ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 02 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/06379 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUY6
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 NOVEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022 000335
APPELANTE :
S.N.C. SOCIETE D'EXPLOITATION DU CAMPING [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée en cette qualité audit siège social sis Lieu-Dit [Adresse 6] à [Localité 9], et pris en son établissement secondaire
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.R.L. ATHENA SECURITE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 14 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Par devis n°2021-D-000008 accepté le 4 mars 2021, la SNC Société d'exploitation du Camping [5], exploitant le camping [10] à [Localité 4], a conclu un contrat de prestation de services avec la SARL Athéna Sécurité, par lequel cette dernière s'engageait à réaliser une prestation de gardiennage et de surveillance par agents de sécurité pour la période du 12 mai au 1er septembre 2021, au prix de 70'951,93 euros TTC.
Le 11 août 2021, la société Athéna Sécurité a émis une facture n° 2021-F-000043 d'un montant de 2'440,49 euros TTC, concernant une prestation complémentaire de gardiennage et surveillance en agent renfort sur le site du 7 juillet au 12 juillet 2021.
Par e-mail du 13 juillet 2021, la société Athéna Sécurité a demandé à la Société d'exploitation du Camping [5] de lui restituer les moyens qu'elle mettait à sa disposition et lui permettant d'accomplir correctement sa mission au sein du camping, à savoir notamment les clés d'accès et le téléphone d'astreinte.
À défaut, le 21 juillet 2021, la société Athéna Sécurité, par l'entremise de son conseil, a mis en demeure le camping d'avoir à lui payer le montant déjà facturé non réglé ainsi que les factures de prestation correspondant au mois d'août en prenant acte de sa résiliation unilatérale et abusive du contrat.
Par la suite, le 29 juillet 2021, la société Athéna Sécurité a pris acte de ce que le camping affirmait ne pas souhaiter résilier ledit contrat, et lui a proposé de reprendre l'exécution des prestations, mais pour ce faire, invité le camping à respecter ses obligations contractuelles, notamment en lui garantissant l'accès aux installations, en lui restituant tous les moyens qui avaient été initialement mis à sa disposition, en respectant les normes de sécurité.
La Société d'exploitation du Camping [5] n'ayant pas fait droit à ces demandes, la société Athéna Sécurité a vainement mis en demeure le 21 septembre 2021, la SASU [10], en son siège social à [Localité 7], d'avoir à lui payer le solde de ses prestations suite à la résiliation arbitraire et unilatérale du contrat la liant avec son établissement sis à [Localité 4].
Le 22 octobre 2021, la société [10] a refusé de faire droit à la demande de la société Athéna Sécurité en estimant que cette dernière avait décidé de son propre chef de résilier unilatéralement le contrat de sécurité en cours d'exécution, sans motif.
Par exploit du 16 décembre 2021, la société Athéna Sécurité a assigné la Société d'exploitation du Camping [5] en paiement.
Par jugement contradictoire du 9 novembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :
- jugé abusive la résiliation unilatérale du contrat par la SNC Société d'exploitation du Camping [5]';
- condamné la SNC Société d'exploitation du Camping [5] à verser à la société Athéna Sécurité la somme de 39'173,41 euros au titre de son préjudice financier';
- débouté la société Athéna Sécurité de l'ensemble de ses autres demandes';
- condamné la SNC Société d'exploitation du Camping [5] à payer à la société Athéna Sécurité la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- ordonné l'exécution provisoire du jugement';
- et condamné la SNC Société d'exploitation du Camping [5] aux entiers dépens.
Par déclaration du 19 décembre 2022, la SNC Société d'exploitation du Camping [5] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 24 juillet 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1212 et 1231-1 du code civil, de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- juger que la société Athéna Sécurité a résilié unilatéralement et de manière anticipée et abusive le contrat de prestation de services les liant';
- rejeter l'intégralité des demandes de la société Athéna Sécurité et l'en débouter';
- et, en tout état de cause, la condamner au paiement de la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance les moyens suivants':
- la société Athéna Sécurité ne peut prétendre qu'elle n'était plus en mesure d'exercer ses prestations de gardiennage et de sécurité au seul motif qu'il lui avait été retiré plusieurs moyens comme les clés d'accès, le téléphone d'astreinte et une voiturette de golf car le devis accepté par les parties ne prévoyait pas qu'il devait être mis à disposition de la société Athéna Sécurité de tels moyens, non indispensables à l'exercice de la mission confiée';
- elle n'a pas remplacé la société Athéna Sécurité par une société de sécurité tierce, cette dernière est seulement venue en renfort des prestations de la société Athéna Sécurité';
- elle n'a pas rompu unilatéralement et abusivement le contrat les liant';
- la société Athéna Sécurité est seule responsable de la résiliation abusive du contrat les liant'par sa lettre du 21 juillet 2021.
