ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 02 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/05951 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PT5G
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 16 NOVEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2021 04429
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Audrey HURET, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me David CUSINATO, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.R.L. LES COCOTTES CHAMPÊTRES prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie CHAREAU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 14 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Les Cocottes Champêtres, immatriculée le 12 décembre 2016, exploite un restaurant sous l'enseigne « les Cyclades », sis [Adresse 1] à [Localité 3].
Le 16 décembre 2016, elle a souscrit auprès de la SA Axa France Iard, une police d'assurance multirisque professionnelle n°7430941004, prenant effet le 27 décembre 2016 pour une durée d'un an, tacitement renouvelable, garantissant notamment les pertes d'exploitation (article 2.1).
Aux termes de deux arrêtés pris les 14 et 15 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus de la Covid-19, publiés au Journal officiel, les restaurants, débits de boissons et bars d'hôtel, à l'exception du « room service » les activités de livraison et vente à emporter, ainsi que les établissements relevant de la catégorie X de l'arrêté du 25 juin 1980 ont fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'accueillir du public pour lutter contre la propagation dudit virus.
Le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 a maintenu, dans son article 8 - I et II et annexe, l'interdiction d'accueillir du public pour les restaurants, débits de boissons, ainsi que les établissements relevant de la catégorie X sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le « room service » des restaurants et bars d'hôtel, et les hôtels et hébergements similaires.
Par lettre du 29 juin 2020, la société Les Cocottes Champêtres a déclaré son sinistre, en évaluant sa perte d'exploitation à la somme de 61'269 € hors-taxes pour les mois de mars, avril et mai 2020 auprès de son assureur, lequel a refusé sa garantie en invoquant une clause d'exclusion de la garantie.
Aux termes d'un décret nouveau n°2020-1310 en date du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les restaurants, débits de boissons, les établissements thermaux et les établissements de type X ont, à nouveau, fait l'objet d'une interdiction d'accueillir le public, sauf pour leurs activités de livraison et vente à emporter, le « room service » des restaurants et bars d'hôtel, la restauration collective sous contrat.
L'établissement de l'assuré a été de nouveau fermé du 30 octobre 2020 jusqu'au mois de juin 2021.
Par exploit du 21 avril 2021, la société Les Cocottes Champêtres a assigné la SA AxaFrance en indemnisation de ses pertes d'exploitation.
Par jugement en date du 16 novembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :
- déclaré que la clause d'exclusion du contrat signé par les parties le 16 décembre 2016 est réputée non-écrite au regard de la fermeture administrative, conséquence d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse et que la compagnie Axa IARD doit sa garantie au titre des pertes d'exploitation de l'activité de la SARL Les Cocottes Champêtres ;
- ordonné une mesure d'instruction et commet pour y procéder M. [Y] avec pour mission de':
- se faire communiquer tous les éléments comptables et contractuels utiles';
- entendre tout sachant,
- identifier, chiffrer et prendre en compte les charges supplémentaires et les charges économisées en les détaillant,
- prendre en compte les subventions, primes et indemnités reçues ou à recevoir au titre de la période concernée, en conséquence de la fermeture administrative,
- examiner et donner son avis sur la réalité de la réclamation financière de la société Les Cocottes Champêtres au titre de la perte d'exploitation subie, conformément aux termes des conditions générales du contrat signé en date du 16 décembre 2016,
- fixé l'avance des frais d'expertise à valoir sur le montant des honoraires de l'expert à la somme de 5'000 euros qui seront consignés par la société Les Cocottes Champêtres avant le 30 mai 2023';(')
- condamné la compagnie Axa IARD à payer à la SARL Les Cocottes Champêtres la somme de 7'000 euros à valoir sur le montant définitif de l'indemnité qui résultera de la mesure d'instruction';
- sursoit à statuer pour la fixation du montant de l'indemnité due par la société Axa IARD à la société Les Cocottes Champêtres dans l'attente du rapport définitif';
- débouté les parties de toutes les autres demandes';
- dit ne pas avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, à ce stade de la procédure';
- réservé les dépens';
- et ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 25 novembre 2022, la société Axa France IARD a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 30 avril 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil et des articles L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances :
- de la recevoir en son appel ;
A titre principal,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;
- de juger que la clause d'exclusion est limitée, ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du code des assurance, et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de sa substance ;
- en conséquence, de juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitations consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;
- de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la société Les Cocottes Champêtres tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 134'404 euros au titre de son prétendu manquement à ses «'obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde'»';
