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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01483

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 04 juillet 2024, 22/01483


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 04 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01483 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLGQ





Décision déférée à la Cour : Jugement du

10 JANVIER 2022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/03579





APPELANTE :



S.C.I. [Localité 3] Les Dunes d'Argent

RCS Lille métropole 529 307 969, prise en la personne de son représentant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la S...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 04 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01483 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLGQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 JANVIER 2022

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/03579

APPELANTE :

S.C.I. [Localité 3] Les Dunes d'Argent

RCS Lille métropole 529 307 969, prise en la personne de son représentant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

SARL Delta OPC

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Loïc GERARD, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

lors de la mise à disposition : Madame Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SARL Delta OPC est une « société d'engineering » spécialisée dans les missions de bureau d'étude et de maîtrise d'oeuvre d'exécution.

La SARL Delta OPC soutient avoir été choisie, en début d'année 2012, par la SCI [Localité 3] les dunes d'argent en tant que maître d'oeuvre d'exécution d'une opération de construction d'une résidence de service pour seniors de 110 logements à [Localité 3] pour un budget de 7 500 000 € HT.

Affirmant avoir subi une interruption brutale du contrat, la SARL Delta OPC a assigné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent devant le président du tribunal de grande instance de Perpignan statuant en référé à l'effet d'obtenir une mesure d'expertise et une provision à valoir sur ses préjudices.

Par ordonnance du 10 septembre 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à expertise. La SARL Delta OPC a relevé appel de cette décision.

Pa arrêt du 25 juin 2015, la cour d'appel de Montpellier a notamment :

- Infirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- Dit que l'obligation de la SCI [Localité 3] les dunes d'argent envers la SARL Delta OPC n'est pas sérieusement contestable à concurrence de 50 000 € et l'a condamnée à payer ladite somme à titre de provision à valoir sur ses honoraires ;

- Ordonné une expertise confiée à Monsieur [A] [J].

Le 27 janvier 2019, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

C'est dans ce contexte que par acte du 10 octobre 2019, la SARL Delta OPC a assigné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent aux fins, notamment, d'obtenir le paiement de ses honoraires.

Par jugement contradictoire du 10 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Débouté la SCI [Localité 3] les dunes d'argent de son moyen d'irrecevabilité ;

Jugé établie l'existence d'une relation contractuelle entre les parties, à laquelle la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à mis un terme unilatéralement ;

Condamné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à payer à la SARL Delta OPC la somme de 166 248,39 € HT indexé sur l'ICC à compter du 30 juin 2014, au titre des honoraires dus ;

Condamné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à verser à la SARL Delta OPC la somme de 36 000 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, en indemnisation de ses préjudices annexes ;

Débouté la SARL Delta OPC de ses demandes principale et subsidiaire formées au titre du manque à gagner ;

Condamné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à payer à la SARL Delta OPC la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que l'ensemble de ces sommes devra être déduite la provision de 50 000 € d'ores et déjà versées par la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à la SARL Delta OPC à titre provisionnel en exécution de la décision rendue par la cour d'appel de Montpellier le 25 juin 2015 ;

Prononcé l'exécution provisoire ;

Condamné la SCI [Localité 3] les dunes d'argent aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise ;

Débouté toutes les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 16 mars 2022, la SCI [Localité 3] les dunes d'argent a relevé appel de ce jugement.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 15 juin 2022, la SCI [Localité 3] les dunes d'argent demande à la cour de :

Déclarer la demande irrecevable en tout cas injuste et mal fondée ;

Subsidiairement,

Juger que la responsabilité d'un professionnel de la construction qui accepte de travailler sur un important projet sans contrat doit être égale à 50 % et que, par suite, la réclamation doit être réduite à hauteur de 50 % de la somme arbitrée, soit 83 000 € ;

Juger qu'en tout état de cause, le préjudice subi par la SARL Delta OPC ne saurait dépasser 83 000 € à raison de la faute commise et en raison également du fait que seule la mission DCE a été accomplie, aucune direction de travaux n'ayant été accomplie, le contrat Debuzy étant venu substituer à la défaillance à la SARL Delta OPC ;

Réformer la décision dont appel,

Juger que faute de contrat, aucune rémunération n'est due;

Subsidiairement,

Juger que seule la partie DCE doit être rémunérée conformément au contrat qui n'a pas été régularisé ;

Encore plus subsidiairement,

Constatant que la mission n'a pas été accomplie au-delà du DCE, limiter la condamnation à cette partie du contrat ;

