La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°22/04044

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 18 juin 2024, 22/04044


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04044 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PQFX





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 24 MAI 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2021J00146





APPELANTE :



S.A.S.U. PATRIARCHE venant aux droits de la société BDM Architectes à la suite d'une fusion absorption survenue le 12 octobre 2018

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04044 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PQFX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 MAI 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2021J00146

APPELANTE :

S.A.S.U. PATRIARCHE venant aux droits de la société BDM Architectes à la suite d'une fusion absorption survenue le 12 octobre 2018

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Claire MEYER, avocat au barreau de PARIS substituant Me Olivier CARON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

SA BETEM INGENIERIE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Célia VILANOVA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me CABANE, avocat au barreau de TOULOUSE substituant Me Coralie SOLIVERES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 16 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 29 janvier 2007, dans le cadre d'un projet de rénovation et d'extension des maisons de retraites d'[Localité 3] et de [Localité 4], un contrat de sous-traitance a été conclu entre la S.A. Betem Ingénierie, la S.A.S. BDM Architectes et la S.E.L.A.R.L. Agena Architecture, lesquelles ont ainsi formé un groupement conjoint d'architectes et de bureaux d'études, dont le mandataire solidaire était la société BDM Architectes.

Les lots appelés «'lots techniques'» était du ressort du bureau d'étude technique soit la société Betem Ingénierie, et les lots appelés «'lots architecturaux'» étaient du ressort des architectes soit les sociétés BDM Architectes et Agenia Architecture.

Par acte d'engagement du 14 mars 2007 au titre d'un marché public de maîtrise d''uvre, les maisons de retraites d'[Localité 3] et de [Localité 4] ont confié une mission de maîtrise d''uvre à la société BDM Architectes agissant en qualité de mandataire solidaire dudit groupement.

Les travaux ont démarré le 18 mai 2009 et leur réception a été prononcée les 19 août 2013 et 17 octobre 2014.

Le 24 mai 2016, la société BDM Architectes a adressé au maître d'ouvrage délégué son décompte final ainsi que celui de la société Agena Architecture.

Le 18 juillet 2018, la société Betem Ingénierie a mis en demeure la société BDM Architectes, en sa qualité de mandataire du groupement, d'adresser aux maisons de retraite d'[Localité 3] et de [Localité 4], le décompte général définitif qu'elle lui avait précédemment transmis le 25 mai 2016.

Par fusion-absorption du 12 octobre 2018, la S.A.S. Patriarche est venue aux droits de la société BDM Architectes.

Le 15 mai 2019, la société Betem Ingénierie a mis en demeure la maison de retraite de [Localité 4] de procéder au règlement du solde restant dû d'un montant de 53'534,29 euros TTC.

Par jugement du 22 avril 2021, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel du 19 septembre 2023, le tribunal administratif a rejeté la demande de la société Betem Ingénierie, aux motifs que selon le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles, seul le mandataire du groupement, soit la société BDM Architectes, était habilité pour transmettre le décompte général définitif au maître de l'ouvrage, et que ce dernier, a contesté le bien-fondé des sommes réclamées en raison de l'absence de validation de ces dernières par le mandataire.

Par exploit d'huissier du 20 mai 2021, la société Betem Ingénierie a fait assigner la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, en paiement devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement contradictoire du 24 mai 2022 a':

- dit que la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a commis une faute contractuelle ;

- condamné la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, à payer à la société Betem Ingénierie, la somme de 56'137,38 euros, en réparation de son préjudice assortie des intérêts au taux légal, depuis le 31 juillet 2019';

- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision';

- condamner la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, à payer à la société Betem Ingénierie, la somme de 3'000 euros selon les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- et condamné la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur.

Par déclaration du 25 juillet 2022 (RG n°22/04044), la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a relevé appel de ce jugement.

Par déclaration du 29 juillet 2022 (RG n°22/04150), la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a relevé appel de ce même jugement.

Par ordonnance du 24 août 2022, le magistrat chargé de la mise en état auprès de la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a ordonné la jonction de ces deux procédures sous le n°22/04044.

