ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 10 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01836 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PL3T
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 décembre 2021
Tribunal judiciaire de PERPIGNAN - N° RG 20/01890
APPELANT :
Monsieur [H] [G]
né le 22 Mai 1953 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représenté par Me Céline COLOMBO, avocat au barreau de CARCASSONNE, substituant Me Caroline DA LUZ SOUSA, avocat au barreau de PYRÉNÉES-ORIENTALES, avocat postulant présent sur l'audience
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001879 du 02/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 7])
INTIMEES :
Société Hübener Versicherungs Ag - Société de droit allemand, immatriculée au RCS de Hamburg sous le numéro HR B 97637, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Localité 1] - ALLEMAGNE
Représentée par Me François VILAR substituant Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substituant sur l'audience le cabinet BYRD SELAS, avocats au barreau de PARIS
Caisse CPAM de la Haute Garonne
[Adresse 2]
[Localité 3]
assignée par acte en date du 19 mai 2022 remis à personne habilitée
Caisse CPAM des Pyrénées-Orientales
[Adresse 11]
[Localité 4]
assignée par acte en date du 17 mai 2022 remis à personne habilitée
ordonnance de caducité partielle en date du 10 octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
- réputé contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [H] [G] prétend que dans la nuit du samedi au dimanche 10 mars 2013, alors qu'il se trouvait à la discothèque de l'Uba à [Localité 9], il a été victime d'une chute après avoir glissé sur des glaçons qui se trouvaient sur la piste de danse.
Il a été hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 9] qui expose, dans un courrier du 14 mars 2013, qu'il a été « victime d'une fracture bi malléolaire de la cheville gauche suite à une chute accidentelle de sa hauteur ».
Par courrier du 19 avril 2013, M. [G] a écrit au directeur de la discothèque, exploitée par la société Mad'night, pour lui demander d'assumer sa responsabilité civile et contractuelle, au titre de son obligation de sécurité concernant la piste de danse anormalement glissante.
Par courrier du 1er mai 2013, la société Mad'night lui a répondu qu'elle avait transmis sa demande à sa compagnie d'assurance, la société Hübener Versicherungs Ag, société de droit allemand.
Faute d'avoir obtenu une réponse à sa demande de prise en charge, M. [G] a, par courrier recommandé en date du 2 mai 2016, relancé le directeur de la discothèque, en vain.
Le 26 juillet 2018, la société Mad'night a été radiée et clôturée pour insuffisance d'actifs.
Par ordonnance de référé du 16 janvier 2019, une mesure d'expertise médicale a été ordonnée, à la demande de M. [G].
Le Dr [U] [D], expert judiciaire, a déposé son rapport définitif le 9 décembre 2019.
Par actes des 22 et 27 juillet 2020, M. [G] a assigné la société Hübener Versicherungs Ag, assureur de la société Mad'night et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) des Pyrénées-Orientales aux fins de voir condamner la compagnie d'assurance à lui payer la somme globale de 28 828, 96 euros.
Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
- accueilli la CPAM de Haute-Garonne en son intervention volontaire,
- débouté M. [G] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la CPAM de Haute-Garonne de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Hübener Versicherungs Ag de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [G] aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire étant précisé qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale suivant décision du BAJ du 13 mars 2020.
Le 4 avril 2022, M. [G] a relevé appel de ce jugement.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 30 juin 2022, M. [G] demande à la cour, sur le fondement de l'article 9 du code de procédure civile, des articles 1103, 1197 du code civil, des articles 1218, 1231 et suivants du code civil (ancien articles 1147 et 1148 du code civil), de :
Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens,
Statuant à nouveau, de :
Rejeter la société Hübener Versicherungs Ag de l'ensemble de ses demandes,
Prononcer la responsabilité entière et exclusive de la société Mad'night pour manquement à son obligation de moyens de sécurité,
Condamner la société Hübener Versicherungs Ag en sa qualité d'assureur de la société Mad'night à la réparation du préjudice subi par M. [G],
Condamner la société Hübener Versicherungs Ag à lui payer la somme totale de 28 928, 96 euros assortis des intérêts au taux légal en vigueur à compter du jour de l'accident soit le 10 mars 2013, se décomposant comme suit:
4 145 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
925, 20 euros au titre des frais de santé avant consolidation,
3 810 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
3 810 euros au titre de l'aggravation des troubles dans ses conditions d'existence,
8 000 euros au titre des souffrances endurées,
2 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent,
138 euros au titre des dépenses de santé futures,
2 000 euros au titre de son préjudice d'agrément,
4 000 euros au titre de la tierce personne,
100,76 euros au titre des frais liés à l'expertise.
