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02/07/2024 | FRANCE | N°18/05413

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 02 juillet 2024, 18/05413


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 02 Juillet 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05413 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N3ZC + RG 18/05414 jonction



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21601783





APPEL

ANT :



Monsieur [L] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean baptiste ROYER de la SELARL ROYER AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Mme [M] en vertu d'...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 02 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05413 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N3ZC + RG 18/05414 jonction

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21601783

APPELANT :

Monsieur [L] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean baptiste ROYER de la SELARL ROYER AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Mme [M] en vertu d'un pouvoir général - le Docteur [P] mèdecin conseil a été entendu dans ses observations

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 MAI 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

[1] Par lettres du 23 juillet 2015, le service du contrôle médical de Languedoc-Roussillon a informé le Dr [L] [Y] ainsi que la CPAM de l'Hérault qu'il avait procédé à l'analyse d'activité du premier et qu'il avait relevé les griefs suivants : non-respect de la NGAP, non-respect des dispositions conventionnelles, actes cotés non-exécutés et non-respect du code de déontologie.

[2] Le praticien mis en cause a sollicité le bénéfice d'un entretien confraternel qui s'est s'est déroulé le 13 octobre 2015 et a donné à un compte rendu ainsi rédigé :

« L'entretien s'est tenu le 13 octobre 2015 à l'échelon local du service médical de l'Hérault, dans les locaux du service médical de [Localité 2], de 9 heures 30 à 11 heures. Entre : Dr [L] [Y] omnipraticien et Dr [B] [X] omnipraticien et Dr [H] [Z] médecin conseil responsable de secteur et Dr [W] [V] médecin conseil

1. Contexte de l'entretien :

Le Dr [Z] rappelle le contexte du contrôle, et les textes juridiques en rapport, les articles relatifs à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé (L. 315-1-1 et suivants). Il rappelle le caractère contradictoire de la procédure et les éventuelles suites contentieuses au terme de cette analyse. Il rappelle également au Dr [Y] la possibilité d'examiner tous les dossiers individuellement au cours de cet entretien. Le Dr [Z] précise que l'analyse d'activité du Dr [Y] a été déclenchée suite à une investigation en « chambre » du service médical, elle-même déclenchée par un signalement du service de l'agence comptable de la CPAM de l'Hérault qui a relevé un profil atypique de ce médecin en termes de montant remboursable, en effet le montant des honoraires perçu pour l'année 2012 était 2,78 fois plus élevé que la moyenne régionale.

2. Étude des dossiers et discussion :

Le Dr [V], responsable de l'analyse d'activité du Dr [L] [Y] présente les anomalies constatées :

' 3 620 bénéficiaires présentent des anomalies de facturations.

' 7 116 anomalies.

Anomalie 1 : Non-respect de la NGAP

Nombre de dossiers, nombre d'anomalies :

' 5 160 anomalies,

' 2 959 bénéficiaires.

Les faits constatés :

Rappel : Actes et majorations :

C : consultation au cabinet

V : visite à domicile

MD : majoration de déplacement pour visite à domicile justifiée

MDN : majoration de déplacement pour visite à domicile justifiée de nuit de 20h00 à 00h00 et de 6h00 à 8h00

MDI : majoration de déplacement pour visite à domicile justifiée de nuit de 00h00 à 6h00

MDD : majoration de déplacement pour visite à domicile justifiée de dimanche et jour férié

MN* : majoration pour acte de nuit de 20h00 à 00h00 et de 6h00 à 8h00 (5)

MM : majoration pour acte de nuit de 00h00 à 6h00 (5)

F : majoration pour acte le dimanche et jour férié (5) (6)

MNO : majoration pour les enfants de 0 à 2 ans

MGE : majoration pour les enfants de 2 à 6 ans

MU : majoration d'urgence

Non-respect de l'article 14 des dispositions générales de la NGAP

302 F, 319 MDD, 63 MDI, 428 MDN, 118 MM, 297 N

Les actes sont effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés mais le Dr [Y] n'a pu justifier la situation d'urgence médicale de ses patients.

Non-respect de l'article 14-1 des dispositions générales de la NGAP

1 400 MU

Le Dr [Y] ne peut justifier l'interruption de ses consultations qui l'amènerait à quitter immédiatement son cabinet, car il ne possède pas de cabinet médical.

Non-respect de l'article 14-2 des dispositions générales de la NGAP

1 725 MD, 319 MDD, 63 MDI, 428 MDN

Le Dr [Y] n'a pu communiquer le motif de la visite, seuls les motifs d'appels au standard sont transmis, l'absence de dossier médical et de prescription pharmaceutique en cohérence médicale avec ces motifs ne permet pas de justifier ces majorations.

Non-respect de l'article 14-4-2 des dispositions générales de la NGAP

258 MNO (majoration nourrisson)

Le motif médical de l'appel et communiqué par le Dr [Y] n'est pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée. L'absence de dossier médical ne permet pas de justifier ces majorations.

Non-respect de l'article 14-4-3 des dispositions générales de la NGAP

250 MGE (majoration jeune enfant)

Le motif médical de l'appel et communiqué par le Dr [Y] n'est pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée. L'absence de dossier médical ne permet pas de justifier ces majorations.

