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16/07/2024 | FRANCE | N°24/00494

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 16 juillet 2024, 24/00494


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00494 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJ6C



O R D O N N A N C E N° 2024 - 505

du 16 Juillet 2024

SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [D] [U]

né le 20 Mars 1992 à [Localité 4] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne



retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitenti

aire,



Comparant par visio conférence à la demande de Monsieur le préfet de l'Hérault et assisté de Maître François QUINTARD, avocat choisi



Ap...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00494 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJ6C

O R D O N N A N C E N° 2024 - 505

du 16 Juillet 2024

SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [D] [U]

né le 20 Mars 1992 à [Localité 4] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant par visio conférence à la demande de Monsieur le préfet de l'Hérault et assisté de Maître François QUINTARD, avocat choisi

Appelant,

et en présence de [V] [E], interprète assermenté en langue arabe,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT

[Adresse 3]

[Localité 1]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC

Non représenté

Nous, Magali VENET conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'arrêté du 14 juin 2024 de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT qui a fait obligation à Monsieur [D] [U] de quitter le territoire français avec interdiction de retour de 2 ans et a ordonné sa rétention administrative pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Vu l'ordonnance du 15 juin 2024 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,

Vu la saisine de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT en date du 13 juillet 2024 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,

Vu l'ordonnance du 13 juillet 2024 à 16 h 05 notifiée le même jour à la même heure du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,

Vu la déclaration d'appel faite le 15 Juillet 2024, par Maître François QUINTARD, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [D] [U], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 14 h 34,

Vu les courriels adressés le 15 Juillet 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 16 Juillet 2024 à 10 H 00,

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, par visio conférence entre les salles d'audinece de la cour d'appel de Montpellier et de Perpignan, les portes des salles étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10 h 29.

PRETENTIONS DES PARTIES

Assisté de [V] [E], interprète, Monsieur [D] [U] déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [D] [U], je suis né le 20 Mars 1992 à [Localité 4] (TUNISIE).'

L'avocat, Me François QUINTARD développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Pas de nullité.

- irrecevabilité de la requête pour absence de justificatif de communication des pièces utiles (registre du CRA). Absence du nom du signataire du registre, absence de la mention du jugement du tribunal administratif et absence d'observations sur les diligences consulaires (présentation devant le consulat). Le registre doit être présent à l'accueil du CRA et à disposition de tous les intervenants (juge, associations, médecin, personnel du CRA). Le décrêt du 06/03/2018 liste les informations qui doivent être présentes sur ce registre. Sur le registre du CRA, il manque la case concernant les diligences consulaires, elle n'existe pas. Monsieur est passé devant le tribunal administratif il y a 28 jours, il a un mois pour faire appel. Si demain il change d'avocat, l'association Forum réfugiés doit pouvoir consulter le registre pour vérifier ses délais d'appel.

- violation des droits aux soins, d'accès au dossier et de respect de la dignité. Monsieur n'a pas pu bénéficier de soins corrects au CRA. La santé des retenus doit être prioritaire sur les considérations sécuritaires. Monsieur n'est pas un délinquant, il n'a jamais été condamné. Monsieur a eu une rage de dents, on lui a donné des anti-douleurs et devait rencontrer le dentiste qui n'est pas venu au CRA. J'ai adressé un mail, je n'ai eu aucune réponse. Monsieur a revu quelqu'un, il a eu des calmants et des antibiotiques mais n'a pas été examiné. J'ai demandé le dossier médical mais n'ai pas eu de réponse. Samedi dernier, à l'audience, le magistrat a pu constater qu'il avait la joue enflée et des champignons dans la bouche. En 15 jours, son état s'est aggravé. Il semblerait que ce soit les antibiotiques qui lui ont administrés qui aient causé l'apparition des champignons. Ces antibiotiques auraient été prescrits par l'infirmière.

Assisté de [V] [E], interprète, Monsieur [D] [U] indique : 'j'ai une infection dentaire depuis 35 jours. Je voudrais qu'on me l'arrache mais ça n'a pas été fait. Je suis allé voir l'infirmière qui ma donné des antalgiques qui n'ont pas fait effet. Actuellement, j'ai des champignons sur la langue. Les infirmières ont arrêté le traitement et maintenant, elles me donnent de l'opium pour me calmer. J'ai vu le médecin hier, il m'a seulement donné des anti-douleurs. Je n'ai pas vu de dentiste. J'ai un document dans ma cellule.'

