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11/06/2024 | FRANCE | N°24/00412

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 11 juin 2024, 24/00412


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00412 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QITX



O R D O N N A N C E N° 2024 - 422

du 11 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [I] [F]

né le 24 Avril 1994 à [Localité 3] (NIGERIA)

de nationalité Nigeriane



retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant par visio conférence à la d...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00412 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QITX

O R D O N N A N C E N° 2024 - 422

du 11 Juin 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [I] [F]

né le 24 Avril 1994 à [Localité 3] (NIGERIA)

de nationalité Nigeriane

retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant par visio conférence à la demande de Monsieur le préfet de l'Aveyron et assisté par Maître Christopher POLONI, avocat commis d'office

Appelant,

et en présence de [E] [G], interprète assermenté en langue anglaise,

D'AUTRE PART :

1°) MONSIEUR LE PREFET DE L'AVEYRON

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non représenté

2°) MINISTERE PUBLIC

Non représenté

Nous, Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024, et plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 5 avril 2024 de MONSIEUR LE PREFET DE L'AVEYRON portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour d'une durée d'un an pris à l'encontre de Monsieur [I] [F] ;

Vu la décision de placement en rétention administrative du 6 juin 2024 de Monsieur [I] [F] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu la requête de Monsieur [I] [F] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 7 juin 2024 ;

Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DE L'AVEYRON en date du 7 juin 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [I] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;

Vu l'ordonnance du 08 Juin 2024 à 15 h 08 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [I] [F],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [I] [F] pour une durée de vingt-huit jours ;

Vu la déclaration d'appel faite le 10 Juin 2024 par Monsieur [I] [F] du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 12 h 37,

Vu les courriels adressés le 10 Juin 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE L'AVEYRON, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 11 Juin 2024 à 09 H 30,

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle de visio conférence du centre de rétention de Perpignan, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier

L'audience publique initialement fixée à 09 H 30 a commencé à 9 h 20.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Assisté de [E] [G], interprète, Monsieur [I] [F] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [I] [F], je suis né le 24 Avril 1994 à [Localité 3] (NIGERIA). Je ne veux pas rentrer dans mon pays, je veux voir mes enfants. J'ai 3 enfants, ils venaient tous les trois me voir en prison. C'est l'assistante sociale qui me les amenait. Maintenant, elle m'a donné une adresse où je pourrai les voir, elles les amènera encore. En fait, je n'ai qu'un enfant, les deux autres sont ceux de ma femme mais je les ai élevés comme les miens et ils venaient me voir en prison.'

L'avocat, Me Christopher POLONI développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- erreur dans la notification des voies de recours qui mentionnent le TA de [Localité 5]. Cela a causé grief au retenu qui n'a pu contester immédiatement la décision : rétention injustifiée.

S'en rapporte sur les autres moyens.

Monsieur le représentant de MONSIEUR LE PREFET DE L'AVEYRON ne comparait pas mais a fait parvenir un mémoire tendant à voir confirmer l'ordonnance déférée.

Assisté de [E] [G], interprète, Monsieur [I] [F] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je n'ai rien à ajouter.'

Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 4] avec l'assistance d'un interprète en langue anglaise à la demande de l'étranger retenu.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel

Le 10 Juin 2024, à 12 h 37, Monsieur [I] [F] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de du 08 Juin 2024 notifiée à 15 h 08, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l'appel

Sur l'erreur relative aux voies de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative

Monsieur [I] [F] fait valoir que l'arrêté de placement en rétention administrative mentionne qu'il peut exercer une voie de recours devant le tribunal administratif de Toulouse alors que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan était compétent.

Il ne tire cependant aucun grief de cette erreur dans la mesure où il a pu déposer une requête en contestation de la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative dans les délais légaux et que sa requête a été jugée recevable.

Sur le défaut de motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention

Monsieur [I] [F] soutient que l'ordonnance querellée est insuffisamment motivée et ne répond pas aux moyens soulevés relatifs à la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Ce moyen ne saurait prospérer dans la mesure où le juge des libertés et de la détention y consacre un paragraphe et rejette le moyen soulevé.

Il y a donc lieu de rejeter ce moyen.

Sur le défaut d'examen individuel et sérieux de la situation personnelle de l'appelant et la violation des articles 3 et 8 de la CESDH et 3 de la convention internaitonale des droits de l'enfant

L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme prévoit 'Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. '

Enfin, l'article 3 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 dispose que 'dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale'.

Selon l'article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, 'nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants'.

Monsieur [I] [F] reproche à l'autorité administrative de ne pas avoir respecté ces différents textes en édictant l'arrêté de placement en rétention administrative du 6 juin 2024. Il indique qu'elle n'a pas tenu compte du fait qu'il était père de trois enfants mineurs dont deux rencontrent des problèmes de santé.

Il convient cependant de relever qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Rodez le 26 janvier 2024 à une peine de huit mois d'emprisonnement pour des faits de violences sur conjoint en présence d'un mineur. Il a également à ce titre interdiction de rencontrer la victime. Il déclare qu'il a vu les enfants (dont deux d'entre eux sont issus d'une union précédente de la mère) en visite médiatisée lorsqu'il était incarcéré et que des visites médiatisées doivent avoir lieu maintenant qu'il est libéré. Il est constant en tout cas que du fait de son incarcération et de l'évolution récente de la situation familiale résultant de son incarcération, il ne participe pas à la prise en charge médicale des enfants.

En outre, il importe de rappeler que le placement en rétention administrative ne constitue pas, en soi, une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale édicté par l'article 8 de la CESDH, ni aux droits de l'enfant tels que prévus par l'article 3 de la convention de New York, laquelle résulte le cas échéant de la mesure d'éloignement.

Or, la contestation de la mesure d'éloignement ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais de celle du juge administratif.

En outre, s'agissant de la violation de l'article 3 de la CESDH, ce moyen ne repose que sur les déclarations de l'intéressé qui fait valoir un risque de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, le Nigéria. Sa demande d'asile a été refusée par la CNDA, de sorte que ce risque a déjà été étudié par l'institution compétente.

Les moyens seront donc rejetés.

Au vu de ce qui précède, i, y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons les exceptions de nullité et moyens soulevés,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 11 Juin 2024 à 10 heures 35.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 24/00412
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;24.00412 ?
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