Cotation retenue pour l'ensemble de ces cotations : 0

Anomalie 2 : Non-respect des dispositions conventionnelles

Nombre de dossiers, nombre d'anomalies :

' 1 010 bénéficiaires,

' 1 177 anomalies.

Les faits constatés :

Rappel :

Codes actes et tarifs des majorations spécifiques au 26 mars 2012

Majoration spécifique de nuit 20h-0h/6h-8h : Code majorations des actes à domicile, VRN. Code majorations des actes en cabinet, CRN.

Majoration spécifique de milieu de nuit 0h-6h : Code majorations des actes à domicile VRM. Code majorations des actes en cabinet, CRM.

Majoration spécifique de dimanche et jours fériés : Code majorations des actes à domicile, VRD. Code majorations des actes en cabinet, CRD.

Majoration spécifique de samedi : Code majorations des actes à domicile, VRS. Code majorations des actes en cabinet, CRS.

583 VRD auraient dû être cotées 583 CRD

207 VRM auraient dû être cotées 207 CRM

387 VRN auraient dû être cotées 387 CRN

Le motif médical de l'appel et communiqué par le Dr [Y] n'est pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée. L'absence de dossier médical ne permet pas de justifier l'urgence médicale de la visite.

Les référentiels : Arrêté du 22 septembre 2011 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes

TITRE 1er CONFORTER L'ACCÈS AUX SOINS

Sous-titre 2, Article 4.1 : Les majorations d'actes spécifiques : Les partenaires conventionnels définissent les majorations d'actes spécifiques applicables aux actes réalisés par les médecins libéraux dans le cadre du dispositif régulé de permanence des soins ambulatoires. Ainsi, lorsque le médecin mentionné sur le tableau de permanence des soins ou appartenant à une association de permanence des soins, et inscrit sur le tableau tenu par le conseil départemental de l'Ordre des médecins, intervient à la demande du médecin chargé de la régulation ou du centre d'appel de l'association de permanence des soins, il bénéficie de majorations spécifiques. Le montant de ces majorations est distinct selon que le médecin de permanence reçoit le patient à son cabinet ou qu'il effectue une visite à domicile justifiée. Le montant de ces majorations est défini à l'annexe XII. Les assurés bénéficient, à l'occasion des actes réalisés dans le cadre de la permanence des soins régulée, d'une dispense d'avance des frais dan les conditions définies à l'article 7.

Article 3 Participation de l'assurance maladie au financement de majorations spécifiques : Lorsque le médecin inscrit sur le tableau de permanence ou appartenant à une association de permanence des soins et inscrit auprès du conseil départemental de l'Ordre intervient à la demande du médecin chargé de la régulation ou du centre d'appel de l'association de permanence des soins, il bénéficie de majorations spécifiques. Le montant de ces majorations est distinct selon que le médecin de permanence reçoit le patient à son cabinet ou s'il effectue une visite à domicile justifiée :

Majoration spécifique de nuit 20 heures à 0 heure et de 6 heures à 8 heures : Visite à domicile, 46 €. Consultation, 42,50 €.

Majoration spécifique de milieu de nuit de 0 heures à 6 heures : Visite à domicile, 55 €. Consultation, 51,50 €.

Majoration spécifique de dimanche et jours fériés : Visite à domicile, 30 €. Consultation, 26,50 €.

Majoration spécifique de samedi, lundi veille de jour férié et vendredi lendemain de jour férié : Visite à domicile, 30 €. Consultation, 26,50 €.

Anomalie 3 : actes côtés non-exécutés

Nombre de dossiers, nombre d'anomalies :

' 154 bénéficiaires,

' 779 anomalies.

164 C, 27 F, 163 MD, 35 MDD, 1 MDI, 20 MDN, 7 MGE, 18 MNO, 21 N, 22 MU, 274 V, 13 VRD, 1 VRM, 13 VRN

Cotations retenues : 0

Les actes et majorations retenus en anomalie sont ceux pour lesquels aucune traçabilité de la réalisation n'a pu être trouvée

Les référentiels :

Article 5 des dispositions générales de la NGAP

' Actes donnant lieu à prise en charge ou remboursement

Seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'assurance maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession :

a) les actes effectués personnellement par un médecin ;

Article 15 des dispositions générales de la NGAP ' Contenu de la consultation, de la visite (modifié par la décision UNCAM du 18/07/05)

La consultation ou la visite comporte généralement un interrogatoire du malade, un examen clinique et, s'il y a lieu, une prescription thérapeutique.

Anomalie 4 : Non-respect du code de déontologie

Nombre dé dossiers, nombre d'anomalies :

Totalité des bénéficiaires des anomalies 1, 2, 3

' 3 620 bénéficiaires,

' 7 116 anomalies.

Les faits constatés :

Non-respect de l'article 24 (article R. 4127-24 du CSP)

Le Dr [Y] a fait bénéficier aux patients de visites à domicile avec remboursement de majorations de déplacement non médicalement justifiées. Le Dr [Y] a fait bénéficier aux patients et rembourser des actes de nuit et jours fériés alors que leur état médical ne le justifiait pas.

