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25/06/2024 | FRANCE | N°24/00438

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 25 juin 2024, 24/00438


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00438 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJDH



O R D O N N A N C E N° 2024 - 449

du 25 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur X se disant [T] [E]

né le 17 Septembre 1991 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité Algé

rienne

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire



Comparant, par visio co...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00438 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJDH

O R D O N N A N C E N° 2024 - 449

du 25 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur X se disant [T] [E]

né le 17 Septembre 1991 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire

Comparant, par visio conférence suite à la demande de M Le Préfet des Pyrénées Orientales, et assisté par Maître Mojtaba HOSSEINI NASSAB NADJAR, avocat commis d'office

Appelant,

et en présence de [R] [G], interprète assermenté en langue arabe,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC

Non représenté

Nous, Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024, et plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Béatrice MARQUES, greffier,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 01 septembre 2022 de MONSIEUR LE PREFET DE CORREZE portant obligation de quitter le territoire national sans délai assortie d'une interdiction de retour de 3 ans pris à l'encontre de Monsieur X se disant [T] [E] ;

Vu la décision de placement en rétention administrative du 21 juin 2024 de Monsieur X se disant [T] [E] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 21 juin 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur X se disant [T] [E] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;

Vu la requête de Monsieur X se disant [T] [E] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 22 juin 2024 ;

Vu l'ordonnance du 22 Juin 2024 à 16 h 18 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur X se disant [T] [E],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [T] [E] , pour une durée de vingt-huit jours,

Vu la déclaration d'appel faite le 24 Juin 2024 par Monsieur X se disant [T] [E] du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 15 h 08,

Vu l'appel téléphonique du 24 Juin 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 25 Juin 2024 à 09 H 00,

Vu les courriels adressés le 24 Juin 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 25 Juin 2024 à 09 H 00,

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus par visio conférence, librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 09 H 00 a commencé à 09h43

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Assisté de [R] [G], interprète, Monsieur X se disant [T] [E] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je m'appelle [T] [E], je suis né le 17 Septembre 1991 à [Localité 3] (ALGERIE). Mes enfants sont tout seul et je souhaite les rejoindre . J'ai un bébé de deux mois ; non ils ne sont pas seuls il y a leur mère. Oui c'est la première fois que je suis placé en rétention. Je suis en France depuis 2015. Je suis entrain de préparer mon passeport. Mon intention était de tout déposer et malchance j'ai été interpellé . Je veux une chance . Mon projet est de déposer le dossier , m'occuper de mes enfants et trouver un travail en France . Oui je parle français et je comprends le français de la rue mais pas le français technique. '

L'avocat, Me Mojtaba HOSSEINI NASSAB NADJAR développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Monsieur est arrivé en France en 2015, cela fait 9 ans qu'il habite en France avec sa conjointe et ses deux enfants. Lui et sa conjointe sont demandeurs d'asile. Il a le droit de séjour en tant que demandeur d'asile et avec cette attestation. Si l'OFPRA accepte sa demande d'asile cela aura un effet rétrocatif. Il est interpellé pour des faits de 2021 ; La procédure pénale était une CRPC ce qui signifiait qu'il a des garanties de représentation ; on a accepté qu'il ait une adresse, un domicile fixe, dans un hôtel géré par le CADA , centre de demandeurs d'asile. En février il a l'adresse à [Localité 4]. Malgré ces éléments il est placé en rétention administrative, prolongé par le JLD or le juge n'a pas tenu compte du statut de demandeur d'asile. La demande de réexamen auprés de l'OFPRA est toujours en cours. Il y a violation de l'article 8 de la CEDH . La mère est isolée et monsieur doit s'occuper de sa famille . Je demande l'infirmation de l'ordonnance à titre principal et à titre subsidiaire l'assignation à résidence.

