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10/07/2024 | FRANCE | N°22/02114

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 10 juillet 2024, 22/02114


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 10 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/02114 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMNH



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 avri

l 2022

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER - N° RG 19/06232





APPELANTE :



S.A.S. Maserati West Europe - société par actions simplifiées à associé unique immatriculée sous le n°487 526 931 au R.C.S. de Versailles, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/02114 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMNH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 avril 2022

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER - N° RG 19/06232

APPELANTE :

S.A.S. Maserati West Europe - société par actions simplifiées à associé unique immatriculée sous le n°487 526 931 au R.C.S. de Versailles, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Elodie MOLLIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [U] [B]

né le 09 Janvier 1963 à [Localité 8] (PORTUGAL)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Ludivine JOSEPH de la SELARL CABINET LUDIVINE JOSEPH AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Perrine LAFONT de la SELARL COUDURIER CHAMSKI LAFONT RAMACKERS, avocat au barreau de NÎMES, avocat plaidant

S.A.S. Diamant Automobiles représenté par son représentant légal en exercice

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélia PUECH DAUMAS substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 21 octobre 2016, M. [U] [B] a acquis auprès de la SAS Diamant Automobiles, garage automobile concessionnaire de la marque Maserati, un véhicule neuf de la marque, modèle Ghibli immatriculé EG882DL, pour un prix de 80 713 €.

Le 26 février 2018, M. [B] a confié ce véhicule à la SAS Diamant Automobiles aux fins de révision des 20 000 kilomètres.

Le 10 mars 2018, en conduisant sur autoroute, son véhicule a produit un bruit moteur suspect et anormal, l'obligeant à s'arrêter en urgence.

Le véhicule a alors été pris en charge par la SAS Diamant Automobiles qui a constaté que le bas moteur avait subi des dommages importants nécessitant le remplacement du moteur pour un montant de 33 643,24 €.

Une expertise judiciaire a été ordonnée le 28 juin 2018 par le juge des référés, à la demande de M. [U] [B].

Par ordonnance du 8 novembre 2018, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la SASU Maserati West Europe et à la SAS Motortech [Localité 7], programmateur intervenu sur le véhicule quelques jours avant la panne.

Le 10 juillet 2019, l'expert judiciaire M. [W] [E] a déposé son rapport.

C'est dans ce contexte que par acte du 22 novembre 2019, M. [B] a assigné la SAS Diamant Automobiles aux fins de résolution de la vente du véhicule sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par acte du 27 septembre 2019, la SAS Diamant Automobiles a assigné la SASU Maserati West Europe en garantie.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- Ordonné la résolution de la vente du véhicule Maserati Ghibli immatriculé EG882DL conclue le 21 octobre 2016 entre la SAS Diamant Automobiles et M. [B] ;

- Condamné la SAS Diamant Automobiles à payer à M. [B] la somme de 80 713 € au titre de la restitution du prix de vente ;

- Ordonné la restitution du véhicule Maserati Ghibli immatriculé EG882DL à la SAS Diamant Automobiles ;

- Condamné la SAS Diamant Automobiles à payer à M. [B] la somme de 45 524,99 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamné la SAS Diamant Automobiles à payer à M. [B] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SASU Maserati West Europe à relever et garantir indemne de toutes les condamnations du jugement la SAS Diamant Automobiles, sous déduction du prix de prix de reprise ou revente du véhicule Maserati Ghilbi immatriculé EG882DL ;

- Condamné la SASU Maserati West Europe à payer à la SAS Diamant Automobiles la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SASU Maserati West Europe aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 20 avril 2022, la SASU Maserati West Europe a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 18 janvier 2024, la SASU Maserati West Europe demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, des articles 16, 564 et 565 du code de procédure civile, de l'article R321-16 du code de la route, de l'arrêté ministériel du 19 juillet 1954, de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Juger que la SASU Maserati West Europe n'est pas le constructeur, ni l'importateur du véhicule litigieux, et qu'elle n'a pas participé à la chaîne contractuelle;

Juger que la SASU Maserati West Europe n'entretient aucun lien juridique avec la SAS Diamant Automobiles ;

Juger que la SASU Maserati West Europe n'est pas débitrice de la garantie constructeur ;

Mettre hors de cause la SASU Maserati West Europe;