Non-respect de l'article 29 (article R. 4127-29 du CSP)

Le Dr [Y] n'a pas respecté la NGAP, les dispositions conventionnelles, a facturé des actes ou majorations dont il ne peut prouver la réalisation.

Non-respect de l'article 45 (article R. 4127-45 du CSP)

Le Dr [Y] ne tient pas de dossier médical pour ses patients.

Non-respect de l'article 71 (article R. 4127-71 du CSP)

Le Dr [Y] ne dispose pas d'un cabinet médical.

3. Observation du professionnel de santé

Le Dr [Y] a fait, au cours de l'entretien, les observations suivantes :

' les médecins traitants de ses patients ne se déplacent pas ou ne répondent pas aux appels téléphoniques, il ne leur fait pas « concurrence »,

' sa patientèle est défavorisée (50 % de CMU, 70 % de 1/3 payant),

' ses patients ont des difficultés pour avoir un médecin traitant,

' ses patients ne peuvent payer le tramway et n'ont pas de voiture, ce qui justifie les visites à domicile,

' le motif de consultation le plus fréquent est une fièvre, les consultations multiples pour une même famille sont justifiées par la promiscuité et les problèmes d'hygiène de leur habitat,

' le motif d'appel peut concerner un enfant, et il découvre qu'il s'agit d'un adulte lorsqu'il arrive au domicile (ou le contraire),

' tous les actes facturés ont été réalisés,

' si les médecins de [5] ne se déplacent pas, les patients iront aux urgences,

' l'informatisation de la structure [5] a été mise en place il y a quelques mois avec indication des motifs d'appel, du diagnostic, de la prise en charge,

' il fait un compte-rendu pour le médecin traitant mais ne onserve pas de double ; il indique qu'il va maintenant conserver un double,

' il s'étonne d'être le seul médecin contrôlé de la structure [5]

' il considère l'analyse d'activité comme une remise en cause des missions de [5],

' il a alerté ses confrères de la structure de [5] (antérieurement à l'analyse) sur le manque de traçabilité, sur la nécessité d'informatisation et de création de maison médicalisée,

' la structure [5] travaille avec l'ARS sur un projet de maison médicalisée.

Conclusion

Le Dr [Z] indique les prochaines étapes de l'analyse d'activité (compte-rendu d'entretien, anomalies définitives, notification des griefs par la CPAM) et des suites. »

[3] Le 6 janvier 2016, la CPAM de l'Hérault a adressé au Dr [L] [Y] une lettre reçue le 19 janvier 2016 rédigée en ces termes :

« Je vous avais informé le 29/07/2015 des griefs relevés à votre encontre par le service du contrôle médical à la suite de l'analyse de votre activité réalisée dans le cadre de l'article L. 315.1.IV du code de la sécurité sociale. Au terme de la procédure contradictoire et considérant les anomalies relevées, je vous informe (conformément à l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale), des suites que l'assurance maladie entend donner aux griefs retenus :

' Action en récupération d'indu assorti d'un avertissement conventionnel,

' Saisine conjointe de la section des assurances de la chambre disciplinaire de 1re instance du conseil de l'Ordre, par le service médical et la caisse d'assurance maladie de l'Hérault.

Ces mesures reposent sur les constats suivants :

' Non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels,

' Non-respect de dispositions conventionnelles,

' Actes côtés non exécutés,

' Non-respect du code de déontologie.

Vous trouverez ci-joint un tableau récapitulatif détaillé des dossiers litigieux recensés, pris en charge à tort par l'assurance maladie et dont le reversement vous sera demandé. Je vous propose de nous rencontrer le 26/01/2016 à 11h30 pour une remise en main propre de votre notification d'indu. ».

[4] Le 26 janvier 2016, le praticien se voyait remettre en main propre la notification suivante :

« Je vous avais informé le 29/07/2015 des griefs relevés à votre encontre par le service du contrôle médical à la suite de l'analyse de votre activité réalisée dans le cadre de l'article L. 315.1.IV du code de la sécurité sociale. Au terme de la procédure contradictoire et considérant les anomalies retenues, je vous informe (conformément à l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale), des suites que l'assurance maladie entend donner aux griefs retenus :

' Action en récupération d'indu assortie d'un avertissement dans le cadre de la convention,

' Saisine de la section des assurances de la chambre disciplinaire de 1re instance du conseil de l'Ordre.

Ces mesures reposent sur les constats suivants :

' Non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels,

' Non-respect des dispositions conventionnelles,

' Actes cotés non exécutés,

' Non-respect du code de déontologie.

Le non-respect des obligations afférentes à votre profession nous conduit à vous rendre débiteur de la somme de 117 236,78 € correspondant aux facturations litigieuses analysées à ce jour et qui ont donné lieu à remboursement (cf. tableaux détaillés ci-annexés). Conformément aux dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, vous disposez de deux mois à compter de la réception de la présente lettre pour procéder au règlement de cette somme. »

[5] Le praticien ayant saisi la commission de recours amiable, cette dernière s'est prononcée ainsi le 10 mai 2016 :

« OBJET DU LITIGE

Recouvrement de prestations indûment versées à la suite de l'analyse de l'activité du professionnel de santé. Cette situation a généré un indu de 117 236,78 €.