Par ordonnance sur requête du 8 novembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état auprès de la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a déclaré irrecevables, comme relevant de l'appréciation de la cour, les demandes d'infirmation et de confirmation du jugement déféré, la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en 'uvre d'une clause de conciliation préalable, dit que seule la cour est compétente pour statuer sur le caractère nouveau d'une demande en cause d'appel au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile, rejeté les demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société Patriarche aux dépens de l'incident.

Par conclusions du 4 décembre 2023, la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, demande à la cour, au visa des articles 48, 122 et suivants du code de procédure civile, et des articles 1103, 1231-1 et 1353 du code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions';

- infirmer le jugement querellé';

- statuant de nouveau, débouter la société Betem Ingénierie de toutes ses demandes';

- et, y ajoutant, condamner la société Betem Ingénierie à lui verser la somme de 5'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société patriarche soutient pour l'essentiel que':

- la demande de la société Betem Ingénierie formée à son encontre est irrecevable faute pour cette dernière d'avoir mis en 'uvre la clause de conciliation préalable obligatoire contenue au contrat de cotraitance';

- elle peut parfaitement présenter en cause d'appel pour la première fois cette fin de non-recevoir qui ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile';

- le litige entre la société Betem Ingénierie et elle porte manifestement sur l'étendue des droits et obligations du mandataire à l'égard d'un des cotraitants et trouve inévitablement sa source dans la convention de cotraitance conclue';

- la demande de la société Betem Ingénierie est donc irrecevable faute d'avoir était portée préalablement devant le conseil régional de l'ordre des architectes d'Aquitaine';

- sur le fond, elle n'a commis aucune faute dans la mesure où l'absence de transmission du DGD de la société Betem Ingénierie au maître d'ouvrage est dû à la propre inertie de cette dernière';

- la société Betem Ingénierie ne justifie pas de son préjudice.

Par conclusions du 9 janvier 2024, la société Betem Ingénierie demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de':

- rejeter toutes conclusions adverses comme mal fondées ou, à tout le moins, injustifiées';

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris';

- déclarer irrecevable la demande de la société Patriarche de juger son action irrecevable faute de respect de la clause de conciliation préalable, comme étant une demande nouvelle en appel et au vu de la renonciation à conciliation';

- déclarer irrecevable de plus fort, la demande de la société Patriarche de juger son action irrecevable, faute d'avoir soulevé ce moyen dès l'instance relative à la première instance';

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée, la clause litigieuse ne pouvant être qualifiée de clause de conciliation obligatoire';

- rejeter la demande de la société Patriarche de voir déclarer son action irrecevable du fait de l'inapplicabilité de la clause litigieuse';

- condamner la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes à lui verser les sommes de 56'137,48 euros TTC en réparation de son préjudice, somme à actualiser des intérêts dus au jour de la décision qui sera prononcée, et 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Elle fait valoir essentiellement que':

- le 25 mai 2016, elle a envoyé son projet de DGD à la société Patriarche afin de transmission au maître de l'ouvrage pour un montant de 53'534,29 euros;

- cependant, le maître de l'ouvrage ne lui a jamais réglé cette somme';

- le 11 octobre 2017, elle a mis à nouveau vainement en demeure le maître de l'ouvrage de lui régler cette somme ;

- elle justifie avoir transmis son projet de décompte final et de DGD à la société Patriarche'mais n'a jamais obtenu aucune réponse ;

- elle a saisi le tribunal administratif pour obtenir la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le solde de son DGD, mais sa demande a été rejetée dans la mesure où le tribunal administratif a jugé que seule la société Patriarche avait qualité pour transmettre le DGD au maître de l'ouvrage';

- l'irrecevabilité soulevée par la société Patriarche pour non-respect d'une clause du contrat n'a jamais été invoquée devant le tribunal de commerce de sorte qu'elle est une demande nouvelle en cause d'appel et donc irrecevable';

- la clause prévue à l'article 8 de la convention de cotraitance n'est pas une clause de conciliation préalable obligatoire et ne constitue donc pas une fin de non-recevoir':

- en effet, cette clause de règlement amiable n'est pas assortie de conditions particulières de mise en 'uvre, ne précise pas impérativement les conditions particulières de sa mise en 'uvre de sorte que conformément à la jurisprudence de la Haute juridiction elle est une clause de style et n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action judiciaire';

- dans tous les cas, cette clause de conciliation préalable est inapplicable au présent litige ;

- en effet, le litige concerne le CCAP et le fait que le mandataire du groupement doit adresser le projet de décompte final au maître de l'ouvrage';

il ne concerne pas la convention de cotraitance'; la convention de cotraitance ne contient pas l'obligation du mandataire d'adresser le projet de DGD au maître de l'ouvrage, qui n'est posée que par le CCAP';

- la société Patriarche, en ne procédant pas la communication de son DGD au maître de l'ouvrage, a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil.