- débouter la société Les Cocottes Champêtres de l'intégralité de ses demandes de condamnation à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement querellé ;
- d'annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Perpignan ;
A titre subsidiaire, d'ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal comme suit :
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;
- entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;
- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur les périodes d'indemnisation consécutives aux fermetures de l'établissement et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable;
- donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;
- donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;
- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,
En tout état de cause,
- de débouter la société Les Cocottes Champêtres de l'ensemble de ses demandes ;
- et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 6 mai 2024, la société Les Cocottes Champêtres demande à la cour, au visa des articles L. 113-1 et suivants du code des assurances, et des articles 1108, 1169 et 1190 du code civil :
- à titre principal, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions';
- à titre subsidiaire, de juger non mobilisable et/ou réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie de perte d'exploitation pour absence de contrepartie et/ou de caractère formel et limité';
- par conséquent, de condamner la société Axa à lui payer la somme de 107'915 euros';
- à défaut, si la juridiction estime qu'il existe une discussion sur le quantum de son préjudice';
- de désigner avant dire droit tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission de':
- convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
- se faire remettre tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'intimée, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années, ainsi que le détail de ses comptes au titre de l'année 2020 ;
- évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant les périodes du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021, garanties contractuellement par le contrat d'assurance, selon les conditions prévues en page 21 des conditions générales, sur une période maximum de trois mois par sinistre et après l'application de la franchise de 3 jours ouvrés,
- de condamner la société Axa à payer les frais d'expertise';
- à titre très subsidiaire, de condamner la société Axa à lui payer la somme de 134'404 euros au titre de son préjudice subi à raison des manquements fautifs de l'assureur à ses obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde';
- et, en toutes hypothèses, condamner la société Axa au paiement de la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 14 mai 2024.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir soulevée
S'agissant en premier lieu de la demande de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la société Les Cocottes Champêtres tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 134'404 euros au titre de son prétendu manquement à ses «'obligations générales d'information, de conseil et de mise en garde'», cette prétention n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges même si son fondement juridique est différent, d'où il suit sa recevabilité en application de l'article 565 du code de procédure civile.
Sur la garantie
Le contrat souscrit par la société auprès de l'assureur AXA prévoit au titre des conditions particulières, en pages 8 et 9, l'extension de garantie intitulée «PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE'» aux termes de laquelle :
«'La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies':
1- La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même
2- La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication
Durée et limite de la garantie
La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de 3 mois maximum.
Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.
L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.
SONT EXCLUES
LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.'».
Le contrat d'assurance couvre ainsi le risque de pertes d'exploitation de l'activité déclarée et, dans le cadre d'une extension de cette garantie, celles résultant de la fermeture administrative provisoire totale ou partielle du fonds de commerce assuré consécutive à cinq cas limitativement énumérés, dont l'épidémie.
Les conditions de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire de l'établissement assuré sont donc réunies.
Concernant l'exclusion d'une garantie, il convient de rappeler que l'article L. 113-1 du code des assurances prévoit que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Une clause d'exclusion est formelle, lorsqu'elle est claire et précise.
Une clause d'exclusion de garantie n'est pas formelle et limitée lorsqu'elle doit être interprétée.
De même, une clause d'exclusion n'est valable que si elle ne vide pas de sa substance la garantie consentie conformément, également, aux dispositions de l'article 1170 du code civil, issues de l'ordonnance n°131-2016 du 10 février 2016, et si la garantie, contrepartie du paiement des primes, n'est pas illusoire ou dérisoire au sens de l'article 1169 du code de procédure civile, reprenant une jurisprudence ancienne.
En l'espèce, il convient de relever en premier lieu que la clause d'exclusion litigieuse figure aux conditions particulières de la police souscrite, en caractères très apparents, étant rédigée en lettres majuscules, au sein d'un paragraphe rédigé en lettres minuscules, intitulé « PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE », conformément aux dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances.