TEXTES APPLIQUÉS : [']

AVIS DE LA CAISSE :

Le service médical procède à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie. Il constate également les abus en matière de soins, de prescription et d'application de la tarification des actes et autres prestations. À l'issue de cette analyse, il informe le professionnel de santé de ses conclusions et en avise la caisse. Lorsque le versement d'une prestation en nature indue résulte de l'inobservation de la nomenclature générale des actes professionnels, l'organisme de sécurité sociale recouvre auprès du professionnel de santé l'indu correspondant. L'étude des dossiers des assurés démontre· que le professionnel de santé n'a pas respecté les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles :

' Non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels

' Non-respect des dispositions conventionnelles

' Actes cotés non exécutés

' Non-respect du code de déontologie

Par lettre recommandée du 07/04/2015, le service médical a informé le professionnel de santé de la mise en analyse de son activité. Le 06/05/2015, le service médical a adressé au professionnel de santé par pli recommandé avec accusé réception, une demande de renseignements techniques et complémentaires. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29/07/2015, la caisse notifiait au professionnel de santé les griefs retenus à son encontre à l'occasion de l'analyse de son activité, l'informant d'un délai d'un mois pour solliciter une entrevue avec le service médical. Le service médical a confirmé la date d'entretien contradictoire fixée au 13/10/2015 par courrier recommandé du 08/09/2015. Par courrier recommandé du 22/10/2015, le compte rendu de l'entretien contradictoire a été adressé au professionnel de santé. Au terme de la procédure contradictoire, une notification des suites réservées a été adressée au professionnel de santé le 06/01/2016 en pli recommandé avec accusé réception. Celle-ci était accompagnée d'un récapitulatif détaillant les dossiers litigieux recensés, pris en charge à tort par l'assurance maladie. Il était proposé à l'intéressé de prendre rendez-vous avec le secrétariat de direction de la caisse d'assurance maladie de l'Hérault afin que lui soit remise en main propre une notification d'indu. Le 26/01/2016, la caisse a établi une notification d'indu d'un montant de 117 236,78 € avec avertissement, informant l'intéressé de la possibilité de saisir la commission de recours amiable.

ÉLÉMENTS COMPLÉMENTAIRES FOURNIS PAR LE REPRÉSENTANT DU PROFESSIONNEL DE SANTÉ :

« ['] Non-respect de l'article 14-4-2 et 14-4-3 des dispositions générales de la NGAP ['] ce grief concerne 258 visites cotées par le Dr [L] [Y] avec la majoration MNO (majoration nourrisson) et 250 visites cotées MGE (majoration jeune enfant) au motif médical de l'appel communiqué par le Dr [L] [Y] ne serait pas cohérent avec la prescription médicale retrouvée et que l'absence de dossier médical ne permettrait pas de justifier ces majorations. Mais, il sera rappelé que les conditions d'application de la MNO et de la MGE ne sont pas relatives qu'à l'age de l'enfant, aux modalités de l'examen et aux consignes données à l'exclusion de toute autre condition impérative. Ainsi, les prescriptions ne sont citées qu'à titre éventuel et ni le motif d'appel, ni le dossier médical du médecin, ne sont cités dans le texte applicable au titre des conditions d'application de la majoration. Ce grief sera écarté et il n'y aura pas lieu à répétition d'indu sur ce poste. ['] Actes cotes non-exécutés, en dehors des horaires de PDS, aucune obligation réglementaire de traçabilité ne pèse sur les médecins aux heures d'ouverture des cabinets médicaux ['] aux termes des dispositions de l'article 15 de la NGAP, l'acte médical est caractérisé par l'interrogatoire du patient, son examen clinique et, s'il y a lieu, une prescription thérapeutique, quand le dossier médical et la traçabilité ne sont même cités dans cette définition ['] »

Nota Bene :

Les observations du professionnel de santé ont été transmises au service médical. Ce dernier a maintenu sa position initiale en précisant que les majorations MNO et MGE ne font pas partie des anomalies retenues. Concernant les majorations MU retenues en anomalies, le service médical, en l'absence complète de dossier médical et de traçabilité des soins par le Dr [Y], ne peut justifier la cotation d'une majoration MD en remplacement des MU.

DÉCISION :

Considérant l'avis du service médical, considérant que cet avis s'impose à la caisse, considérant le non-respect de la réglementation en vigueur, considérant l'ensemble du dossier, considérant que la caisse a fait une juste application de la réglementation en la matière, la commission décide de maintenir la décision et de poursuivre le recouvrement de la totalité de l'indu. Le cas échéant, cette somme sera récupérée sur le montant des prestations à venir versées par la caisse d'assurance maladie. »

[6] Contestant cette décision, le Dr [L] [Y] a saisi le 3 août 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault.

