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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00418

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 17 juin 2024, 24/00418


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00418 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIZO



O R D O N N A N C E N° 2024 - 429

du 17 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur X se disant [T] [J]

né le 05 Octobre 1999 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

de nationalité Algér

ienne



retenu au centre de rétention de [Localité 8] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté p...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00418 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QIZO

O R D O N N A N C E N° 2024 - 429

du 17 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur X se disant [T] [J]

né le 05 Octobre 1999 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

retenu au centre de rétention de [Localité 8] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant et assisté par Maître Julie SERRANO, avocat commis d'office

Appelant,

et en présence de [K] [B], interprète assermenté en langue arabe,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT

[Adresse 7]

[Localité 1]

Non représenté,

2°) MINISTERE PUBLIC

Non représenté

Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 19 août 2023 de MONSIEUR LE PREFET DE POLICE DE [Localité 6] portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour de 24 mois pris à l'encontre de Monsieur X se disant [T] [J] ;

Vu la décision de placement en rétention administrative du 11 juin 2024 de Monsieur X se disant [T] [J] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu la requête de Monsieur X se disant [T] [J] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 12 juin 2024 ;

Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT en date du 12 juin 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur X se disant [T] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;

Vu l'ordonnance du 14 Juin 2024 à 9 h 17 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur X se disant [T] [J],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [T] [J] , pour une durée de vingt-huit jours,

Vu la déclaration d'appel faite le 14 Juin 2024, par Maître Julie SERRANO, avocat, agissant pour le compte de Monsieur X se disant [T] [J], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 14 h 19,

Vu les courriels adressés le 14 Juin 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 17 Juin 2024 à 10 H 30,

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier

L'audience publique initialement fixée à 10 H 30 a commencé à 10 h 37.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Assisté de [K] [B], interprète, Monsieur X se disant [T] [J] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [T] [J], je suis né le 05 Octobre 1999 à [Localité 5] (ALGÉRIE). Je n'ai pas de passeport. J'ai vu un médecin il y a 2 jours, il m'a donné un traitement.'

L'avocat, Me Julie SERRANO développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- tardiveté de la notification des droits en garde à vue : placement en garde à vue à 18 heures, arrivée au commissariat à 18 h 40, notification à 19 h 57.

- absence d'indication du nom de l'interprète sur la notification de l'arrêté de placement.

- absence d'examen de vulnérabilité. Monsieur a eu une blessure à l'arme blanche en février 2024 qui le fait encore souffrir.

- atteinte à la vie privée et familiale. Monsieur vit chez son cousin, il a dit vivre dans un squatt par peur. Il vit chez son cousin avec sa compagne depuis 18 mois. Il est rentré en France il y a plus de 5 ans et n'a plus d'attaches en Algérie. Demande assignation à résidence.

Assisté de [K] [B], interprète, Monsieur X se disant [T] [J] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'mon état de santé n'est pas bon. Je souhaiterais que vous me libériez.'

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 8] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel

Le 14 Juin 2024, à 14 h 19, Maître Julie SERRANO, avocat, agissant pour le compte de Monsieur X se disant [T] [J] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 14 Juin 2024 notifiée à 9 h 17, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l'appel

Sur la régularité de la procédure

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).

Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clöture des débats.

Sur l'exception de nullité pour notification tardive des droits en garde à vue

L'article 63-1 du code de procédure pénale dispose que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de ses droits par un officier de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire énonçant ses droits.

Tout retard dans la notification des droits doit être justifié par une circonstance insurmontable et un retard non justifié par de telles circonstances dans la notification des droits porte nécessairement grief au gardé à vue.

De jurisprudence constante, le délai concernant les diligences précitées ne court qu'à compter de la présentation à l' officier de police judiciaire (Crim., 24 octobre 2017, pourvoi n°17-84.627 ).

Il ressort de la procédure les éléments suivants :

- l'intéressé a été interpellé le 10 juin 2024 à 18 heures 00 [Adresse 2] à [Localité 3], puis présenté à l'officier de police judiciaire au commissariat de police [Adresse 4] à [Localité 3] à une heure non précisée à 18 heures 40,

- à 18 heures 40, l'officier de police judiciaire constate qu'il 'déclare ne pas comprendre le français, vouloir un interprète' et rédige un procès-verbal de notification différée des droits,

- une réquisition à interprète est effectuée à une heure non précisée,

- à 19 heures 55, la notification des droits est réalisée par le truchement d'un interprète présent au service.

