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19/06/2024 | FRANCE | N°24/00429

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 19 juin 2024, 24/00429


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00429 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QI25



O R D O N N A N C E N° 2024 - 440

du 19 Juin 2024

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [H] [T]

né le 21 Mars 2003 à [Localité 5] ( ALGÉRIE )

de nationalité Algérienne

retenu au centre de rétention de [Localité 7] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

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Comparant, par visio conférence suite à la demande de M Le Préfet de [Localité 2], et assisté de Maître Fanny MISSLIN, avocat choisi



Appelant,

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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00429 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QI25

O R D O N N A N C E N° 2024 - 440

du 19 Juin 2024

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [H] [T]

né le 21 Mars 2003 à [Localité 5] ( ALGÉRIE )

de nationalité Algérienne

retenu au centre de rétention de [Localité 7] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant, par visio conférence suite à la demande de M Le Préfet de [Localité 2], et assisté de Maître Fanny MISSLIN, avocat choisi

Appelant,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DE [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Béatrice MARQUES, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'arrêté du 15 mars 2024, de MONSIEUR LE PREFET DE [Localité 2] portant obligation de quitter le territoire national sans délai assortie d'une interdiction de retour de trois ans pris à l'encontre de Monsieur [H] [T].

Vu la décision de placement en rétention administrative du 15 juin 2024 de Monsieur [H] [T], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Vu l'ordonnance du 17 Juin 2024 à 12h33 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d'appel faite le 17 Juin 2024, par Maître Fanny MISSLIN, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [H] [T], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 19h24.

Vu les courriels adressés le 17 Juin 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE [Localité 2], à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 19 Juin 2024 à 10 H 30.

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus par visio conférence, librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 10 H 30 a commencé à 11h00

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] [T] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' je me nomme Monsieur [H] [T] né le 21 Mars 2003 à [Localité 5] ( ALGÉRIE ) de nationalité Algérienne . J'ai l'adresse de mes parents à [Localité 3]. Je suis d'accord avec les 3 ans mais j'ai fait toute ma scolarité ici, ma famille, ma femme. Je voudrais avoir un délai. J'étais en détention, avant ça j'étais en situation régulière . A ma sortie j'avais prévu de faire le renouvellement . Je n'ai plus de nouvelles de mon père en Algerie ; mes parents sont séparés. Mon titre de sajour était valable jusqu'en 2022. J'ai fait la demande à la préfecture soit de [Localité 4] soit de [Localité 3] ; ils n'ont pas répondu. Oui ils m'ont ramené l'OQTF à trois mois de ma sortie. Le juge qui fait mon jugement principal ne m'a pas prévenu. Je veux bien repecter la décision mais s dans ces conditions faut me laisser du temps. J'ai mon passeport mais il n'est pas valide. J'aimerais quuitter la France avec mes propres moyens. '

L'avocat Me Fanny MISSLIN développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Sur la demande de titre de séjour en détention, elle a été reçue le 27/03/2023 par la préfecture des Bouches du Rhône ; la préfecture n'a jamais répondu . Il est en France depuis qu'il a l'âge de 10 ans.

Devant le tribunal administratif, un appel va être déposé.

Monsieur ne conteste pas l'OQTF mais le contexte dans lequel cela s'est passé ; c'est la violence de la procédure.

Je maintiens les moyens de ma déclaration d'appel ; informations erronées sur le registre ; je soulève l'irrecevabilité de la requête du Préfet.

Monsieur a été conduit à l'avion le 15 juin et il devait passer devant le JLD le lundi. Il n' a pas été en mesure de constester l'arrêté de placement . Or il y a erreur manifeste d'appréciation de la situation de monsieur . Vie privée et familiale incontestable en France.

Avis anticipé au parquet ;

Date de naissance incorrecte sur le laissez passer ;

Notification tardive des droits ;

Sur l'assignation à résidence, monsieur a des garanties de représentation effectives, sa famille est en France , justificatif de domicile de sa mère de moins de trois mois ; effectivement pas de passeport valide mais dans le dossier une pièce justifie que monsieur a fait la demande de titre de séjour et de renouvellement de passeport. Il y a un blocage administratif. La préfecture n'a pas fait application de son pouvoir d'appréciation. Monsieur souhaitait juste pouvoir préparer son départ.

Sur le fond, ce laissez passer est invalide et ne permet pas l'éloignement de monsieur.

Monsieur [H] [T] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je n'ai rien à ajouter '

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 7] .

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 17 Juin 2024, à 19h24, Maître Fanny MISSLIN, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [H] [T] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de MONTPELLIER du 17 Juin 2024 notifiée à 12h33, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

Sur l'irrecevabilité de la requête pour défaut de pièce utile

Aux termes de l'article R743-2 du CESEDA, 'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2".

Contrairement à ce que soutient l'appelant, toutes les pièces utiles au contrôle du juge figurent au dossier et les éventuelles erreurs que comporteraient certaines pièces n'entament pas la recevabilité de la requête. Bien que la copie du registre actualisée comporte une erreur sur la date de naissance de l'intéressé, il est évident que la copie le concerne, les mentions relatives aux décisions prises à son encontre étant correctes.

La requête est donc recevable.

