La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2024 | FRANCE | N°18/03760

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 02 juillet 2024, 18/03760


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 02 Juillet 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03760 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NYCA



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUILLET 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER

N° RG201700534





APPELANT :


<

br>Monsieur [I] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Yann LE TARGAT de VINCKEL - ARMANDET - LE TARGAT - BARAT BAIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/011857 du 19/09/2018 accordée par le bureau d'aide...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 02 Juillet 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03760 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NYCA

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUILLET 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER

N° RG201700534

APPELANT :

Monsieur [I] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Yann LE TARGAT de VINCKEL - ARMANDET - LE TARGAT - BARAT BAIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/011857 du 19/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEES :

Me [D] [R] (SELAS [10]) - Mandataire liquidateur de Société [11]

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Localité 5]

non comparantr

CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 3]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentant : Mme [S]

en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 MAI 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

M. Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- réputé contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [I] [K] a été embauché par la société [11] en qualité de coffreur bancheur à compter du 12 mars 2009.

Le 14 avril 2014, il est victime d'un accident du travail.

La déclaration d'accident du travail mentionne « en décrochant une benne en haut du talus, celle-ci s'est déséquilibrée, entrainant l'ouvrier dans la pente du talus, s'est cogné ».

Le certificat médical initial du 14 avril 2014 indique « fracture comminutive du calcaneum gauche avec enfoncement thalamique nécessitant une intervention chirurgicale prévue le 17/10/2014 ».

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'état de santé de Monsieur [I] [K] a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables à la date du 12 septembre 2016 et un taux d'incapacité permanente partielle de 15% lui a été attribué.

A la suite de plusieurs rechutes, ce taux a fait l'objet de révisions successives et est actuellement fixé à 42%.

Le 24 mars 2017, Monsieur [I] [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Selon jugement du 2 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault a :

- débouté Monsieur [I] [K] de ses demandes, fins et conclusions tendant à voir reconnaitre la faute inexcusable de le SA [11] en lien avec son accident du travail en date du 14 octobre 2014,

- condamné Monsieur [I] [K] à payer à la SA [11] la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 19 juillet 2018, Monsieur [I] [K] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Après une procédure de redressement judiciaire prononcée le 9 octobre 2018, selon jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 2 octobre 2023, la société [11] a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et Me [G] [D] a été désigné en qualité de liquidateur.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 2 mai 2024.

Monsieur [I] [K] a soutenu ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 8 novembre 2023 et a sollicité ce qui suit:

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault le 2 juillet 2018 et statuant de nouveau,

- de dire et juger que la Société [11] a commis une faute inexcusable,

- de fixer la majoration de la rente au taux maximum,

- ordonner une expertise médicale avant dire droit,

- designer l'Expert qui plaira à la Cour de Céans et le mandater aux fins de mission suivante :

1/ Décrire les lésions subies

2/ Indiquer leur traitement, leur évolution et celles des troubles en rapport direct avec les maladies

3/ Déterminer, décrire, qualifier et chiffrer :

a) Les préjudices expressément énumérés par l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale

à savoir :

- les souffrances endurées sur une échelle de 1 à 7

- le préjudice esthétique sur une échelle de 1 à 7

- le préjudice d'agrément

- la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle

b) Le déficit fonctionnel temporaire

c) La nécessité éventuelle d'avoir dû recourir à une tierce personne avant la consolidation

- de lui allouer une provision de 5.000 € de dommages et intérêts à valoir sur la réparation définitive de son préjudice.

- condamner la Société [11] à payer à M. [X] la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Me [R] [D] liquidateur de la société [11], dûment convoquée, ne comparait pas.

La Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, dument représentée, a soutenu ses conclusions remises à l'audience et a sollicité :

- de statuer ce qu'il appartiendra sur la régularité, la recevabilité et les mérites au fond de l'appel,

- de lui donner acte de ce qu'elle demande le rejet de la faute inexcusable de l'employeur en l'absence de preuves rapportées par la victime et d'éléments communiqués par le représentant de l'employeur,

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable,

- donner acte à la Caisse primaire d'assurance maladie qu'elle émet toute réserve sur le montant attribué en réparation des préjudices éventuellement subis par la victime,

- condamner l'employeur , la SA [11] prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie toutes les sommes dont elle aura à faire l'avance au titre des préjudices subis,

- condamner l'employeur à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie le capital représentatif de la majoration de rente de l'assuré sur la base du taux opposable de 15%.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience. L'affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la faute inexcusable

Il résulte des articles L452-1 du code de la sécurité sociale, L4121-1 et L4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. civ. 2e 8 octobre 2020 n° 18-25021, cass. civ. 2e 8 octobre 2020 n° 18-26677).

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié (ou à ses ayants droit) (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, no 02-30.984 ; Cass. 2e civ., 5 juill. 2005, no 03-30.565 ; Cass. 2e civ., 31 mai 2006, no 04-30.430) lequel doit démontrer que la faute commise a été la cause nécessaire de l'accident ou de la maladie professionnelle.