L'avocat, Me François QUINTARD indique : j'ai demandé son dossier médical. L'infirmière m'a dit que je pouvais venir lundi matin et que j'aurais accès son dossier. Monsieur s'est présenté lundi matin mais le médecin a refusé de m'adresser son dossier médical. J'ai adressé une demande à la direction du CRA, le dossier va m'être transmis. Le médecin de l'OFII n'est pas saisi.

- absence de diligences consulaires. Monsieur est tunisien. Un courriel a été adressé le 14/06 à 14 h 46 alors que Monsieur nétait pas encore au CRA, comportant la copie de sa CNI, son audition et les mesures administratives mais parmi les pièces jointes, contrairement à ce qui est indiqué dans le courriel, ne se trouvent ni ses empreintes, ni sa photo. D'ailleurs, un autre mail de 14 h 44 indique que le préfet a demandé au CRA de lui adresser la photo et les empreintes de Monsieur ; elles ne peuvent donc pas avoir été adressées au consulat de Tunisie, comme annoncé dans le mail, puisque Monsieur ne se trouvait pas encore au CRA.

Assisté de [V] [E], interprète, Monsieur [D] [U] a eu la parole en dernier et indiqué : 'je ne suis pas allé au consulat de Tunisie. J'ai vu une femme qui m'a parlé 10 minutes, elle m'a demandé ma nationalité.

Au CRA, on est 80 personnes pour les toilettes, pour la douche, les portes se ferment. J'ai pris 80 pilules pour mes dents, j'ai des champignons. Avant d'être au CRA, je devais aller chez le dentiste à [Localité 2], au centre Santé Plus. Il devait me nettoyer, me soigner, j'aurais payé avec mes propres sous. Maintenant, j'ai trop mal, j'arrive plus à manger, à dormir, j'en ai marre.'

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 2] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel

Le 15 Juillet 2024, à 14 h 34, Maître François QUINTARD, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [D] [U] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 13 Juillet 2024 notifiée à 16 h 05, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l'appel

M. [U] fait état d'une violation de ses droits concernant l'accès aux soins et à son dossier médical dans le centre de rétention administratif.

Son conseil justifie avoir adressé un premier mail au CRA de [Localité 2] concernant le problème dentaire dont souffrait son client depuis 5 jours, ce dernier n'ayant pas pu voir un dentiste au centre de rétention la veille tel que cela était prévu.

Par un nouveau mail du 11 juillet 2024 le conseil de l'intéressé mentionne que si ce dernier a pu voir un dentiste le 5 juillet, seuls des médicaments lui ont été prescrits sans que des soins ne lui soient prodigués. Il sollicite la communication du dossier médical de son client et notamment, les éléments relatifs à ses soins dentaires.

Aucune réponse n'a été apportée par l'administration à ses diverses demandes.

A l'audience, M. [U] fait état de la persistance de son infection dentaire qui lui cause de violentes douleurs. Il produit aux débats des prescriptions médicales faisant état d'un traitement à base d'anti-inflammatoires (solupred), de traitement d'infection de la bouche (paroex) et d'antalgique (Izalgi) justifiant du sérieux de sa pathologie dentaire et des douleurs qu'elle peut lui procurer.

Par ailleurs, aucune réponse n'a été apportée à sa demande d'accès à son dossier médical.

Il justifie ainsi ne pas bénéfiicer de la prise en charge sanitaire dont il a besoin et subir un préjudice important de nature à entrainer une dégradation de son état de santé.

La violation de ses droits concernant l'accès aux soins et à son dossier médical est ainsi caractérisée, de même que la violation du droit à la dignité dès lors que sa souffrance physique n'est pas raisonnablement prise en compte.

Il convient en conséquence de faire droit au moyen de nullité invoqué.

La décision sera infirmée et l'intéressé sera remis en liberté.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Accueillons le moyen de nullité,

Infirmons la décision déférée,

Et statuant à nouveau,

Ordonnons la remise en liberté de Monsieur [D] [U],

Lui rappelons qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 16 Juillet 2024 à 17 h 08.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00494
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;24.00494 ?
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