Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 19 JUIN 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02173 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMQS
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 MARS 2022
POLE SOCIAL DU TJ DE MONTPELLIER
N° RG20/00790
APPELANTE :
Organisme CPAM DE L'HERAULT
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Mme [C] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE :
Madame [P] [J]
Chez M. [T] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Nicolas KNISPEL de la SELARL COREM, avocat au barreau de MONTPELLIER
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 AVRIL 2024,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Magali VENET, Conseillère
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Le 14 août 2017, Mme [P] [J] a été victime d'un accident de travail.
Le certificat médical initial établi le même jour fait état d'une ' fracture tête de la fibule jambe gauche .
Par courrier en date du 06 septembre 2017, la CPAM de l'Hérault a confirmé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
Mme [J] a fait parvenir à la caisse un certificat médical mentionnant une nouvelle lésion du 06 avril 2018 : 'algo-neuro-dystrophie' qui a été prise en charge par décision notifiée le 24 août 2018.
Mme [J] a transmis à la caisse un certificat médical du 23 octobre 2018 mentionnant deux nouvelles lésions : 'déchirure ménisque interne' et 'névralgie cervico brachiale gauche'.
Suite à la décision de la commission de recours amiable du 25 avril 2019 qui n'a pas retenu l'imputabilité de la névralgie cervico-brachiale apparue dans les suites de l'accident, Mme [J] a saisi le tribunal judiciaire de Montpellier le 13 juillet 2019 qui par jugement du 19 janvier 2023 a retenu l'imputabilité de la lésion. Cette décision est aujourd'hui définitive.
Par ailleurs, l'état de santé de Mme [J] a été consolidé au 31 octobre 2019 avec un taux d'incapacité permanente fixé à 8 %.
Mme [J] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM le 06 janvier 2020 en contestation du taux de 8 % qui lui a été attribué.
Par décision du 23 avril 2020 notifiée le 13 mai 2020, la commission médicale de recours amiable de la CPAM a confirmé la fixation du taux d'incapacité permanente à 8%.
Par courrier adressé le 13 juillet 2020, Mme [J] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier d'un recours contre cette décision.
Par jugement rendu le 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a statué ainsi :
- 'fixe à 20 %, dont 5 % pour le taux professionnel, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [J] à la date de consolidation des lésions, le 07 mai 2018, résultant de l'accident du travail du 25 mars 2016'.
Par courrier adressé le 05 avril 2022, la CPAM de l'Hérault a interjeté appel du jugement. Lors de ses demandes initiales, elle a formulé une demande de rectification d'erreurs matérielles portant sur le jugement de première instance.
Parallèlement, Mme [J] a sollicité une expertise afin de fixer son taux global d'incapacité permanente.
Par arrêt du 20 décembre 2023, la cour d'appel de Montpellier a rejeté la demande en rectification d'erreur matérielle ainsi que la demande d'expertise et a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 25 avril 2024 afin de permettre à Mme [J] de conclure au fond.
A l'audience du 25 avril 2024, la CPAM de l'Hérault demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montpellier le 21/03/2022 en ce qu'il a octroyé à Mme [J] [P] un taux d'incapacité permanente de 20% dont 5% de taux professionnel
- Confirmer la décision rendue par la Caisse fixant à 8% le taux d'incapacité permanente au 31/10/2019 date de la consolidation, suite à l'accident du travail de Mme [J] [P] d 14/08/2017
- Rejeter la demande d'expertise
- débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions
Mme [J] [P] demande à la cour de
-Confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Montpellier le 21 mars 2022 en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente à 20% dont 5% d'incidence professionnelle.
- A titre subsidiaire ordonner une expertise afin d fixer le taux global d'incapacité permanente partielle subi par Mme [J] et surseoir à statuer dans l'attente de la réalisation de cette expertise.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le taux d'incapacité permanente partielle :
La caisse soutient, compte tenu des séquelles retenues, que le taux
a été correctement apprécié à 8% au regard des critères définis par
l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale et du barème
indicatif d'invalidité.
