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06/06/2024 | FRANCE | N°22/00974

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 06 juin 2024, 22/00974


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 06 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00974 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKHO



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 janvier 2022 r>
Tribunal judiciaire de Montpellier

N° RG 19/02251





APPELANT :



Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Claire TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant





INTIMEE :



S....

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 06 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00974 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKHO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 janvier 2022

Tribunal judiciaire de Montpellier

N° RG 19/02251

APPELANT :

Monsieur [H] [U]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Claire TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

S.A. Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, Société Anonyme à Directoire et à Conseil d'Orientation et de Surveillance au capital de 370 000 000,00 euros, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 383.451.267, prise en la personne de son Président du Directoire en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [H] [U], détenteur d'un compte bancaire à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, a été victime d'une escroquerie entre décembre 2016 et août 2017.

Il a été contacté fin 2016, par téléphone, par un certain [J] [Y], se présentant comme « trader » de la Société «Barclays Traders », société de trading boursier établie à [Localité 7], qui lui a proposé d'investir des sommes d'argent sur un site dédié, avec une rentabilité garantie de 10 à 14 %.

Entre le 15 décembre 2016 et le 24 juin 2017, M. [U] a effectué 6 virements à destination de deux comptes étrangers pour un montant total de 95 307,40 €.

Le 18 juillet 2017, le compte en ligne de M. [U] chez Barclays Traders a affiché une « balance » de 1 460 198,43 €.

M. [U] a alors effectué une demande de retrait à hauteur de 250 000 € le jour même, qu'il réitérait le lendemain, en vain.

C'est alors que M. [U] a réalisé qu'il avait été victime d'une escroquerie, la société Barclays Traders faisant partie de la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) depuis le 17 juin 2016.

Il a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 8] le 16 août 2017, puis avec constitution de partie civile le 8 mars 2019.

Parallèlement, le 1er mars 2018, M. [U] a adressé une mise en demeure à la Caisse d'épargne, sollicitant une indemnisation équivalente au montant des sommes dont il avait été dépossédé, en vain.

C'est dans ce contexte que par acte du 17 avril 2019, M.[U] a assigné la Caisse d'épargne aux fins d'obtenir paiement.

Par jugement contradictoire du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de la Caisse d'épargne ;

Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

' Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

' Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

' Condamné M. [U] aux dépens.

Le 18 février 2022, M. [U] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 12 mars 2024, M. [U] demande à la cour, sur le fondement des articles 1104 et suivants, 1217, 1231 et suivants et 1240 du code civil, des articles L561-1 et suivants et R. 561-38 du code monétaire et financier, de :

Réformer et infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Juger que la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a failli à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde ;

Juger que la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a failli à son obligation de vigilance;

Juger que la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon a engagé sa responsabilité en lui consentant un crédit de 25 000 € et en effectuant les virements suivants au débit de son compte bancaire pour un montant de 95 307,40 € :

15/12/2016 : 2 200 € ;

04/02/2017 : 10 000 € ;

24/03/2017 : 10 907,50 € ;

03/05/2017 : 25 199,90 € ;

31/05/2017 : 10 000 € ;

24/06/2017 : 37 000 € ;

En conséquence, condamner la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon à lui payer la somme de 95 307,40 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018, date de la mise en demeure de M. [U] adressée à la banque ;

Condamner la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 11 mars 2024, la Caisse d'épargne demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris ;

Débouter M. [U] de son appel et de l'ensemble de ses prétentions ;

Condamner M. [U] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la responsabilité du banquier

M. [U] fonde son action indemnitaire à l'encontre de sa banque sur le manquement à ses obligations d'information, de conseil, de mise en garde et de vigilance, à deux égards :

Selon lui, la banque aurait dû déceler l'anomalie apparente figurant sur les relevés d'identité bancaire (RIB) qu'il avait fournis, et aurait dû l'alerter ;

Il lui reproche par ailleurs de l'avoir financé à hauteur de 25000 € dans le cadre d'un emprunt destiné à être investi sur la plate-forme Barclays Traders.

