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27/06/2024 | FRANCE | N°22/01465

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 27 juin 2024, 22/01465


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01465 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLFO





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 DECEMBRE 2021

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP DE BEZIERS

N° RG 19/02498





APPELANTE :



Mme [G] [L]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée sur l'audience par Me Marie-Charlotte MARECHAL, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnel...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01465 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLFO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 DECEMBRE 2021

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BEZIERS

N° RG 19/02498

APPELANTE :

Mme [G] [L]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée sur l'audience par Me Marie-Charlotte MARECHAL, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001630 du 23/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A. Mae Centre Technique National

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Nora ANNOVAZZI de l'ASSOCIATION GUIGUES CALAS-DAVID ANNOVAZZI, avocat au barreau de BEZIERS substitué sur l'audience par Me Fella BOUSSENA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance d'irrecevabilité des conclusions du 10 octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M.Philippe BRUEY, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, président de chambre

M. Philippe BRUEY, conseiller

Mme Marie-José FRANCO, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, greffier.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Mme [G] [L] est assurée auprès de la SA Mutuelle Assurance de l'Education (dite MAE) Centre technique national, en sa qualité de locataire d'un logement situé à [Localité 8].

Le 6 mars 2018, l'habitation qu'elle occupe avec son compagnon M. [T] [C] et leurs deux enfants s'est partiellement effondrée. Elle a effectué la déclaration de sinistre à son assureur le jour-même.

Le 9 mars 2018, un expert diligenté par la SA MAE Centre Technique National s'est déplacé sur les lieux et a rédigé un rapport sur le sinistre, concluant à l'absence de garantie mobilisable pour prendre en charge les éventuels dommages aux biens.

Le 8 mars 2018, M. [C], a déposé plainte pour un vol par effraction subi dans leur logement et la plainte a été transmise à l'assureur le 13 mars 2018.

Mme [L] a mis en demeure la SA MAE Centre Technique National par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 mai 2019, en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice lié au vol, en vain.

C'est dans ce contexte que Mme [L] a assigné la SA MAE Centre Technique National devant le tribunal de grande instance de Béziers en paiement d'une indemnité d'assurance.

Par jugement contradictoire du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a débouté Mme [L] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée à payer à la SA MAE Centre Technique National la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le 16 mars 2022, Mme [L] a relevé appel de cette décision.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 8 juin 2022, Mme [G] [L] demande à la cour de :

La recevoir en son appel,

Condamner la SA MAE Centre Technique National à l'indemniser à hauteur de 10 000 euros,

Dire que cette somme portera intérêt à compter du 9 avril 2019, date de la première mise en demeure,

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Condamner la SA MAE Centre Technique National à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamner la SA MAE Centre Technique National aux dépens d'appel et de première instance et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée déposées le 10 août 2022 par Maître [O] [I] pour la SA MAE Centre Technique National.

Vu l'ordonnance de clôture du 15 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée

Au visa de l'article 909 du code de procédure civile, par ordonnance du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée déposées le 10 août 2022 par Maître [O] [I] pour la SA MAE Centre Technique National.

Cette ordonnance, qui n'a pas fait l'objet d'un déféré, a autorité de la chose jugée au principal en vertu de l'article 914 du code de procédure civile.

Les conclusions de la SA MAE Centre Technique National doivent donc être écartées du dossier. De même, les pièces communiquées au soutien desdites conclusions sont elles-mêmes irrecevables selon l'article 906, alinéa 3 du code de procédure civile (Cass. ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-27.501).

C'est donc à tort que la SA MAE Centre Technique National a déposé ses pièces et conclusions communiquées en première instance à l'audience de plaidoiries du 6 mai 2024.

En outre, selon l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement. C'est précisément le cas de l'intimé dont les conclusions sont irrecevables (Cass. 2ème civ., 10 janv. 2019, n° 17-20.018).

Il résulte, également, de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par la SA MAE Centre Technique National (intimée) doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Sur les conditions de mise en oeuvre de la garantie

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produire l'extinction de son obligation.

S'il appartient à l'assuré qui réclame l'exécution du contrat d'assurance d'établir l'existence du sinistre, objet du contrat, il incombe à l'assureur qui invoque une déchéance de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette déchéance et donc d'établir la mauvaise foi de l'assuré pour prétendre à l'application d'une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre.

Si les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, en application de l'article 2274 du code civil, la bonne foi est présumée et l'inexactitude des mentions renseignées dans la déclaration de sinistre n'établit pas automatiquement la mauvaise foi de l'assuré.

En l'espèce, l'originalité du dossier tient à ce qu'il existe deux déclarations de sinistres successives de Mme [G] [L] auprès de l'assureur :

d'abord, le 6 mars 2018 au sujet de l'effondrement partiel de l'immeuble dans lequel Madame [L] était locataire qui a conduit au relogement de sa famille à l'hôtel ;

ensuite, entre les 7 et 13 mars 2018 (les parties s'opposent sur la date) au sujet d'un cambriolage commis au domicile de Madame [L] ayant donné lieu à un dépôt de plainte par son conjoint, M. [T] [C].

Mme [G] [L] sollicite l'infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :

Elle a informé l'expert du cambriolage, ce qui démontre sa bonne foi ;

Elle a adressé différentes listes d'objets volés car sa famille s'est retrouvée subitement sans logement, avec deux enfants dont un âgé de 5 ans, et n'a pu immédiatement prendre conscience de la totalité des objets disparus.

