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06/06/2024 | FRANCE | N°22/00921

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 06 juin 2024, 22/00921


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 06 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00921 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKEF



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05

novembre 2021

Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 11-20-000209





APPELANT :



Monsieur [E] [J]

né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Marjorie AGIER, avocat au bareau de MONTPELLIER, substituant Me Harald KNOEPFFLER, avocat au barreau d...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 06 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00921 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKEF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 novembre 2021

Tribunal judiciaire de Perpignan - N° RG 11-20-000209

APPELANT :

Monsieur [E] [J]

né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Marjorie AGIER, avocat au bareau de MONTPELLIER, substituant Me Harald KNOEPFFLER, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant présent sur l'audience

INTIMEE :

S.A. La Banque postale société anonyme à direction et conseil de surveillance, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 421 100 645 prise en la personne de ses dirigeants sociaux en exercice

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Fanny LAPORTE substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substituant sur l'audience Me Jean-Philippe GOSSET de la SELARL Cabinet GOSSET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [J] est titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la SA La Banque postale.

M. [J] expose avoir été victime de prélèvements frauduleux par le biais de sa carte bancaire les 15 et 20 octobre 2018. Il constate que son compte courant a été débité de la somme de 2 067 € suite à trois opérations d'achat en ligne sur le site Boulanger.

Le 6 novembre 2018, il soutient avoir informé la banque et sollicité une demande de remboursement. Le 15 janvier 2019, par courrier, la Banque postale lui a indiqué ne pas faire droit à sa demande estimant que la responsabilité de son client n'était pas écartée.

Le 24 janvier 2019, par correspondance, M. [J] a mis en demeure la banque de procéder à la restitution des fonds, sans succès.

Les 5 et 12 février 2019, la Banque postale a informé M.[J] du solde débiteur de son compte et l'a invité à régulariser sa situation attirant son attention sur le risque de fichage au FICP (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers).

Le 11 mars 2019, par lettre, la banque a confirmé son refus de restituer les paiements litigieux.

Le 17 juin 219, par lettre recommandée avec accusé de réception au 1er juillet, le conseil de M. [J] a mis une énième fois en demeure la SA Banque postale de procéder au remboursement des sommes.

Le 9 septembre 2019, la Banque postale a maintenu sa position mais, à titre commercial, a offert de recréditer le compte de M. [J] à hauteur de 1 033,50 €. Le 11 septembre 2019, le virement a été effectué.

Le 16 octobre 2019, le compte de M. [J] a été clôturé.

Le 23 octobre 2019, M. [J] s'est vu notifier par la Caisse d'Epargne son inscription au FCC et son interdiction bancaire.

C'est dans ce contexte que par acte du 30 janvier 2020, M.[J] a fait assigner la SA La Banque postale aux fins d'obtenir paiement.

Par jugement contradictoire du 5 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Condamné la SA La Banque postale à payer à M. [J] la somme de 1 033,50 € ;

Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;

Condamné la SA La Banque postale à payer à M. [J] la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SA La Banque postale aux entiers dépens.

Le 15 février 2022, M. [J] a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 12 septembre 2022, M. [J] demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la banque à lui verser une somme de 1 033,50 €, 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau, de :

Débouter la SA Banque postale de l'intégralité de ses demandes au titre de la restitution des fonds frauduleusement prélevés sur son compte bancaire ;

Condamner la SA Banque postale à verser à M. [J] :

2 000 € au titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral pour clôture abusive du compte ;

2 000 € en indemnisation de son préjudice financier à la suite de la clôture abusive du compte ;

Condamner la SA Banque postale à verser à M. [J] 3 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dire et juger que toujours sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le requis sera tenu à procéder au remboursement de toutes sommes qui pourraient être mises à la charge de la requérante en application des dispositions du décret n°2001-212 du 8 mars 2001.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 5 mars 2024, la SA Banque postale demande en substance à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

Recevoir la Banque postale en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée ;

Juger que M. [J] est défaillant à démontrer le caractère prétendument non autorisé des 3 opérations de paiement en ligne d'un montant total de 2 067 € effectuées via le service '3D-Secure' ;

Juger que M. [J] a fait preuve d'une particulière négligence de nature à exonérer la Banque postale de toute éventuelle responsabilité ;

Juger que la Banque postale n'a pas procédé à la clôture abusive du compte de M. [J] ;

Juger, en conséquence, que la Banque postale n'a commis aucun manquement légal ou contractuel de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de M. [J] ;

Juger que M. [J] ne fait l'objet d'aucune inscription au FICP. Juger en revanche que M. [J] est seul responsable de son inscription au FCC ;

Débouter, en conséquence, M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause, condamner M. [J] à verser à la Banque postale la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mars 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Si, aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c'est à ce prestataire qu'il incombe, par application des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du même code, de rapporter la preuve que l'utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations. Cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.

