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19/06/2024 | FRANCE | N°23/01643

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 19 juin 2024, 23/01643


Grosse + copie

délivrée le

à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre sociale



ARRET DU 19 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01643 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PYRO



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MARS 2023

POLE SOCIAL DU TJ DE MONTPELLIER

N° RG22/00201







APPELANTE :



Madame [Z] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Estelle TEMPLET TEISSIER, a

vocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/001123 du 20/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)









INTIMEE :



MAISON DEPARTEMENT...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre sociale

ARRET DU 19 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01643 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PYRO

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MARS 2023

POLE SOCIAL DU TJ DE MONTPELLIER

N° RG22/00201

APPELANTE :

Madame [Z] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Estelle TEMPLET TEISSIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/001123 du 20/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'HERAULT (MDPH 34)

[Adresse 1]

Direction juridique - [Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparante

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 AVRIL 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Magali VENET, Conseillère

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;

- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 09 février 2022, Mme [Z] [O] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier pour contester la décision rendue le 14 janvier 2022 par la maison départementale des personnes handicapées de l'Hérault qui a rejeté sa demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés déposée le 10 mars 2021.

Par jugement du 16 mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier a débouté Mme [O] de sa demande au motif qu'elle présentait à la date de la demande, un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % sans restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Par déclaration électronique du 27 mars 2023, Mme [O] a relevé appel de la décision.

Elle demande à la cour:

A titre principal:

- Dire qu'elle est atteinte d'un taux d'incapacité supérieur à 80 % et qu'elle justifie de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés ;

À titre subsidiaire :

- dire qu'elle est atteinte d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %

- dire qu'elle connaît une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi ;

- constater que la réunion de ces conditions justifie l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés ;

En tout état de cause :

- condamner la MDPH aux entiers dépens.

La Maison des Personnes Handicapées de l'Hérault, bien que régulièrement convoquée et avisée, n'a pas comparu, ni personne pour elle, ni n'a sollicité de dispense de comparution.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'allocation aux adultes handicapés :

Selon les dispositions des articles L. 821-1, L. 821-2 et D. 821-1 du Code de la Sécurité Sociale (CSS), l'allocation aux adultes handicapés est servie, sous diverses conditions, notamment de ressources, à la personne dont le taux d'incapacité permanente, appréciée selon le guide barème figurant à l'annexe 2-4 du Code de l'Action Sociale et des Familles (CASF), est au moins égal à 80%.

Elle est également versée à la personne dont l'incapacité permanente, inférieure à 80% est au moins égale à 50% et à laquelle la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi , appréciée dans les conditions définies par l'article D. 821-1-2du CSS.

Les conditions d'attributions s'apprécient au jour de la demande.

En l'espèce, l'AAH a été refusée à Mme [O] au motif qu'elle présentait, au jour de la demande, un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % sans restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Mme [O] sollicite à titre principal la reconnaissance d'un taux d'incapacité au moins égal à 80 %, subsidairement elle fait valoir que les pathologies dont elle souffre sont particulièrement invalidantes et sont à l'origine d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Sur le taux d'incapacité :

Le pourcentage d'incapacité est apprécié à la date de la demande, d'après le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2- 4 du code de l'action sociale et des familles.

Ainsi, un taux inférieur à 50% correspond à des troubles légers dont les retentissements n'entravent pas la réalisation des actes de la vie quotidienne.

Un taux compris entre 50% et 79% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne, l'entrave pouvant soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique, étant toutefois précisé que l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.

Un taux d'au moins 80% correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle, laquelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne vis-à-vis d'elle-même dans la vie quotidienne. Dès lors que la personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, ce taux de 80% est atteint. Il l'est également en cas de déficience sévère avec abolition d'une fonction.

Les conditions d'attribution s'apprécient au jour de la demande.

En l'espèce, pour constater que Mme [O] était atteinte d'un taux d'incapacité compris entre 50% et 79%, le tribunal a retenu que :

'Il ressort du rapport de l'expert et des pièces versées aux débats que Mme [O] [...] présentait à la date de sa demande :

- troubles cognitifs depuis l'enfance sans prise en charge,

- troubles anxio dépressifs avec suivi spécialisé sans hospitalisation, traitement neuroleptique.

[...] Selon l'expert, ces pathologies justifient au jour de la demande et selon le guide barème réglementaire un taux d'incapacité permanente compris entre 50% et 79%.

Le tribunal au regard des éléments du dossier et de l'avis de l'expert retient ce taux d'incapacité permanente compris, selon barème, entre 50% et 79%.'.

Mme [O] objecte que les différentes dont elle souffre sont particulièrement invalidantes et justifient que lui soit allouée l'AAH.