Juger qu'en l'état de la faute de la SARL Delta OPC, la somme de 83 000 € doit être seulement retenue à l'exclusion de toute autre ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté le manque à gagner réclamé par la SARL Delta OPC à hauteur de 195 000 € ;

Condamner la SARL Delta OPC aux dépens et à payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 14 septembre 2022, la SARL Delta OPC demande à la cour, sur le fondement des articles 1231 ancien, 1794, 1113, 1101, 1163 alinéa 3, 1358, 1360, 1361, 1362 alinéa 1 et 2 du code civil, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SCI [Localité 3] les dunes d'argent de toutes ses demandes, confirmé comme établie l'existence d'une relation contractuelle à laquelle la SCI a mis un terme unilatéralement et a condamné cette dernier à lui verser la somme de 36 000 € en indemnisation de ses préjudices annexes,

En tout état de cause,

A titre principal, réformant la décision entreprise, condamner la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à lui payer la somme de 210 441 € HT indexée sur l'ICC à compter du 30 juin 2014, au titre des honoraires dus ;

A titre subsidiaire, confirmant la décision entreprise, condamner la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à lui payer la somme de 166 248,39 € HT indexée sur l'ICC à compter du 30 juin 2014, au titre des honoraires dus ;

A titre incident, réformant la décision entreprise,

A titre principal, condamner la SCI à lui payer la somme de 195 000 € HT à titre de perte de chance avec intérêts de droit par manque à gagner sur les entreprises pour des bureaux d'études ;

Subsidiairement, condamner la SCI à lui payer la somme de 97 500 € HT à titre de perte de chance avec intérêts de droit évaluée à une probabilité de 50 %, par manque à gagner sur les entreprises pour des bureaux d'études ;

Ce faisant, condamner la SCI à lui payer la somme de 15000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Eric Negre & Marie-Camille Perpatx-Negre avocats associés, avocat aux offres de droit, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 16 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, les relations contractuelles alléguées s'étant déroulées en 2012 et 2013, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la recevabilité des demandes de la SARL Delta OPC

Sur le fondement des articles 1353 et 1359 du code civil, la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent (appelante) soutient que les demandes en paiement fondées sur l'existence d'un contrat sont irrecevables, au motif que la SARL Delta OPC serait dépourvue d'intérêt à agir contre elle faute de preuve de l'existence de la convention.

Toutefois, la société SARL Delta OPC a, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, un intérêt légitime au succès des prétentions formées à l'encontre de la SCI, dès lors qu'elle soutient qu'un contrat a été conclu et que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

Les demandes de la société SARL Delta OPC seront donc déclarées recevables.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen d'irrecevabilité de la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent.

Sur l'existence d'une relation contractuelle

Aux termes de l'article 1341 [devenu 1359] alinéa premier du code civil et de l'article premier du décret du 15 juillet 1980, l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant de 1 500 euros doit être prouvé par écrit, sous signature privée ou authentique.

Il s'ensuit que la convention prétendue relative à un marché de maîtrise d'oeuvre portant sur une somme de 210 441 euros devait être passée par écrit.

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'aucun écrit n'a été établi entre la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent et la société SARL Delta OPC concernant la mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution.

Aux termes de l'article 1347 [devenu 1362] du code civil, il peut être suppléé à l'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve ; constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

En l'espèce, la SARL Delta OPC produit aux débats de nombreux courriels de salariés du groupe Nexity qui démontrent la réalité de la relation contractuelle avec la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent, notamment ceux de :

Monsieur [T] [I], responsable de programme (pièces n° 1,2, 4, 5, 6, 12, 14, etc) ;

Monsieur [S] [E], directeur technique (pièces n° 3 bis, etc) ;

Monsieur [Z] [H] (pièce n° 11).

Certes, ces différents intervenants n'écrivent jamais expressément au nom de la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent et ne mentionnent que leurs fonctions au sein du groupe Nexity. Toutefois, il ressort du préambule du projet de protocole d'accord transactionnel du 10 octobre 2013 que la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent ne discute pas avoir rédigé qu'elle se déclare « représentée par sa gérante la société Nexity Région VII, SNC », elle-même représentée par « son cogérant Monsieur [B] [W] (...) et par son responsable de programme Monsieur [T] [I] » (pièce n° 2).

Ce projet de protocole constitue a minima un commencement de preuve par écrit susceptible d'être corroboré par d'autres éléments de preuve de l'existence d'un contrat entre la SARL Delta OPC et la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent.

Il établit, par ailleurs, que la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent est une filiale du groupe Nexity.

