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10/07/2024 | FRANCE | N°22/01973

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 10 juillet 2024, 22/01973


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 10 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01973 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMEN



Décision déférée à la Cour :

Jugement du

17 février 2022

Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 11-19-000613





APPELANTE :



S.A. Banque CIC Sud Ouest - Société anonyme immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 456 204 809 agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Loca...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01973 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 février 2022

Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 11-19-000613

APPELANTE :

S.A. Banque CIC Sud Ouest - Société anonyme immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 456 204 809 agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substituant sur l'audience Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

INTIMEES :

Madame [X] [J]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substituant sur l'audience Me Corine SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau des PYRÉNÉES-ORIENTALES

Madame [O] [Y]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substituant sur l'audience Me Corine SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau des PYRÉNÉES-ORIENTALES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 octobre 2016, la SA Banque CIC du Sud Ouest (ci-après la banque) a consenti à Mme [O] [Y] un prêt personnel 'prêt études parcours j' d'un montant de 16 000 € remboursable en 60 mensualités de 279,40 €, assurance incluse, après une période de 56 mois de franchise.

Mme [X] [J], mère de l'emprunteuse, s'est portée caution solidaire dans la limite de 19 200 €.

A compter du 5 septembre 2017, Mme [Y] a cessé d'honorer les échéances du prêt.

Le 2 novembre 2017, par courrier recommandé avec accusé de réception, la banque a vainement mis en demeure Mme [Y] de procéder au paiement des mensualités impayées sous peine de prononcer la déchéance du terme.

Le 21 novembre 2017, la banque a mis en demeure Mme [J], en sa qualité de caution solidaire, de procéder au paiement des mensualités, sans succès.

Par courriers recommandés des 17 avril 2018 et 18 janvier 2019, la société Filaction, mandataire de la banque, a notifié aux consorts [J] [Z] la déchéance du terme et les a mis en demeure de payer les sommes dues au titre du prêt.

C'est dans ce contexte que par acte du 22 mars 2019, la SA Banque CIC du Sud Ouest a fait assigner Mme [Y] et Mme [J] aux fins d'obtenir paiement.

Par jugement contradictoire du 17 février 2022, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Dit que la banque a manqué à son obligation de mise en garde tant à l'égard de Mme [J] qu'à l'égard de Mme [Y],

Condamné la banque à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts,

Condamné la banque à payer à Mme [J] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts,

Condamné solidairement Mme [Y] et Mme [J] à payer à la banque la somme de 15 750,57 € avec intérêts au taux contractuel de 0,99 % l'an à compter du 22 mars 2019,

Dit que Mme [J] et Mme [Y] pourront s'acquitter de cette somme avant le 1er juin 2023,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes en compris celle relative aux frais irrépétibles,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Condamné la banque aux entiers dépens.

Le 12 avril 2022, la banque a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 15 décembre 2022, la banque demande en substance à la cour de la déclarer recevable en son appel, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

Débouter Mme [J] et Mme [Y] de leur appel incident ;

Condamner solidairement Mme [J] et Mme [Y] à payer à la banque la somme de 17 030,57 € au titre du prêt personnel qui a été consenti outre les intérêts au taux conventionnel de 0,99 % l'an à compter du 2 novembre 2017 jusqu'à parfait règlement sur la somme de 16 000 €, et au taux légal sur le surplus ;

Débouter Mme [J] et Mme [Y] de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner in solidum Mme [J] et Mme [Y] à payer à la banque la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 30 septembre 2022, Mme [J] et Mme [Y] demandent en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un manquement de la banque à son obligation de mise en garde et sur le principe du droit à indemnisation des intimées, l'infirmer en ce qu'il les a condamnées à payer la somme de 15 750,57 €, a limité à la somme de 5 000 € les dommages-intérêts accordée à chacune et limité au 1er juin 2023 le délai de paiement, et statuant à nouveau, de :

Débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Juger que la banque a commis une faute contractuelle dans l'octroi du prêt à Mme [Y] ;

Condamner la banque au paiement de la somme de 10 000 € à chacune des deux intimées, à titre de juste et légitime dommages et intérêts ;

Subsidiairement, si la cour devait mettre des sommes à la charge de Mme [J] et Mme [Y], juger que la banque a commis une faute contractuelle dans l'octroi du prêt. Partant, condamner la banque au paiement de la somme de 10 000 € à chacune des deux intimées à titre de dommages et intérêts.

Ordonner la compensation entre les dommages et intérêts dus aux concluantes et les sommes éventuellement mises à leur charge ;

A titre plus subsidiaire, leur octroyer des délais de paiement de 24 mois ;

En tout état de cause, débouter la banque de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 30 avril 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la créance de la Banque CIC du Sud Ouest

La banque fait grief au premier juge d'avoir limité la condamnation des intimées au paiement de la somme de 15 750,57 euros après avoir réduit à néant l'indemnité de résiliation et d'avoir fixé le point de départ des intérêts contractuels à compter de l'assignation et non de la mise en demeure, en considérant à tort que la banque ne justifiait pas de la réception de la mise en demeure de payer par les débitrices.