A l'appui de ses allégations, elle produit le certificat médical de son médecin traitant, le docteur [E], joint à la demande d'AAH qui relève l'existence de troubles du comportement, de retard dans les acquisitions et d'une phobie sociale. Il précise en outre:'elle est totalement inadaptée au monde extérieur et ne sort de chez elle qu'accompagnée . Elle ne sait ni lire ni écrire et a besoin d'être assistée pour les tâches administratives et la gestion du quotidien.'

Dans un second certificat en date du 15 juin 2022 , le docteur [E] précise:

'Je suis médicalement Mme [O] [Z] , née le 01 12 1997 depuis qu'elle a 5 ans. Elle a une scolarité difficile avec d'importance retards d'acquisitions malgré l'aide du RASED, et n'a pu intégrer une 6ème ordinaire. Elle a présenté vers 12 ans des signes de replis, avec un sentiment d'abandon, sensation d'insécurité, éléments qui ont conduit à une déscolarisation progressive. Dès lors, elle ne se sentait protégée qu'auprès de ses tantes et de sa grand-mère et était assez effrayée de sortir seule.

' Depuis quelques années les symptômes anxieux sont devenus plus marqués, avec des phases dépressives, une incapacité à se confronter au monde extérieur, effrayée par les situations nouvelles et l'échange avec des personnes inconnues .

Dans ces conditions, il ne me paraît pas possible qu'elle puisse subvenir à ses besoins par le travail...''

- Le certificat établi par le Docteur [B], psychiatre, le 18 janvier 2023 :

' L'examen clinique montre un état dépressif avec crises d'angoisse paroxystiques, elle ne peut vivre seule ni sortir sans accompagnement. Elle est dépendante de sa tante dans la vie quotidienne et pour toute démarche hors du domicile...j'ai augmenté le traitement antidépresseur...le suivi psychiatrique me paraît nécessaire. Les nuits sont perturbées par des insomnies récurrentes. Par ailleurs, les échanges montrent un déficit cognitif s'exprimant dès l'oral témoin de carences d'apprentissages et sûrement de troubles 'dys'qui pourraient être cotés pour un bilan orthophonique.

L'ensemble du tableau clinique semble écarter toute capacité de travail en milieu ordinaire et relever d'une allocation adulte handicapé'.

Il ressort de ces éléments que l'état de santé de Mme [O] entraîne une gène importante dans sa vie sociale mais elle ne justifie pas de troubles graves entraînant une entrave majeure dans sa vie quotidienne avec une atteinte à son autonomie individuelle , de sorte que c'est à juste titre que le tribunal lui a reconnu un taux d'incapacité compris entre 50% et 79%, la décision sera confirmée en ce sens.

Sur la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.

Pour constater que Mme [O] ne présentait pas de restriction substantielle et durable à l'emploi, le tribunal a retenu que :

'Mme [O] aurait été déscolarisée à partir de la sixième et elle ne justifie aucune démarche d'insertion dans l'emploi ou de remise à niveau et de formation et perçoit le RSA.

Mme [O] ne justifie donc pas subir une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.'

L'appelante s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé dans une décision rendue le 20 août 2021 par la MDPH de l'Hérault.

Elle verse aux débats des certificats médicaux constatant ses difficultés à occuper un emploi en raison de son état de santé :

- Certificat du Docteur [E] : ' Dans ces conditions, il ne me paraît pas possible qu'elle puisse subvenir à ses besoins par le travail

- Certificat du Docteur [B] : ' L'ensemble du tableau clinique semble écarter toute capacité de travail en milieu ordinaire.

Mme [O] se trouve d'autant plus limitée dans sa recherche d'emploi en raison de la nécessité d'être accompagnée pour toute sortie à l'extérieur.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les troubles cognitifs dont souffrent Mme [O], associés aux troubles anxio-dépressifs et à la phobie sociale qu'elle présente, faisant obstacle à toute capacité de travail en milieu ordinaire, justifient qu'elle rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi.

En conséquence, il convient de retenir que l'appelante justifiait au temps de la demande d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi pour une durée qu'il convient de fixer à 5 ans et pouvait à se titre bénéficier de l'AAH sous réserve de remplir les conditions administratives, la décision sera infirmée en ce sens.

La MDPH supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme [Z] [O] connaissait une incapacité permanente à hauteur d'un taux compris entre 50% et

79%

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Dit que Mme [Z] [O] se trouve affectée d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi durant une période de 5 ans à compter de la demande.

Accorde à Mme [Z] [O] le bénéfice de l'allocation aux adules handicapés durant cette période sous réserve de remplir les conditions administratives d'attribution.

Dit que la MDPH de l'Hérault supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01643
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.01643 ?
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