- Sur les virements litigieux

Le banquier du donneur d'ordre doit vérifier l'absence d'anomalie flagrante attirant l'attention d'un professionnel normalement vigilant. Ainsi, le fait que le montant du virement soit exceptionnel au regard de la pratique habituelle du client, constitue une alerte qui doit conduire la banque à demander des instructions (Cass. com. 31 janvier 2017, n° 15-17.498).

En l'espèce, M. [U] soutient que ce n'est pas le bénéficiaire du virement, mais l'en-tête des RIB qui constitue une « anomalie apparente », puisque y figure le logo « Barclays Traders », société inscrite sur la « liste noire » de l'autorité des marchés financiers (AMF) depuis plus de 6 mois avant les faits litigieux. Il précise qu'un employé de banque normalement diligent aurait dû déceler la présence de ce logo, compte tenu de ce que la Banque est le premier acteur informé des listes noires diffusées par l'AMF.

Il convient, tout d'abord, de noter que le communiqué de l'AMF du 17 juin 2016 « met en garde » le public contre les activités de plusieurs sites Internet identifiés comme proposant en France des options binaires, sans y être autorisés, notamment le site www.barclaystraders.com (pièce n° 14).

Par ailleurs, les virements litigieux n'ont pas été directement effectués vers la société « Barclays Traders » : ils l'ont été en faveur de sociétés détentrices de comptes bancaires dans des banques étrangères, à savoir :

la « DSK Bank Ead » en Bulgarie ;

et la « Caixa Gerak de depositos au Portugal ».

Or, ces deux banques (ni les comptes des bénéficiaires des virements litigieux) ne sont pas répertoriées par l'autorité de régulation comme non agrées.

Il n'est pas contesté que les deux comptes correspondent aux identifiants renseignés par M. [U].

Ainsi, ce n'est que la présence du logo de la société « Barclays Traders » sur les RIB qui pourrait permettre à M.[U] de rapporter la preuve que la banque a manqué à son devoir de détecter les anomalies apparentes. Or, la circonstance que M.[U] a remis, en vue des virements litigieux, les RIB communiqués par « Barclays Traders » à son entête, ne résulte que de ses seules affirmations.

Aucune anomalie apparente n'est donc démontrée au niveau des RIB.

M. [U] tente également de démontrer que la banque aurait dû s'étonner du caractère « inhabituel » de ces opérations de virements d'un montant conséquent à destination de l'étranger. Il s'offusque que le premier juge ait pu le qualifier comme un habitué des opérations de spéculations en ligne.

Toutefois, la cour observe, à l'instar du premier juge, que les virements litigieux ont été effectués par la banque conformément aux demandes de M. [U]. Il ne s'agit pas d'une opération «isolée» mais de plusieurs ordres de virements sur une période de 6 mois : ce sont donc des opérations réitérées réalisées par M.[U] qui démontrent sa volonté de réaliser des opérations de trading en ligne dans la durée.

Les éléments versés au débat ne font donc apparaître aucune faute de la banque dans le respect de ses devoirs de vigilance et de diligence.

- Sur le caractère fautif du financement de 25 000 € par la Caisse d'Epargne

M. [U] reproche à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon d'avoir faussement mentionné en objet du prêt de 25 000 euros : « Type de crédit : Crédit à la consommation : Prêt personnel non affecté ». Selon lui, l'emprunt consistait en un financement affecté, destiné aux investissements de M. [U] via « Barclays Traders », ce que la Caisse d'Epargne de Gigean savait pertinemment, puisqu'il déclare avoir fait part de ses intentions à son agence lors de la demande de prêt.

Toutefois, cette affirmation n'est pas prouvée par M. [U].

Dans ces circonstances, le tribunal a exactement jugé qu'aucun défaut d'information, de conseil et de mise en garde ne pouvait être retenu à la charge de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [H] [U] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [U] aux dépens d'appel,

Condamne M. [H] [U] à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00974
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.00974 ?
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