La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°22/04055

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 25 juin 2024, 22/04055


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 25 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04055 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PQGN





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 07 JUILLET 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020 01280





APPELANTES :



Madame [P] [B] épouse [H]

née le 01 Avril 1965 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Erik ROUXEL, avocat au barreau de MONTPELLIER



S.A.R.L. HCR, prise en la personne de son repr...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 25 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04055 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PQGN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 JUILLET 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020 01280

APPELANTES :

Madame [P] [B] épouse [H]

née le 01 Avril 1965 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Erik ROUXEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.R.L. HCR, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Erik ROUXEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [D] [B] épouse [L]

née le 19 Mars 1968 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno LEYGUE de la SCP CAUVIN, LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Jacqueline SEBA

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Jacqueline SEBA, greffière.

FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Mme [D] [B] épouse [L] et sa s'ur, Mme [P] [B] épouse [H] ont créé la SARL Ambulance [H] et [L], immatriculée le 11 juin 2004, dont le siège social est situé à [Localité 4]. Elles y détenaient chacune 50 % des parts'; Mme [L] en était la gérante et Mme [H] était salariée.

Par lettre du 11 janvier 2019, Mme [L] a licencié pour faute grave Mme [H].

Par ordonnance de référé du 4 juillet 2019, frappée d'appel, suite à l'assignation délivrée le 28 février 2019 par Mme [H], le président du tribunal de commerce de Montpellier a, notamment, désigné un mandataire ad hoc pour la société Ambulance [H] et [L], ayant, principalement, pour mission de convoquer une assemblée générale, destinée à approuver les comptes pour les exercices clos entre 2013 et 2017 et proposer une résolution relative à la rémunération de la gérance et a rejeté la demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, formée par la société Ambulances [H] et [L].

Par acte d'huissier en date du 7 juin 2019, Mme [L] a saisi le tribunal de commerce de Montpellier aux fins de solliciter la dissolution anticipée de la société Ambulance [H] et [L].

Par acte sous seing privé du 14 novembre 2019, un protocole d'accord transactionnel a été signé entre Mme [L], Mme [H], la société Ambulance [H] et [L] et la société [H] Taxi aux termes duquel elles s'engageaient à mettre un terme à leur différend.

En exécution de ce protocole d'accord, un acte de cession de parts sociales a été conclu le même jour entre Mme [L], en qualité de cédante, et la SARL HCR, dont Mme [H] était gérante et associée unique, en qualité de cessionnaire, aux termes duquel Mme [L] a cédé l'intégralité de ses parts sociales dans le capital social de la société Ambulance [H] et [L] à la société HCR. Cet acte de cession comprend une clause de non-concurrence à l'égard de Mme [L].

Par lettre du 7 février 2020, Mme [H], par l'entremise de son conseil, a mis en demeure Mme [L] de cesser son activité professionnelle au sein d'une société située à [Localité 3] aux fins de respecter la clause de non-concurrence figurant dans l'acte de cession de parts sociales du 14 novembre 2019.

En réponse, après avoir, par lettre du 9 mars 2020, contesté la légalité de la clause de non-concurrence, par lettres du 24 septembre 2020, Mme [L], par l'entremise de son conseil, a mis en demeure Mme [H] et la société HCR de lever sous huitaine cette obligation de non-concurrence en raison de la nullité de cette clause.

Saisi par acte d'huissier en date du 10 novembre 2020, délivré par Mme [L] à l'encontre de Mme [H] et la société HCR afin d'annulation de la clause de non-concurrence, le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 7 juillet 2022,':

- rejeté toutes autres demandes des parties ;

- dit que les demandes formulées par Mme [D] [L] à l'encontre de Mme [P] [H] sont irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir à son encontre ;

- dit que la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de cession de parts sociales du 14 novembre 2019 est nulle;

- débouté la société HCR de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté Mme [D] [L] de ses demandes en réparation du préjudice injustifiées dans leur réalité ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société HCR à payer à Mme [D] [L] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et, condamné la société HCR aux entiers dépens.

Par déclaration du 25 juillet 2022, la société HCR et Mme [H] ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 21 octobre 2022, elles demandent à la cour, au visa des articles 30 à 32-1 et 122 du code de procédure civile et des articles 1103 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a annulé la clause de non-concurrence librement négociée entre les parties et accordé la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et le réformer sur ces points ;

- statuant à nouveau, débouter Mme [D] [L] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Mme [D] [L] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation manifeste de son obligation de non-concurrence ;

- condamner Mme [D] [L] à payer à la SARL HCR la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner Mme [D] [L] à payer à Mme [P] [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, elles font essentiellement valoir que

- l'activité de taxi ou d'ambulance est précisément définie dans la clause, s'agissant de celle de la société dont les titres sont vendus,

- l'obligation de non-concurrence est limitée dans le temps et dans l'espace, sans que ces limitations ne puissent être considérées comme étant disproportionnées aux objectifs recherchés,

- l'espace géographique correspond aux zones dans lesquelles la société cédée exercice son activité,

- la durée traduit la qualité d'ancienne gérante de Mme [L], qui possédait l'ensemble des fichiers clients, elle reflète également le prix d'acquisition surévalué, l'absence de clause de non-garantie du passif et les prélèvements importants de l'ancienne gérante, ayant placé la société dans une situation catastrophique,

- Mme [L] était assistée d'un conseil,

- aucune disproportion n'est caractérisée ; la définition des intérêts à protéger n'est pas obligatoire, il s'agissait d'empêcher l'ancienne gérante de lui faire concurrence dans une zone délimitée et pendant une durée limitée,

- la validité d'une clause de non-concurrence souscrite à l'occasion d'une cession de droits sociaux n'est pas subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière,

- aucun préjudice n'est rapporté, Mme [L] ayant été embauchée en janvier 2020 moins de 2 mois après la cession, elle a dénoncé la clause immédiatement après la cession,

- la violation de l'obligation de non-concurrence constitue, en soi, un préjudice réparable et Mme [H] a subi les propos injurieux de sa s'ur.