Au vu des pièces produites par la banque, - à savoir :

- l'offre de prêt d'un montant de 16 000 euros au taux de 0,99 % remboursable en 56 échéances de 24,67 euros puis 60 échéances de 279,40 euros comportant une clause d'exigibilité anticipée aux termes de laquelle en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'une échéance, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus outre une indemnité de retard égale à 8% du capital dû,

- l'historique des règlements, dont il ressort que la première échéance impayée est celle du 5 septembre 2017,

- la mise en demeure adressée à Mme [O] [Y] par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 novembre 2017 l'invitant à régulariser le montant des échéances impayées s'élevant à 80,07 euros et de la notification de la déchéance du terme par lettre recommandée en date du 17 avril 2018, -

le montant de la créance de la banque sera fixé en principal par la cour à hauteur de 15 750,57 euros au titre du capital restant dû et échéances impayées et intérêts échus au 2 novembre 2017 outre 1126,91 euros au titre de l'indemnité de résiliation calculée conformément aux dispositions de l'article R 313-28 du code de la consommation, cette indemnité n'apparaissant pas manifestement excessive au regard du taux d'intérêt appliqué au contrat.

Cette créance sera assortie des intérêts au taux conventionnel de 0,99 % sur la somme de 15 750,57 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 2 novembre 2017, le fait que la lettre recommandée de mise en demeure n'ait pas été retirée par l'emprunteur n'étant pas de nature à faire obstacle à ses effets.

- Sur l'obligation de mise en garde

$gt; à l'égard de l'emprunteur

Le banquier dispensateur de crédit n'est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti que si le prêt sollicité est excessif au regard de la situation financière et patrimoniale du débiteur et lui fait courir un risque d'endettement à auquel cas il doit attirer son attention sur ce risque.

Il est constant que Mme [Y] était un emprunteur profane.

Ainsi que le fait valoir à juste titre la banque, le prêt consenti à Mme [Y] -laquelle n'a déclaré lors de son acceptation aucun revenu ni aucune charge- destiné à financer ses études au sein de l'Ecole Nationale d'architecture de [Localité 5] était assorti d'une période de différé d'amortissement d'une durée de 56 mois durant laquelle elle n'était tenue de rembourser que 24,67 euros par mois correspondant à la cotisation d'assurance, le remboursement devant ensuite s'effectuer au moyen d'échéances mensuelles de 279,40 euros dont le montant n'apparaît pas incompatible avec la perception d'un salaire, fût-il d'un montant égal au Smic, la banque justifiant de ce que le salaire mensuel d'un architecte débutant lui aurait permis de faire face sans difficulté à cette charge de remboursement.

La cour considère que ce prêt, dont la spécificité était de permettre l'accès de Mme [Y] au marché de l'emploi et a été consenti à des conditions financières compatibles avec sa situation financière lors de son octroi et avec les perspectives financières prévisibles à l'issue de la période de différé d'amortissement, n'était pas de nature à justifier la mise en oeuvre par le banquier d'un devoir de mise à garde.

Partant, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la banque à payer à Mme [Y] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

$gt; à l'égard de la caution

Aux termes de l'article L332-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La preuve du caractère manifestement disproportionné du cautionnement est supportée par la caution qui l'invoque.

La caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier, sauf à ce que la fiche présente des anomalies apparentes sur les informations déclarées.

En l'espèce, Mme [X] [J] a renseigné lors de son engagement en qualité de caution solidaire dans la limite de la somme de 19 200 euros des sommes dues par l'emprunteur principal au titre du prêt litigieux, une fiche patrimoniale dont elle a certifié exacts les renseignements qui y sont portés dont il ressort qu'elle percevait un revenu mensuel de 1700 euros, supportait la seule charge d'un remboursement mensuel de 330 euros et était propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur nette de 250 000 euros.

Ces éléments, non contestés par Mme [J], ne mettent pas en évidence une situation de disproportion manifeste de son engagement par rapport à ses biens et revenus de sorte que la cour infirmera le jugement déféré en ce qu'il a condamné la banque à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

- sur la demande de délais

La banque fait grief au premier juge d'avoir accordé aux débitrices des délais de paiement alors d'une part que seule Mme [O] [Y] les a sollicités et qu'au surplus elle ne justifiait d'aucun motif de nature à leur en accorder.

A hauteur d'appel, les intimées concluent à la confirmation de l'octroi de délais de paiement, se gardant toutefois de préciser et justifier de la situation financière qui justifierait du bien-fondé de leur demande et alors qu'elles ont déjà bénéficié de fait des plus larges délais du fait de la durée de la procédure, de sorte que le jugement sera également infirmé sur ce point.

Parties succombantes en appel, Mme [O] [Y] et Mme [X] [J] seront solidairement condamnées aux dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne solidairement Mme [O] [Y] et Mme [X] [J] à payer à SA Banque CIC du Sud Ouest les sommes de :

- 15 750,57 euros outre intérêts au taux contractuel de 0,99% à compter du 2 novembre 2017,

- 1 126,91 au titre de l'indemnité de résiliation outre intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2017,

Déboute Mme [O] [Y] et Mme [X] [J] de leurs demandes indemnitaires.

Les déboute de leur demande de délais de paiement.

Condamne solidairement Mme [O] [Y] et Mme [X] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

Les condamne solidairement à payer à la SA Banque CIC du Sud Ouest la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01973
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;22.01973 ?
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