Prendre acte que M. [G] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale,
Condamner la société Hübener Versicherungs Ag en sa qualité d'assureur de la société Mad'night, à régler une indemnité de 2 500 euros à Me [P] [T], laquelle disposera d'un délai de 12 mois à compter du jour où la décision sera passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui sera allouée,
Condamner la société Hübener Versicherungs Ag aux dépens.
Par uniques conclusions remises par voie électronique le 7 septembre 2022, la société Hübener Versicherungs Ag demande à la cour, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, de :
A titre principal,
Confirmer le jugement,
Débouter M. [G] et la CPAM de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre,
A titre subsidiaire,
Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par M. [G] au titre des préjudices suivants :
déficit fonctionnel temporaire : le taux journalier retenu ne pourrait être supérieur à 24 euros soit un maximum de 3 530,40 euros pour ce poste de préjudice ;
souffrances endurées : la demande à ce titre sera réduite à 6 000 euros ;
déficit fonctionnel permanent : la demande ne pourra être supérieure à 3 810 euros ;
préjudice esthétique permanent : la demande à ce titre sera réduite à 1 000 euros.
Débouter M. [G] et la CPAM de leurs demandes indemnitaires au titre des préjudices suivants :
Dépenses de santé actuelles ;
Dépenses de santé futures ;
Aggravation des troubles dans les conditions d'existence ;
Préjudice d'agrément ;
Tierce personne ;
En tout état de cause,
Débouter M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [G] aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'encontre de la CPAM des Pyrénées-Orientales.
La CPAM de Haute-Garonne n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions lui ont été signifiées suivant actes délivrés les 19 mai et 4 juillet 2022, remis à personne morale.
Vu l'ordonnance de clôture du 30 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
A titre liminaire, la relation contractuelle étant du 10 mars 2013, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.
Par ailleurs, il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par la CPAM de Haute-Garonne (intimée) doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Sur la responsabilité civile de l'exploitant de la discothèque
L'article 1147, ancien, du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Sur le fondement de ce texte, il est jugé que l'organisateur d'une activité festive, qu'il s'agisse de fêtes de village ou des discothèques, est tenu au titre d'une « obligation de sécurité de moyens ». Il en est ainsi lorsque des danseurs se blessent en dansant. L'organisateur doit observer les mesures de prudence et de diligence qu'exigent l'organisation et le fonctionnement de son établissement.
En l'espèce, M. [H] [G] s'est blessé en tombant alors qu'il dansait sur la piste de danse de la discothèque de l'Uba à [Localité 9] le 10 mars 2013 à 2 heures 15 du matin.
La difficulté majeure du dossier est d'ordre probatoire : il appartient à M. [G] de rapporter la preuve que la discothèque n'a pas respecté son obligation contractuelle de sécurité.
Or, l'affirmation selon laquelle il a glissé sur des glaçons présents sur la piste de danse ne résulte que de ses propres déclarations. M. [G] ne produit aucune attestation d'une personne présente sur place susceptible de corroborer ses dires.
Les seules attestations produites sont celles de la société Hübener Versicherungs Ag et concernent des salariés de la discothèque qui ne confirment pas la thèse des glaçons sur la piste de danse.
De même, M. [G] échoue à démontrer que la piste de danse était régulièrement glissante en raison de la présence à proximité d'un comptoir où les clients avaient pour habitude de poser leur verre qui étaient régulièrement renversés sur la piste avec leur contenu. Le défaut d'entretien de la piste de danse de la discothèque de l'Uba n'est donc pas démontré.
Quant à l'affirmation selon laquelle M. [G] aurait été « traîné » par des agents de sécurité jusqu'à l'extérieur, le laissant seul jusqu'à l'arrivée des urgences 15 minutes plus tard, elle ne résulte que de ses seules déclarations.
Dès lors, l'épisode précis de la chute de M. [G] reste à l'état de simple probabilité, faute d'élément de témoignage direct.
Il est évident qu'on ne saurait déduire de la transmission par le gérant de la discothèque à son assureur du courrier de réclamation de M. [G] la reconnaissance de la responsabilité de l'établissement, qui n'est jamais formulée, ni explicitement, ni implicitement.
La faute de la société Mad'night alléguée par M. [G] n'est donc pas établie.
Par suite, en l'état des pièces versées au débat, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré qu'en l'absence de toute démonstration tant de la faute contractuelle de la société Mad'night que du lien de causalité entre cette faute et le dommage, M. [G] ne peut qu'être débouté de l'intégralité de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [H] [G] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [G] aux dépens d'appel,
Condamne M. [H] [G] à payer à la Société Hübener Versicherungs Ag une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
Le Greffier Le Président