Par conclusions du 23 avril 2024, formant appel incident, Mme [L] demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en réparation du préjudice ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;

- condamner la société HCR au paiement de la somme de deux ans de salaire correspondant au préjudice moral subi, soit la somme de 66 720 euros et ce, avec intérêts légal à compter de l'assignation ;

- débouter la société HCR de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [P] [B] et la société HCR au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que

- la clause de non-concurrence est trop générale, elle ne comprend pas de limitation quant à la nature de l'activité visée ; elle la contraint à effectuer une complète reconversion dans un autre secteur ou à une période de chômage alors qu'elle était déjà âgée de 54 ans et que ses compétences professionnelles sont exclusivement acquises dans l'activité de taxi-ambulancière,

- la limitation dans le temps fixée à 7 années est trop longue, la privant de travailler jusqu'à 58 ans, et ne résulte que de la situation conflictuelle ayant existé entre les parties,

- la limitation dans l'espace est également trop large, conduisant à une impossibilité de se réinstaller,

- la clause est disproportionnée car elle n'était que salariée et les intérêts supposés être protégés ne sont pas définis,

- aucune contrepartie financière n'est fixée, créant un déséquilibre certain,

- elle a été harcelée par les appelantes, décidées à l'empêcher de travailler.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- sur la clause de non-concurrence

Dans le cadre de la cession de parts sociales de la société Ambulances [H] et [L], en date du 14 novembre 2019, Mme [L] était tenue, en qualité de cédante, à l'égard de la société HCR, cessionnaire, par une clause de non-concurrence, prévue par l'article 10, intitulé «Obligation de non-concurrence'», selon laquelle « le cédant s'engage envers le cessionnaire, pendant 7 ans à compter de ce jour, à n'entreprendre, par lui-même ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, aucune activité similaire à celle de la société émettrice des parts cédées, dans un rayon de 50 kilomètres autour de la commune de [Localité 4] dans le département de l'Hérault. Ce à peine de tous dommages et intérêts et sans préjudice pour le cessionnaire du droit de faire cesser la contravention par toute voie de droit».

Une clause de non-concurrence doit, pour être licite, être limitée de façon cumulative quant à la nature de l'activité interdite, ne devant viser que des emplois dans un commerce ou une industrie déterminés, quant à sa durée, quant à son périmètre et quant au caractère proportionné à l'objet du contrat ou aux intérêts légitimes à protéger.

En effet, la validité d'une clause de non-concurrence exige qu'elle soit proportionnée à la protection légitime de l'intérêt du créancier et à la liberté professionnelle du débiteur de l'obligation de non-concurrence.

Une clause de non-concurrence, insérée dans une convention de cession de titres est licite, lorsque l'obligé n'a pas la qualité de salarié au jour de la souscription de l'obligation et que la clause est limitée dans le temps et dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, la validité de la clause de non-concurrence, en ce cas, n'étant pas soumise à la condition qu'elle soit assortie d'une contrepartie financière.

En l'espèce, si l'activité interdite, qui est très large en ce qu'elle recouvre l'objet social de la société cédée, répond à la qualité d'ancienne gérante de Mme [L], la durée de sept années, alors que celle-ci était déjà âgée de 51 ans et jouissait d'une expérience professionnelle locale en qualité de taxi-ambulancière, lui faisait interdiction de pouvoir travailler dans son champ de compétence.

De même, cette activité, basée sur le transport de personnes impliquant une multiplicité de trajets sans limitation de destination, ne peut que contrevenir à la zone définie de cinquante kilomètres à vol d'oiseau autour de la commune de [Localité 4], eu égard à son caractère très étendu.

La combinaison de la nature de l'activité interdite, d'une longue durée et d'un vaste périmètre équivaut à une impossibilité de fait de toute réinstallation.

Au demeurant, la rédaction de la clause, qui s'inscrit dans une tentative de règlement amiable du conflit aigu existant entre les parties, ne décrit pas le but recherché remettant, ainsi, en cause la démonstration de l'intérêt légitime du créancier de l'obligation.

La nullité de la clause de non-concurrence doit être prononcée.

La stipulation d'une clause de non-concurrence illicite est susceptible de causer un préjudice à celui auquel elle s'impose. Si Mme [L] ne rapporte pas la preuve du harcèlement moral, dont elle fait état, et si elle a trouvé un nouvel emploi dès le 2 janvier 2020, soit moins de deux mois après l'engagement de non-concurrence, ce délai, qui traduit le respect d'un engagement illicite, lui a causé un préjudice, qui sera entièrement réparé par l'octroi d'une somme de 5'000 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

Le jugement entrepris sera confirmé, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de Mme [L].

2 -sur les autres demandes

Succombant sur leur appel, la société HCR et Mme [H] seront condamnées aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2'500 euros, leur demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes de réparation du préjudice,

Statuant à nouveau de ce seul chef infirmé,

Condamne la SARL HCR à payer à Mme [D] [B] épouse [L] la somme de 5'000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions ;

Et ajoutant,

Condamne la SARL HCR et Mme [P] [B] épouse [H] à payer à Mme [D] [B] épouse [L] la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la SARL HCR et de Mme [P] [B] épouse [H] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SARL HCR et Mme [P] [B] épouse [H] aux dépens d'appel.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/04055
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.04055 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award