Sur l'irrégularité de la procédure tirée de la notification tardive des droits :

Aux termes de l'article L741-9 du CESEDA, l'étranger placé en rétention est informé de ses droits dans les conditions prévues à l'article L. 744-4.

L'article L744-4 du même code dispose que « l'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. En cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais. Les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.

En l'espèce, Monsieur [H] [T] fait valoir que ses droits lui ont été notifiés tardivement et que cette notification tardive a eu pour conséquence de ne pas lui permettre de contester dans les délais l'arrêté de placement en rétention administrative dont il faisait l'objet.

Il résulte des pièces transmises que l'intéressé a fait l'objet d'une levée d'écrou le 15 juin 2024 à 5 heures 40 au centre pénitentiaire de [Localité 1].

L'arrêté portant placement en rétention administrative pris par Monsieur le préfet de [Localité 2] le 13 juin 2024 lui a été notifié le 15 juin 2024 à 5 heures 45.

Selon le procès-verbal de transfert des retenus établi par la police aux frontières de [Localité 4] le 15 juin 2024, il a été pris en charge par la police aux frontières qui l'a transporté jusqu'à l'aéroport de [Localité 3] où il a refusé ensuite d'embarquer dans l'avion pour partir en Algérie. Les fonctionnaires de police l'ont alors emmené au centre de rétention de [Localité 7] où ils sont arrivés le 15 juin 2024 à 14 heures 05.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [H] [T], ses droits lui ont cependant été notifiés lors du placement en rétention administrative puisque les feuillets 4 et 5 contenant les droits du retenu font partie des 5 pages constituant l'arrêté de placement en rétention administrative notifié à 5 heures 45 qu'il a signé. Il y est fait mention du droit de recourir à un avocat, les coordonnées de l'ordre des avocats au Barreau de Montpellier étant précisées. Il est également fait mention du droit de recourir à une association pour les retenus administratifs et un numéro de permanence figure également dans le document.

Monsieur [H] [T] ne peut en conséquence soutenir que ses droits ont été notifiés tardivement. Le moyen sera rejeté.

Sur l'absence de prise en compte de la situation personnelle du retenu

Comme l'a justement relevé le premier juge, ce moyen est irrecevable en ce que l'appelant n'a pas transmis de requête en contestation de l'arrêté portant placement en rétention administrative dans les quarante-huit heures suivant la notification dudit arrêté conformément à l'article L741-10 du CESEDA.

Dès lors, le moyen relatif à sa situation personnelle, en plus de relever de la compétence du juge administratif, est irrecevable.

Sur l'information tardive du procureur de la République concernant le placement en rétention administrative

L'article L. 741-8 du CESEDA dispose que : « Le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention. »

En l'espèce, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier a été informé le 14 juin 2024 du placement en rétention administrative prévu le lendemain pour l'appelant et cette information a été renouvelée le 15 juin 2024.

L'avis anticipé au procureur de la République n'est pas irrégulier et son usage est d'ailleurs courant lorsque l'étranger est en détention et que son placement en rétention administrative a lieu après la levée d'écrou, comme le retient la jurisprudence de façon constante sur ce sujet.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur l'invalidité du laissez-passer

Monsieur [H] [T] fait valoir que le laissez-passer délivré par les autorités consulaires algériennes est invalide en ce qu'il mentionne une date de naissance erronée.

Dans la mesure où l'intéressé a refusé délibérement d'embarquer à destination de l'Algérie, que ce laissez-passer n'a pu être utilisé pour des raisons indépendantes de la volonté des administrations françaises et algériennes et que l'intéressé ne tire aucun grief de cette erreur, ce moyen ne saurait prospérer d'autant qu'il ne vise pas à critiquer la prolongation de la mesure de rétention administrative mais à contester l'exécution de l'éloignement.

Il reviendra en tout état de cause à l'administration de faire rectifier le laissez-passer durant le temps de la rétention administrative.

Le moyen sera en tout cas rejeté

Sur la demande d'assignation à résidence

Aux termes des articles L741-1 et L731-1du CESEDA , l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger

1° fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

Et qui ne présente pas de garantie de représentation propre à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement est apprécié selon les mêmes critères prévus à l'article L612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente

Selon l'article L 743-13 du CESEDA':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»

En l'espèce, Monsieur [H] [T] n'a pas remis son passeport en cours de validité aux services de police ou de gendarmerie de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'assignation à résidence.

Bien qu'il indique avoir fait des demandes aux fins d'obtenir un nouveau passeport et que ses démarches aient été freinées par son incarcération, il ne dispose pas d'un document d'identité ou d'un titre de transport valide. Le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté le 4 juin 2024 son recours en contestation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire du 15 mars 2024, décision dont il indique vouloir faire appel.

Il a multiplié les condamnations pénales ces dernières années de sorte que son comportement présente une menace pour l'ordre public caractérisant un risque de soustraction à la mesure d'éloignement.

Si un nouveau laissez-passer doit manifestement être délivré pour exécuter la mesure d'éloignement, il n'en demeure pas moins que l'administration s'est montrée diligente pour exécuter la mesure d'éloignement.

Aussi, la mesure de rétention administrative apparaît fondée compte tenu de la situation irrégulière de l'intéressé. Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons les moyens et fins de non-recevoir soulevés,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 19 Juin 2024 à 12h30.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00429
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00429 ?
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