Tel est l'enseignement de l'arrêt de la Cour de cassation Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.102, Bull. 2017, IV, n° 6.

Les trois opérations litigieuses sont datées des 15 octobre 2018 (859 € et 349 €) puis 20 octobre 2018 (859 €).

M. [J], utilisateur de services de paiement (l'utilisateur) en a avisé sans tarder le prestataire de services de paiement (le prestataire) par courrier du 6 novembre 2018, délai raisonnable et en tout état de cause inférieur au délai de treize mois de la date du débit édicté à l'article L. 133-24 alinéa 1er du code monétaire et financier.

Il doit être immédiatement constaté que ces opérations litigieuses sont antérieures à l'entrée en vigueur prévue initialement en septembre 2019 de la Directive sur les services de paiement 2 prévoyant l'authentification forte, le service 3D-secure mis en oeuvre en l'espèce par le prestataire de services de paiement n'ayant à satisfaire à l'époque qu'aux exigences beaucoup moins contraignantes de la Directive sur les services de paiement 1.

Les principes rappelés par l'arrêt du 18 janvier 2017 commandent donc de s'interroger non sur la fiabilité absolue du système 3D-Secure que le prestataire institue en dogme qu'à la preuve qui lui incombe d'établir que M. [J] a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations.

Le prestataire soutient alors le moyen que si les opérations litigieuses n'ont pas été effectuées par M. [J] -excluant ainsi toute action frauduleuse- celui-ci a fait preuve d'une particulière négligence quant à son obligation de conservation et de surveillance de ses moyens de paiement et a manqué à ses obligations contractuelles.

A l'égard de son obligation de surveillance de ses moyens de paiement, la cour a précédemment retenu que M. [J] avait avisé la banque sans tarder, un délai de 20 jours n'ayant aucun caractère déraisonnable sauf à imposer à tout titulaire de compte un délai quotidien, voire hebdomadaire au pire, de consultation de son compte.

La cour est en recherche pour le surplus de l'argumentation de la banque de démonstration d'un manquement de M. [J] dans le respect de ses obligations contractuelles, notamment celles issues de l'article III.2 des conditions générales qui édictent la consistance du système 3D-Secure. A aucun moment, le prestataire n'établit que M. [J] aurait failli en mettant son téléphone à disposition d'un tiers malveillant, lequel peut disposer de moyen de captation du code de sécurité à usage unique. Quand bien même les opérations litigieuses auraient elles fait l'objet d'une authentification par le système 3D-Secure, la preuve n'est pas établie de la particulière négligence de M. [J] qui n'aurait pas préservé la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnelle, la preuve ne pouvant se déduire de l'utilisation effective du moyen de paiement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné le prestataire au paiement de la somme de 1033,50 €, solde après remboursement à titre commercial de l'autre moitié des opérations contestées.

Sur la clôture abusive du compte

Si la cour peut comprendre que le refus opposé par le prestataire a pu conduire M. [J] à changer de banque au profit de la Caisse d'Epargne qui lui a notifié son interdiction d'émettre des chèques le 23 octobre 2019, la cour, à l'instar du premier juge ne peut que constater au vu du courrier de la Banque postale du 20 août 2019 non démenti ni contesté, que c'est bien M. [J] qui a demande à bénéficier de la mobilité bancaire, de telle sorte qu'il n'est justifié d'aucune clôture abusive de son compte, sa réclamation indemnitaire formulée et au titre du préjudice moral et au titre du préjudice financier ayant été alors justement rejetée en première instance.

Sur l'inscription au FICP

A l'instar du premier juge, la cour constate que le seul fichage dont il est justifié est celui au fichier central des chèques le 17 octobre 2019, lequel résulte de l'émission de sept chèques postérieurement à la clôture du compte, sans lien de causalité directe avec le refus de rembourser les sommes contestées.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Partie globalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la Banque postale supportera les dépens d'appel.

Aucune circonstance démontrée ne commande de déroger, voire contourner les dispositions du décret 2001-212 du 8 mars 2021 en ne laissant pas à la charge du créancier le droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SA La Banque postale aux dépens d'appel,

Déboute M. [J] de sa demande au titre du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement,

Condamne la SA La Banque Postale à payer à M. [E] [J] la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00921
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.00921 ?
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