prétendre au versement du complément de niveau 3 de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé versée au titre de l'enfant [R] [V] à compter du 29 avril 2021, sous réserve de la réunion des conditions administratives et réglementaires, le terme de la mesure restant inchangée.
-Confirme en toutes ses dispositions critiquées le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Perpignan le 13 octobre 2022.
- Dit queles dépens seront laissés à la charge de M. [X] [V] et Mme [P] [C].
LE GREFFIER LE PRESIDENT