De nombreux autres écrits émanant de la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent constituent des éléments extrinséques prouvant la réalité du contrat. En particulier, il résulte des courriels adressés à la SARL Delta OPC entre le 8 août et le 20 décembre 2012 par les responsables de la promotion immobilière en Languedoc Roussillon pour Nexity Immobilier Résidentiel ([T] [I], [S] [E], etc) et des exemplaires de contrats joints à ces envois que la SARL Delta OPC a bien été chargée de réaliser la maîtrise d'oeuvre d'exécution du projet de résidence à [Localité 3] piloté par la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent afin, notamment, de prendre en charge le dossier de consultations des entreprises.

En particulier, les pièces suivantes sont versées au débat :

Le 5 novembre 2012, Monsieur [T] [I] de la société Nexity a transmis à la SARL Delta OPC une convention à régulariser le jeudi 8 novembre (pièce n° 1) ;

Dans son courriel du 17 décembre 2012 adressé à la SARL Delta OPC, [S] [E] a fait état du contrat déjà signé par OPC mais non encore régularisé par la Sci en raison de son caractère incomplet (pièce n° 3) ;

Dans son courriel du 20 décembre 2012, [S] [E], directeur technique Nexity, rappelle à la SARL Delta OPC la nécessité de reprendre quelques éléments du contrat mais confirme que le montant de sa prestation sera de 210 441€ HT (pièce n° 3 bis) ;

Dans le projet de protocole d'accord transactionnel soumis en vain à l'approbation de la SARL Delta OPC par la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent, cette dernière a proposé d'indemniser la SARL Delta OPC en contrepartie de son travail de consultation des entreprises à concurrence de 50 337,48 € TTC (pièce n° 2).

Il apparaît, en définitive, des pièces transmises et des échanges de courriels, que la SARL Delta OPC, maître d'oeuvre d'exécution, est intervenue et a travaillé sur le projet de [Localité 3] jusqu'à un stade avancé :

Le courriel de [T] [I] (Nexity) du 6 avril 2012 relate la première réunion du 23 mars 2012 de mise au point du DCE (dossier de consultation des entreprises) et indique que [C] [Y], gérant de la SARL Delta OPC, est maître d'oeuvre d'exécution (pièce n° 5) ; or, l'expert judiciaire Monsieur [A] [J] précise que la mise au point du DCE ne peut se faire qu'à un stade avancé du dossier architectural et technique ;

Le courriel de la SARL Delta OPC du 17 novembre 2012 indique à [S] [E] (Nexity) que Monsieur [C] [Y] (gérant) sera présent à la réunion de mise au point du 29 novembre (pièce n° 26) ;

Le mail Nexity ([M] [V]) du 3 décembre 2012 indique à la SARL Delta OPC des noms d'entreprises à consulter en électricité, cloisons, étanchéité, carrelage (au total huit entreprises) (pièce n° 27).

La SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent demeure taisante sur les différents documents produits, se contentant d'indiquer qu'un professionnel aguerri comme la SARL Delta OPC ne peut pas sérieusement soutenir avoir travaillé sur un projet d'une telle importance sans contrat signé.

Il n'en reste pas moins que la SARL Delta OPC rapporte la preuve de ce qu'elle a été choisie par la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent en tant que maître d'oeuvre d'exécution d'une opération de construction composée d'une résidence service de 110 logements à [Localité 3], pour un budget de 7 500 000 € HT.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation contractuelle entre les parties.

Sur les préjudices

L'expert judiciaire, Monsieur [A] [J], a constaté, dans un rapport clair et dépourvu d'ambiguïté dont il convient d'adopter les conclusions et avis techniques, que :

Il apparaît que la SARL Delta OPC a :

Assisté le maître d'oeuvre de conception et le maître d'ouvrage lors de la phase conception ;

Participé à la mise au point du dossier d'un point de vue technique ;

Réalisé l'ensemble des CCTP (cahier des clauses techniques particulières) et plans d'exécution tout corps d'état hormis les corps d'état techniques 16 à 21 (plomberie, VMC ...) 34 (piscine) et 38 (eau chaude sanitaire solaire) réalisés par le BET Pepin mais rémunérés par la SARL Delta OPC ;

Réalisé l'ensemble des DPGF correspondants ;

L'intervention de la SARL Delta OPC est réelle ; sa mission a été interrompue unilatéralement par la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent qui a préféré faire intervenir une entreprise générale et supprimer la phase chantier de la mission de la SARL Delta OPC ;

Il n'existe pas de documents indiquant que la SARL Delta OPC a failli à la mission qui lui était confiée (page 5 du rapport d'expertise judiciaire) ;

La SARL Delta OPC s'était dotée des moyens humains pour répondre à la mission qui lui était confiée.