A titre subsidiaire,

Juger que la reprogrammation du calculateur moteur constitue une transformation non autorisée du véhicule litigieux, justifiant un refus de couverture ;

Juger que la preuve de l'existence d'un vice caché n'est pas rapportée ;

Juger que les demandes indemnitaires formulées par M. [B] ne sont pas justifiées ;

Juger irrecevable la prétention nouvelle portant sur la résolution de la vente formulée par la SAS Diamant Automobiles ;

Débouter la SAS Diamant Automobiles de sa demande de résolution de la vente survenue entre elle et la SASU Maserati ;

Juger que la SAS Diamant Automobiles n'est pas en droit de réclamer une indemnisation auprès de la SASU Maserati West Europe pour de prétendus préjudices consécutifs à la résolution de la vente, notamment un préjudice financier et un préjudice d'atteinte à l'image ;

Juger que la SASU Maserati West Europe n'est pas redevable du prix puisque la résolution de la vente entre la SAS Diamant Automobiles et la SASU Maserati West Europe n'a pas été sollicitée en première instance et qu'elle ne peut, en tout état de cause, intervenir ;

Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SASU Maserati West Europe ;

Débouter la SAS Diamant Automobiles de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SASU Maserati West Europe ;

Condamner tout succombant à payer à la SASU Maserati West Europe une indemnité de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens, qui comprendront les dépens de la procédure de référé, les frais d'expertise, les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 14 mars 2024, la SAS Diamant Automobiles demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal,

Débouter la demande formulée par M. [B] de résolution de la vente,

Réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre la SAS Diamant Automobiles et M. [B] ;

Juger que l'origine de la panne provient d'un vice caché constructif inhérent au moteur ;

Juger que le défaut affectant le moteur est imputable au constructeur Maserati ;

Juger que le garage Diamant Automobiles n'a commis, tant en sa qualité de vendeur que de garagiste ayant réalisé la révision du véhicule, aucun manquement ;

Juger que l'intervention du garage Diamant Automobiles est sans lien avec le préjudice ;

Juger que la réparation du véhicule est techniquement possible ;

A titre subsidiaire,

Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Diamant Automobiles à indemniser M. [B] ;

Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires pour être injustifiées ;

A titre très subsidiaire, si le jugement querellé venait à être confirmé,

Juger la demande de résolution de la vente recevable et bien fondée ;

Juger que l'origine de la panne provient d'un vice caché constructif inhérent au moteur ;

Juger que le défaut affectant le moteur est imputable au constructeur Maserati ;

Ordonner la résolution de la vente intervenue entre la SASU Maserati et la SAS Diamant Automobiles ;

Condamner la SASU Maserati à verser à la SAS Diamant Automobiles la somme de 60 808,68 € TTC correspondant au prix d'achat du véhicule ;

Condamner la SASU Maserati à verser à la SAS Diamant Automobiles la somme de 70 938 € TTC au titre des frais de gardiennage supporté par le garage depuis 5 ans ;

Débouter la SASU Maserati de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de résolution de la vente ;

A titre plus encore subsidiaire,

Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la SASU Maserati West Europe de sa demande de mise hors de cause ;

Juger que l'origine de la panne provient d'un vice caché constructif inhérent au moteur ;

Juger que le défaut affectant le moteur est imputable au constructeur Maserati ;

Condamner la SASU Maserati West Europe à relever et garantir indemne de toutes condamnations le garage Diamant Automobiles ;

A titre infiniment subsidiaire,

Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SASU Maserati à relever et garantir indemne de toutes condamnations la SAS Diamant Automobiles ;

Condamner la SASU Maserati West Europe à lui verser la somme de 19 904,32 € TTC au titre de son préjudice de perte de bénéfice ;

Condamner la société Maserati à lui verser la somme de 10000 € en indemnisation du préjudice d'atteinte à l'image du garage et de son préjudice moral ;

Condamner la SASU Maserati à lui payer la somme de 2500€ consignée au titre des frais d'expertise suivant ordonnance de taxe du 29 août 2019 ;

Condamner la SASU Maserati à lui verser la somme de 70938 € TTC au titre des frais de gardiennage supportés par le garage depuis 5 ans ;

Débouter la SASU Maserati de sa demande tendant à voir rejeter les prétentions indemnitaires de la SAS Diamant Automobiles ;