Je m'en remets à la déclation d'appel pour les autres moyens

Assisté de [R] [G], interprète, Monsieur X se disant [T] [E] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' pour mes enfants, je veux une chance '

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 4] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 24 Juin 2024, à 15 h 08, Monsieur X se disant [T] [E] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 22 Juin 2024 notifiée à 16 h 18, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

Sur le défaut de motivation de l'ordonnance de prolongation de la rétention

Dans une formule stéréotypée et déconnectée de la réalité de la procédure, Monsieur X se disant [T] [E] fait valoir que l'ordonnance critiquée ne respecte pas les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile relatives à l'exigence de motivation des décisions de justice ;

Or, l'ordonnance déférée motive sur onze pages le rejet de la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative et la nécessité du maintien en rétention administrative. En outre, le juge des libertés et de la détention déplore l'absence de production d'une preuve de la demande de réexamen de la demande d'asile auprès de l'OFPRA, ce qui est vrai, l'intéressé se contentant de produire une attestation de demande émanant de la préfecture de l'Hérault. Il ne peut non plus être reproché au premier juge de ne pas avoir répondu sur le défaut de base légale. En effet, le moyen relatif à la demande d'asile en procédure accélérée est examiné au titre du défaut d'examen individuel de la situation du retenu.

Le moyen de nullité sera en conséquence rejeté.

Sur l'absence de base légale en raison de la demande d'asile

Aux termes de l'article L521-7 du CESEDA, lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile.

La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2.

Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention.

L'article L541-1 du CESEDA précise que le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français.

Selon l'article L541-2 du même code, l'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent.

L'article L541-3 de ce code prévoit que 'sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2".

L'article L523-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d'une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d'asile dont le comportement constitue une menace à l'ordre public.

L'étranger en situation irrégulière qui présente une demande d'asile à une autorité administrative autre que celle mentionnée à l'article L. 521-1 peut faire l'objet des mesures prévues au premier alinéa du présent article afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d'asile. Son placement en rétention ne peut être justifié que lorsqu'il présente un risque de fuite.

En l'espèce, Monsieur X se disant [T] [E] fait valoir que l'arrêté portant placement en rétention administrative est dépourvu de base légale en ce qu'il dispose du droit de se maintenir sur le territoire du fait d'une demande d'asile introduite le 19 janvier 2024.

Il résulte de l'examen du dossier que l'intéressé a déclaré lors de son audition de garde-à-vue qu'il avait demandé l'asile auprès de la préfecture de l'Hérault. Pourtant, l'administration française n'en a pas fait état. Si elle a effectivement rappelé qu'une précédente demande avait été enregistrée par l'OFPRA le 23 janvier 2020 et a fait l'objet d'une décision de rejet le 10 mars 2023, il n'est pas fait mention de la demande enregistrée en guichet unique le 19 janvier 2024 et de l'attestation délivrée le 30 janvier 2024. par la Préfecture de l'Hérault selon document joint par l'appelant

Cette attestation précise qu'elle est valable jusqu'au 18 juillet 2024 soit pour une durée de six mois à compter de son enregistrement.

Le premier juge a considéré que Monsieur X se disant [T] [E] ne faisait pas la démonstration qu'il avait adressé sa demande de réexamen auprès de l'OFPRA dans un délai de huit jours. Le premier juge, pour rejeter le moyen soulevé par Monsieur X se disant [T] [E], ne vise pourtant aucune disposition pour retenir que seule l'attestation remise par l'OFPRA vaut autorisation de séjourner sur le territoire.

Or, si l'attestation produite par l'appelante est authentique, elle vaut selon l'article L541-2 du CESEDA, autorisation de se maintenir sur le territoire dans les limites que cet article ainsi que l'article L542-2 du CESEDA.

Bien que le juge judiciaire ne soit effectivement pas compétent pour vérifier si cette attestation a été délivrée à tort, il n'en demeure pas moins que la préfecture devait en tenir compte dans son arrêté de placement en rétention administrative, répondre sur la compatibilité de la rétention administrative avec la procédure de demande d'asile en cours et motiver, le cas échéant, le placement en rétention administrative au regard de l'article L523-1 du CESEDA ce qu'il n'a pas fait.

Il résulte de ces éléments que l'arrêté portant placement en rétention administrative est entaché d'une erreur d'appréciation et est irrégulier comme ne correspondant pas à la situation de l'appelant.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle a rejeté la requête en contestation du placement en rétention administrative et de remettre l'appelant en liberté.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons la décision déférée,

Ordonnons la remise en liberté de Monsieur X se disant [T] [E],

Lui rappelons qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,

Ordonnons la notification immédiate de la décision au Procureur Général,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 25 Juin 2024 à 11h39

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00438
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;24.00438 ?
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