ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 02 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/03539 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PPFP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 JUIN 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2021014641
APPELANT :
Monsieur [M] [G]
né le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 7] (69)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Guillaume LASMOLES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Cour d'appel
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté à l'audience par M. DUTIL, avocat général
S.E.L.A.S. MJ PERSPECTIVES ès qualités de mandataire liquidateur de l' EURL OH TERROIRS
[Adresse 6]
[Localité 3]
Assignée le 5 septembre 2022 à personne habilitée
Ordonnance de clôture du 13 Février 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre et Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public représenté lors des débats par M. André DUTIL, avocat général.
ARRET :
- Réputé contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
La SARL OH Terroirs, immatriculée le 26 mai 2014, gérée par M. [M] [G], exerce une activité de prestation commerciale, et plus précisément, de commerce de gros alimentaire dans le cadre d'animations dans des grandes surfaces.
Par jugement en date du 19 novembre 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre et désigné la SELARL MJ Perspectives, en la personne de Mme [E] [U].
La date de cessation des paiements a été fixée au 1er juin 2017.
Saisi par requête en date du 20 octobre 2021 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier afin de prononcer une faillite personnelle ou à défaut une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans, le tribunal de commerce de cette ville, par jugement en date du 14 juin 2022, a :
- prononcé à l'encontre de M. [G] une interdiction de gérer, diriger, administrer ou contrôler directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pour une durée de 5 ans':
- ordonné l'exécution provisoire et l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 1er juillet 2022, M. [G] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 1er septembre 2022, il demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué ;
- statuant à nouveau';
- débouter le Ministère public de l'ensemble de ses demandes';
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- la société a connu des difficultés d'ordre économique (défauts de règlements de clients en 2016 et frais supplémentaires de logistique) ayant entraîné un résultat déficitaire et le licenciement économique de deux salariés (qui sont ses enfants),
- en 2017, il a dû s'éloigner de la gestion de la société pour être au plus près de sa compagne et de sa mère, malades,
- la société a rencontré des difficultés dans le cadre du nouveau bail commercial en date du 13 avril 2016 (absence de remise des clés, vol de matériel et expulsion en septembre 2018 pour non-paiement du loyer),
- il n'a pas omis de renseigner le liquidateur sur la masse salariale, car la société ne disposait d'aucun salarié,
- il n'est pas responsable de la non-justification du vol de matériel, qui a eu lieu pendant une période où le bailleur disposait d'un double des clés du local'; il a déposé plainte et fait assigner le bailleur pour se voir restituer les clés,
- compte tenu de ses difficultés financières et personnelles, il n'a pu payer le comptable devant établir la comptabilité,
- il assume le remboursement d'un cautionnement de la société à hauteur de plus de 100'000 euros, la sanction prononcée le prive de ressources alors qu'il est déjà âgé de 55 ans,
- il gère deux autres sociétés, qui se portent bien.
Par conclusions du 30 novembre 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement déféré aux motifs de l'absence de comptabilité pendant plusieurs exercices, de l'absence de coopération avec les organes de la procédure et de la disparition inexpliquée du matériel.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 13 février 2024.
La SELAS MJ Perspectives, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société OH Terroirs, destinataire par acte d'huissier en date du 5 septembre 2022 remis à personne, de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant, n'a pas constitué avocat. Par lettre reçue le 15 septembre 2022, elle expose que la procédure collective étant impécunieuse, elle ne peut constituer avocat et verse aux débats «'l'ensemble des pièces utiles concernant les sanctions prononcées'», qui ont été transmises aux parties.
MOTIFS de la DECISION :
Selon l'article L. 653-1 I 2 ° du code de commerce, lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeant de droit ou de fait de personnes morales.
L'article L. 653-5 5° de ce code dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne contre laquelle a été relevé le fait d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.
Il dispose, dans son 6°, que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Selon l'article L. 653-8 alinéa 1, dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
Le jugement en date du 19 novembre 2018, qui a ouvert la procédure de liquidation judiciaire à la demande de'M. [G], a fixé au 1er juin 2017, soit plus d'un an auparavant, la date de l'état de cessation des paiements.
Il résulte du rapport sur la liquidation judiciaire en date du 19 août 2019, établi par le liquidateur, que la société OH Terroirs, immatriculée le 26 mai 2014, n'a déposé ses comptes auprès du greffe que pour les exercices 2014 et 2015 et que le cabinet d'expertise comptable ETC a cessé sa mission le 1er janvier 2017.
