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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00420

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 17 juin 2024, 24/00420


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00420 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIZS



O R D O N N A N C E N° 2024 - 431

du 17 Juin 2024

SUR QUATRIEME PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [C] [U]

né le 04 Juillet 1997 à [Localité 3] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne



retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration péniten

tiaire,



Comparant par visio conférence à la demande de Monsieur le préfet des Bouches du Rhône et assisté de Maître Drissia BOUAZAOUI, avocat co...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00420 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIZS

O R D O N N A N C E N° 2024 - 431

du 17 Juin 2024

SUR QUATRIEME PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [C] [U]

né le 04 Juillet 1997 à [Localité 3] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant par visio conférence à la demande de Monsieur le préfet des Bouches du Rhône et assisté de Maître Drissia BOUAZAOUI, avocat commis d'office

Appelant,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC

Non représenté

Nous, Sylvie BOGE conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Alexandra LLINARES, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'arrêté 21 mars 2024 de MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour de 10 ans pris à l'encontre de Monsieur [C] [U],

Vu la décision de placement en rétention administrative du 29 mars 2024 de Monsieur [C] [U] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Vu l'ordonnance du 01 avril 2024 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,

Vu l'ordonnance du 30 avril 2024 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,

Vu l'ordonnance du 29 mai 2024 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours,

Vu la saisine de MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE en date du 12 juin 2024 pour obtenir une quatrième prolongation de la rétention de cet étranger,

Vu l'ordonnance du 14 juin 2024 à 10 h 52 notifiée le même jour à la même heure du juge des libertés et de la détention de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours,

Vu la déclaration d'appel faite le 14 Juin 2024 par Monsieur [C] [U] du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 16 h 11,

Vu l'appel téléphonique du 14 Juin 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 17 Juin 2024 à 10 H 30,

Vu les courriels adressés le 14 Juin 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 17 Juin 2024 à 10 H 30,

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d'audience de la Cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 10 H 30 a commencé à 10 h 50.

PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [C] [U] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [C] [U], je suis né le 04 Juillet 1997 à [Localité 3] (TUNISIE).'

L'avocat, Me Drissia BOUAZAOUI développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- une 4ème prolongation doit être exceptionnelle, la délivrance d'un laisser-passer doit intervenir à bref délai. Monsieur n'a fait aucun acte d'obstruction mais le consulat de Tunisie n'a toujours pas répondu malgré plusieurs relances de la Préfecture. La décision n'est pas fondée et la préfecture n'apporte pas la preuve de la délivrance à bref délai d'un laisser-passer.

- sur la menace à l'ordre public : le juge motive sa décision sur des faits datant de 2016, Monsieur a été condamné en 2019 et a purgé une peine de 8 ans.

- atteinte à la vie familiale : Monsieur est en France depuis 24 ans, il avait alors 3 ans. Son père est décédé en 2015 et toute sa famille vit en France, dans le Var.

- demande remise en liberté et subsidiairement, assignation à résidence.

Monsieur [C] [U] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'j'ai contesté l'OQTF, le tribunal administratif l'a confirmée et j'ai fait un recours. J'attends la date du jugement, ils ne me l'ont pas encore donnée. J'ai une copie de mon passeport. Je vous demande de me laisser sortir d'ici pour que je puisse revoir ma famille.'

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 4].

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel

Le 14 Juin 2024, à 16 h 11, Monsieur [C] [U] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 14 Juin 2024 notifiée à 10 h 52, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur les conditions d'une quatrième prolongation de la rétention administrative

Il résulte des dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes survient au cours de la troisième prolongation exceptionnelle de quinze jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par leconsulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

Les critères énoncés ci-dessus n'étant pas cumulatifs, il suffit à l'administration d'établir l'un d'eux pour justifier d'une prolongation de la rétention.

Pour l'application du dernier alinéa de l'article précité à la requête en quatrième prolongation, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public.

Dans ce contexte, la menace pour l'ordre public fait l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national. L'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public (Conseil d'Etat CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l'intérieur, B).

La commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public, mais, surtout, cette menace doit être réelle à la date considérée. Il ne s'agit donc pas de rechercher si un trouble à l'ordre public nouveau, causé par un acte distinct des précédents, est intervenu au cours de la dernière période de rétention de quinze jours. En effet, ce n'est pas l'acte troublant l'ordre public qui est recherché, mais bien la réalité de la menace.

En l'espèce, l'ordonnance critiquée retient, en premier lieu, que le trouble à l'ordre public peut être constaté et constituer une demande de prolongation en raison du parcours pénal de l'intéressé et en second lieu, que la condition de délivrance à bref délai d'un laissez-passer est également remplie.

L'intéressé soutient que les conditions prévues à l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas réunies. Il fait valoir que dans les quinze derniers jours de sa rétention, aucune action de sa part ne constitue une menace pour l'ordre public et que rien ne permet d'affirmer que la délivrance des documents de voyage interviendra à bref délai.

Le recours de l'intéressé contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 21 mars 2024, qui était motivé notamment par la menace à l'ordre public résultant de ses multiples condamnations de 2016 à 2019, a été rejeté le 8 avril 2024 par le tribunal administratif de Montpellier. L'intéressé a déposé le 18 avril 2024 une requête devant la cour d'appel de Toulouse, de sorte que cette motivation n'est pas devenue définitive.

Il ressort du casier judiciaire et de la fiche pénale de l'intéressé qu'il a été détenu du 8 février 2016 au 30 mars 2024, date de son placement au centre de rétention administrative, en exécution de plusieurs peines d'emprisonnement et qu'il a continué à commettre des actes délictueux en détention.

Après deux condamnations pour des faits commis en 2015 en matière d'infraction à la législation sur les stupéfiants (usage, transport, détention, offre ou cession), dont l'une de six mois d'emprisonnement, il a été incarcéré le 8 février 2016 et a exécuté quatre peines d'emprisonnement dont deux peines pour des faits d'une particulière gravité : peine de quatre ans d'emprisonnement prononcée le 5 mai 2017 par le tribunal correctionnel de Toulon pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, escroquerie et tentative d'escroquerie commis le 6 février 2016, peine de huit ans d'emprisonnement prononcée le 16 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance, vol aggravé par deux circonstances, extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, fonds, valeur ou bien, vol aggravé par trois circonstances, escroquerie et extorsion au préjudice d'une personne vulnérable commis du 14 au 15 janvier 2016. Les derniers délits ont été commis au cours de sa détention le 31 janvier 2017 (rébellion et outrage à personne dépositaire de l'autorité publique).

Le parcours pénal de Monsieur [C] [U] caractérise l'ancrage dans la délinquance de l'intéressé, la gravité des faits sanctionnés à deux reprises par de lourdes peines d'emprisonnement et l'absence de désistance de faits délictueux au cours de sa détention.

Au vu de ces éléments, la menace à l'ordre public est réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'intérêt fondamental de la société.

Ce motif suffit à ordonner la quatrième prolongation au visa de l'article précité.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 17 Juin 2024 à 14 h 26.

Le greffier, Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00420
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;24.00420 ?
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