Compte tenu du délai de route du lieu d'interpellation au commissariat de police, puis de celui de l'interprète pour se présenter au service de police, le délai de moins de deux heures (1 heure 55 depuis sa présentation à l'officier de police judiciaire) pour notifier les droits n'est pas excessif.

L'exception de nullité sera donc rejetée.

Sur l'absence d'indication du nom de l'interprète sur la notification de l'arrêté de placement en rétention

En application de l'article L. 141-3 du CESEDA, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

C'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a rejeté cette exception de nullité en relevant que si le nom de l'interprète intervenant par téléphone par le biais d'AFTCOM n'est pas précisé sur cet acte, son nom apparait sur le registre du centre de rétention et les autres notifications effectuées à l'arrivée au centre de rétention et que l'absence de précision du nom ne fait pas grief à l'intéressé qui a reçu la traduction de ces doculmens et a pu exercer ses droits.

Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention

Sur l'absence de prise en compte de l'état de vulnérabilité

L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention».

Le contrôle du juge des libertés et de la détention porte sur la réalité de l'appréciation de la situation de vulnérabilité par l'administration. Par ailleurs, rien n`interdit de placer en rétention administrative une personne présentant une maladie ou un handicap ou toute autre vulnérabilité mais le préfet doit prendre en considération cet état dans sa décision pour éventuellement déterminer les conditions de sa rétention administrative.

Lors de son audition le 10 juin 2024, l'intéressé a déclaré avoir été victime d'une agression au couteau il y a environ trois mois et être suivi depuis par le docteur [E] à [Localité 3]. Il n'a pas sollicité d'exament médical lors de sa garde à vue.

La décision de placement en rétention en date du 11 juin 2024 reprend ces déclarations. Elle précise qu'il ne justifie pas que son état de santé est incompatible avec une rétention et que le médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative l'examinera à son entrée et pourra lui délivrer un traitement à son arrivée.

Le préfet a donc pris en considération explicitement la situation médicale de Monsieur X se disant [T] [J] résultant de ses déclarations concernant une blessure ancienne de plus de trois mois.

Monsieur X se disant [T] [J] précise à l'audience avoir rencontré le médecin du centre de rétention 'il y a deux jours', qui lui a prescrit un traitement qui ne soulage pas suffisamment ses douleurs.

S'il appartient au juge de vérifier que la décision de placement en rétention a pris en compte l'état de vulnérabilité de l'étranger et que cet état est compatible avec la poursuite de la mesure au regard des pièces produites au dossier et des droits liés à la protection de la santé précités, une juridiction ne saurait se substituer aux instances médicales et administratives qui seules assurent la prise en charge médicale durant la rétention administrative et apprécient les actes à accomplir.

Comme relevé par le premier juge, le courrier du docteur [X] à son confrère, le docteur [E], du 8 février 2024 indique notamment que 'les suites de l'opération ont été simples' avec prescription d'antalgiques et 'pas de RDV de contrôle à titre systématique'.

Monsieur X se disant [T] [J] ne démontre pas que son état de santé, pris en charge médicalement au centre de rétention, soit incompatible avec son maintien en rétention.

Il convient de rejeter ce moyen.

Sur l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale et la demande d'assignation à résidence

L'article L 743-13 du CESEDA'dispose :' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»

En l'espèce, l'intéressé, qui n'a pas contesté l'arrêté de placement en rétention sur une erreur d'apprécation concernant sa vie privée et familiale, a initialement déclaré être célibataire et vivre dans un squatt à [Localité 3]. Il fait valoir qu'il a menti lors de son audition et réside chez un cousin à [Localité 3] avec sa compagne. Il sollicite son assignation à résidence au domicile de son cousin et a remis des justificatifs à cet effet devant le premier juge.

Monsieur X se disant [T] [J] ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des articles L 612-2 et L 612-3 du ceseda. En effet, il s'est soustrait à la mesure d'éloignement prise le 19 août 2023 notifiée le même jour et ne dispose d'aucun document d'identité, précisant que son passeport est resté en Algérie.

L'assignation à résidence ne peut en conséquence être ordonnée.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer la décision déferée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 17 Juin 2024 à 12 h 15.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00418
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;24.00418 ?
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