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17/07/2024 | FRANCE | N°22/02652

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 17 juillet 2024, 22/02652


Grosse + copie

délivrée le

à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre sociale



ARRET DU 17 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02652 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PNOI



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 AVRIL 2022

POLE SOCIAL DU TJ DE CARCASSONNE

N° RG19/00584







APPELANTE :



Madame [P] [V]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me BURTIN avocat pour Me F

rédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE









INTIMEE :



MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'AUDE (MDPH)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Non comparante


...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre sociale

ARRET DU 17 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02652 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PNOI

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 AVRIL 2022

POLE SOCIAL DU TJ DE CARCASSONNE

N° RG19/00584

APPELANTE :

Madame [P] [V]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me BURTIN avocat pour Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'AUDE (MDPH)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Non comparante

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MAI 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Magali VENET, Conseillère

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- réputé contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 février 2019, Mme [P] [V] a sollicité l'attribution d'une prestation de compensation du handicap auprès de la MDPH de l'Aude.

Le 27 mai 2019, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Aude lui a attribué 183 heures d'aide humaine.(CDAPH)

Le 22 juillet 2019 Mme [V] a formé un recours administratif préalable obligatoire afin de contester cette décision et obtenir davantage d'aide humaine.

Le 16 septembre 2019, la CDAPH a maintenu sa décision.

Le 12 novembre 2019, Mme [P] [V] a saisi le tribunal de grande instance de Carcassonne afin de contester cette décision.

Par jugement du 19 avril 2022 notifié le 05 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 18 mai 2022, Mme [V] a interjeté appel de la décision.

Elle demande à la cour de :

- réformer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne du 19 avril 2022 en ce qu'il a :

fixé le temps d'aide humaine nécessaire au regard du handicap de Mme [V] à 6 heures et 5 minutes par jour soit 183 heures par mois ;

débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau,

- fixer la prestation de compensation du handicap à un minimum de 366 heures par mois, soit 12 heures par jour,

- condamner la MDPH de l'Aude à verser à Mme [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

En réplique, la MDPH de l'Aude demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne le 19 avril 2022 ;

- confirmer les décisions rendues par la CDAPH de l'Aude les 27 mai et 16 septembre 2019 ;

- rejeter l'appel interjeté par Mme [V] le 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.245-1 du code de l'action sociale et des familles mentionne que doit être accordée à toute personne handicapée, sous certaines conditions, une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.

L'article L.245-3 précise que la prestation de compensation peut être affectée dans les conditions définies par décret, notamment à des charges liées à un besoin d'aide humaine, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux.

L'article L.245-4 ajoute que l'élément relevant du besoin d'aide humaine est accordée notamment à toute personne handicapée lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière.

Concernant les critères du handicap, l'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles fixe le référentiel pour l'accès à la prestation de compensation , et notamment la liste des activités à prendre en compte, la détermination du niveau des difficultés, et les besoins identifiables ainsi que leur quantification.

Pour son application, l'article D.245-4 du code de l'action sociale et des familles précise: 'A le droit ou ouvre droit à la prestation de compensation, dans les conditions prévues au présent chapitre pour chacun des éléments prévus à l'article L.245-3 la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies figurant à l'annexe 2-5et dans les conditions prévues à ce référentiel. Les difficultés dans la réalisation de cette ou de ces activités doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.

L'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit la possibilité d'attribuer une aide humaine dans le cadre de la prestation du handicap pour quatre motifs différents:

- les actes essentiels de l'existence

- la surveillance régulière

- les frais supplémentaires liés à l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective

- l'exercice de la parentalité.

La surveillance régulière évoquée à cette annexe s'entend de la surveillance d'une personne handicapée pour éviter qu'elle ne s'expose à un danger menaçant son intégrité ou sa sécurité, étant précisé que ce besoin de surveillance doit concerner:

- soit les personnes qui s'exposent à un danger du fait d'une altération substantielle durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions mentales, cognitives ou psychiques pour lesquelles un temps plafond est fixé à 3h par jour.