En tout état de cause, débouter M. [B] de sa demande formulée au titre de l'exécution provisoire ;

Condamner la SASU Maserati West Europe aux dépens en ce compris les frais d'expertise et à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 29 avril 2024, M. [B] demande à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, de :

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris ;

Confirmer la résolution de la vente intervenue le 21 octobre 2016 avec toutes conséquences de droit par application de l'article 1644 du code civil ;

Confirmer la « condamnation solidaire » de la SAS Diamant Automobiles et de la SASU Maserati West Europe à lui payer la somme de 80 713 € TTC correspondant au prix d'achat du véhicule « à charge pour elle d'exercer son recours récursoire contre le constructeur » ;

Confirmer la restitution du véhicule immatriculé EG882DL au vendeur la SAS Diamant Automobiles lequel se trouve dans ses ateliers depuis le 3 mars 2018 ;

Confirmer la condamnation solidaire de la SAS Diamant Automobiles Maserati et Maserati West Europe à payer à M. [B] les sommes correspondant aux dommages et intérêts en raison des préjudices subis :

2 659,61 € au titre de la révision réglée le 5 mars 2018,

3 345,38 € au titre des intérêts et frais bancaires,

320 € au titre de la taxe annuelle sur les véhicules polluants, 2018 et 2019,

39 200 € au titre de son préjudice de jouissance personnel arrêté à la date du jugement et à parfaire au jour de la décision à venir ;

Juger l'appel incident recevable et réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de M. [B] portant sur sa perte d'exploitation et condamner solidairement la SAS Diamant Automobiles et Maserati West Europe à lui payer la somme complémentaire de 32500 € au titre de sa perte d'exploitation arrêtée au jour du jugement, à parfaire au jour de la décision d'appel ;

A titre subsidiaire,

Condamner solidairement la SAS Diamant Automobiles et la SASU Maserati West Europe à effectuer les travaux préconisés par l'expert judiciaire sur le véhicule immatriculé EG882DL, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, par application de la garantie légale et contractuelle, et / ou de l'article L.217-9 du code de la consommation, les articles 1217 et 1221 du code civil, et L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamner solidairement la SAS Diamant Automobiles et la SASU Maserati West Europe à lui payer les sommes correspondant aux dommages et intérêts en raison des préjudices subis :

2 659,61 € au titre de la révision réglée le 5 mars 2018,

3 345,38 € au titre des intérêts et frais bancaires,

320 € au titre de la taxe annuelle sur les véhicules polluants, 2018 et 2019,

39 200 € au titre de son préjudice de jouissance personnel arrêté à la date du jugement et à parfaire au jour de la décision à venir ;

En tout état de cause,

Confirmer la condamnation de la SAS Diamant Automobiles et de la SASU Maserati West Europe à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance,

Condamner solidairement la SAS Diamant Automobiles et la SASU Maserati West Europe aux dépens au regard de la procédure d'appel initiée par la SASU et à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 30 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la demande portant sur la résolution de la vente de la SAS Diamant Automobiles dirigée à l'encontre de la SASU Maserati West Europe

Selon l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Mais les articles 565 et 566 du même code précisent que : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » et « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Ont ainsi été jugées irrecevables :

la demande de résolution qui vise à mettre à néant le contrat en ce qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'exécution sous astreinte qui le laisse subsister (Cass. 2e civ., 8 sept. 2011, n°09-13.086) ;

la demande en résiliation, qui a pour effet de mettre à néant le contrat, en ce qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande tendant à l'application de clauses de ce contrat qui le laisse subsister (Cass. 3e civ., 20 janv. 2010, n°09-65.272).

En l'espèce, devant les premiers juges, la seule prétention formée par la SAS Diamant Automobiles à l'encontre de la société Maserati West Europe tendait à sa condamnation à la « relever et garantir » de toutes condamnations prononcées à son encontre, sans que la résolution du contrat ni le remboursement du prix de vente n'aient jamais été invoqués.

La demande formulée pour la première fois en cause d'appel par la SAS Diamant Automobiles de « résolution de la vente » intervenue entre elle et la société Maserati West Europe ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, pour la raison suivante :

La demande en résolution de la vente vise à mettre à néant le contrat entre les parties avec, pour conséquence, une condamnation à des restitutions réciproques (restitution du prix et de la chose) ;

Alors que la demande en garantie laisse subsister le contrat entre les parties, ne visant qu'à faire prendre en charge par l'intimé les condamnations prononcées au profit d'un tiers à la relation initiale.