[7] Le 7 décembre 2017 la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins s'est prononcé ainsi :

« Considérant qu'à l'occasion d'un contrôle ayant porté sur les actes effectués pendant la période du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2014 par le Dr [L] [Y], qualifié spécialiste en médecine générale, des anomalies ont été relevées dans les facturations appliquées par ce praticien ; qu'il résulte des pièces du dossier que certaines des facturations reprochées concernent des actes effectués par d'autres médecins qui, pendant une durée totale de 121 jours l'ont remplacé dans le cadre d'interventions effectuées sur appel de [5] ; qu'il y a donc lieu d'exclure des griefs exposés dans la plainte ceux correspondant à des facturations d'aetes réalisés par ces remplaçants ;

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant qu'il appartient aux sections des assurances sociales appelées à se prononcer sur le comportement d'un professionnel de santé au regard des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale d'interpréter en tant que de besoin la nomenclature générale des actes professionnels ; que la juridiction ordinale est dès lors compétente pour se prononcer sur une plainte fondée sur la méconnaissance par un médecin des obligations qui découlent pour lui de la nomenclature et peut statuer sans que s'impose à elle l'interprétation qu'a pu préalablement donner de ces dispositions le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'ainsi la demande du Dr [Y], tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans la présente affaire en attendant que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier ait lui-même statué sur le recours du Dr [Y] sur la conformité des actes qui lui sont reprochés avec la nomenclature générale des actes professionnels, n'est pas fondée et ne peut qu'être·rejetée ;

Sur la régularité de l'enquête préalable au dépôt de la plainte :

Considérant que les conditions dans lesquelles a été conduit le contrôle de l'activité du Dr [Y] préalablement au dépôt de la plainte conjointe de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et du médecin-conseil chef de service de l'échelon local de l'Hérault sont, en tout état de cause, sans incidence sur la procédure suivie devant la juridiction saisie ; qu'il appartient seulement au juge d'examiner la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis dans le cadre de la procédure contradictoire qui se déroule devant lui et au vu, notamment, des explications et pièces produites par les parties en cause ;

Sur les griefs :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Dr [Y] n'a pas, en premier lieu, respecté, de façon répétée, les règles qu'impose la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) en ce qui concerne la facturation de ses actes ; qu'il en est ainsi pour des majorations de nuit, de dimanche, et de jours fériés, prévues à l'article 14 des dispositions générales de la NGAP, appliquées par ce praticien, alors que pas démontré qu'il se soit agi de cas d'urgence justifiés par l'état du malade (717 anomalies) ; pour des majorations d'urgence, prévues à l'article 14-1 des dispositions générales de la NGAP, alors que celles-ci exigent pour leur application que le médecin soit amené à interrompre ses consultations et à quitter immédiatement son cabinet, tandis que le Dr [Y] n'exerce pas dans un cabinet où il pourrait recevoir des patients en consultation (1 400 anomalies) ; pour l'application de majorations de déplacement pour visite à domicile un dimanche ou un jour férié (MDD) (319 anomalies), la nuit entre minuit et 6 heures (MDI) (63 anomalies), ou la nuit entre 20 heures et minuit et 6 heures à 8 heures (MDN) (428 anomalies), prévues à l'article 14-2 des dispositions générales de la NGAP, le Dr [Y] ne fournissant aucune justification à ces facturations ;

Considérant, en second lieu, que le Dr [Y], qui a facturé un grand nombre d'actes (1 177), et notamment des consultations et des visites assorties le cas échéant des majorations ci- dessus mentionnées, n'a pour 131 actes fourni aucune réponse aux demandes de renseignements qui lui ont été adressées afin d'en vérifier le motif médical, et, pour les autres actes, n'a pu produire un double de compte rendu de son intervention ou de ses prescriptions comme l'exige l'article R. 4127-59 du code de la santé publique, ce qui fait douter sérieusement de leur exécution ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il est reproché au Dr [Y] des manquements à des dispositions conventionnelles concernant des majorations applicables aux consultations, ce grief ne peut qu'être écarté dans la mesure où celles auxquelles se réfèrent les plaignants ne lui sont pas applicables, dès lors qu'il n'exerce pas dans un cabinet et ne réalise que des visites ;

Considérant que les faits retenus ci-dessus à l'encontre du Dr [Y] ont le caractère de fautes et abus au sens des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale susceptibles de lui valoir le prononcé d'une sanction en application des dispositions de l'article L. 145-2 du même code ; que ce praticien ne peut utilement contester le caractère fautif de son comportement dès lors qu'il a, de façon systématique, méconnu les dispositions de l'article R. 4127-45 du code de la santé publique qui lui font obligation de tenir pour chaque patient une fiche d'observation personnelle comportant les éléments nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques, une telle méconnaissance le privant au surplus de la possibilité de justifier sa pratique médicale ; qu'il a également méconnu les dispositions mentionnées à l'article R. 4127-8 du code de la santé publique qui font obligation aux médecins de limiter ses prescriptions et actes à ce qui est « nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins » ; que, compte tenu de la gravité de son comportement fautif, il y a lieu d'infliger au Dr [Y] la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de quatre mois, dont un mois avec le bénéfice du sursis, et de prévoir la publication de cette sanction pendant trois mois ; »

[8] Le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault, par jugement rendu le 16 octobre 2018, a :

reçu le Dr [L] [Y] en sa contestation mais l'a dite non-fondée ;

rejeté les exceptions de nullité de la procédure de contrôle ainsi que la demande d'expertise judiciaire ;

condamné le Dr [L] [Y] à payer à la CPAM de l'Hérault la somme de 117 236,78 €.