- soit les personnes qui nécessitent à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d'aide pour les gestes de la vie quotidienne pour lesquelles le temps plafond est fixé à 24h par jour.

En l'espèce, Mme [P] [V] souffre d'un handicap moteur et d'une déficience des fonctions cognitives d'origine néonatale. Elle est également atteinte d'une dyskinésie majeure entraînant des mouvements anormaux qui empêche son autonomie dans les actes essentiels de la vie quotidienne.

Au regard des dispositions de l'Annexe 2-4 du CASF, elle justifie d'un taux d'incapacité de 80% à 95%.

Au titre de la prestation de compensation du handicap, la MDPH lui a accordé une quotité horaire complète d'aide humaine, soit le maximum légal de 183 heures par mois pour les actes essentiels de la vie quotidienne. En revanche, concernant la surveillance régulière, elle a estimé que Mme [V] ne justifiait pas d'un besoin de présence constante ou quasi-constante à ses cotés.

Mme [V] conteste le quantum d'aide humaine qui lui a été accordé et sollicite qu'il soit fixé à 12h00 par jour, soit 366 h par mois, faisant valoir qu'elle s'expose à un danger en raison de l'altération d'une ou plusieurs fonctions mentales, cognitive ou psychiques dans la mesure où elle a effectué plusieurs tentatives de suicide et qu'elle ne peut se déplacer sans sa mère sauf à risquer une chute de tous les instants.

Elle ajoute avoir besoin d'une aide totale pour la plupart des actes essentiels ainsi qu'une présence constante ou quasi constante en raison d'un besoin de soin ou d'aide pour les gestes de la vie quotidienne, notamment pour l'élimination (aide totale pour la selle) , et lors de chaque période de menstruation . Elle précise en outre souffrir de vomissements de manière régulière en raison de ses lourds traitement médicamenteux au cours desquels la présence constante d'un aidant est indispensable.

Elle produit:

- Le certificat médical joint à son formulaire de demande auprès de la MDPH en date du 25 octobre 2018 mentionnant que son périmètre de marche est réduit à quelques mètres, que l'écriture est impossible, qu'elle rencontre des difficultés sévères d'expression et qu'elle a connu un épisode dépressif sévère avec tentative de suicide en mai 2018 traité par anti-dépresseur avec une surveillance parentale accrue . Ce certificat médical précise qu'en terme de sécurité, d'entretien personnel et de vie quotidienne sa dépendance est totale et qu'elle ne peut rien effectuer sans ses parents.

- un compte rendu de consultation du 18 avril 2019 mentionnant qu'elle présente une infirmité motrice sans troubles cognitifs associés ainsi qu'une souffrance morale. A l'examen, le médecin retrouve : ' une composante qui semble surtout dystonique au niveau du tronc, des mains, des jambes et du visage. Il y a une dysmétrie de la tête, une instabilité du tronc, dysmétrie et une incoordination des membres supérieurs et inférieurs d'origine plutôt cérébreuse et un hallux striatal et une dystonie plutôt mobile. Il y a une hypersalivation.'

- Un compte rendu d'hospitalisation du 17 octobre 2019 mentionnant qu'elle présente un syndrome dystono-dyskinétique dans un contexte d'encéphalopathie anoxique périnatale.

- un compte rendu de bilan orthophonique réalisé en novembre 2019 mentionnant qu'elle montre de bonnes capacités en maîtrise de la langue mais qu'elle a sans doute perdu une partie de ses acquis depuis l'arrêt de ses études, son niveau correspondant à celui d'un milieu de collège.

- Un compte rendu de consultation du 6 mai 2020 mentionnant qu'elle présente des lésions en hypersignal de la partie postérieure du putamen d'une façon bilatérale dans la séquence T2 ...une discrète lésion en hypersignal au niveau médio-thalamique , une discrète atrophie du lobe antérieur du vermis cérébelleux.