La demande portant sur la résolution de la vente formulée par la SAS Diamant Automobiles à l'encontre de la SASU Maserati West Europe sera donc déclarée irrecevable comme nouvelle en appel.

Sur la responsabilité de la SASU Maserati West Europe

L'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il est jugé de manière constante que celui qui néglige d'aviser les tiers qu'il n'est qu'un mandataire est personnellement obligé envers eux (Civ. 8 mai 1872, DP 1872. 1.348 ; Civ. 1, 17 novembre 1993, n° 91-16733, Bull. I, n° 329).

La solution a également été appliquée en matière de responsabilité du fait des vices cachés en matière de vente (Com., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-22.903 ; Civ., 1 , 18 décembre 2014 n°13-23.868).

En l'espèce, deux contrats de ventes sont produits au débat:

Le premier, du 3 octobre 2016, entre la société de droit italien Maserati Spa et la SAS Diamant Automobiles pour un prix de 60 808,68 euros ;

Le second, du 21 octobre 2016, entre la SAS Diamant Automobiles et M.[B] pour un montant de 80 713 euros.

Sur la base de ces contrats, la société Maserati West Europe sollicite d'être mise hors de cause dès lors que, selon elle, elle « n'a jamais participé, de quelque manière que ce soit, à la chaîne contractuelle des ventes successives intervenues entre le constructeur italien et le client final ».

Toutefois, la cour ne peut que constater que la société Maserati West Europe n'explique pas à quel titre elle est intervenue dans le présent litige.

La SAS Diamant Automobiles produit des courriels de salariés de la société Maserati West Europe qui, dès le début du litige, au lieu de renvoyer vers le constructeur italien, répondent sur le fond qu'ils refusent de prendre en garantie le remplacement du moteur car, selon eux, le boîtier moteur a été ouvert pour être modifié (pièce 5, courriel du 23 mars 2018).

Une telle position ne pouvait que faire croire à la SAS Diamant Automobiles qu'elle s'adressait au véritable vendeur ou à son représentant français.

En outre, la société Maserati West Europe ne s'est pas explicitement opposée à l'appel en cause formulé à son encontre au stade du référé expertise, se contentant de formuler des « protestations et réserves d'usage » (ordonnance de référé du 8 novembre 2018, pièce 8).

Pour échapper à sa mise en cause, la société Maserati West Europe produit deux dires des 10 avril et 23 mai 2019 qu'elle a adressés à l'expert judiciaire censés, selon elle, démontrer la clarté de sa position et dont un paragraphe est rédigé comme suit : « Les opérations d'expertise ont été provisoirement suspendues pour que, suivant cet avis, la société Motortech [Localité 7] soit attraite à la cause, avec la société Maserati West Europe qui toutefois ne représente pas en France le constructeur italien et qui, à aucun moment, n'a été dans une dépendance contractuelle » (pièces n°4 et 5).

A la lecture de cette phrase, la cour constate son caractère sibyllin, puisqu'elle peut se comprendre comme le rappel de l'absence de lien contractuel direct avec M. [B].

Il est donc démontré que la société Maserati West Europe a négligé d'avertir la SAS Diamant Automobiles qu'elle n'avait aucun titre pour intervenir dans ce litige. Cette première société doit donc être personnellement obligée envers la seconde, conformément aux jurisprudences précitées.

Autrement dit, la responsabilité de la SASU Maserati West Europe est engagée sur le terrain contractuel dans la mesure où elle est intervenue comme mandataire apparent de la société de droit italien Maserati Spa.

Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause.

Le jugement sera confirmé.

Sur la garantie des vices cachés

En vertu de l'article 1641 du code civil précité, trois conditions sont nécessaires au succès de l'action en garantie des vices cachés : l'antériorité du vice à la vente ; un vice non apparent; le vice rend la chose impropre à sa destination.