Par conclusions du 25 avril 2023, formant appel incident, la société Athéna Sécurité demande à la cour, au visa des articles 1103, 1212, 1217 et 1240 du code civil et l'article R.4513-8 du code du travail, de':
- confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour résistance abusive et le réformer sur ce point';
- statuant à nouveau, condamner la Société d'exploitation du Camping [5] à lui verser la somme de 5'000 euros à ce titre ;
- et, en tout état de cause, la condamner à lui verser la somme de 5'000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le camping [10] a rompu unilatéralement le contrat les liant alors qu'elle n'avait commis aucune faute, lui demandant oralement de quitter les lieux car une autre société de sécurité venait la remplacer et en lui retirant tous les moyens techniques mis à sa disposition pour remplir ses prestations de gardiennage et de sécurité,
- l'interdiction de l'accès au mobil home et à d'autres structures du camping contrevient aux dispositions de l'article R. 4513-8 du code du travail';
- il n'était pas nécessaire que le contrat fasse mention des éléments mis à sa disposition car ceux-ci sont des moyens inhérents à son intervention';
- en se voyant retirer les moyens mis initialement à sa disposition, elle n'était plus en mesure d'exécuter les prestations pour lesquelles elle avait été engagée';
- elle est en droit de réclamer une indemnisation pour rupture abusive, car le prix convenu permettait notamment de couvrir les salaires de ses agents qu'elle n'a pas eu le temps de redéployer sur d'autres missions et supporter le coût de ses salariés, même si les prestations n'étaient pas réalisées,
- la Société d'exploitation du Camping [5] a refusé délibérément de reporter par écrit les éléments qu'elle affirmait à l'oral et elle a manqué de loyauté en voulant se dégager de ses obligations contractuelles.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 14 mai 2024.
MOTIFS :
L'article 1217 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
L'article 1219 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, prévoit qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Selon l'article 1226 de ce code, toujours dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
Selon l'article 1228 suivant, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Enfin, l'article 1231-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°20156-131 du 10 février 2016, prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Au cas d'espèce, la société Athéna Sécurité et la Société d'exploitation du Camping [5] ayant, d'ores et déjà, estimé chacune que l'autre avait résilié à ses torts exclusifs le contrat, cette résiliation ne pourra, le cas échéant, qu'être constatée'; il convient ainsi d'apprécier si les résiliations unilatérales de chaque société sont justifiées sachant que chacune doit prouver les inexécutions contractuelles qu'elle reproche à son cocontractant.
Il convient de relever que le camping, tout en affirmant ne pas avoir empêché la société Athéna Sécurité d'exécuter ses prestations, ne conteste pas lui avoir enlevé l'accès aux téléphones d'astreinte, aux clés et à la golfette lui permettant de se déplacer au sein de l'établissement.
Il est constant qu'au début de la mission de gardiennage et de sécurité, le camping le [8] avait mis à disposition des agents de sécurité de la société Athéna Sécurité diverses clés d'accès et des téléphones d'astreinte, ayant alors nécessairement estimé que les moyens qu'elle mettait ainsi à sa disposition lui étaient indispensable à l'exercice de ses prestations contractuelles de gardiennage et de surveillance.
La Société d'exploitation du Camping [5] n'impute aucun manquement précis de la société Athéna Sécurité à ses obligations contractuelles qui justifieraient son propre comportement et le retrait de ces moyens.
A fortiori, le camping ne rapporte pas la preuve de quelque inexécution contractuelle de la part de la société Athéna Sécurité.
Cette dernière établit en revanche que la camping le [8] lui a retiré les moyens techniques lui permettant d'exercer sa mission de gardiennage et de sécurité ; elle est dès lors fondée, après l'avoir mise en demeure de les lui restituer, de prendre acte de son empêchement et dans ces conditions de ses interventions au sein de la Société d'exploitation du Camping [5], la rupture des relations contractuelles étant imputable à la faute contractuelle de cette dernière.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en qu'il a jugé abusive la résiliation unilatérale du contrat par la Société d'exploitation du Camping [5] et en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Athéna Sécurité la somme de 39'173,41 euros dont la société d'exploitation est redevable, déduction faite des paiements déjà effectués, au titre du prix forfaitaire convenu.
La société Athéna Sécurité ne justifie pas avoir subi un préjudice financier distinct de celui qui sera réparé par l'octroi des intérêts moratoires ou de celui d'avoir dû plaider, d'où il suit le rejet de la demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La Société d'exploitation du Camping [5], succombant, devra supporter la charge des dépens d'appel, et verser en équité la somme de 2'500 euros à la société Athéna Sécurité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SNC Société d'exploitation du Camping [5] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SARL Athéna Sécurité la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,