Elle ajoute que suite au jugement du tribunal judiciaire du
19 janvier 2023 qui a considéré que la nouvelle lésion présentée le
23 octobre 2018 pour 'névralgie cervico brachiale' était imputable
à l'accident du travail survenu le 14/08/2017, le service médical de
la caisse , interrogé sur ce point, a considéré que nouvelle lésion
ne justifiait pas d'une majoration du taux d'incapacité permanente
initialement fixé à 8%.
La CPAM souligne également qu'une expertise en droit commun
réalisée dans le cadre de la reconnaissance de la responsabilité d'un
tiers lors de son accident du 14 août2017 a conclu à un déficit
fonctionnel permanent de 5%.
Mme [J] fait valoir qu'une première IRM a été réalisée le 28 août 2018 pour bilan de névralgies cervico-brachiales gauches post-traumatiques. Elle précise que des soins ainsi que des bilans radiologiques et échographiques ont été par la suite prescrits, les médecins constatant l'absence d'amélioration sur la symptologie douloureuse.
Elle en déduit que la cervicobrachialgie gauche s'est manifestée bien avant la date de consolidation retenue, à savoir le 31 octobre 2019 et qu'en conséquence les séquelles qui y sont liées doivent être prises en compte dans la fixation du taux d'incapacité permanente.
SUR CE :
Titre liminaire, il convein de consater que la cour est suffisamment éclairée par les pièces produites pour rendre sa décision sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une expertise.
En application de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale,
le taux d'incapacité permanente partielle est évalué en fonction de
'la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés
physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes
et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème
indicatif d'invalidité.'
Il convient préalablement de constater que pour fixer le taux
d'incapacité permanente partielle à 20% dont 5% d'incidence
professionnelle, le tribunal judiciaire , a fait état d'éléments erronés
concernant l'âge de Mme [J], la date de son accident du
travail, la date de la consolidation ainsi que la nature des séquelles
qu'elle présentait.
En l'espèce, Mme [J] [P] était âgée de 37 ans à la date
de consolidation au 31 octobre 2019 de l'accident du travail
survenu le 14 août 2017.
Lors de cet accident, elle exerçait l'activité d'infirmière au sein de
la clinique [5].
Pour retenir un taux d'IPP de 8% le médecin conseil de la CPAM
a pris en considération les éléments suivants:
- 11 juillet 2017 IRM:
'Déchirure et arrachement de la tête fibulaire, déchirure du muscle
poplité, large oedème et contusion des tissus avoisinants'
- 27 /08/2017: intervention chirurgicale :
L'intervention a consisté en une ostéosynthèse de la tête,
réinsertion capsule ligamentaire(pour désinsertion du LLE et de la
capsule)
- 01/02/2018: intervention chirurgicale:
L'intervention a consisté en une méniscectomie partielle ménisque
interne; ablation du matériel(vis).
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- IRM du genou gauche du 15 juin 2018:
Absence de fissure récente des ménisques.
Epaississement distal du ligament collatéral fibulaire de nature
séquellaire en raison d'antécédents de fracture de la tête fibulaire.
- Scintigraphie osseuse du 02 juillet 2018:
Hyperfixation diffuse du membre inférieur gauche avec
déminéralisation mouchetée évoquant une algodystrophie ancienne
sans composante inflammatoire sur les images précoces.
- 11/12/2018 Arthroscanner du genou gauche :
Pas de lésion méniscale décelée sur le versant latéral.
Petite amputation du bord libre de la portion moyenne du ménisque
médial. Séquelles post-traumatiques et chirurgicales du secteur
latéral avec épaississement capsulo-ligamentaire sur le secteur
inférieur à ce niveau.
Pas de chondropathie évidente.
Petite dysplasie rotulienne.
- 15/03/ 2019 centre de rééducation des facultés:
Le contrôle électromyographie de Mme [J] [P] qui présente
des dysesthies au niveau du bord externe du pied gauche. Celui-ci
met en évidence un ralentissement modéré de la vitesse de
conduction motrice du SPE gauche de 45m/s contre 47m/s à droite.
La latence au col du péroné est à 11.7ms à gauche contre 11ms à
droite. Les tracés obtenus au niveau du pédieux gauche sont
légèrement simplifiés. Les tracés obtenus au niveau du long
péronier latéral gauche sont de type intermédiaire.