En l'espèce, l'expert judiciaire Monsieur [W] [E] a constaté, dans un rapport clair et dépourvu d'ambiguïté dont il convient d'adopter les conclusions et avis techniques, que :

Le moteur du véhicule est en panne depuis le 10 mars 2018. Le véhicule est inutilisable, son moteur est hors service (page 31 du rapport) ;

Ce véhicule a été acheté neuf par M. [U] [B] le 21 octobre 2016, auprès de la SAS Diamant Automobiles, garage concessionnaire Maserati de [Localité 7] ;

M. [U] [B] a confié le 1er février 2018 son véhicule à la SAS Motortech pour effectuer une reprogrammation du moteur afin d'optimiser sa courbe de puissance ; n'étant pas satisfait par le comportement de son véhicule en version modifiée, il lui a demandé de procéder à la déprogrammation le 10 février 2018, date à partir de laquelle le boîtier a été remis en configuration d'origine ;

La panne est survenue 133 km après la dernière révision du véhicule pratiquée le 26 février 2018 par la SAS Diamant Automobiles ; lors de cette révision, le lubrifiant du moteur a été remplacé ;

Le « bas moteur » de ce véhicule est hors service par « manque de lubrification ». Tous les « coussinets sont détruits » et le « vilebrequin rayé », preuve d'un défaut de pression d'huile (page 31) ;

Néanmoins, le niveau d'huile et la qualité de l'huile étaient corrects ; la pompe à huile se trouve en parfait état ;

La dernière intervention de la SAS Diamant Automobiles (révision du 26 février 2018) « n'a pas d'incidence sur la survenance de la panne » (page 32) ;

La reprogrammation/déprogrammation effectuée par la SAS Motortech « n'est pas à l'origine non plus de la survenance de cette panne », « puisque cette panne est liée à un défaut de lubrification », les pistons n'ont pas connu d'excès de suralimentation ou d'excès de carburant ; l'état des chambres de combustion en témoigne ; il est donc possible d'« exclure une rupture par surchauffe et/ou une importante suralimentation (cas classique de casse dans le cas d'une forte reprogrammation) » (page 32) ;

« En conséquence, la seule possibilité technique consiste à ce que ce moteur soit défaillant : l'équipage mobile de ce moteur comporte un défaut, de sorte que le vilebrequin a cédé à un kilométrage très faible (24000 km), alors que les paramètres de lubrification étaient corrects. Dans ce cas, la casse moteur a pour origine un défaut de la pièce, la garantie contractuelle du Constructeur doit s'appliquer »;

Pour remettre en état le véhicule, il convient de remplacer le moteur, pour un coût de 33 678,56 € TTC (page 33 du rapport d'expertise judiciaire).

Il résulte de ces énonciations que le véhicule litigieux était atteint au moment de son acquisition par M. [U] [B] d'un défaut le rendant impropre à son usage, en l'espèce un défaut du moteur, que M. [U] [B] ne pouvait déceler.

Pour échapper à leur responsabilité, la SAS Diamant Automobiles et la SASU Maserati West Europe exposent que la reprogrammation du calculateur moteur pour obtenir un gain de puissance de 23 % constitue une transformation non autorisée du véhicule litigieux, justifiant, selon elles, un refus de couverture.

Toutefois, l'expert judiciaire a clairement répondu que la reprogrammation/déprogrammation effectuées par la SAS Motortech les 1er et 10 février 2018 ne pouvaient pas être à l'origine de la survenance de la panne moteur le 16 mars 2018, puisque cette panne est liée à un défaut de lubrification.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente étant suffisamment rapportée, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de résolution de la vente et a condamné la SAS Diamant Automobiles, en sa qualité de vendeur, à restituer le prix de vente, soit la somme de 80 713 euros, et M. [B] à restituer le véhicule.

Sur les demandes indemnitaires de M. [B]

L'article 1645 du code civil dispose que « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».

Il est constant que le vendeur professionnel est présumé avoir eu connaissance des vices cachés affectant la chose vendue lors de la vente.

En l'espèce, la SAS Diamant Automobiles, vendeur professionnel, doit être condamnée à indemniser Monsieur [B] de l'intégralité des préjudices subis résultant du vice caché affectant le véhicule.

Par adoption de motifs, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Diamant Automobiles à payer à M.[B] les sommes suivantes :

au titre du coût de la révision effectuée le 26 février 2018 : 2 659,61 € ;

au titre des intérêts et frais bancaires pendant l'immobilisation : 3 345,38 € ;

au titre de la taxe annuelle sur les véhicules polluants pour 2018 et 2019 : 320 €.