[9] Cette décision a été notifiée le 26 octobre 2018 au Dr [L] [Y] qui en a interjeté appel suivant deux déclarations du 29 octobre 2018.

[10] Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles le Dr [L] [Y] demande à la cour de :

dire l'appel recevable ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

'a rejeté les exceptions de nullité de la procédure de contrôle ainsi que la demande d'expertise judiciaire ;

'l'a condamné à payer à la CPAM la somme de 117 236,78 € ;

sur la péremption,

à titre principal, dire irrecevable la demande de constat de la péremption d'instance présentée après une défense au fond ;

à titre subsidiaire, dire que la péremption n'est pas acquise dès lors qu'il n'avait aucune charge procédurale ;

sur l'absence de communication des éléments lui permettant d'exercer les droits de la défense,

constater l'absence de débat contradictoire possible tenant le défaut de communication de l'ensemble des pièces et documents par la CPAM, tels que servant de fondement à l'ensemble de ses demandes et tels que repris dans le cadre de ses conclusions au titre des actes litigieux ;

tenant l'absence de communication et de débat contradictoire, dire qu'il a été porté atteinte au principe des droits de la défense et du contradictoire ;

dire que la CPAM ne justifie en rien de ses demandes ;

rejeter l'ensemble des demandes de la CPAM comme étant irrecevables, infondées et injustifiées ;

dire que dans son exercice professionnel, il n'a pas manqué de :

'respecter la nomenclature générale des actes professionnels ;

'respecter les dispositions conventionnelles ;

'exécuter les actes qu'il a ensuite cotés,

'respecter les dispositions du code de déontologie médicale et particulièrement :

'l'article 24 (article R. 4127-24 du code de la santé publique) ;

'l'article 29 (article R. 4127-29 du code de la santé publique) ;

'l'article 45 (article R. 4127-24 du code de la santé publique) ;

'l'article 71 (article R. 4127-71 du code de la santé publique) ;

dire qu'il ne reste débiteur d'aucun indu à l'égard de la CPAM ;

à titre principal,

relever le caractère illicite au regard des libertés publiques de l'enquête diligentée par le service du contrôle médical de la CPAM et de toute la procédure subséquente ayant conduit à la décision rendue le 2 juin 2016 [sic] par la commission de recours amiable qui a confirmé la décision rendue le 26 janvier 2016 par le directeur adjoint du service du contrôle contentieux de la CPAM ;

prononcer la nullité de l'enquête diligentée par le service du contrôle médical de la CPAM et de toute la procédure subséquente ayant conduit à la décision rendue le 2 juin 2016 par la commission de recours amiable qui a confirmé la décision rendue le 26 janvier 2016 par le directeur adjoint du service du contrôle contentieux de la CPAM ;

à titre subsidiaire,

désigner tel expert inscrit sur la liste nationale mentionnée à l'article R. 142-24-3 du code de la sécurité sociale afin qu'il soit procédé à une expertise technique des données relevées par les services de la CPAM, ce, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 141-2-1 du code de la sécurité sociale :

'aux fins de lever les divergences d'interprétation entre les parties portant sur la cotation d'un nombre considérable d'actes médicaux ;

'aux fins de différencier les actes qu'il a accompli de ceux qui ont été accomplis par ses remplaçants, le simple fait que cette différenciation n'ait pas été effectuée par la CPAM de l'Hérault interdisant en l'état au tribunal des affaires de sécurité sociale (sic) de statuer en bonne connaissance de cause ;

à titre plus subsidiaire,

relever le mal fondé de la décision rendue le 2 juin 2016 par la commission de recours amiable qui a confirmé la décision rendue le 26 janvier 2016 par le directeur adjoint du service du contrôle contentieux de la CPAM ;

en tout état de cause,

débouter la CPAM de ses demandes ;

condamner la CPAM à lui payer une somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.

[11] Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par sa représentante selon lesquelles la CPAM de l'Hérault demande à la cour de :

in limine litis,

constater la péremption de l'instance en application des articles 386 et suivants du code de procédure civile ;

sur le fond,

statuer ce qu'il appartiendra sur la régularité et la recevabilité de l'appel ;

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

rejeter la demande de condamnation à la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ;

débouter le Dr [L] [Y] de tous ses chefs de demande.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[12] Il convient de joindre le dossier n° de RG 18/05414 au dossier n° de RG 18/05413.

1/ Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir tirée de la péremption d'instance

[13] l'appelant reproche à l'intimée d'avoir conclu au fond avant de lui avoir opposé la péremption, contrairement aux prescriptions de l'article 388 du code de procédure civile. Mais, la cour retient que l'intimée, laquelle n'est pas représentée par avocat, n'a pas conclu antérieurement à l'audience de plaidoirie mais simplement adressé des notes écrites qu'elle n'a pas soutenues oralement à l'audience. Dès lors, elle a bien respecté les dispositions de l'article 388 du code de procédure civile en soutenant pour la première fois à l'audience de plaidoirie ses dernières écritures qui indiquent soulever la péremption d'instance in limine litis.