- 12/07/2019 neurochirurgien Clinique [6]:
Sciatalgie gauche en territoire du SPE.
Antécédents d'AVP survenu il y a deux ans, en rapport avec un
accident de travail, à l'origine d'une Algodystrophie du membre
inférieur gauche. A l'examen, aucun Lasègue ni déficience motrice.
Il existe une dysesthésie, une allodynie et une hyperpathie dans le
territoire du SPE gauche, à mon sens inhérents à cette fracture du
genou gauche. ...Je ne retiens donc aucune indication chirurgicale
concernant ces lésions. Elle va réaliser un électromyogramme des
membres inférieurs afin d'acter cette atteinte du SPE gauche
séquellaire.
- 20/08/2019 IRM de la cheville gauche:
Antécédent d'entorse de la cheville gauche en août 2017.
Persistance d'une douleur du bord externe du pied. Pas de rupture
ligamentaire significative. Discret oedème sous chondral talien
postérieur: chondropathie' Séquelles d'entorse sous talienne' Pas
d'anomalie significative par ailleurs.
- 12/09/2019 arthroscanner de la cheville gauche:
Douleurs latérale persistante suite à une entorse en 2017. Absence
d'anomalie pathologique significative pouvant explique la
symptomatologie algique.
Ses doléances étaient les suivantes: 'séquelles jambe gauche,
douleurs . Ne peut se passer de l'attelle car sensation de
dérobement du genou gauche avec douleurs mécaniques à l'appui
ou si flexion de jambe prolongée. Douleurs sur cicatrice:
paresthésie face externe de jambe gauche jusqu'aux derniers
orteils'.
- 15/10/2019: un examen clinique a constaté:
- un examen morphologique en orthostatisme normal
- l'absence d'amyotrophie aux membres inférieurs
- des amplitudes articulaires symétriques bilatéralement aux
genoux, chevilles, pieds, dans les valeurs physiologiques
- l'absence d'épanchement chronique
- les dysesthésies alléguées ne sont pas expliquées par les résultats
de l'électromyogramme.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le médecin conseil a
considéré que l'état de l'assuré était consolidé au 31/10/2019 avec
séquelles indemnisables pour le motif suivant: 'L'état peut être
considéré comme consolidé avec séquelles douloureuses et
sensation de dérobement du genou gauche; séquelles
paresthésiques SPE gauche'.
Le médecin conseil s'est fondé sur les chapitres 2.2.4 et 2.2.du
barème de l'UNCANSS pour fixer le taux d'incapacité permanente
partielle à 8% au regard des séquelles subsistantes, soit: gonalgie
gauche mécaniques avec légère limitation de l'accroupissement et
dysesthésies du SPE gauche'.
Mme [J] fait cependant valoir que lors de la fixation de son taux d'IPP,la CPAM n'a pas pris en pris en compte la lésion névralgie cervico brachiale gauche, qui postérieurement à la fixation du taux a pourtant été considérée imputable à l'accident.
La CPAM objecte que suite au jugement du 19 janvier 2023 qui a
retenu que la nouvelle lésion présentée le 23 octobre 2018 pour
'névralgie cervico brachiale' était imputable à l'accident du travail
du 14/08/2017, le service médical de la caisse , sollicité afin de
déterminer si la prise en compte de cette lésion justifiait de
réévaluer le taux d'incapacité permanente partielle attribué à Mme
[J] a répondu: ' Le fait d'imputer la névralgie cervico
brachiale à l'AT ne permet pas de considérer la majoration de 7
points supplémentaires au taux d'IPP fixé initialement à 8%
comme recevable, car elle ne présente pas de limitation
fonctionnelle de l'épaule'.
Par ailleurs, la caisse verse aux débats les conclusions de
l'expertise de droit commun concernant Mme [P] [J] réalisée
par le Docteur [O] dans le cadre de la reconnaissance de la
responsabilité d'un tiers lors de son accident du 14/08/2017 qui
mentionne: ' Nous retiendrons donc au titre du déficit fonctionnel
permanent, une minime raideur de la dorsiflexion de la cheville
gauche, une laxité également minime latérale et antérieure du
genou gauche, un discret signe du syndrome rotulien (bilatéral)
sans amyotrophie, sans limitation de l'amplitude des mouvements
ni boiterie , justifiant la prise d'antalgiques de façon régulière
selon ses dires. Pour l'ensemble de ces séquelles un taux de déficit
fonctionnel permanent de 5% peut être retenu.