- Un compte rendu d'hospitalisation du 22 octobre 2020 mentionnant qu'est retenu une indication de chirurgie d'implantation de stimulation cérébrale profonde bilpllidale qui a été réalisée le 14/10/2020.

- Un compte rendu de consultation du 2 décembre 2020 mentionnant que suie à cette opération est noté une amélioration concernant le bavage ainsi qu'au niveau de l'articularité , sans modification franche au niveau de la mobilité et mouvements athétosiques des quatre membres.

- Un certificat médical du Docteur [W] du 17 mai 2022 indiquant que son état de santé nécessite a présence d'un aidant jour et nuit de façon permanente et constante.

Lors de l'instance devant le premier juge, le tribunal a ordonné la mise en oeuvre d'une consultation médicale confiée au Docteur [X] qui a donné lieu à un rapport oral ainsi retranscrit dans le jugement:

'Le Docteur [X], médecin consultant à l'audience a relevé que Mme [P] [V] bénéficie d'un accompagnement permanent de sa mère, laquelle a cessé de travailler, et souligne qu'en son absence , un accompagnement de 6 heures par jour par un tiers serait largement insuffisant.

Le médecin rapporte que la requérante a besoin d'aide pour sa toilette et pour l'habillage, ainsi que pour ses repas, en ce qu'elle ne peut réaliser aucun geste fin. Elle peut marcher, mais chute régulièrement, de sorte qu'est envisagé un fauteuil pour les déplacements à l'extérieur. Au regard de ses problèmes d'élocution, c'est sa mère qui assure la gestion des suivis médicaux et des démarches administratives.'

- les notifications de la MDPH de l'Aude en date du 04 mars 2024 de l'attribution d'AAH pour la période du 01/03/2024 au 28/02/2029, de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

- la notification de la MDPH de l'Aude en date du 04 mars 2024 relative à l'attribution de l'aide humaine dans le cadre de la prestation du handicap à hauteur de 273,45h par mois, à partir du 01/12/2023 et sans limitation de durée. ainsi que la notification d'un aidant familial et la notification d'une orientation vers un service d'accompagnement à la vie sociale.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments et constatations médicales que le handicap présenté par Mme [P] [V] nécessite qu'elle bénéficie, d'une aide humaine pour les actes de la vie quotidienne, mais également d'une aide humaine en raison de la surveillance régulière dont elle a besoin pour éviter qu'elle ne s'expose à un danger menaçant son intégrité ou sa sécurité, dans la mesure ou il est établi qu'elle nécessite à la fois une aide totale pour la plupart des actes essentiels(et une présence constante ou quasi constante due à un besoin de soins ou d'aide pour les gestes de la vie quotidienne .

Il ressort en effet de la procédure qu'elle ne peut se déplacer seule sans risque de chute, qu'elle présente des troubles médicaux constants tel que l'hypersalivation, des difficultés à la déglutition, des constipations chroniques, ainsi que des épisodes dépressifs sévères en raison desquels elle bénéficie 'une surveillance accrue de ses parents

Le quantum de cette aide humaine doit en conséquence être évalué à un total de 273,45 heures par mois, la décision sera infirmée en ce sens.

L'équité commande de rejeter la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Carcassonne le 19 avril 2022 en ce qu'il a fixé le temps d'aide humaine nécessaire au regard du handicap présenté par Mme [P] [V] à six heures cinq minutes par jour, soit 183heures par mois .

Statuant à nouveau:,

- Fixe le temps d'aide humaine nécessaire au regard du handicap de Mme [P] [V] à 9h par jour, soit 273,45 heures par mois à compter de la date de sa demande , soit le 8 février 2019.

Y ajoutant,

- Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que les dépens de la procédure seront supportés par la MDPH de l'Aude.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02652
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-17;22.02652 ?
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