L'ordonnance de clôture est datée du 16 avril 2024.

MOTIFS :

L'article 8 de la convention de cotraitance du 29 janvier 2007 stipule «'qu'en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte mandataire, avant toute procédure judiciaire sauf conservatoires. À défaut d'un règlement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes'».

En conséquence, la société Patriarche soutient que la demande en paiement de la société Betem Ingénierie formée contre elle est irrecevable faute pour cette dernière d'avoir mis en 'uvre la clause de conciliation préalable obligatoire contenue au contrat de cotraitance.

En réplique, la société Betem Ingénierie argue que la société Patriarche ne peut présenter une telle demande qui est nouvelle et qui est donc irrecevable en cause d'appel.

Cependant, en premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Betem Ingénierie, l'invocation par la société Patriarche de la clause de conciliation est une fin de non-recevoir qui peut être invoquée en tout état de cause y compris pour la première fois en appel (en ce sens, par exemple, 3ème civ., 7 mars 2019, n° 18-11.995).

Par ailleurs, en second lieu, si la société Betem Ingénierie poursuit le paiement d'une somme due au titre de son propre DGD, alors que le DGD de l'ensemble des membres du groupement relève des modalités de l'acte d'engagement du 14 mars 2007 constituant le marché public de maîtrise d''uvre et en particulier de celles concernant la transmission du décompte général définitif au maître de l'ouvrage, il doit être constaté que la société Betem Ingénierie ne sollicite la condamnation que de la société Patriarche, avec qui les relations sont régies exclusivement par le contrat de cotraitance du 29 janvier 2007.

À cet égard, la convention de cotraitance précise que le mandataire, en l'espèce la société Patriarche, reçoit mandat des membres du groupement pour transmettre au maître de l'ouvrage, accompagné le cas échéant de ses observations, les demandes d'acomptes et toutes communications émanant de chacun des membres (article 4. 2).

Or, la société Betem Ingénierie reproche effectivement à la société Patriarche de ne pas avoir transmis son DGD au maître d'ouvrage.

La question de la transmission du DGD de la Société Betem Ingénierie à la société Patriarche relève donc bien de la convention de cotraitance, l'acte d'engagement du 14 mars 2007 régissant exclusivement les relations entre le mandataire du groupement, à savoir la société Patriarche, et le maître de l'ouvrage.

Il en résulte que les manquements que la société Betem Ingénierie reproche à la société Patriarche consistant dans le défaut de communication de son décompte définitif au maître de l'ouvrage relèvent bien de l'exécution du contrat de cotraitance.

Enfin, et contrairement à ce que soutient également la société Betem Ingénierie, la clause de conciliation est suffisamment précise dans ses modalités et dans ses conditions de mise en 'uvre, en ce qu'elle organise avant la saisine du juge celle du conseil régional de l'ordre des architectes, de sorte qu'elle n'est nullement vague ou imprécise (dans le même sens, 3e civ., 23 mai 2019, n° 18-15.286).

En conséquence, alors en outre qu'elle ne démontre nullement que la société Patriarche aurait renoncé volontairement à la mise en 'uvre de cette clause de conciliation, et d'autre part qu'elle ne saurait utilement invoquer le principe de la concentration des moyens au cas d'espèce s'agissant d'une fin de non-recevoir pouvant être soulevée pour la première fois en cause d'appel, la demande formée par la société Betem Ingénierie doit effectivement être déclarée irrecevable faute pour cette dernière d'avoir mis en 'uvre la clause préalable de conciliation.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande formée par la S.A. Betem Ingénierie à l'encontre de la S.A.S. Patriarche,

Condamne la S.A. Betem Ingénierie aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à S.A.S. Patriarche la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/04044
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.04044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award