L'absence de définition du terme « épidémie» dans le contrat n'empêche pas une telle clause d'être claire et précise dans la mesure où en l'espèce, l'analyse du terme « épidémie » permet seulement d'expliciter son sens, sans, pour autant, procéder à une interprétation de ce mot et de la clause d'exclusion pour pallier un prétendu caractère inintelligible.
Cette absence de définition du terme « épidémie » et de précision quant à son origine, sa nature et son étendue, est au demeurant favorable à l'assuré.
La clause d'exclusion ne comprend aucun terme ou expression relevant d'un vocabulaire spécialisé.
Les termes « cause identique », s'agissant de la motivation des décisions de fermeture administrative des autres établissements (susceptibles d'être également fermés), ne sont pas imprécis en ce qu'ils renvoient à la même cause que celle fondant la décision de fermeture du fonds de commerce assuré (soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication).
Il doit être observé à cet égard que la fermeture d'un ou plusieurs autre(s) établissement(s) ne doit pas être nécessairement antérieure à la fermeture administrative en cause, mais que compte tenu de l'usage de l'indicatif présent (« fait l'objet »), elle peut lui être concomitante.
Il convient de relever par ailleurs qu' « un autre établissement » ne signifie pas « un autre de vos établissements », de sorte que sont visées tant les fermetures, le cas échéant, d'un autre établissement de l'assuré, s'il en a plusieurs, que l'autre établissement d'un tiers.
L'exclusion est, dès lors dépourvue d'ambiguïté ; la garantie ne peut pas être mobilisée en cas de fermetures administratives collectives ayant une origine ou un fondement identique.
La société Les Cocottes champêtres n'est pas fondée à soutenir que "la décision de fermeture" s'entend comme la décision portant sur l'établissement de l'assuré, tandis que "la mesure de fermeture " concerne les autres établissements du département ; qu'il en ressort que la clause d'exclusion est uniquement relative à une pluralité de décisions administratives de fermeture, et non à une décision collective ; et que s'agissant de décisions de fermetures prises par deux arrêtés ministériels qui sont des décisions collectives, AXA aurait très bien pu exclure une décision collective de fermeture ce qui n'était pas sa volonté, de sorte que la clause d'exclusion n'est pas applicable au litige, alors que l'assureur a entendu exclure que la fermeture de l'établissement assuré résulte d'une cause identique à la fermeture administrative d'au moins un autre établissement du département, que ce soit par des décisions individuelles ou par l'effet d'une décision collective visant à lutter contre cette cause identique.
L'appréciation de la limitation de la garantie, qui ne doit pas tendre à en annuler les effets, doit se faire au regard du risque couvert.
Le caractère limité d'une clause d'exclusion s'apprécie non point en considération de ce qu'elle exclut, mais en considération de ce qu'elle garantit après sa mise en 'uvre.
En l'espèce, l'exclusion tenant à une mesure de fermeture administrative collective, conséquence d'une épidémie, ne fait pas obstacle à la garantie de pertes d'exploitation subies par l'activité assurée, lorsque la décision de fermeture administrative découle des autres causes contractuellement prévues.
Le contrat d'assurance ne couvre pas le risque de la survenance d'une épidémie, mais celui d'une fermeture administrative découlant d'une épidémie.
Une telle fermeture relève d'une décision de l'autorité compétente, qui, tenant compte de différents éléments, peut être adaptée et varier et ce, au visa de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en l'espèce, qui prévoit la prescription de « toute mesure proportionnée aux risques encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population », en ce compris des mesures individuelles.
Il appartient à l'assureur de démontrer qu'un autre établissement, situé dans le même département, fait l'objet d'une fermeture administrative pour la même épidémie, ce qui, à défaut, permet de mobiliser sa garantie.
De même, celle-ci sera due si cette fermeture, y compris pour une cause identique, concerne un autre département.
Concernant les motifs de fermeture administrative, tels que le meurtre et le suicide, pour lesquels une commission à l'identique au même moment dans le même département est peu envisageable, l'exclusion de garantie ne s'appliquera pas, et la garantie demeure mobilisable.
Concernant les motifs tels que l'intoxication, la maladie contagieuse et l'épidémie, la distinction faite est favorable à l'assuré, puisque ces trois évènements ne recouvrent pas une même réalité.