2/ Sur la péremption d'instance

[14] La CPAM soutient que la péremption d'instance prévue à l'article 386 du code de procédure civile se trouve acquise dès lors qu'aucun acte interruptif d'instance n'est intervenu entre le 29 novembre 2018 et le 1er décembre 2023, date des conclusions de l'appelant.

[15] Mais, concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d'instance à l'hypothèse où les parties s'abstenaient d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d'appel par l'ancien article R. 142-30 du même code. Le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l'article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.

[16] Par trois arrêts du 7 mars 2024 (civ. 2, pourvois n° 21-19.761, n° 21-20.719 et n° 21-23.230), la Cour de cassation, statuant en matière de procédure écrite, a retenu que lorsqu'elles ont accompli l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état. Elle a précisé que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption. La Cour a dès lors décidé qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière. Elle a précisé que ces arrêts qui opèrent revirement de jurisprudence étaient immédiatement applicables en ce qu'ils assouplissent les conditions de l'accès au juge.

[17] La cour retient que l'article 386 du code de procédure civile ne saurait mettre à la charge des parties des obligations plus contraignantes en procédure orale qu'en procédure écrite et qu'en conséquence l'appelant n'encourt par la péremption étant relevé que la fixation tardive de l'affaire n'a, en l'espèce, d'autre cause que l'encombrement du rôle.

3/ Sur la demande d'annulation de l'enquête

[18] L'appelant demande à la cour d'annuler l'enquête et les actes subséquents qui y trouvent leur fondement au motif qu'elle a été entreprise au vu de l'analyse automatisée de ses revenus. Mais il n'apparaît pas que la prise en compte des revenus d'un praticien pour déclencher une procédure de contrôle soit contraire aux libertés publiques dès lors que l'enquête elle-même n'est nullement orientée par des considérations statistiques mais se borne à analyser des actes précis. En conséquence, il n'y a pas d'annuler la procédure d'enquête ni les décisions qu'elle a permis de fonder.

4/ Sur la demande d'expertise

[19] L'appelant sollicite subsidiairement une mesure d'expertise portant sur la cotation des actes médicaux et sur l'activité de ses remplaçants. Mais au temps de l'enquête, la caisse lui a adressé un document précisant, pour chacune des 7 116 anomalies relevées, le numéro de matricule de l'assuré, ses nom et prénom, la date de la prescription, la date des soins, la nature de la prestation, la cotation retenue, le texte violé, le montant indu, la date du mandatement, le numéro du destinataire du règlement ainsi que le numéro de facture. Il n'apparaît pas que la discussion concernant la cotation des actes ait besoin d'être éclairée par une mesure d'expertise dès lors que l'appelant est lui-même médecin et que la caisse s'adjoint le service de médecins conseil. Le débat portant sur l'activité des remplaçants recrutés par l'appelant et qui intervenait sous ses références ne comporte aucune technicité particulière qui nécessiterait l'éclairage d'un expert dès lors que ce dernier ne saurait palier la carence probatoire reprochée au praticien par la caisse étant relevé que le praticien était en compte avec ses remplaçants concernant leur rémunération et disposait donc de tous les éléments nécessaires à la connaissance de leur activité.

5/ Sur l'exercice des droits de la défense

[20] Le praticien fait grief à la caisse de ne pas respecter le principe du contradictoire en ne produisant pas les pièces sur lesquelles elle a fondé son contrôle soit l'ensemble des prescriptions médicales et des actes litigieux. La caisse répond en substance que le praticien inverse la charge probatoire et qu'il lui appartient de justifier des actes qu'il a cotés ainsi que de ses prescriptions.

[21] La cour retient que les parties s'opposent sur le terrain de la charge de la preuve et que, dans la cadre d'un débat judiciaire loyal, chaque partie se trouve libre de sa position concernant la charge probatoire, quitte à supporter toutes les conséquences d'une appréciation erronée de cette dernière, sans pour autant porter atteinte aux droits de la défense.

6/ Sur le non-respect de la NGAP

[22] La caisse reproche au praticien 5 160 non-respects de la NGAP concernant 2 959 patients soit :

' des non-respects de l'article 14 des dispositions générales de la NGAP relatifs à 302 F, 319 MDD, 63 MDI, 428 MDN, 118 MM, 297 N, les actes étant effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés sans que le praticien justifie de la situation d'urgence médicale de ses patients ;

' des non-respects de l'article 14-1 des dispositions générales de la NGAP concernant 1 400 MU, le praticien ne pouvant justifier l'interruption de ses consultations qui l'amènerait à quitter immédiatement son cabinet n'en possédant pas ;

' des non-respects de l'article 14-2 des dispositions générales de la NGAP concernant 1 725 MD, 319 MDD, 63 MDI, 428 MDN, le praticien n'ayant pas communiqué le motif de la visite, seuls les motifs d'appels au standard étant transmis, l'absence de dossier médical et de prescription pharmaceutique en cohérence médicale avec ces motifs ne permettant pas de justifier ces majorations ;

' des non-respects de l'article 14-4-2 des dispositions générales de la NGAP concernant 258 MNO (majoration nourrisson), le motif médical de l'appel communiqué par le praticien n'étant pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée et l'absence de dossier médical ne permettant pas de justifier ces majorations ;

' des non-respects de l'article 14-4-3 des dispositions générales de la NGAP concernant 250 MGE (majoration jeune enfant), le motif médical de l'appel n'étant pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée et l'absence de dossier médical ne permet pas de justifier ces majorations.