En l'espèce, Monsieur [I] [K] soutient que la société [11] est fautive de ne pas avoir mis en 'uvre les protections collectives nécessaires qui auraient pu éviter l'accident du travail litigieux. Il critique les pièces sur lesquelles s'est fondé le tribunal des affaires de sécurité sociale s'agissant de la fiche de contrôle de sécurité, du compte rendu d'accident et du PPSPS (plan particulier de sécurité et de protection de la santé).

En l'absence du représentant de l'employeur, la cour ne dispose d'aucun écrit émanant de l'entreprise.

Il ressort des pièces produites que Monsieur [I] [K] travaillait sur le chantier DORAMAR consacré à la réalisation d'un ensemble immobilier où l'entreprise [11] avait la charge des terrassements et fondation, que le salarié était affecté au vidage d'une benne, ladite benne étant tenue par des élingues et déplacée par une grue. Pour procéder au vidage de cette benne, le salarié devait communiquer visuellement avec le conducteur de la grue pour pouvoir enlever les élingues puis procéder au vidage. Or, lors du décrochage de la benne, cette dernière a bougé et le salarié a été projeté à plus de 11 mètres en contrebas.

La cour constate que le procédé retenu par l'entreprise [11] pour déplacer la benne ne pouvait que comporter des risques pour les salariés que ce soit lors du déplacement de la benne ou lors de son vidage et qu'aucun moyen de prévention (notamment usage d'un appareil de communication entre le grutier et le ou les salariés procédant au vidage) ou de protection collective n'avait été prévu. Si les premiers juges ont retenu que le salarié avait à sa disposition un harnais qu'il ne portait pas, il convient de rappeler que les dispositifs de protection individuelle sont subsidiaires aux dispositifs de protection collective et qu'en outre, aucune pièce communiquée ne démontre que le port du harnais avait été imposé au salarié pour procéder à cette opération de vidage de la benne, ce port impliquant par ailleurs un point d'attache dont l'existence n'est pas rapportée.

Il en résulte que l'entreprise [11] avait conscience du danger auquel elle a exposé Monsieur [I] [K] et qu'aucune mesure n'avait été prise pour l'en préserver.

Ainsi, il est établi que l'entreprise [11] a commis une faute inexcusable.

Le jugement de première instance sera infirmé.

Sur les préjudices du salarié, une expertise sera ordonnée et d'ores et il est justifié de lui allouer une provision d'un montant de 5000€.

Sur la rente, il résulte des éléments de la cause que cette dernière peut être fixée à son maximum.

Compte tenu de la liquidation judiciaire, il ne peut être fait droit aux demandes de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault de voir condamner la société [11] au remboursement des sommes avancées ou du capital représentatif de la majoration de la rente.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du 2 juillet 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault en ses entières dispositions,

Statuant à nouveau ,

DIT que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [I] [K] est du à la faute inexcusable de la société [11],

FIXE à son maximum la majoration de la rente versée à Monsieur [I] [K] et dit que cette majoration sera versée par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault,

ORDONNE une expertise médicale,

COMMET pour y procéder le Docteur [T] [N] Selarl [13] [Adresse 4] : [XXXXXXXX01] - Mèl : [Courriel 12]

avec mission de :

- convoquer les parties et leurs conseils ;

- se faire communiquer et prendre connaissance du dossier médical et de l'ensemble des documents médicaux qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, concernant Monsieur [I] [K]

- procéder à l'examen de Monsieur [I] [K] et recueillir ses doléances ;

- décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé avant et après la survenance de l'accident du 14 octobre 2014, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû être prodigués ;

- décrire précisément les lésions dont la victime reste atteinte ;

- préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

'les souffrances endurées temporaires avant consolidation dans une échelle de 1 à 7 ;

'le préjudice d'agrément, en indiquant, notamment à la vue des justificatifs produits, si l'appelant est empêché en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, et en distinguant les préjudices temporaires et définitifs ;

'la perte de chance de promotion professionnelle, en indiquant s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles ;

'le préjudice esthétique ;

- préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :

'le déficit fonctionnel temporaire, en indiquant les périodes pendant lesquelles l'appelant a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affecté d'une incapacité fonctionnelle totale ou partielle ;

'le déficit fonctionnel permanent ;

'le préjudice sexuel ;

'le préjudice d'établissement ;

'l'assistance par tierce personne avant consolidation, en indiquant le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer des démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, en précisant la nature de l'aide prodiguée et sa durée quotidienne ;

'les préjudices permanents exceptionnels s'il y a lieu.

DIT que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne.

DIT que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai raisonnable qu'il aura imparti, avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat du greffe de la cour dans les trois mois du jour où il aura été saisi de sa mission.

DIT que les frais d'expertise seront avancés par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

DIT qu'une provision de 5000€ sera versée à Monsieur [I] [K] par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault,

DEBOUTE la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault de voir condamner la société [11] au remboursement des sommes avancées ou du capital représentatif de la majoration de la rente, en l'état de la société,

DIT qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du président de la troisième chambre sociale.

DESIGNE le président de la troisième chambre sociale pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tous les incidents relatifs à cette mesure.

DIT que les parties seront convoquées par le secrétariat greffe après dépôt du rapport d'expertise.

SURSOIT à statuer sur les autres demandes.

RESERVE les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/03760
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;18.03760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award