L'assureur démontre, par ailleurs, en versant une documentation circonstanciée, que la fermeture administrative d'un seul établissement, dans un même département, fondée sur des cas de salmonellose, de listériose, de légionellose (qui ne sont pas des maladies contagieuses), de grippe aviaire, ou de fièvre typhoïde, conduisant à des épidémies, s'agissant de l'augmentation brutale de cas de maladie au sein d'une communauté, d'une collectivité, ou d'un lieu de travail, ou présentant un simple risque épidémique, est déjà advenue.
Il est établi qu'un fonds de commerce de restauration supporte un risque non négligeable quant à la propagation de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC), dont il peut être le foyer (en 2019, 41 % des TIAC sont survenues en restauration commerciale), alors que son activité est encadrée par diverses obligations en matière d'hygiène alimentaire et de sécurité sanitaires, susceptibles d'entraîner de la même manière une fermeture administrative individuelle du foyer épidémique.
L'épidémie de Covid-19, qui a entraîné la fermeture des restaurants en France suite aux mesures gouvernementales, ne constitue qu'un cas d'épidémie et qu'un motif de fermeture administrative parmi d'autres, pour lequel ladite fermeture, qui a été collective, n'est pas garantie par la police souscrite.
La proposition faite par la société Axa à l'assuré d'un avenant qui exclut de la garantie toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une maladie contagieuse est inopérante sur l'analyse du contrat litigieux, sauf à témoigner, à l'opposé, que ce dernier n'avait pas été envisagé par les parties au regard d'une épidémie telle que celle de la Covid-19, même à la date à laquelle l'avenant a été signé (début 2020).
Il en résulte que l'exclusion de garantie, résultant d'une fermeture administrative consécutive à une épidémie, lorsque la fermeture n'est pas limitée au fonds de commerce assuré au sein du département où il se trouve localisé, ne vide pas de sa substance l'extension de la garantie des pertes d'exploitation souscrite.
La contrepartie au versement des primes n'est pas illusoire ou dérisoire, la fermeture administrative isolée de l'établissement assuré pour l'un des cas énoncés à l'extension de garantie étant un évènement possible, probable, qui correspond à un risque aléatoire assurable et mobilisant la garantie perte d'exploitation.
Les situations entraînant la mise en jeu de cette extension étant réelles, la clause est valable ; elle n'encourt pas la nullité.
Elle ne prive pas le contrat d'assurance d'objet ou de cause.
Sur le manquement de l'assureur à son devoir d'information et de conseil
Il est constant que la société Axa a remis à son assurée une fiche d'information conformément aux dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances.
En outre, la clause d'exclusion figure au sein des conditions particulières en caractères très apparents, étant entièrement rédigée en lettres majuscules, au sein d'un paragraphe, intitulé « PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE », rédigé, lui, en lettres minuscules, conformément aux dispositions de l'article L. 112-4 du même code, comme il a été dit supra.
Par ailleurs, la circonstance que la notion de fermeture collective ne fasse pas l'objet d'un signalement spécifique dans la clause d'exclusion, ne caractérise aucun manquement de l'assureur à son devoir de conseil, contrairement à ce que prétend l'intimée, la clause précitée évoquant clairement une perte d'exploitation individuelle telle que décrite ci-dessus et ne nécessitant pas dès lors la précision redondante d'une absence de garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture collective.
De même, la circonstance que la fiche d'information ait été signée le même jour que le contrat, l'assurée n'altère pas la régularité de l'information qui lui a été délivrée par l'assureur. Elle ne constitue pas davantage un manquement à son devoir de conseil.
Et ce, d'autant que la fiche d'information signée par l'assurée mentionne expressément que cette dernière «'reconnaît qu'au cours des échanges avec mon agent général, j'ai exposé ma situation personnelle et communiqué les éléments nécessaires à l'établissement d'une proposition d'assurance et que j'ai répondu aux questions posées avant la souscription de mon contrat (')'».
Ces moyens seront rejetés.
En définitive, le jugement qui a fait droit aux demandes d'indemnisation de la SARL Les Cocottes champêtres doit être entièrement réformé.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute la SARL Les Cocottes champêtres de toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,
Condamne la SARL Les Cocottes champêtres aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, la présidente,