S'agissant de l'évaluation du préjudice de jouissance, l'expert, raisonnant sur la base d'une indemnisation mensuelle de 800 euros, évalue au 10 juillet 2019, date de dépôt de son rapport, l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 12 800 euros TTC.

Or, Monsieur [B] sollicite l'actualisation de ce montant à la somme de 39 200 € au titre de son préjudice de jouissance personnel arrêté à la date du jugement et « à parfaire au jour de la décision à venir ».

Cependant, celui-ci ne justifiant pas de ses frais réels engagés à ce titre (location d'un véhicule de remplacement, rachat d'un nouveau véhicule) alors qu'il est devenu évident, au bout de quelques mois et compte tenu de la longueur de la procédure, que le véhicule ne serait pas réparé, il convient de limiter ce préjudice à de plus justes proportions.

La SAS Diamant Automobiles sera, en conséquence, condamnée à payer à Monsieur [B] la somme de 38 000 euros à ce titre (500 euros mensuels x 76 mois depuis le 5 mars 2018).

Quant au préjudice de perte d'exploitation concernant l'activité de taxi de maître, c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. [B] de sa demande à ce titre dès lors qu'il n'est pas établi que le préjudice allégué est en lien direct et certain avec l'immobilisation du véhicule.

Sur l'appel en garantie

La SAS Diamant Automobiles a sollicité la garantie de la SASU Maserati West Europe.

Il a déjà été précisé que l'expert judiciaire a conclu que la panne provient d'un défaut constructif inhérent au moteur.

Dès lors, la société Maserati West Europe intervenant en qualité de mandataire apparent du constructeur et premier vendeur est tenue de garantir la SAS Diamant Automobiles au titre des conséquences de la résolution de la vente prononcée entre M.[B] et la SAS Diamant Automobiles sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SASU Maserati West Europe à relever et garantir de toutes les condamnations du jugement la SAS Diamant Automobiles, sous déduction du prix de reprise ou revente du véhicule Maserati Ghilbi.

En revanche, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la demande de la SAS Diamant Automobiles de condamnation de la SASU Maserati West Europe à lui verser la somme de 19 904,32 euros au titre de son préjudice de perte de bénéfice, qui n'est ni justifiée ni fondée.

La demande concernant un préjudice d'atteinte à l'image de marque et un préjudice moral sera également rejetée, n'étant nullement justifiée.

Il en est de même de la demande en paiement de la somme de 2 500 € consignée au titre des frais d'expertise suivant ordonnance de taxe du 29 août 2019, qui n'est pas motivée.

Quant à la demande en paiement d'une somme de 70 938 € au titre des frais de gardiennage supportés par le garage depuis 5 ans, il convient d'indiquer qu'elle est irrecevable car liée à la demande de résolution du contrat elle-même déclarée irrecevable comme formulée pour la première fois en cause d'appel.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SASU Maserati West Europe supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable la demande nouvelle en appel portant sur la résolution de la vente formulée par la SAS Diamant Automobiles à l'encontre de la SASU Maserati West Europe ;

En conséquence, déclare irrecevable la demande en paiement d'une somme de 70 938 € au titre des frais de gardiennage ;

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Condamné la SAS Diamant Automobiles à payer à M. [B] la somme de 45 524,99 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SAS Diamant Automobiles à payer à M. [B] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

2 659,61 € au titre du coût de la révision effectuée le 26 février 2018 ;

3 345,38 € au titre des intérêts et frais bancaires pendant l'immobilisation ;

320 € au titre de la taxe annuelle sur les véhicules polluants pour 2018 et 2019 ;

38 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute M. [B] de sa demande au titre du préjudice d'exploitation ;

Déboute la SAS Diamant Automobiles de sa demande portant sur l'indemnisation du préjudice d'atteinte à l'image du garage et de son préjudice moral ;

Déboute la SAS Diamant Automobiles de sa demande portant sur le paiement d'une somme de 2 500 € consignée au titre des frais d'expertise suivant ordonnance de taxe du 29 août 2019 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SASU Maserati West Europe aux dépens d'appel,

Condamne la SASU Maserati West Europe à payer à la SAS Diamant Automobiles et à M. [B] une somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02114
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;22.02114 ?
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