Ceci ne l'empêche pas de reprendre ses activités
professionnelles(pas d'arthrose , pas de laxité importante
limitation des amplitudes) même si l'on pourra retenir une
augmentation de la pénibilité du fait de la nécessité d'une station
debout prolongée dans certains emplois infirmiers. La gêne
fonctionnelle permanente n'empêche pas non plus ses activités de
loisirs habituelles (randonnées) même si ses activités de loisirs
peuvent être limitées par des douleurs à partir d'une marche
Mme [J] prolongée.'
Il ressort des pièces produites par Mme [J] que cette dernière, postérieurement à son accident du travail et à son licenciement, a travaillé en qualité d'infirmière dans le cadre de divers CDD du 26 mars au 23 avril 2020; du 2 novembre 2021 au 2 février 2022, ainsi que pendant 4 mois en 2022 et au cours du mois de juin 2023.
Le 12 juin 2023 elle a été victime d'une chute avec double fracture de la malléole dans le cadre de son exercice professionnel à la suite duquel elle a été placée en arrêt de travail qui se poursuit à ce jour.
Elle verse aux débats un compte rendu de consultation non contradictoire réalisé par le Docteur [M] le 26 mars 2024 qui détaille les lésions dont souffre actuellement Mme [J] , mentionne qu'elle est en arrêt de travail depuis le mois de juin 2023, mais sans préciser que cet arrêt de travail est consécutif à l'accident du travail survenu le 12 juin 2023, et non en raison des suites de l'accident survenu le 04 août 2017.
Il propose de retenir une AIPP de 15%, 10% intégrant les séquelles articulaires du genou gauche et l'atteinte neuropathique su Sciatique Poplité Externe, 5% pour la cervicobrachialgie gauche.
Il ajoute: 'elle présente par ailleurs indiscutablement des difficultés, voire une impossibilité de reprendre son travail d'infirmière, en effet, ce métier impose des déplacements multiples, d'autre part une liberté totale au niveau des membres supérieurs, dans les procédures de soins. Un taux de 5% professionnel nous paraît juste.'
Ce compte rendu est cependant peu probant quant à la réalité des séquelles présentées par Mme [J] suite à son accident survenu le 14 août 2017 en ce qu'il fait état de difficultés, voire d'une impossibilité de reprendre son travail d'infirmière alors même que l'intimée avait repris une activité d'infirmière à compter du mois de mars 2020, et qu'elle n'a interrompu cette activité qu'en raison de la survenance d'un nouvel accident du travail survenu le 12 juin 2023 dont le Docteur [M] ne fait aucune mention.
Dès lors, Mme [J] n'oppose aucun élément pertinent à ceux présentés par la CPAM qui permettent de retenir, pour l'ensemble de ces séquelles, un taux de déficit fonctionnel permanent de 8%.
En conséquence la décision sera infirmée en ce qu'elle a fixé à 20% dont 5% pour le taux professionnel, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [J], et en ce qu'il retenu une date de consolidation des lésions au 07 mai 2018, résultant d'un accident du travail du 25 mars 2016, et statuant à nouveau, la cour fixera , pour l'ensemble des séquelles présentées par Mme [J] , un taux de déficit fonctionnel permanent de 8% au 31/10/2019, date de la consolidation, suite à l'accident du travail de Mme [J] [P] du 14/08/2017.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande d'expertise,
Infirme le jugement rendu le 21 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Montpellier en ce qu'il a fixé à '20% dont 5% pour le taux professionnel le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [J] à la date de consolidation des lésions , le 7 mai 2018, résultant de l'accident du travail du 25 mai 2016"
Statuant à nouveau:
Fixe à 8% le taux d'incapacité permanente au 31/10/2019 date de la consolidation, suite à l'accident du travail de Mme [J] [P] du 14/08/2017.
Condamne Mme [P] [J] aux dépens de la procédure.
LE GREFFIER LE PRESIDENT