[23] Le praticien fait valoir en substance qu'il exerçait dans le cadre de la structure [5], qu'il ne tenait pas de dossier médical concernant les patients qu'il visitait et qu'il répondait à tous les appels pour pallier tout à la fois les carences de la médecine de ville et l'engorgement des urgences, problèmes affectant particulièrement sa patientèle défavorisée qui ne disposait pas de moyens de transport.

[24] Mais la cour retient qu'il appartient au praticien quel que soit son mode d'exercice, en application des dispositions de l'article R. 4127-45 du code de la santé publique, de tenir pour chaque patient une fiche d'observation personnelle comportant les éléments nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Le praticien qui a systématique violé cette obligation et ne produit ainsi aucun justificatif de sa pratique médicale, pas même les doubles des lettres qu'il aurait adressées aux médecins traitants de ses patients pour rendre compte de son intervention, ne saurait prétendre à une quelconque cotation. Il sera relevé de plus que le praticien, qui ne disposait pas d'un cabinet, ne peut prétendre de ce seul fait à des majorations pour l'avoir quitté.

7/ Sur le non-respect des dispositions conventionnelles

[25] La caisse reproche au praticien 1 177 non-respects des dispositions conventionnelles concernant 1 010 patients, soit 583 VRD qui auraient dû être cotées 583 CRD, 207 VRM qui auraient dû être cotées 207 CRM et 387 VRN qui auraient dû être cotées 387 CRN, le motif médical de l'appel n'étant pas cohérent avec la prescription pharmaceutique retrouvée et l'absence de dossier médical ne permettant pas de justifier l'urgence médicale de la visite.

[26] Le praticien soutient que ses cotations sont justifiées dès lors que le principe de la visite à domicile de praticiens de [5] [Localité 2] dans le cadre de la permanence des soins était expressément validée dans le cahier des charges de la structure.

[27] Pour les motifs déjà énoncés au § 24, la cour retient que le praticien ne justifie pas de sa contestation, les considérations générales concernant le fonctionnement le structure [5] étant sans portée dans le présent débat. Par contre, la caisse détaille précisément ses refus de prise en charge sans qu'aucune pièce ne soit produite qui viendrait contredire l'appréciation de son service médical laquelle apparaît bien-fondée et sera dès lors validée.

8/ Sur les actes cotés et non-exécutés

[28] La caisse reproche au praticien 779 actes cotés et non-exécutés concernant 154 patients, soit 164 C, 27 F, 163 MD, 35 MDD, 1 MDI, 20 MDN, 7 MGE, 18 MNO, 21 N, 22 MU, 274 V, 13 VRD, 1 VRM, 13 VRN, n'ayant retrouvé aucune traçabilité de leur réalisation. Le praticien soutient en défense qu'il n'est assujetti à aucune obligation de traçabilité.

[29] Mais, comme il a été dit au § 24, le praticien a l'obligation de tenir pour chaque patient une fiche d'observation personnelle comportant les éléments nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Dès lors, il lui appartient de justifier par la production d'une telle fiche ou par tout autre document, notamment figurant au dossier médical du patient, de la réalisation de l'acte qu'il a coté. En conséquence l'indu sera validé de ce chef.

9/ Sur le non-respect du code de déontologie

[30] Ce point constitue le récapitulatif des trois points précédents et à ce titre concerne les 7 116 anomalies déjà examinées relatives à 3 620 patients. La caisse reproche au praticien d'avoir violé quatre articles du code de déontologie, soit :

' l'article 24, en faisant bénéficier les patients de visites à domicile parfois de nuit et les jours féries avec remboursement de majorations de déplacement non médicalement justifiées ;

' l'article 29, en ne respectant pas la NGAP et les dispositions conventionnelles faute de prouver la réalisation des actes ou les circonstances des majorations ;

' l'article 45, en ne tenant pas de dossier médical pour ses patients ;

' l'article 71, en ne disposant pas d'un cabinet médical.

[31] Ces griefs, qui n'ont pas d'incidence complémentaire sur le montant de l'indu, ont déjà été discutés aux trois points précédents. Il n'est donc pas nécessaire de les envisager à nouveau sous le seul jour déontologique comme a pu le faire le conseil de l'Ordre pour fonder sa sanction.

10/ Sur les autres demandes

[32] L'appelant qui succombe sera débouté de sa demande concernant les frais irrépétibles et il supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction du dossier n° de RG 18/05414 au dossier n° de RG 18/05413.

Déclare l'appel recevable.

Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée de la péremption d'instance mais l'écarte.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute le Dr [L] [Y] de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne le Dr [L] [Y] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/05413
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;18.05413 ?
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