En première instance, le tribunal a considéré que :

Le dépôt par Monsieur [T] [C] d'une plainte pour vol le 8 mars 2018 à 17h15, « unique pièce de la procédure pénale jointe aux débats, à l'exclusion du procès-verbal de constatations de l'effraction par les forces de l'ordre » permet de présumer la matérialité du vol ;

Ce sinistre, constaté le matin du 7 mars 2018, n'a fait l'objet d'une déclaration de sinistre auprès de l'assureur que le 13 mars 2018 donc en dehors du délai imparti contractuellement à savoir 48 heures ;

Madame [G] [L] allègue avoir informé l'expert mandaté par l'assureur dans le cadre du sinistre lié à l'effondrement dès le 9 mars 2018, mais elle ne peut démontrer la véracité de ses allégations ;

Les déclarations de l'assurée ont été évolutives dans le temps concernant la date du vol et la liste des objets volés ; ce sont des éléments objectifs permettant au tribunal de retenir la mauvaise foi de l'assurée dans ses déclarations.

A hauteur de cour, Mme [G] [L] produit pour la première fois, en pièce n° 42, le procès-verbal de synthèse de l'enquête de la gendarmerie nationale. Il ressort de ce document que:

Le mercredi 7 mars 2018 à 18 heures, l'intervention des gendarmes a été requise sur les lieux d'un cambriolage à habitation principale en l'absence des occupants, au domicile de [T] [C] situé [Adresse 3] à [Localité 8]. Les gendarmes ont constaté la matérialité d'un vol.

Le 6 mars 2018, [T] [C] et sa famille ont été contraints de quitter leur domicile à la suite d'un effondrement accidentel de leur immeuble. L'accès au bâtiment était interdit par arrêté municipal. Les appartements étaient fermés et inaccessibles.

Malgré cette interdiction, M. [T] [C] est revenu le lendemain et a constaté un vol commis par effraction dans son domicile au deuxième étage. Sa porte d'entrée a été forcée, et des objets ont été dérobes a l'intérieur.

Une trace d'effraction était visible sur le montant de la porte d'entrée. La porte d'entrée au deuxième étage a été fracturée, mais la porte de l'immeuble a été retrouvée ouverte sans dégradation alors qu'elle était verrouillée depuis la veille.

Les constatations des gendarmes n'ont pu se poursuivre à l'intérieur du bâtiment effondré.

M. [T] [C] soupçonnait sa voisine d'en dessous à la suite d'un différend plus ancien, mais sans preuve.

Cette voisine mise en cause a été entendue. Elle n'a pas reconnu les faits reprochés.

[T] [C] est revenu le 19 avril 2018 pour compléter la liste des objets dérobés, en l'espèce des bijoux et du matériel multimédia.

Les investigations entreprises n'ont pas permis de recueillir d'éléments susceptibles d'identifier le ou les auteurs des faits.

De l'enquête effectuée, il ressort qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de présumer que l'infraction de « vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt » peut être retenue.

Même si la cour ne peut que regretter que seul le procès-verbal de synthèse de l'enquête de la gendarmerie nationale soit versé au débat (et pas l'ensemble des pièces de l'enquête), il n'en demeure pas moins que la réalité du vol subi par Mme [G] [L] et M. [T] [C] est suffisamment établie.

Il appartient donc à la SA MAE, pour obtenir la déchéance du droit à indemnisation de son assurée, de démontrer que celle-ci a de mauvaise foi fait une fausse déclaration de sinistre sur la nature, les causes, circonstances ou conséquences du sinistre avec l'intention de tromper l'assureur.

L'incohérence des explications sur les circonstances de la découverte du vol par Mme [G] [L] peut s'expliquer par sa situation personnelle particulière au moment du vol : elle était provisoirement relogée à l'hôtel à cause de l'effondrement d'une partie de son logement et avait interdiction d'y retourner en raison d'un arrêté municipal portant condamnation d'accès à l'immeuble.

Dans ces circonstances, l'inexactitude des renseignements donnés à l'expert par Mme [L] n'établit pas automatiquement sa mauvaise foi, d'autant qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pu donner précisément la liste des objets volés, étant rappelé que l'expert lui-même a refusé de pénétrer dans l'immeuble compte tenu de l'arrêté municipal d'interdiction d'accès.

Les contestations de la SA MAE Centre Technique National sont insuffisantes à démontrer que Mme [G] [L] a de mauvaise foi fait de fausses déclarations concernant le vol et ne permettent pas de remettre en cause les circonstances du vol, c'est-à-dire de la réalisation du risque assuré.

En conséquence, la garantie de la SA MAE Centre Technique National est mobilisable.

Il résulte des éléments produits aux débats (factures produites en pièces 16 à 38) que la valeur totale des objets dérobés à Mme [G] [L] doit être évaluée à la somme de 4 268,10 euros.

La SA MAE Centre Technique National sera donc condamnée à payer à Mme [G] [L] une somme de 4268,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 avril 2019.

La capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1346-2 du code civil est de droit lorsqu'elle est sollicitée et sera en conséquence ordonnée.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [G] [L] pour résistance abusive

Mme [G] [L] sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la SA MAE Centre Technique National à lui payer une somme de 3 000 euros en dédommagement de sa résistance abusive.

Toutefois, Mme [G] [L] ne démontre pas que l'assureur lui a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant du retard de paiement lui permettant d'obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. Elle sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [G] [L] à payer à la SA MAE Centre Technique National une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA MAE Centre Technique National qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Ecarte les pièces déposées par la SA MAE Centre Technique National à l'audience du 6 mai 2024 en raison de l'irrecevabilité des conclusions de cette société prononcée par ordonnance du 10 octobre 2022 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Montpellier ;

Infirme le jugement du 6 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Béziers sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour procédure abusive formulée par Mme [G] [L] ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la SA MAE Centre Technique National à payer à Mme [G] [L] une somme de 4 268,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 avril 2019 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

Condamne la SA MAE Centre Technique National aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [G] [L] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01465
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.01465 ?
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