L'expert a fait une description précise et motivée des travaux réalisés par la SARL Delta OPC, ainsi qu'une estimation de leur chiffrage qui n'est pas contesté sérieusement par la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent et qui mérite d'être retenu par la cour.

Les honoraires globaux, qui s'élèvent à 210 441 € HT, se décomposent de la façon suivante :

Phase 1 : Signature du contrat :10% du total soit 21 044,10€ HT ;

Phase 2 : Mise en place du DCE : 10% du total soit 21044,10 € HT ;

Phase 3 : Mise en place des marchés : 10% du total soit 21044,10 € HT ;

Phase 4: Mise en place du planning : 5% du total soit 10522,05 € HT ;

Phase 5 : Suivi chantier : 5739.30 € sur 22 mois soit 126264,60 € HT ;

Phase 6 : Solde du marché : 5% du total soit 10 522,05 € HT.

Les phases 1, 2, 3, 4 et 6 ont été réalisées (pour 84 176,40 euros).

La phase 5 n'a pas été réalisée, non du fait de la carence de la SARL Delta OPC, mais à la suite de la décision unilatérale de la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent de lui retirer cette mission. Toutefois, l'expert note que cette partie de mission se prépare en amont tout au long des études afin de faciliter et fluidifier la phase chantier. De ce fait, retirer cette phase de mission ne peut induire qu'elle ne soit pas, du moins en partie, payée. L'expert propose une rémunération de cette phase 5 à hauteur de 65 % du montant prévu, soit 82 071,99 € HT, chiffrage qui mérite d'être approuvé.

Il convient donc de fixer le montant des honoraires dus à la SARL Delta OPC par le maître de l'ouvrage à la somme de 84176,40 € + 82 071,99 € soit 166 248,39 € hors taxe.

Quant aux préjudices annexes, c'est à juste titre que le rapport d'expertise judiciaire note que :

a) L'existence en portefeuille d'une mission de cette importance a impliqué pour la SARL Delta OPC d'embaucher du personnel ;

b) Les frais généraux continuent à courir alors que la mission, et donc la rémunération, sont amputées d'une part non négligeable ;

c) Compte tenu du contexte général de la construction à cette période, cette amputation d'une partie importante de la mission a déstabilisé et fragilisé la SARL Delta OPC ;

d) La SARL Delta OPC a dû se séparer d'une partie du personnel ce qui lui a occasionné des frais (pièce n° 37) ;

e) En accord avec la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent, la SARL Delta OPC a rémunéré en partie le BET Pepin.

Pour ces différentes raisons, l'expert propose de retenir un préjudice évalué à juste titre à 36 000 €.

Concernant la demande en paiement d'une somme de 195000 euros au titre du manque à gagner (appel incident de la SARL Delta OPC), la cour adopte les motifs par lesquels le premier juge a retenu que si la réalité de ce préjudice paraît probable eu égard à l'envergure du chantier et au nombre important d'entreprises intervenantes avec lesquelles le bureau d'études aurait sans doute eu des relations commerciales pour ce chantier ou d'autres à venir, la SARL Delta OPC n'a produit aucune pièce permettant d'évaluer ce préjudice, qui apparaît donc éventuel. Dès lors, la demande indemnitaire formulée de ce chef ne pourra qu'être rejetée.

Enfin, la demande subsidiaire de la SCI [Localité 3] Les Dunes d'Argent de réduire de moitié le montant des sommes arbitrées, en raison de la prétendue « faute » de la SARL Delta OPC d'avoir accepté de travailler sans signer de contrat écrit sera rejetée pour deux raisons. D'une part, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ayant elle-même accepté de lui confier une mission sans contrat écrit. D'autre part, l'article 1341 [devenu 1359] du code civil qui impose un écrit en matière civile pour les actes supérieurs à 1 500 € n'édicte qu'une règle de preuve qui n'a aucune conséquence sur l'indemnisation du préjudice contractuel.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SCI [Localité 3] les dunes d'argent supportera les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par la SCP Eric Negre & Marie-Camille Perpatx-Negre avocats associés, avocat aux offres de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande subsidiaire de la SCI [Localité 3] les dunes d'argent de réduire de 50 % le montant de l'indemnisation,

Condamne la SCI [Localité 3] les dunes d'argent aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par la SCP Eric Negre & Marie-Camille Perpatx-Negre avocats associés, avocat aux offres de droit,

Condamne la SCI [Localité 3] les dunes d'argent à payer à la SARL Delta OPC une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01483
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01483 ?
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