M. [G] convient ne pas avoir tenu de comptabilité depuis 2017. Cette faute de gestion est intervenue alors que les difficultés financières (créances clients non recouvrées notamment) de la société se confirmaient depuis l'exercice 2015 malgré un chiffre d'affaires élevé (1'075'165 euros sur l'exercice 2015 et 1'008'900 euros sur l'exercice 2016). Il s'est donc sciemment privé d'un tel outil de gestion, sans que les difficultés d'ordre personnel, qu'il aurait rencontrées, puissent justifier ce choix.
Ce grief doit être retenu à son encontre.
Concernant la coopération avec les organes de la procédure, le rapport du mandataire liquidateur relève que M. [G] s'est présenté lorsqu'il a été convoqué, a remis la liste des créanciers dans les huit jours, a remis les pièces demandées, à l'exception de documents bancaires et d'assurance, et que l'inventaire a fait l'objet d'un procès-verbal de difficultés.
Toutefois, outre que les circonstances de l'absence de M. [G] lors des opérations d'inventaire dans les locaux loués à [Localité 8], celui-ci ayant délégué sa fille, qui n'aurait jamais reçu de message, sont incertaines, l'ancien bailleur a indiqué le 12 décembre 2018 au commissaire-priseur présent sur les lieux que lesdits locaux, qui étaient vides, étaient d'ores et déjà reloués.
M. [G] n'indique pas la suite donnée à la plainte pénale qu'il a déposée le 21 juin 2017 pour vol du matériel stocké dans les locaux loués et ne démontre pas que ce matériel aurait disparu du fait des bailleurs dans le cadre du litige les opposant au regard du non-paiement des loyers, chaque partie au bail disposant des clefs dudit local. Cette disparition s'inscrit dans une absence de tenue des comptes de la société et la cessation de paiement des loyers, pourtant modique (450 euros par mois), sans, pour autant, qu'aucun élément permette de la lui imputer.
Les déclarations de M. [G] relatives à l'absence de salariés lors de l'ouverture de la procédure paraissent conformes à la réalité, le conseil des prud'hommes de Toulon, ayant, par jugement en date du 14 janvier 2020, frappé d'appel, qualifié de contrat de travail fictif, celui dont se prévalait à l'encontre de la société, une prétendue salariée (Mme [B]), qui n'aurait jamais effectué de prestation de travail, ni été rémunérée.
Aucun élément ne permet, ainsi, de retenir une absence de collaboration de M. [G] avec les organes de la procédure, le liquidateur indiquant, lui-même dans son rapport de sanction, que le reproche tient au caractère flou des informations quant à l'actif de la société et à la masse salariale sans, pour autant, en déduire que celui-ci aurait fait obstacle au bon déroulement de la procédure. Ce grief ne se sera pas retenu.
Si l'inventaire des actifs de la liquidation judiciaire n'a pu être dressé le 4 février 2019 eu égard au procès-verbal de difficultés du commissaire-priseur, l'actif était valorisé au bilan à la somme de 141'733 euros. Il est acquis eu égard au jugement en date du 22 novembre 2018 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Vienne, que suite à l'expulsion de la société OH Terroirs des lieux loués, aucun actif, n'ayant une valeur marchande, n'était resté dans les lieux.
Le passif déclaré est de 287'418,77 euros.
Au vu de ces éléments, M [G], âgé de 50 ans lors des faits, gérant d'autres sociétés (la SARL Fox Conseil -placée en liquidation judiciaire, clôturée en mai 2018-, la SARL Titanium Fitness et la SCI TRPC Immo), qui a privé ses décisions de gestionnaire de tout élément comptable alors qu'il avait connaissance des difficultés existantes, sera condamné à une interdiction de diriger de cinq ans. Le jugement sera donc confirmé.
Succombant sur son appel, M [G] sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré,
Dit que cet arrêt sera signifié à M. [M] [G] dans le délai de 15 jours de son prononcé par le greffier de la cour d'appel et adressé au greffier du tribunal de commerce de Montpellier afin que celui-ci effectue les publicités et notifications prévues à l'article R.653-3 du code du commerce.
Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) n°2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.'
Condamne M. [M] [G] aux dépens d'appel.
le greffier, la présidente,